22oct 09
Tribune publiée dans Politis, par Martine Billard, députée écologiste de Paris, Jean-Luc Mélenchon, député européen et Président du Parti de Gauche, Bernard Guibert, économiste, et Corinne Morel-Darleux, secrétaire nationale du Parti de Gauche chargée du combat écologique
L’humanité est entrée en état d’urgence écologique. Face à ce défi, Nicolas Sarkozy et le gouvernement préfèrent multiplier les effets d'annonces. Ils se contentent de repeindre en vert le capitalisme pour qu’il continue à engranger des profits, sans remettre en cause le productivisme qui est à la racine de la catastrophe écologique.
Les premiers responsables de la crise écologique sont pourtant de très loin les pays riches. A eux de prendre leurs responsabilités et de montrer l'exemple. En France, notre système économique et notre mode de vie consomment l'équivalent de trois planètes ! Pourtant, la droite au pouvoir accumule les non-sens écologiques : libéralisation de l’énergie et du rail, fermeture ou privatisation des services publics de proximité (postes, hôpitaux…), ouvertures des commerces le dimanche augmentant ainsi les déplacements, plan de relance favorable aux autoroutes et au transport aérien …
Taxer les activités polluantes en tenant compte de leur impact écologique ? Pourquoi pas, si une telle taxe permet de modifier radicalement les comportements économiques, individuels ou collectifs, les plus destructeurs pour la planète. Et une fiscalité écologique n'a de sens que si elle est juste socialement et précédée de politiques pour développer les alternatives et la sobriété énergétique. Or, l'essentiel de la taxe carbone « Rocard-Sarkozy » frappera les ménages dont les dépenses en transport et en chauffage sont contraintes. Le crédit d'impôt forfaitaire annoncé par Sarkozy, sans prise en compte du niveau de revenus, va aboutir à des absurdités : des ménages ayant les moyens de vivre en zones desservies par des transports collectifs recevront une compensation quels que soient leurs revenus, pendant que d'autres, plus modestes, rejetés aux marges des agglomérations, seront frappés de plein fouet.
Dans le même temps, Sarkozy exonère les plus gros émetteurs de carbone. Le président prétend que ces grandes entreprises sont taxées au titre des quotas européens de CO2. C’est faux : 90 % d’entre elles sont exemptées de payer des droits à polluer puisque les quotas leur sont attribués gratuitement. Alors qu'ils ne seront plus soumis à la taxe professionnelle, les transports routiers seront aussi exonérés de la taxe carbone. L'exonération de l'électricité est enfin un formidable cadeau à l'industrie nucléaire et une incitation au gaspillage énergétique en matière de chauffage. Combinée avec la suppression de la taxe professionnelle, la création de la taxe carbone déplace la charge fiscale des entreprises vers les ménages.
Une véritable fiscalité écologique devrait au contraire supprimer les niches fiscales absurdes dont bénéficient le gazole, le kérosène des avions et les agrocarburants. La deuxième consisterait à durcir le malus et resserrer l’assiette du bonus lors des achats de voitures. Et de supprimer le « superbonus » sur les voitures électriques individuelles. Or, le Gouvernement vient d'annoncer le contraire. Une tarification sociale progressive de l'énergie pourrait aussi permettre d'envisager la gratuité des premières tranches de consommation tout en renchérissant le mésusage et les consommations abusives. Enfin, il faut non seulement abroger le bouclier fiscal mais aussi introduire un Revenu Maximum Autorisé, parce que la sur-accumulation de richesses dans les mains de quelques uns aux goûts de luxe ostentatoire est un scandale pour la dignité humaine de ceux qui n'ont même pas le minimum vital, mais aussi une source inadmissible de gaspillage.
Mais la fiscalité ne peut pas être la seule réponse politique à l'urgence écologique. Au laisser-faire libéral, comme au mythe du marché régulé, nous opposons la volonté politique. Les seules mesures incitatives avancées par le gouvernement ne suffiront pas pour stopper à temps la marche du capitalisme au désastre écologique. La planification écologique doit être l’instrument pour organiser la bifurcation vers un autre mode de développement, en interrogeant nos besoins et en réorientant production, échange et consommation en vertu de leur utilité sociale et écologique. De telles ruptures avec le capitalisme ne seront pas possibles sans une large implication populaire. La planification écologique devra ainsi être élaborée démocratiquement avec des objectifs clairs de réduction de la consommation d’énergie et de l'utilisation des ressources de la planète.
Cette planification doit être l’œuvre de l’Etat et des collectivités territoriales, en particulier à travers des contrats Etat-Régions garantissant l’égalité des citoyens devant cette révolution écologique. Elle devra assumer la sortie du libre échange, permettant de relocaliser des pans entiers de la production en créant des emplois, de l’agro-alimentaire au textile en passant par l’électronique, aujourd’hui largement délocalisés. Elle doit organiser la conversion thermique des bâtiments et stopper l'étalement urbain. Elle devra financer en priorité les transports collectifs, le transfert du fret de la route vers le rail, les voies navigables, le cabotage… Elle passe enfin par la réappropriation publique de l’énergie (EDF-GDF et Total) que le marché pousse actuellement à la surproduction et à la surconsommation en le détournant de sa mission de service public. Des mesures qui supposent de remettre en cause l’ouverture à la concurrence dans les transports et l’énergie qui a conduit à une véritable anarchie marchande au détriment de toute vision de long terme.
La bataille contre l'effet de serre ne peut se réduire à la somme des modifications de comportements individuels. Elle ne pourra être remportée sans assumer des ruptures avec le capitalisme et le productivisme. Elle met à l’ordre du jour un véritable changement de modèle de société et le retour à l'action des pouvoirs publics, au service de l'intérêt général."