20fév 06

 

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A l'étroit au milieu des montagnes, la ville de La Paz escalade les pentes
A l'étroit au milieu des montagnes, la ville de La Paz escalade les pentes

Le passage d'une compagnie de téléphone à l'autre en France donne lieu a des désordres inouïs, tout le monde le sait. Pour moi ce n'était pas le moment. Ma ligne est coupée en direction de l'internet depuis trois jours. Sans crier gare, cela va de soi. Deux transmissions sont donc perdues en route. Cependant j'ai reconstitué mes deux notes évaporées et si ces lignes sont lisibles c'est que tout a pu être mis en place. Je suis à La Paz en Bolivie. Et la première chose que j'en retiens c'est que ça coupe le souffle d'être installé à plus de 4000 mètres d'altitude. La première journée est spécialement rude physiquement. On recommande aux amis dit-on de manger peu, de ne boire aucun alcool et de marcher lentement. Je le fais scrupuleusement. Ensuite quand on jette un oeil, tout est choc. 60 % de la population est indienne répartie en 35 groupes ethniques. Impossible de ne pas s'en rendre compte: costume, dégaine, interpellations, tout signale que nous sommes dans cet « extrême occident » dont parlait le professeur et ambassadeur de France Alain Rouquier. La carte des dominants et des dominés est donc aussi une carte ethnique. Et la domination a toujours été très féroce ici. Très.

 

 

Par conséquent, quand le néolibéralisme est venu faire ses merveilles, le peu qui était disponible pour espérer un avenir meilleur et intégrateur pour tous a disparu. Toute la propriété nationale a été vendue. Absolument tout. Même chez Pinochet le cuivre est resté propriété d'Etat. Ici : rien. La privatisation a aussitôt produit ses « bienfaits ». Exemple : les mines d'étain et d'argent rentables sur le moment sont restées exploitées. Les autres ? Devinez. Des milliers de mineurs et leurs familles ont été abandonnés à leur sort. Au lieu de constituer des start-up ou au pire de livrer des pizzas comme ils auraient pu le faire pour rester dans le coup, une partie est allée planter de la coca et les autres sont retournés exploiter à la pioche et au bâton de dynamite les mines abandonnées. Tout le reste est à l'avenant. Pillé de nouveau pire que jamais, le pays a été invité à choisir entre des libéraux et d'autres libéraux présentés dans divers emballages, dont le modèle local des partis membres de l'Internationale socialiste corrompus jusqu'à la moelle. Le président du Sénat de Bolivie, partisan de Evo Morales, monsieur Santos Ramirez Valverde, m'a dit : « Nous savons parfaitement que la gauche et la droite ce n'est pas pareil. Mais nous disons que nous ne sommes ni de droite ni de gauche. Car les gens ne les aiment ni les uns ni les autres parce qu'ils ont été aussi cruels et corrompus ».


La Paz est entouré comme dans un bocal par des hauteurs qui la surplombent et qui lui valent d'être comme une ville assiégée ou rien ne rentre et rien ne sort sitôt qu'il y a un conflit social ou politique. Et spécialement quand la population d'El Alto, juste au dessus de La Paz, se met en mouvement. Car ce sont des durs de durs à cuire. En 1952, il s'agissait d'un faubourg populaire peuplé de 11 000 personnes. La température oscille entre moins dix et plus vingt quand le ciel est dégagé. Aujourd'hui il y a là 800 000 habitants. Ceux là ont construit toute la ville de leurs propres mains.. Il y a là 81 % d'indiens. 75 % des familles n'ont accès à aucun soin médical. 40% de la population est analphabète. 20% n'ont ni eau potable ni électricité et 80% vivent dans des rues en terre. Ils pratiquent l'auto-emploi familial. Dans les meetings où tout le monde se déplace par famille sous le contrôle des comités de quartier, les gens crient comme principal slogan : « El alto debout, jamais à genoux ». Les belles personnes pensent que ce sont des animaux sales et dangereux. Le racisme dégouline à plein tonneau de tous les commentaires à leur sujet dans la bonne société. Toute patience épuisée, ceux-là et tous les autres ont explosé le système politique traditionnel et donné un très grand pouvoir politique à Evo Morales et son mouvement, le MAS,
« Mouvement vers le socialisme ». Je leur donne raison. Et maintenant j'ouvre les yeux. Et je n'ai pas l'intention de me cacher mes propres questions. Pour ma part je ne comprends pas bien comment on articule indigénisme et droits universels. Je pose la question à tous ceux que je rencontre.


Aucun commentaire à “Première journée en Bolivie”
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  1. Lolo34 dit :

    Cher Jean-luc, Monsieur le Sénateur,

    Depuis l'Hérault, PRS 34 et Rassembler à Gauche 34 suivent "vos périgrinations d'un sénateur en Amérique Latine". Et nous n'avons pas manqué d'en faire part sur notre blog :

    16.02.2006

    Actus : Amérique Latine, René Revol invite celles et ceux qui...

    J'invite celles et ceux qui fréquentent le blog rassembler à gauche 34, à suivre le voyage actuel de l'un de nos animateurs nationaux, jean-luc Mélenchon, qui est allé quinze jours au Vénézuela et en Bolivie pour essayer de comprendre les processus de transformation sociale à l'oeuvre dans ces deux pays représentatifs du basculement à gauche de l'Amérique Latine. Il n'y est pas allé pour se faire photographier entre deux avions dans le cadre d'une précampagne présidentielle mais pour rencontrer tout un peuple en ébullition, pour comprendre sa dynamique et pour voir les leçons que nous pouvons tirer en France... Il nous rend compte de ses rencontres en direct sur son blog et nous pouvons joindre nos commentaires.

    Donc n'hésitez pas à vous connecter sur le blog de :

    Clickez--->Jean-Luc Mélenchon

    Bon voyage à toutes et tous.

    René REVOL.

    Rassembler à Gauche 34. les lolo's 34.

    http://lrassemblezagauche.midiblogs.com

    Peu-être que vous aussi, vous nous nous ferez prochainement la joie de pouvoir vous entendre grâce à la technologie PODCAST?

    Amitiés militantes et bon séjour à vous.

  2. marie mandrin du vaucluse dit :

    el alto debout,jamais à genoux.....je suis admirative! il faut absolument que Evo Moralès rèussisse!....Jean-Luc,quel beau voyage!....Marie

  3. magali dit :

    salut jean-luc,

    pour t'éclairer sur "indigénisme et droits universels", tu pourras lire les magnifiques écrits du subcommandante Marcos lors de ton retour. c'est encore plus parlant quand on l'a vécu un peu.

    et j'en profite pour dire merci à raquel son mot est enrichissant pour nous qui restons dans cette glorieuse république française. et oui, ici nous apprenons que hugo chavez est un macho en plus d'être antisémite (et oui chica est une insulte aux femmes dans le pays des femmes battues qu'est la france !), que michelle bachelet est une femme (alors bravo pour s victoire !), que evo morales ne met jamais de cravate même en visite officielle et... c'est à peu près tout.

    bises

  4. Chlo dit :

    Comme chaque soir, je guette le message dans lequel tu nous raconteras ta journée de l'autre côté de l'Atlantique...

    Quel voyage ! et que de sentiments contradictoires : entre ici, où le découragement me guette, alors que tout ne va pas si mal ; et là bas, où tout ne va pas si bien, et d'où tu nous envoies tellement d'espoirs...

    Alors voilà, continue à nous raconter tout cela, puisuqe effectivement, c'est sur ce blog et nulle part ailleurs (ou presque...)

    Et puis, comme l'a dit quelqu'un que je conais bien, si tu pouvais amasser suffisamment de notes en tous genres pour écrire un petit livre...

    A bientôt de te lire, à bientôt de se voir.

    Chloé

  5. JL 95 dit :

    Merci pour ce carnet de voyage qui nous ramène aux reportage de Camus comme à ses moments ou la plume légère il dessinait aussi pour nous les "noces à Tipasa". Merci de cette humanité en question de ce regard en question sur les choses et les êtres car c'est vraiment ainsi que la politique prend son sens véritable, loin des moralistes anathémisant comme des caméléons pragmatisant. Tu nous donnes à voir et donner à voir c'est toute une philosophie du monde, une des plus généreuses.

    Je m'interroge au travers de mes lectures actuelles sur cet héritage tribal théorisé et institutionalisé depuis par les trois religion du Livre et qui fait écho à ce que tu constates :"La carte des dominants et des dominés est donc aussi une carte ethnique." Comment sortir au mieux de cette confusion entre les sphères privées et publiques, entre la représentation du réel et celle que le sacré produit surtout quand ce dernier fonde aussi une partie de sa distinction d'avec l'autre sur une auto-permissivité face à ses propres interdits, auto permissivité construite autour de qui est ou non élu par "mon" dieu pour bénéficier des droits que j'accorde à ceux que je reconnais de ma communauté. La république fera de même dans son histoire losqu'elle colonisera elle aussi.les religions sont donc aussi à la source en quelque sorte du passage de la peur de l'autre à la construction de l'idéologie raciste comme moyen de nommer cette peur. De là peut-être toute cette confusion entre religion et nationalité qui serait à l'oeuvre sinon dans le concept même d'ethnicité du moins dans la possibilité d'ethnicisation des conflits.

    Il y a donc bien aussi comme un large recouvrement entre la carte des dominants et des dominés qu'entre celles des religions dominatrices et les autres croyances voir l'absence de croyance.

    De là l'instrumentalisation par les impérialismes (souvent eux-même empêtrés dans la non séparation de l'état et de la réligion) de cette confusion possible pour faire ensemble regresser les peuples dans leur émancipation.

    La laîcité telle que tu la portes est un enjeu d'avenir si proche de nous et si emblématique du siècle qui s'ouvre. La laîcité détermine et encadre aussi l'économie, comme l'éthique fonde la possibilité de la morale.

    La république sociale de Jaurès constitue l'espoir de construire pied à pied une humanité ou l'individu trouve sa place en tant que tel et n'adhère qu'aux valeurs choisies librement par lui dans une distinction claire entre privé et public élaborée à partir de la société dans laquelle elle se met en marche, à partir de l'état de conscience générale de ces recouvrements entre réprésentations profanes et sacré du même monde, bref en fonction de l'idéologie dominante de départ dans sa dimension consciente et inconsciente et le rapport de force entre celles-ci où la politique doit venir élever le niveau de conscience de nos propres aliénations.

    Il me semble important de continuer de nourrir de tes notes de voyage l'ouverture à laquelle tu nous invites et qui évite l'enfermement dans le microcosme franco-français et les querelles de "famille" qui en découle, tristes névroses familiale des peuples aveuglés par des conflits d'habitude et non pas par la cosncience des contradictions réellement à l'oeuvre. Tu a pris de la hauteur (4000 mètres!), nous essayons ici d'en prendre avec toi (et pas en fin de raclette partie à Méribel). La rareté de l'oxygène en Bolivie met de l'oxygène dans tes analyses et nous respirons mieux le sens de notre commun combat.

    Merci aussi à Sabrina pour ces références aussi utiles que pertinentes.

  6. Gabriel LONGINOTTI dit :

    Bonjour,

    Cher Jean-Luc Mélenchon,

    Je ne suis ni un de vos partisans, ni un de vos détracteurs.

    Tout juste un militant de gauche déçu par ce qu'il a pu vivre dans notre "belle France démocratique" depuis ces 30 dernières années, ainsi que par toute cette presse soit-disant de gauche qui ne sert qu'à masquer et dévoyer le mécontentement et la misère du Peuple.

    Lire vos récits me réconcilie avec un avenir que je pressent émerger sous les balbutiements "bolivariens", meme si vous et moi n'en tirerons pas toujours les mêmes conclusions et si évidemment tout ne sera pas rose.

    L'oeuvre que vous accomplissez ici, (Et il s'agit bien d'une oeuvre de reconstruction d'une vérité biaisée et dissimulée),est un rayon de lumière dans un monde d'obscurantisme médiatique qui ne peut que blesser tout honnête homme.

    On sent bien que vous n'écrivez pas en tant qu'inconditionnel mais en tant que témoin d'une situation qui pourrait bien changer la face du Monde à venir dans les prochaines années.

    Je pense que vos carnets de route mériterons d'une plus grande publicité dans un proche avenir pour leur aide à une plus grande compréhension du processus révolutionnaire en Amérique Latine.

    Soyez remercié.


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