15jan 11
Ce soir, comme beaucoup d'entre vous, j’ai navigué et regardé partout où il y avait à voir ou à entendre, le cœur battant, les rebondissements des évènements en Tunisie. J’avais dit mon pressentiment. Nul n’est plus légitime au pouvoir, quelles que soient ses difficultés, qui a fait tirer l’armée contre le peuple. L’usage de l’armée contre le peuple marque la ligne de partage dont aucun pouvoir ne revient sans s’être transformé en autre chose. Ben Ali le savait. Et comme il était irréel de l’entendre parler de cesser les tirs « à balle réelle », façon d’avouer qu’ils étaient autorisés auparavant et donc froidement délibérés. Comme elle était dérisoire cette tentative ensuite pour revenir en arrière, et gommer l’insigne stupidité des décisions prises, jusqu'à l’absurde décision criminelle de faire feu. Bien sur, je scrute comme homme qui a beaucoup décortiqué les processus révolutionnaires. J’ai l’appétit d’en comprendre les mécanismes intimes sous toutes les latitudes. Et même quand mes congénères d’alors pensaient que la révolution n’était plus qu’un fantasme du siècle passé. Je scrute les visages à la télé, je me gorge de ce qui se dit au téléphone et par internet. Je sais qu'il faut apprendre. D'urgence.
Les photos qui illustrent ce post sont de Gérard Perrier. Merci à lui.
J’ai décidé de ne répondre à aucune sollicitation médiatique dès que j’ai vu le cirque des résistants français de la vingt cinquième heure se mettre en place. Tout d’un coup voici les tutunes de la jet set parisienne qui se rengorgent. Ben Ali a fui, eux sont toujours là. Ils ne se rendent pas compte que leur morgue de classe fait le même effet aux Français que le faisaient les précieuses personnes du pouvoir tunisien sur le petit peuple. Ben Ali, membre de l’internationale socialiste, hôte bienveillant d’innombrables éminences médiatiques et politiques « de droite et de gauche » selon l’expression consacrée est lâché en direct par ceux qu’il a si bien et si longtemps nourri. Passé l’écœurement que ces cours versatiles m’inspirent je reviens à l’analyse plus politique.
En Tunisie, le peuple populiste exige que ses dirigeants s’en aillent tous. Il a gagné la première manche. Le président est parti. Ce n’est qu’un début. Une révolution est commencée en Tunisie. Son contenu social est clair. Mais son préalable démocratique tout autant. Les tunisiens veulent des élections libres. Oui, des élections ! La révolution tunisienne en cours est une révolution citoyenne. La possibilité de choisir eux-mêmes sans contrainte ce qu’ils veulent. C’est ce que l’on nomme la souveraineté. La question de la démocratie est la forme que prend la question sociale. Pour pouvoir régler les problèmes concrets de leur vie quotidienne, les tunisiens pensent qu’ils sont capables de choisir comment faire puisque le pouvoir en place en est incapable. Incapable et accaparé par un petit nombre. Cette simple démarche met le feu aux poudres. Naturellement peu nombreux ici sont ceux qui ont l’air de comprendre que cette façon de faire pourrait bien un jour traverser la méditerranée. Cela se fera, n’en doutez pas.
La sidération et même l’effroi de l'oligarchie médiatico-politique française ne rabat pourtant pas leur morgue. Je m’amuse de voir ceux qui ont tant aimé les conférences tous frais payés et les « per diem » coquets en Tunisie se taire et regarder ailleurs. Ce soir j’entendais des médiacrates s’étonner du silence de la « classe politique ». Ce concept politique foireux a été inventé à la fin du dix neuvième siècle par un pré-fasciste italien et Antonio Gramsci a dit tout le mal qu’il fallait en penser. Cette façon de globaliser est la nouvelle façon de continuer le travail qui mine petit à petit tout le système sur lequel eux mêmes sont assis. Mais dans l’urgence, c’est une façon de passer la patate chaude. Eux ont tellement lutté « pour la démocratie et les droits de l’homme » en Tunisie ! C’est bien connu ! On sait quand : dès que Cuba et Chavez et le danger populiste leur laissaient cinq minutes d’indignation disponibles ! On se marre.
Lorsque Zinedine Ben Ali a sorti du pouvoir en douceur le père fondateur Habib Bourguiba, il a soulevé un immense espoir. Les premières années étaient convaincantes. Tous nos amis sont sortis de prison. De nombreux cadres de gauche ont rallié le nouveau régime. J’ai fréquenté de près maints membres du groupe « perspectives », qui sortaient enfin à l’époque dans la lumière du jour. Puis Mohamed Charfi, le brillant ministre de l’éducation qui avait envoyé au pilon touts les manuels scolaires qui faisaient des exemples sexistes ou religieux. Eux nous convainquaient qu’il fallait tenter l’expérience. Comment leur en vouloir après ce qu’ils avaient subi. Pourquoi s’interdire l’espoir ? On y a cru. Pas tous, mais beaucoup. Puis les choses se sont gâtées. Tout le monde n’en a pas croqué dans les résidences que le pouvoir mettait à la disposition de ses amis. Toute l’ambigüité des réactions de maints responsables politiques honnêtes à gauche est dans la valse hésitation entre le souvenir de ces années où la démocratie semblait commencée, leurs promesses, et la réalité chaque jour plus cruelle.
Bien des signaux d’alarme ont été tirés. Quand la lutte politique contre l’islamisme a tourné aux massacres privés et aux rafles générales incluant les communistes et les défenseurs des droits de l’homme, ils ont été nombreux ceux qui nous ont mis en garde. Ils n’ont pas été écoutés comme ils auraient du l’être ! L’Europe avait plus urgent. Les pitreries du dernier prix Sakharov en témoignent. Les opposants tunisiens n’avaient pas le bon gout d’être cubains ni d’être partisans des guerres américaines en Irak et en Afghanistan comme ce brave chinois du Nobel. Ils ont donc ouvert leur chemin tous seuls. C’est un exemple. Ils lancent une maladie contagieuse, le virus de l’Amérique du sud a franchi l’atlantique : « qu’ils s’en aillent tous ! » « Ben Ali dégage ! » criaient les manifestants à Tunis. Et des conseils de quartiers se sont mis en place. La révolution citoyenne c’est ce mécanisme là. Il va se traduire. La contagion est assurée. Dans le Maghreb et en Europe. Ce n’est pas une histoire exotique. Ce n’est pas une baston chez les sous développés. Je l’ai déjà dit : c’est une affaire de famille. Je sais donc que le virus a passé la méditerranée.
C'est beau un peuple qui se soulève...
J'ai peur qu'il ne soit en train de se faire rouler...
@descartes
Comme vous êtes raide. Ben oui, vous ne savez pas que beaucoup de diplômés d'Afrique vendent des légumes, ou des moutons, ou des cartes téléphoniques ? Il faut sortir de France, vraiment, ça urge. Ce mouvement, eh bien, il est formidable, voilà, et il présente bien des aspects intéressants. Par exemple ? La mobilisation internet, les attaques très professionnelles contre les sites gouvernementaux (tiens ?), la tendance qui s'était déjà affirmée en Espagne lors des manifs anti-Aznar de s'organiser avec le web et le portable, qui fait encore une fois valser un régime réac. Quant à la suite, eh oui, on verra...comme le disait Gilles Deleuze, toute révolution est destinée à foirer, et alors ? La victoire, l'immense victoire est déjà là pour tout le monde arabe, d'une part, et plus largement pour tous les démocrates pacifistes du monde. Vous trouvez que c'est peu ? pas moi.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, une véritable révolution démocratique et anticapitaliste a lieu en Islande en ce moment même, et personne n’en parle, aucun média ne relaie l’information, vous n’en trouverez presque pas trace sur « google »: bref, le black-out total …
Pourtant, la nature des évènements en cours en Islande est sidérante : un Peuple qui chasse la droite au pouvoir en assiégeant pacifiquement le palais présidentiel, une « gauche » libérale de remplacement elle aussi évincée des « responsabilités » parce qu’elle entendait mener la même politique que la droite, un référendum imposé par le Peuple pour déterminer s’il fallait rembourser ou pas les banques capitalistes qui ont plongé par leur irresponsabilité le pays dans la crise, une victoire à 93% imposant le non-remboursement des banques, une nationalisation des banques, et, point d’orgue de ce processus par bien des aspects « révolutionnaire » : l’élection d’une assemblée constituante le 27 novembre 2010, chargée d’écrire les nouvelles lois fondamentales qui traduiront dorénavant la colère populaire contre le capitalisme, et les aspirations du Peuple à une autre société.
http://www.cadtm.org/Quand-l-Islande-reinvente-la
Alors qu'en leurs temps les articles n'ont pas manqué sur la " faillite " de ce pays la presse française se garde bien aujourd'hui d'en relater le dénouement.
J'aime à croire que la Tunisie resterait un espace pour le peuple, dans l'exercice d'une démocratie nouvelle. Nouvelle, car chaque révolution doit apporter sa part contributive à la prochaine. Est-ce à dire que toute révolution est vouée à l'echec ? Non. Chaque révolution soulève des tonnes de questions, souvent tellement, que nul ne peut y répondre, nul ne peut organiser une réponse. Dans le chaos naissant, les solidarités se crispent et les individualismes explosent. Tout le monde veut ce qu'il n'avaitpas auparavent. Pour certains la richesse, d'autres le pouvoir, d'autres encore l'amour, l'amour de soi, la reconnaissance, l'apartenence à un groupe, d'autres encore le vol, la rapine, les règlements de compte, la truanderie...
Toutes les révolutions, plutôt à caractère humaniste et nobles d'esprit, La Commune, La révolution Française, les grands mouvements pacifistes des années 60-70, la révolution russe, passe par un très court épisode de gauche avant de revoir revenir au galop des dictateurs en tous genres, au pire, ou une droite radicale plus espéditrice que la précédente.La révolution est un temps très court pendant lequel il faut acter un maximum d'idiomes qui seront autant de gardes fous pour la contre-révolution a venir. Penser la contre révolution citoyenne doit être un exigence, ne serait-ce que pour la contrer.
Les tunisiens, gloire à leur peuple ont oser... Aidons les à envisager une assemblée constituante, pour qu'ensemble, les tunisiens dans leur grande majorité définissent ce qu'ils attendent d'un Etat et ce que l'etat attend d'eux. Bien qu'il faille penser économie, ils doivent raison garder et penser en premier lieu à leur peuple. La force d'Athènes à son apogée résidait dans le fait que ces guerriers étaient de simples paysans protégeant leur cité. Le peuple participait tout entier à la défense des valeurs qui les encadraient. Les paysans étaient propriétaires de leurs arpents.
La Tunisie aux tunisiens, aux laborieux de tous poils, hommes, femmes, enfants, vieillards... Une démmocratie nouvelle travaillant pour l'intérêt de tous, dans laquelle tous défendraient des valeurs essentielles à l'entendement de n'importe quel quidam. Une démocratie onflexible face à l'argent, je ne remercierais jamais assez les islandais dans leur stratégie
Désolé de ne pas avoir les idées (ni les mots) claires et d'avoir choqué certains.
La démocratie dans un parti, qu'est-ce que cela voudrait dire ?
Pour moi, cela voudrait dire au moins trois choses.
- le droit pour tous les adhérents d'élire leurs dirigeants, à condition que ceux qui ne sont pas d'accord avec la majorité sortante puissent se présenter, et faire entendre également leur point de vue (évidemment que les votes ne soient pas truqués).
- le devoir des candidats d'exprimer en interne leur orientation politique, et pas seulement leur "personnalité"
- le devoir pour la majorité élue de respecter la minorité, cad de ne pas les éliminer de fait entre deux consultations "électorale". De leur permettre de continuer à s'exprimer auprès des adhérents. Si ce droit d'expression n'existe pas, on est comme dans un pays sans presse, radio, télé "libre". Autant dire que l'on est dans une démocratie de façade.
Idéalement, j'aimerai qu'il y ait un droit de révocation des dirigeants par les adhérents en cas de problèmes divers (ex: malhonnêteté découverte, changement de ligne incompréhensible)..Mais je n'en demande pas tant !
Évidement je n'ai pas noté divers éléments allant de soi, comme la publication interne des statuts, des décisions, du programme...
Chacun verra que, selon cette définition (approximative et partielle) de la démocratie dans un parti, bien peu de partis le sont. Peut-être que le NPA s'en approche (je ne le connais pas suffisamment), mais j'ai observé qu'au PS on trafiquait carrément le vote des adhérents (sans compter qu'on ne respecte pas plus le vote des citoyens, voir le référendum sur l'Europe, puis leur vote à l'assemblée nationale). Bien sûr l'UMP est encore pire.
Quand au PG, c'est un parti "jeune", il est un peu tôt pour le dire. Actuellement la démocratie interne n'est pas son fort, mais cela peut changer. A chacun de supputer ce qu'il peut devenir.
L'agence Moody's dégrade la note de la Tunisie : Honteux
Asservissement des pays à la cause de Wall Street.
Marche forcée des populations au rythme des bonus banquiers annuels faramineux
ASSEZ!
La révolution citoyenne en marche en Tunisie suscite bien des réactions, parce-que c'est un évènement politique majeur, c'est de l'espoir pour tout un peuple. Je veux former des voeux pour ces tunisiens courageux qui avancent dans leur révolution citoyenne. De même, je forme des voeux pour notre révolution citoyenne, celle de 2012. Je forme des voeux pour que le Front de Gauche avance, pour qu'il gagne les élections présidentielles de 2012. Je veux à nouveau espérer et croire en la France. Je veux espérer pour ce beau pays, pour mes enfants, pour mes futurs petits enfants. Je veux donner de l'espoir à mes enfants. Je veux qu'ils soient heureux de vivre en France, d'y travailler. Tous mes espoirs seront portés par le Front de Gauche et par Jean-Luc Mélenchon. Nous avons besoin d'en sortir. Nous avons besoin de nous en sortir. Il faut nous unir et porter le Front de Gauche jusqu'à la victoire. Français, réveillons-nous, nous avons la chance de pouvoir nous révolter en glissant un bulletin dans l'urne. Nous ne devons et ne pouvons pas manquer le rendez-vous avec notre histoire. Votons avec bon sens, soutenons ceux qui nous veulent du bien et sont capables de porter dignement un projet de gauche d'envergure. Tous derrière Jean-Luc Mélenchon. Bonne année à tous
Le peuple français doit et construit sa révolution en prenant bien en compte toutes les formes (démocratie-pacifiste-anticapitaliste-humaniste-égalitaire)
Mais c'est avec des représentants tel que Jean-Luc Mélenchon que l'espoir et peut-être la victoire sera au rendez vous car quel être humain ne souhaite-t-il pas combattre la misère, le chômage, les bas salaires, la précarité etc...
Je veux espérer pour notre pays un avenir meilleur pour nos enfants, petits enfants.
Françauses, Français réveillons-nous. Des Ben Ali avec des tonnes d'or ça suffit !
J'avoue m'être posé la question " Quelle aurait été l'attitude des CRS si au cours des manifestations contre la réforme des retraites, il y avait eu des débordements importants avec casse et agressivité envers les forces de l'ordre"?
Quelle leçon pour nos élites cette révolution en Tunisie, il n'y croyait pas! A quand la contagion?