09mar 11
Hier, Wallerand de Saint Just, l’avocat de la Présidente du FN a annoncé que sa cliente portait plainte contre Jean-Luc Mélenchon car ce dernier « a été jusqu’à invectiver gravement Marine Le Pen en la traitant de « fasciste ». Dans ces conditions, la présidente du Front national a donné instructions à son avocat de déposer plainte contre M. Mélenchon pour injures publiques. » Cela fait référence au fait que samedi, lors de la manifestation pour la défense des droits des femmes, Jean-Luc avait réagi à l’annonce des sondages bidonnés qui présentent Mme Le Pen en tête du premier tour des élections de 2012, en déclarant (selon l’AFP) à une journaliste qui lui demandait s’il croyait possible une victoire de la responsable frontiste : « Pourquoi voulez-vous que le peuple français soit le seul peuple qui ait envie d’avoir un fasciste à sa tête ? »
Dans les lignes qui suivent, je ne m’attacherai pas à démontrer en quoi la fonction sociale et politique de l’extrême droite française reste la même depuis un siècle, quelles que soient les évolutions de ses apparences. Elle est là, particulièrement en période de crise, pour placer des anneaux d’aciers autour du tonneau capitaliste qui se disloque. Dans ce billet, je veux rester concentré sur le mot qui sert de prétexte à la plainte et qui serait injurieux pour la fille de Jean-Marie Le Pen au point, selon elle, qu’il faille attaquer en justice ceux qui l’emploient… Encore que. Pas tous manifestement, puisque Mme Le Pen n’a pas porté plainte contre Bernard-Henri Lévy quand ce dernier a dit d’elle le 6 décembre dernier, sur le plateau du Grand Journal de Canal + , qu’elle était « aussi fasciste que son père ». Il est des icônes médiatiques auxquelles le FN ne s’affronte pas. Il préfère s’en prendre à ceux qui sont leurs réels adversaires.
« Fasciste », le terme serait donc désormais une injure pour Marine Le Pen et sa famille politique. Ah bon ? Et depuis quand ? Oui, depuis quand Mme Le Pen et le FN voient dans ce mot, et ce courant politique, quelque chose d’injurieux auquel ils ne veulent en rien être associé ? Depuis quand prennent-ils leur distance, refusant la filiation avec les valeurs et les symboles du mouvement fondé en Italie au début du 20e siècle par Benito Mussolini ? Il s’agit sans doute de la nouvelle stratégie de communication de Mme Le Pen et ses amis, mais au nom de quoi devons nous l’accepter et l’assimiler ? Car le moins que l’on puisse dire, c’est que ces dernières années, Mme Le Pen n’a pas toujours fait preuve de la même sensibilité. Voici quelques exemples pour être plus précis. Pendant une année, en 2007, au Parlement européen, Marine Le Pen a fait partie d’un groupe parlementaire composé de 20 parlementaires qui se nommait Identité Tradition Souveraineté (ITS). Parmi les deux députés italiens qui composaient ce groupe, qui se réunissaient avec Mme Le Pen sans que cela ne lui pose le moindre problème, il y avait une certaine… Alessandra Mussolini ! Cette dernière est la petite-fille du « Duce » Benito Mussolini. Sur les plateaux de télé elle refuse publiquement que l’on rejette « l’héritage mussolinien ». Le 9 mars 2006 (soit un an avant que Mme Le Pen ne voit aucune difficulté à faire un groupe parlementaire avec elle) Mme Alessandra Mussolini avait déclaré à la télé « Meglio fascista che frocio ! » ce qui signifie en bon français : « Mieux vaut être fasciste que pédé ! ». Classe, non ? Ces propos n’ont bien sûr jamais été condamnés par la Présidente du FN.
Mme Le Pen prétend qu’elle n’a rien à voir avec le fascisme et ses symboles ? Mais, sait-elle que le logo du parti dont elle est la Présidente, la flamme tricolore, est la copie conforme de la flamme du Mouvement Social Italien (MSI), mouvement italien qui se réclame du fascisme, né le 26 décembre 1946 après la chute du système mussolinien et l’interdiction du Parti national fasciste par le gouvernement provisoire et les alliés ?
Se présentant comme des « fascistes sociaux », ils disent d’eux-mêmes:
« Oui, nous sommes fascistes ; mais de ces fascistes qui se sont battus pour donner à l'Italie une législation sociale et syndicale. Nous sommes les fascistes des contrats collectifs de travail reconnus comme des lois, des syndicats conçus comme de libres associations de travailleurs libres et démocratiquement organisés. […] Nous sommes les fascistes qui nous sommes battus pour la participation des travailleurs à la gestion et aux bénéfices des entreprises. »
Le principal dirigeant de ce parti « fasciste » ou « néo-fasciste » sera Giorgio Almirante, avec lequel Jean-Marie Le Pen fera des meetings comme le montre cette photo. Ces relations politiques n’ont jamais été condamnées par Marine Le Pen qui se considère comme l’héritière politique de son père dont elle assume les actes politiques.
Si l’on résume, on peut donc dire que Marine Le Pen considère normal de faire un groupe parlementaire avec la petite fille de Mussolini qui se réclame encore du fascisme, elle trouve innocent d’avoir le même logo qu’un parti transalpin qui se dit « fasciste », ne voit rien à redire avec le fait que son père ait organisé des meetings avec le dirigeant historique du fascisme italien d’après guerre… mais trouve « injurieux » qu’un homme de gauche utilise ce terme pour parler d’elle.
Dans ces conditions, si Marine Le Pen veut un procès contre Jean-Luc Mélenchon, qu’elle y vienne. Moi, je m’en réjouis d’avance, ce procès pourrait être l’occasion d’une belle confrontation politique avec celle que tout le monde présente comme « la rebelle anti-système » alors qu’elle n’en est qu’une pièce maîtresse. Tout comme son père, elle mène un travail « d’euphémisation » de son discours, de son apparence. Si un tribunal condamnait Jean-Luc Mélenchon pour ses propos, cela signifierait alors que l’on ne peut plus caractériser politiquement l’extrême droite comme on l’entend. Cela signifierait que c’est Mme Le Pen elle-même qui déciderait de la façon dont il faut parler d’elle. Une telle victoire signifierait une étape supplémentaire dans la banalisation de l’extrême droite.
Si ce procès avait lieu, défendre Mélenchon, c’est permettre à la gauche de parler clair et de désigner ses adversaires.
Faites entrez l’accusé, il se tient droit, debout.
Post scriptum : Pour ceux qui veulent constater de visu combien Marine Le Pen n'a jamais eu le moindre contact avec un fasciste, cliquez là. (Merci Monsieur Jo)
Pour commenter cet article, et retrouver tous les articles d'Alexis Corbière, rendez vous sur son blog www.alexis-corbiere.fr