01mar 05

82 parlementaires socialistes s'abstiennent

Après le vote par le sénat dans les mêmes termes que l'Assemblée nationale, le projet de révision constitutionnelle a été soumis le lundi 28 février au Congrès du Parlement, qui réunit l'Assemblée nationale et la Sénat. Afin de manifester leur refus de la Constitution européenne sans pour autant exprimer un vote négatif qui aurait pu être interprété comme une volonté d'empêcher le référendum, 82 parlementaires socialistes se sont abstenus. Une manifestation solennelle et d'envergure de l'existence d'un « Non socialiste » à la Constitution européenne. Quelques jours avant ce vote, j'ai expliqué les raisons de mon abstention devant le Sénat. 25 sénateurs du groupe socialiste ont fait le même choix que moi.

Explication de vote sur la révision constitutionnelle

Le Sénat vient de mener un débat de haut niveau à l'occasion de l'examen du texte visant à rendre la Constitution française compatible avec le projet de Constitution européenne. Nos échanges ont permis de mettre en relief la difficulté qu'il y a à s'accorder sur la signification effective de nombre des dispositions contenues dans le texte européen. Les interventions contradictoires des plus éminents juristes de notre assemblée ont bien souligné ce point. En matière de laïcité comme de droit du travail nous avons constaté que le risque d'une contradiction d'interprétation avec les Cours de justice européenne existait et que dans l'hypothèse ou elle se manifesterait, ce serait, selon le rapporteur de la commission des lois, une crise européenne majeure sans qu'aucun moyen de règlement soit prévu, sinon de menacer de quitter l'Union comme l'a suggéré le rapporteur. En la matière, la vérité ultime sera donnée par la vie elle-même, dans l'histoire politique concrète, davantage que dans la logique des joutes juridiques.

On comprend donc que ces contradictions d'interprétation traversent aussi nos formations politiques. Quoiqu'il en soit, l'ampleur de l'enjeu pour l'avenir de notre patrie républicaine comme pour la construction européenne exige de nous à cette heure comme demain de chaque français une décision d'une singulière gravité. En République, la démocratie n'a pas pour objet de dire chacun pour soi ce qui est bon pour soi mais de définir ce que l'on croit bon pour tous. Ce sera ici pour chacun d'entre nous comme bientôt pour l'ensemble des Français dans l'isoloir une décision personnelle de grande conséquence. Elle impliquera ce moment de notre histoire comme pour de très nombreuses années puisque les dispositions prévues par la partie IV de la Constitution européenne rendent sa révision quasiment impossible.

Puissent nos travaux avoir incité nos concitoyens à mesurer l'importance de leur intervention dans la décision qui doit être prise. Puisse l'abstention être aussi faible que possible. C'est l'intérêt général pour que la décision référendaire ait la plus grande force pour nous même Français et en Europe. Mieux vaudrait que le non ou le oui soit franc et massif pour que les français puissent assumer fermement les rudes conséquences de l'une ou de l'autre de ces réponses en connaissance de cause.

On a pu constater combien il sera difficile de se faire un avis compte tenu de l'extrême complexité, longueur et confusion de ce texte. Sur ce point aussi je mets en cause le processus Constituant qui a conduit à ce résultat. La méthode qui a prévalu n'est conforme à la tradition démocratique d'aucun des 25 peuples qui forment l'Union Européenne. Engagé par la tenue d'une Convention non élue à cet effet, il se conclue par l'injonction de donner une seule réponse pour 448 articles, 36 protocoles, 2 annexes, 48 déclarations et plusieurs dizaines de commentaires du praesidium de la Convention le tout n'ayant jamais fait l'objet de débats publics et certaines parties du texte n'ayant jamais été discutée par la Convention elle-même ! Le résultat aboutit a constitutionnaliser une politique économique ce qui est un fait sans précédent dans l'histoire de notre République comme dans celle de tous les pays de la vieille Europe. Il nous demande de considérer que le principe de « concurrence libre et non faussée » devienne la valeur suprême de la communauté politique européenne. Dans le détail, ce texte, tel que je le lis, et avec moi nombre d'hommes et de femmes de gauche, contredit les objectifs sociaux et démocratiques que nous visons dans la construction européenne.

Ce n'est pas l'analyse de la majorité de ma formation politique. Cette contradiction douloureuse ne me fera oublier à aucun moment qui est responsable de toute cette situation. Qui a accepté cette Convention a-démocratique ? Qui ensuite a si mal négocier les positions de principe françaises ? Qui a accepté l'introduction dans la Constitution de l'interdiction de l'harmonisation sociale et salariale par la voie législative ou réglementaire en Europe ? Qui a accepté que la Charte des droits fondamentaux soit soumise au respect des principes économiques de la partie III et qu'elle ne « crée aucune tache ni compétence nouvelle pour l'Union ? » selon les termes même du texte ? Le chef de l'état, le président de la République. Qui nous demande d'approuver cette Constitution tout en faisant des propositions dans l'arène nationale et internationale qui sont interdites par ce même texte ? Car c'est bien ce que nous avons vu lorsque le président Jacques Chirac a proposé récemment la taxation des mouvements de capitaux ou de relancer une politique industrielle volontariste. Sa responsabilité est donc totalement et personnellement engagée par la question qu'il pose aux Français. Il me semble que la tradition de la cinquième république en matière de référendum s'impose d'abord à ceux qui en sont les héritiers et les partisans selon le modèle de comportement qu'en a donné son fondateur. En cette matière comme s'agissant de la construction européenne, le futur immédiat est tout politique. Le futur ce ne sera pas ce qui va arriver mais ce que nous en ferons. Tel est d'ailleurs l'idéal démocratique des républicains. Les dés en sont jetés !


Aucun commentaire à “Congrès du Parlement à Versailles sur la Constitution européenne”
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  1. PSF dit :

    bonjour,
    en fait il n'y a rien à débattre, il faut refuser tout projet de constitution.
    Il faut être un sacré idéaliste pour croire que la constitution sera pour les peuples et dans une perspective progressiste. D'un point de vue historique, nous sommes aux heures les plus noires de l'humanité. On ne parle que de la croissance sans l'humain. Même les nazis parlaient de la "race" aryenne. Notre société ne parle que de la machinerie capitaliste : croissance flexibilité développement.

    De plus, un traité comme nice peut être résilié.
    Une constitution c'est plus difficile, surtout avec des européens devenus des amibes au niveau intellectuel.
    Il n'y aurait en case de crise, comme vous le dites, que la sortie de l'union européenne, qui n'est plus par ailleurs un prolongement de la CEE mais bien le prolongement de l'AELE. Il suffit de voir pour ça que l'anglais s'impose sans que nos députés et sénateurs s'en émeuvent pour la plupart. La conception économique est la même aussi.

    Ce que je ne peux croire, c'est que le MEDEF, pourtant clair dans ses intentions si on y regarde d'un peu plus près, fanfaronne autant tout en impliquant les syndicats et les politiques.
    Il est naïf de croire que nous ne sommes plus en des temps d'esclavage. Au contraire, tout recommence.


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