12jan 10
Au moment d’installer cette note sur mon blog, j’ai appris la mort de Daniel Bensaïd. Il s’agit d’un des fondateurs de la Ligue Communiste Révolutionnaire, et du NPA. De nombreuses personnes sont très affectées par cette disparition, bien au delà du cercle des membres de ces deux organisations. En effet, il s’agit d’un intellectuel dont le travail théorique a enrichi la pensée et les manières de voir de gens extrêmement divers à gauche. En cela il était davantage qu’un homme de parti au sens strict du terme, même si son engagement militant effectif ne peut être séparé d’aucune façon de ce qu’il pensait. En ce moment, quand tant de marionnettes sans consistance saturent l’espace médiatico politique, il est angoissant de voir partir un des manieurs d’idées qui entretiennent le terreau commun de tous ceux qui essaient d’être fidèles à l’exigence d’une pensée construite. Daniel Bensaïd était marxiste et donc un contributeur actif à la pensée matérialiste. Il manquera donc à tous ceux qui s’alimentent à cette source. Le 23 janvier le NPA lui rend un hommage militant. Je m’y trouverai d'une certaine façon comme dans ma famille.
Dans cette note je parle de madame Ashton, que j’ai auditionnée avec mes collègues au parlement européen. Et d’une discussion sur le voile intégral en secrétariat du Parti de gauche. Comme le journal gratuit "Direct matin" a fait sa une avec notre meeting de lancement de campagne du Front de gauche et publié un papier reportage, l'interview que je devais y avoir a dû être bien réduite. Pourtant le travail était de qualité. Comme je pense qu'elle a de l'intèrêt au delà du jour concerné, je la publie en intégrale en fin de note
LA BARONNE EST GLUANTE
J’ai fait l’aller retour lundi à Bruxelles pour participer à l’audition de la madame Ashton, la nouvelle vice présidente de la Commission Européenne, en charge des affaires étrangères. Elle planchait devant la commission des affaires étrangères. Il y avait foule ! Photographes, journalistes super triés sur le volet, invités des autres commissions en nombre contingenté et ainsi de suite. Je suis le vice président de cette commission et je faisais donc partie des premiers intervenants autorisés à lui adresser la parole. Une minute pour moi pour une question et une seule. Deux pour elle pour répondre. Puis de nouveau une minute pour moi pour réagir et poser une autre question. Et une minute pour elle de conclusion. C’est ce que l’on appelle un débat contradictoire au parlement européen. Bon ! Pourquoi pas. Le résultat a été assez consternant. Qu’on en juge. Je lui fais remarquer qu’elle n’a rien dit du partenariat transatlantique dans son propos liminaire alors que la Commission, le Conseil et le parlement l’ont déclaré prioritaire. Je lui demande ce qu’elle compte faire pour la formation du grand marché transatlantique dont le Parlement et le conseil ont souhaité l’achèvement pour 2015. Je pousse la courtoisie jusqu’à lui préciser que je ne soutiens pas du tout ce projet pour lui éviter de faire du zèle le cas échéant. Il y a quelques rires amusés. Réponse stupéfiante. Elle dit qu’elle n’a jamais entendu parler de ce marché mais qu’elle veut confirmer que le partenariat transatlantique est prioritaire ! Je lui réplique que je suis désolé qu’elle ne connaisse pas ce projet et que je la renvoie pour le connaître aux nombreux textes de la commission, du conseil et du parlement. Elle me remercie de les lui envoyer ! Je crois qu’elle se moque de moi, tout simplement ! Mais quand je lui demande si elle peut me dire quel est, d’après elle, l’adversaire qu’affrontent les troupes européennes en Afghanistan, si elle peut le nommer, et nous dire où nous en sommes par rapport aux buts de guerre poursuivis ça devient surréaliste. Elle me dit que l’Europe fait bien son travail et que de nombreux hôpitaux ont été construits. Mais « il reste beaucoup a faire pour la population » ! A ce moment je me dis qu’en réalité elle ne connait rien aux sujets qui nous occupent. La suite me confortera dans cette impression. Quand l’italien de droite Mario Mauro lui demande à quelle position elle se rattache en ce qui concerne les nombreux points de vue à propos du siège de l’Union européenne au conseil de sécurité de l'ONU, elle répond qu’elle sèche car elle ne connaît pas le dossier ! Quand un autre dit que les tensions, avec la Moldavie, la Biélorussie, les Balkans et ainsi de suite et même la Turquie ont pour dénominateur commun l’action de la Russie et qu’elle lui demande ce qu’elle compte faire, elle répond qu’elle va aller sur place pour connaître les motifs de ces tensions. Quand on lui demande ce qu’elle pense du partenariat privilégié avec le Maroc, et ce qu’elle compte faire, elle déclare que c’est très important et qu’il faut réfléchir tous ensemble à ce sujet. A une nouvelle question sur l’Afghanistan elle rappelle que de nombreux résultats sanitaires ont été obtenus et répète qu’il reste beaucoup à faire car le pays manque souvent de l’essentiel ! Par exemple est-ce que nous savons que dans certains ministères il n’y a pas de téléphone ? Quand il lui est demandé comment elle pense que s’appliquerait la clause d’obligation d’assistance mutuelle en cas d’agression militaire contre un des membres de l’Union, elle répond en nous lisant l’article 42.7 qui le prévoit et nous affirme qu’il faut que le Conseil et la commission y réfléchissent sérieusement pour dire comment cela doit se faire selon les circonstances. En Bosnie elle dit que le vrai problème c’est que les gens veulent seulement vivre en paix. Mais comment ? Bien sûr la question est posée et nous devons y réfléchir tous ensemble ! D’une façon générale, cette femme n’est en rien une pauvre innocente qui serait bizutée par une assemblée de vieux renards. Elle ne sort pas de l’œuf davantage qu’aucun de nous. Elle a été commissaire au commerce extérieur. Elle manie donc sciemment la langue gluante de l’Europe des élites qui agissent sans contrôle. Elle manie cette langue prétexte comme personne ! Toutes ses réponses sont des esquives brodées de bonnes intentions affirmées sur le ton passionné d’une dame catéchiste. « Nous devons absolument dialoguer (prout prout !) et trouver ensemble (prout prout !) une réponse sur ce point » « Nous ne devons pas relâcher nos efforts (scrogneugneu !) en vue d’aboutir à une solution qui convienne sur ce point » « Tous ensemble (ouf !), nous avons le devoir de réfléchir (ollé !)pour dire comment continuer notre travail (ollé !) en vue de voir le succès de nos nouveaux efforts (ollé !) » etc… Jusqu'à la nausée ! J’ai fini par me lasser et je suis parti, mort d’ennui et sidéré par cette scène ou la démocratie parlementaire n’est plus qu’une comédie sans objet ni dignité. Je n’ai même pas eu l’envie de participer à la séance d’évaluation par le bureau de la commission. Je lui donne pourtant 20 sur 20. Personne n’a mieux démontré l’ineptie de sa fonction que cette femme. Sur un plan personnel je lui mets aussi 20 sur 20 car elle ne peut que nous surprendre agréablement à l’avenir parce qu’elle part de zéro et qu’il n’y pas de raison qu’elle ne finisse par apprendre quelque chose, chemin faisant.
LE VOILE EN DEBAT
Hier soir au secrétariat du parti de gauche, parmi bien d’autres sujets, il y avait la discussion de la trame de réponse à faire à la commission parlementaire qui travaille sur la question du voile intégral. J’estime que ce fut un très beau moment intellectuel et d’intelligence collective car à l’exception d’une ou deux personnes dont la conviction était faite, tous les autres s’efforçaient de réfléchir à voix haute en examinant avec minutie les arguments qui étaient mis sur la table, sans aucun des excès qui d’habitude envahissent la discussion de ce genre de thème. Quelqu’un s’est même risqué à dire qu’il se sentait capable d’être d’accord avec le dernier qui a parlé tant ce type de sujet soulève d’argumentation bien construite et passionnante ! On a ri ! Et tout le monde était d’accord pour dire qu’en effet c’était bien ce que chacun ressentait souvent ! A la fin nous sommes convenus de notre réponse. Son intérêt est dans l’ordre du raisonnement qu’elle produit. Je vais le résumer en notant les étapes, au risque de la lourdeur d’exposition.
1) Nous ne nous intéressons pas au fait en raison de sa singularité. Toutes sortes de gens portent des accoutrements étranges, y compris religieux et nombre d’entre eux sont ridicules.
2) Nous nous y intéressons parce qu’il se donne lui-même une signification particulière concernant le statut de la femme. Ce statut diminué et diminuant se manifeste notamment par le refus de permettre une identité visible à la femme. De plus il la réduit ostensiblement au statut de proie sexuelle qui se défend du regard des hommes.
3) En cela le port du voile est un traitement dégradant pour les femmes. De plus il porte atteinte à notre exigence d’égalité totale entre hommes et femmes.
4) Il détruit aussi la possibilité de vivre ensemble qui est le fondement d’une société ouverte. Il est en effet impossible de faire société quand « on ne sait pas qui est là ». En ce sens c’est le droit de tout un chacun à connaitre l’identité de la personne à qui il s’adresse ou qui s’adresse à lui qui est nié.
A ce point donc nous sommes tous d’accord sur le fait générateur du débat et la caractérisation est la même pour tous. De nombreuses interventions ont complété l’argumentaire dans des directions parfois très surprenante et originale comme lorsque quelqu’un évoque l’idée que la maitrise des images dans l’espace public et des incitations qu’ils contiennent est déjà réglementé comme pour la publicité et que la gauche a toujours préféré neutraliser cette espace notamment quand elle se montre anti-pub.
5) La loi a le droit d’intervenir sur ce sujet mais il lui faudrait alors respecter de nombreuses conditions très précises. Pourquoi en a-t-elle le droit ? Quelles seraient ces conditions ?
6) La pratique de n’importe quelle liberté peut recevoir une limite si son exercice contrevient à un droit fondamental. La déclaration universelle des droits de l’homme le prévoit et les textes de références de l’union européenne en la matière le rappellent. Le port du voile intégral en tant que traitement dégradant et en tant que négation des droits du public à connaitre l’identité des gens qui compose la société qui les entoure nie des droits essentiels de la personne humaine
7) La loi ne sanctionne pas des croyances mais des pratiques lorsqu’elles sont illicites du point de vue du droit commun.
8) une loi dont l’origine serait le port du voile intégral ne pourrait cependant être une loi sur le voile car la loi doit être égale pour tous et fixer des normes impersonnelles.
9) si une loi devait être proposée elle ne pourrait donc viser une communauté religieuse mais sanctionner un comportement du point de vue des droits fondamentaux lorsqu’ils se trouvent mis en cause. Si une loi devait être mise en débat elle devrait donc inclure l’ensemble des cas qui voient mis en en cause l’égalité des hommes et des femmes et des pratiques de discrimination entre eux. Ainsi à propos des horaires d’ouverture des établissements de sport. Ainsi des pratiques de refus d’intervention du personnel soignant en raison du sexe de ceux-ci.
10) Il existe un doute légitime sur la cohérence des motivations féministes et laïques de ceux qui proposeraient une loi sur ce sujet dès lors qu’ils seraient en même temps partisans de la « laïcité positive » prônée par le pape puisque celle-ci demande le retour du droit a la pratique en public des rites religieux. Ce doute se confirme au vu du fait que les mêmes sont responsables de la fermeture de nombreux centres d’IVG acte qui ont pour conséquence la réduction effective d’accès à l’exercice d’un droit fondamental pour les femmes.
11) Comme suite à ces prémices l’appréciation du Parti de gauche se résume ainsi : la loi serait fondée à agir à la condition qu’elle respecte scrupuleusement les conditions qui la rendrait légitime et conforme aux motifs qui la conduise elle-même à condamner certaines pratiques.
LA FAUTE AU CALENDRIER
Voici donc l'interview intégrale donnée au journal gratuit "Direct matin".
Le Front de gauche a lancé sa campagne dimanche. Pourquoi avoir mis autant de temps à conclure un accord national ?
La faute au calendrier ! Au Parti de gauche, nous avions décidé dès mi-juin de partir en liste autonome dans tout le pays et notre programme était prêt fin septembre. Le Parti Communiste a arrêté sa position fin novembre. Nos nouveaux partenaires plus tard encore. On a donc du faire en cinq semaines ce que d’autres ont fait en cinq mois. Cela aiguise les difficultés traditionnelles pour composer ce type de listes
L’Ile de France a notamment été un sujet de discorde ?
Bof ! J’avais proposé ma candidature au moment de l’affaire Jean Sarkozy. Je lançais un défi à la droite ! J’aurais aimé et su mener cette campagne car j’ai été un élu de la région parisienne durant 17 ans. Les communistes sont très attachés à la candidature de Pierre Laurent. Mon devoir est d’aider au rassemblement. Nous ne devons pas reproduire les luttes de personnes du PS. Je ne serais donc pas celui par qui la discorde arrive. Pierre Laurent est dorénavant notre premier de cordée en Ile de France! Je le félicite et je vais l’aider autant que possible. Dans cette région, trois des principaux dirigeants du Parti de gauche seront tête de liste départementale. Nous allons donc mener une campagne très ardente.
Vous ne serez donc pas candidat ?
Non, j’avais dis que ce serait l’Ile de France ou rien parce que c’est là que je maitrise la connaissance des dossiers locaux. Dès lors, mon rôle sera national. La droite va me trouver sur son chemin partout dans le pays. Et on me verra beaucoup en Languedoc Roussillon, au côté de René Revol qui y mène une liste formidable de l’autre gauche rassemblée !
Dans cette région, le front de gauche a conclu une alliance avec le NPA. Pourquoi ?
Cette région devient un symbole. Toute l’autre gauche est unie, dès le premier tour. Et un accord est conclu avec les Verts : celui des deux qui arrivera en tête mènera la liste de fusion du deuxième tour. Nous voulons faire barrage à la droite et écarter Georges Frêche. Ce n’est pas simple. La droite tire sa force de la division que Georges Frèche a installé à gauche. Le PS joue un jeu dangereux. Il croit qu’il va gagner 30 régions sur 22 en fermant les yeux sur toutes les combines.…. C’est dangereux : Nicolas Sarkozy est un chef de guerre. Il ne se laissera pas faire. Il a créé une ambiance épouvantable avec le débat sur l’identité nationale et le retour du sécuritaire. Je mets en garde solennellement toute la gauche. Entrer en campagne comme si c’était gagné d’avance est très dangereux!
Alors pourquoi ne pas avoir fait d’alliance nationale avec le NPA ?
Bien sûr, cela aurait été tellement mieux ! Mais l’union de l’autre gauche a quand même progressé depuis les européennes ! Le PCF soit autonome avec nous dans 17 régions : c’est un évènement dans la vie de la gauche. L’accord avec le NPA se fait dans 8 régions. C’est formidable ! Au total, le jeune Parti de Gauche, partout autonome et unitaire à la fois, joue le rôle de trait d’union.
Quid du second tour ?
Le Front de Gauche et le NPA disent la même chose : il y aura une fusion des listes de gauche pour battre la droite. Mais pas question de Modem là dedans: c’est un parti avec une histoire et un programme de droite.
Avez-vous déterminé un objectif global pour cette campagne ?
D’abord ramener au vote la France qui souffre, lutte, mais s’abstient. Améliorer notre score des européennes, passer devant le Modem et le Front National ! C’est possible. Les élections régionales nous rapprochent du terrain et nos militants y sont très présents.
Quels seront vos thèmes de campagne ?
Répondre à l’urgence écologique et sociale ! La vie est encore plus dure depuis la crise. Donc, la gauche routinière doit être remplacée par une gauche de combat. Certaines politiques doivent complètement changer. Exemple : il faut sortir totalement les services publics des appétits du marché. L’aide aux entreprises ne peut plus être à guichet ouvert. Elle doit être exceptionnelle et sous condition d’engagements sur l’emploi et l’environnement. Assez de cadeaux clientélistes ! L’école de tous d’abord ! Pour les établissements scolaires confessionnels, les régions doivent s’en tenir aux obligations légales, sans un centime de plus. Bref : l’intérêt général d’abord.
@Jennifer post 791 : quand j’ai dit post 784 La façon qu’a eu Sarko de vouloir faire disparaitre la visibilité de la prostitution de l’espace public était juste une de ces manœuvres classiques de l’ultra-droite pour faire disparaitre la visibilité de certains individus connotés négativement (la version hard de ça serait en Colombie, les milices paramilitaires qui nettoient littéralement l’espace public des prostituées). L’interdiction de la prostitution dans l’espace public n’est pas du tout motivée par la volonté de faire disparaître la visibilité de certains individus, car les prostitués ne sont pas uniquement définis par leur activité seulement, ce que Sarko (ou Uribe en version hard) font.
Ça ne contredit pas ton : C’est bizarre je pensais justement à la prostitution qui elle aussi donne une image de la femme dégradante: juste un objet sexuel pour le plaisir des hommes. Et pourtant si je suis contre la prostitution en principe, contre le fait de vendre son corps, je défends les prostituées en tant que femmes. J’y pensais car là aussi il y a une image dégradante de la femme, bien plus dégradante que de couvrir son corps entièrement (si il y a quelque chose de dégradant là, et je n’ai toujours pas été convaincue que ce le soit d’ailleurs).
Je vais repréciser mon idée : l’interdiction, ou plutôt la législation concernant la prostitution dans l’espace public tourne autour de l’acte de se prostituer et l‘appréciation d‘un quelconque trouble public, mais pas la visibilité de la personne qui se prostitue. Car l’être humain qui se prostitue n’est pas définit uniquement par son activité. Quand j’ai parlé des cas d’ultra droite ou d’extrême droite armée, je voulais juste dire que EUX veulent faire disparaître l’être humain qui n’est défini QUE par son activité (conception eugéniste et essentialiste), là où la législation normale restitue à la personne qui se prostitue son côté pluridimensionnel en étant basée sur l’acte. Donc il s’agit aussi de « défendre les prostituées en tant que femmes (ou hommes selon les cas) » comme tu le dis, ou plutôt en tant que citoyen ou être humain, idée basée sur le côté multidimentionnel, a contrario de tout innéisme. En tout cas, c’est comme ça que je le perçois (ce serait mon commentaire de ce type de lois relatives au trouble public de la prostitution, je ne suis pas juriste, donc je ne sais pas l‘esprit de ces lois).
Le côté multidimentionnel relève ton niveau de défense de ces personnes si je puis me permettre, car il n’est pas victimiste, au contraire de ton rappel sur l’image dégradante de la femme qui la lie à sa condition et lui donne comme seul espoir éthique « liberté de disposer de son corps » ou « libre choix ». Rappeler à des personnes fortement connotées en société un tout autre possible par leur identité multidimentionnelle, est à mon avis, une position éthique plus forte.
Maintenant, je vais tenter de faire un lien capillo-tracté avec la burqa : l’idée d’interdire (j’ai dit IDEE) en ayant par exemple une position éthique basée sur le côté pluridimentionnel de l’être humain qui est en dessous relèverait de la même manière ton niveau de défense de ces femmes, souvent qualifiées de musulmanes, car tu as toujours tendance à très vite accoler l’étiquette victime (le leitmotiv musulmans = victimes revient très très souvent chez toi ; victime à ne pas froisser, victime à ne pas irriter, victime à encourager par la pédagogie, etc). J’irai même jusqu’à dire que tu peux être essentialiste sans t’en rendre compte (je précise qu’idéologiquement je suis fortement anti-innéismes). Le vêtement burqa qui est un isoloir extrême ne révèle pas le caractère pluridimentionnel de l‘être (je n’ai pas dit que la personne qui la porte est obligée de le faire), mais l’interdiction chez Jean-Luc Mélenchon tourne essentiellement autour de la dissimulation totale du visage, pas sur la visibilité de l’être humain dans l‘espace public, ni sur le droit à la couverture totale du reste du corps. Cette interdiction de la seule dissimulation du visage restitue paradoxalement le côté multidimentionnel de la femme, bien mieux que le vêtement, mais aussi qu’un principe de « libre choix » basé sur une certaine mauvaise foi par rapport aux signifiants très forts ou une croyance en des motivations majoritaires de transgressions hyper-subversives. Principe beau au demeurant, mais vidé de sa substance, car il faut de la mauvaise foi pour scander le libre choix qui balaie l’idée d’émancipation humaine qu‘induit le mot liberté contenu dans l’adjectif libre.
Je vais même aller plus loin : il faut de la mauvaise foi pour arriver parfois (je ne dis pas que c’est ton cas) à une forme de terrorisme ou chantage intellectuel quand on dit candidement que « ça ne se fait pas (i. e. faire cacher complètement le visage) » pour marteler « Libre Choix ! » comme argument principal pour faire clouer le bec de son adversaire. Tu sais qui m’a dit ce « ça ne se fait pas » qui sonne bon sens populaire ? Ben des musulmans à qui j’ai demandé leur avis sur la burqa. Ils disent que ça ne se fait pas de faire cacher complètement le visage d’une femme. Je leur réplique : mais qui vous dit qu’on faire faire et que ce n’est pas un libre choix ? Là ils disent qu’ils ont de sérieux doutes (avant même de faire cette enquête exhaustive que certains appellent de tous leurs vœux). Je ne prétends pas que j’ai interrogé un échantillon représentatif de musulmans et que mon sondage perso vaut autorité, mais je me reconnais bien dans ce si simple « ça ne se fait pas », non pas parce que c’était plutôt en accord avec mes convictions, mais parce que le ton (ce que j’appelle bon sens) m’est familier. On le dit, et ça sort tout seul, et on ne l'explique pas.
Le terrorisme intellectuel consiste à obliger à couper les cheveux en 4 sur ce que l’autre n’a parfois comme unique défense à opposer : bon sens. Ensuite vient le chantage émotionnel avec le FN, la sommation de se resaisir, parce qu’il y a dans l’air un genre de consensus sur les questions dites sociétales entre gauche et gauchistes qui se réclament pourtant tous partisans de la pleine liberté d‘expression (et euh du… libre choix). Je comprends mieux comment l’esprit du maccarthysme pourrait atteindre les rangs de l’autre gauche. On ratiocine, on épie, on repère, on jubile à la moindre faiblesse sémantique, on fait de la goujaterie malvenue par associations de personnes (JLM/LE PEN), on créé des clans sur ce propre blog (le clan qui gens « qui ont des positions correctes et raisonnables » pour te paraphraser, et le clan des « égarés » ou « crypto-faschistes anti-musulmans » pour les plus virulents).
Maintenant le lien avec ce que j’ai essayé vainement de déblayer dans mon post 767 (que seule Louise a compris, sur l’insistance répétitive de ce qu’est l’acte de voter par Jean-Luc Mélenchon, quasi-sacré pour lui,) : j’essaie de te démontrer que la position si « polémique » de Jean-Luc Mélenchon est parfaitement cohérente avec son idéologie, pas de te convaincre qu’il aurait raison. Sur l’importance fondamentale de l’acte de voter et son idéal d’émancipation, et pourquoi ça cadre, dans le schéma idéologique de Jean-Luc Mélenchon, avec l’idée d’un principe de non-dissimulation des visages dans la sphère publique : dans le fait de voter, il y a aussi la citoyenneté ET la visibilité parce qu‘on présente sa carte et qu‘on signe la feuille des électeurs inscrits. Jean-Luc Mélenchon considère la visibilité au sens propre comme figuré : j’existe, je signe, je vote, je suis là (oh pouvoir oppressant ! Soyons un peu lyrique…), mon choix est secret dans l’isoloir, ET… mon visage qui confirme mon identité (carte et physionomie) est unique au monde ! (sauf dans les cas des vrais de vrais jumeaux qui n’ont pas changé de look pour se démarquer) Il a une vision de l’émancipation active, pas à reculons comme ta grande théorie de la femme sous burqa à qui il faudrait de la pédagogie. Il a une vision de l’émancipation collective qui est offensive sur le plan électoral.
Que tu ne sois pas d’accord avec tout ça, je ne te l’ai jamais contesté ni reproché, j’essaie juste de décrypter pour toi. Quand je te martèle qu’il n’y a aucune chance pour qu’il change d’avis, c’est parce que Jean-Luc Mélenchon me parait très très construit idéologiquement. Il se définit comme républicain socialiste, donc il n’est pas un révolutionnaire libertaire : tu ne transformeras jamais un républicain socialiste en républicain libertaire ni en révolutionnaire socialiste ;-).
Et pour la énième fois : relis bien les 2 billets (07 et 12/01/2010) : Jean-Luc Mélenchon parle de non-dissimulation du visage, de ce que j’ai appelé l’impératif de package (l’extension à plus général - par exemple en profiter pour faire sauter le Concordat, le rappel que les buts ne doivent concerner que le fait de garantir la liberté, l’égalité la dignité pour les femmes), il est favorable à l’idée d’une loi. Mais pas la loi de Nicolas Hortefeux ! Si on est favorable à l’idée d’une loi, avec des tas d’autres mesures opportunes pour la laïcité, ça ne veut pas dire qu’on est pour la loi de Jean-Marie Besson ! Cesse d’en être si tourmentée (« j’en suis malade » dis-tu !), car avec toutes les conditionnalités proposées, il n’y a aucune chance pour que notre sénatrice (enfin !) vote ce que proposerait l’UMPFN. Tu te rends malade parce que Jean-Luc Mélenchon dit qu’il est favorable à l’idée d’une loi qui te fait immédiatement conclure que ce serait forcément la loi des forces néo-pétainistes, qu‘il est soit égaré voir limite islamophobe ?
Et t’es-tu demandée si la burqa est un signe d’islamité ? Le signifiant très fort de ce vêtement va au-delà de l’islam (qui n’est qu’une religion ou culture), la dissimulation totale du visage d’une femme N’EST PAS un signe d’islamité, c’est beaucoup plus fort, c’est violent symboliquement, et ce n’est pas de l’islamité. Jean-Luc Mélenchon ne propose pas d’éradiquer un signe d’islamité, quand il fait le rapprochement avec le lancer de nain, il ne dit pas « n’importe quoi ». Il raisonne plus par l’idée de négation de la citoyenneté (visage sur carte d‘identité qui permet entre autre de voter, en parallèle avec visage unique libre) et dignité contenue dans cette citoyenneté qu‘il rêve de redynamiser. Quand je te disais que tu étais un peu essentialiste sur les bords, c’est que tu ne te rends même pas compte que tu rapproches l’idée de se (ou faire) dissimuler totalement le visage (surtout féminin bien sûr) serait un signe d’islamité anodin. Hommage ambigu de la part d’une amie affichée des musulmans... J’ai plutôt entendu de leur part « ça ne se fait pas ». Et c’est à cause de ta dialectique très répétitive anti-racismes, que j’avoue être surprise par ta relative décontraction à l’idée de voir circuler des gens en costume SS ou KKK dont les « messages » sont quand même racisme (un délit en France).
Encore une fois, j’espère que tu ne prendras pas mal ce pavé, ou la façon dont j’essaie de parler de certaines de tes contradictions. J’ai vraiment l’impression que tu es ébranlée, et j’avoue que ça m’inquiète un peu, alors que si tu prenais un peu de recul, et arrêtais de faire comme si Jean-Luc Mélenchon parlait le même langage que Brice Besson, que tu comprenais son cadre idéologique, tu nous épargnerais les si culpabilisateurs et déclinistes : « C’est regrettable, c’est criminel pour la gauche en France, pour le FdG et toutes ces belles choses qu’on essayait de construire. Je ne sais pas si on pourra réparer les dégâts… ». Moi les bras m’en tombent de lire des conclusions pareilles.
Je pense que ta seule incompréhension vient du fait que tu as mal évalué le cadre idéologique de Jean-Luc Mélenchon, mais que tu sois seulement d'accord à 50, 60, 75, 80 % de ce cadre, c'est tout à fait ton droit d'avoir d'autres conceptions de l'émancipation ; cependant j'ai envie de te dire que tu ne peux pas dire que ce cadre, dont découlent toutes ses prises de positions, est réactionnaire, discriminatoire à l'égard des musulmans, liquidateur de la gauche, d'un égaré, irrationnel, et tutti quanti.
Je ne dis pas que ce cadre idéologique le rendra infaillible : sa plus grosse bétise politique ce n'est pas d'être favorable à l'idée dune loi contre la dissimulation discriminatoire des visages féminins dans l'espace public assortie de tas de conditions et de l'extention de la laïcité en Alsace-Moselle c'est donc ça l'objet du "scandale" ici bas depuis le 07/01/2010 ?), non, ce fut son flamboyant plaidoyer pour... Maastricht ;-). Que tu te rendes malade pour ça, et pas pour cette connerie libérale monumentale me sidère, erreur politique de jugement qu'il a admise d'ailleurs, mais justement, emporté par cet idéal universaliste qui nous vient des Lumières, il s'est royalement planté.