08nov 05
Interview publiée dans Libération le mardi 8 novembre 2005
Propos recueillis par Paul QUINIO
Après les chefs de file de deux autres motions, François Hollande puis Vincent Peillon, place à un représentant du troisième texte de poids, «Rassembler à gauche», soumis demain au vote des militants PS.
Congrès du projet ou congrès de trop ?
On patauge ! François Hollande a fui la clarification qu’il réclamait en convoquant le congrès. Il a passé son temps à brouiller les cartes. Résultat : c’est le congrès le plus insaisissable que j’ai vécu. A présent Dominique Strauss-Kahn avoue que le seul enjeu du Mans c’est de faire que François Hollande reste premier secrétaire ! Ça vole bas ! Pourtant, il y a un tel besoin de changement ! On devrait être plutôt en train de discuter franchement des deux seules orientations socialistes globales et cohérentes en présence : celle portée par Laurent Fabius et celle de Dominique Strauss-Kahn. Elles fondent deux programmes socialistes différents pour l’élection présidentielle.
Pourquoi en revenir à la présidentielle ?
C’est une hypocrisie totale de dire qu’il y aurait, d’un côté, notre congrès, de l’autre, la désignation de notre candidat. Il y a un rapport étroit entre l’orientation que nous choisirons et la personne qui la portera. En retardant la décision, François Hollande veut se redonner une chance d’être candidat. Cette stratégie a un coût : un an de confusion supplémentaire.
Fabius est donc votre candidat…
Mon choix dans ce congrès répond à une logique très classique : une orientation, une stratégie et un homme d’Etat pour porter le tout. Je refuse le sectarisme de posture qui sert de ligne à beaucoup de dirigeants du PS. Laurent Fabius a changé. Il a bougé politiquement sur un point fondamental. Cela ne nous rend pas identiques. Je ne l’ai pas rallié, il ne m’a rien cédé. Nous partageons la volonté d’en finir avec l’impuissance des socialistes face à la mondialisation libérale et aux dérives de la construction européenne. C’est le vrai clivage dans l’internationale socialiste : les uns sont dans la logique de l’accompagnement et la distribution de pansements, les autres veulent changer la donne.
Vous prolongez le clivage oui/non ?
Dépasser le clivage entre nous va de soi. Mais devant le pays, il faut partir du résultat du vote, donc du non de gauche. François Hollande maintient son oui. Le non reste pour la direction un vote de peur nationaliste et populiste. C’est une injure tragique dans la perspective de 2007.
Vous voulez changer l’orientation et la direction du PS. Dans quel sens ?
Il s’agit de prendre une orientation au service de la France populaire et de tourner la page de la social-bobocratie. La direction du PS, au lieu d’essayer de comprendre le vote des Français, attribue au non tous les malheurs du monde. Elle cultive une complicité malsaine avec les élites intellectuelles et médiatiques qui cherchent une revanche contre le non populaire. Quant à la direction, c’est clair : bonne pour accompagner un Premier ministre flamboyant en exercice, l’équipe n’est pas capable de faire face au choc violent qu’impose la droite à la France et à la gauche. C’est l’heure des caractères !
Vincent Peillon, le leader du NPS, serait-il un bon premier secrétaire ?
Si nous sommes majoritaires avec le NPS, nous aurons un bon candidat commun.
Vous êtes critiqué pour flirter avec l’extrême gauche ?
Un jour, je suis un agent d’influence du trotskisme, le lendemain un machiste, le surlendemain un nationaliste et quand c’est fini, on recommence au début. L’équipe Hollande a une logique sectaire : elle ne débat pas, elle stigmatise. Face au vote d’extrême gauche, elle mise sur la diabolisation. Est-ce la mauvaise conscience qui parle ? Car ce n’est pas moi qui ai donné les signatures socialistes pour la candidature présidentielle d’Olivier Besancenot en 2002 ni poussé les électeurs de son côté ! Quand je rencontre l’extrême gauche, je l’interpelle franchement. Je lui demande si oui ou non elle est prête à s’inscrire dans une logique gouvernementale.
Que vous répond-elle ?
Elle reste sur ses anciens schémas. Mais il faut dialoguer. Pas insulter.
Si vous perdez le congrès, êtes-vous prêt à une synthèse ?
Dans l’état actuel, ce que dit François Hollande ne mérite pas que nous nous posions la question.
Et pourtant on entend parler d'une synthèse générale à l'issue du congrès du Mans.
Quel gâchis, tous ces discours pour rien