07oct 11

Primaires socialistes. Montebourg et Valls me répondent. Obama, Badinter, Le Néouannic.

Retiens ton souffle, camarade, puis n’oublie pas de respirer !

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9 octobre 2011 / 21h50

Communiqué sur la primaire socialiste

Je félicite le Parti Socialiste pour ce beau résultat de la mobilisation de ses militants et ses élus depuis plusieurs mois. Sur les dix-sept millions d’électeurs de gauche du deuxième tour de 2007, il est parvenu à en rassembler plus d’un million et demi pour choisir son candidat. Je note que les votes ont placé en tête les deux candidats du programme officiel du Parti socialiste. Leurs nuances ont été trop faibles pour qu’ils soient clairement départagés. Mais je note surtout la percée spectaculaire d’Arnaud Montebourg et des idées de rupture qu’il porte dans des termes souvent identiques à ceux du Front de Gauche. Je forme le vœu qu’il n’en diminue pas la signification et la portée. J’espère donc qu’il n’accepte aucun marchandage ni arrangement de circonstances pour le deuxième tour. Quoi qu’il en soit, le Front de gauche aura son candidat au premier tour de l’élection présidentielle et je porterai avec le programme « l’humain d’abord » le projet de la sixième république, de la planification écologique, de la bataille pour juguler la finance et en finir avec le système de l’Europe du laisser faire.

Je devais m'exprimer ce lundi matin 10 octobre sur Europe 1 à l'invitation de Jean-Pierre Elkabach. Celui-ci m'a fait prévenir par SMS ce dimanche à seize heures (la classe!) qu'il annule notre rendez vous. C'est donc à cenils_ruinet_014 lapin qu'il me pose que vous devrez mon absence et non à un refus ou un oubli de ma part. Je le précise car je ne veux pas connaitre la même mésaventure où d'autres s'excusèrent de mon absence en m'en rendant responsable. Au cas précis, dans la mesure où j'avais décliné les autres invitations pour respecter l'exclusivité de celle-ci, et dans le cas où vous seriez impatients de connaitre mon analyse, il vous faudra venir à Brive en Corrèze mardi 11 octobre pour le meeting que j'y anime ou bien regarder France 3 Limousin lundi soir.

Maintenant, retenez votre souffle jusqu’au vote des primaires ! Quel suspens ! Mais, ensuite, n’oubliez pas de respirer ! De toute façon, il le faudra bien. Car, aucun des problèmes soulevés ne redescendra avec la poussière ! J’en parle. Puis je vous tiens informés de la suite des pressions des USA sur l’Europe. Si vous voulez suivre ce feuilleton crucial pour comprendre les semaines qui viennent, il vous faudra revenir à ma précédente note qui fait le point sur le sujet. Puis il est question de la guerre d’Afghanistan. Enfin je parle de laïcité. Et de ses héroïnes. Oui.

Un grand merci à Nils Ruinet, auteur des photos qui illustrent ce billet. Pour le clin d'oeil, elles ont toutes été réalisées et retouchées avec son téléphone !

Avant le premier tour des primaires socialistes, je me risque à un petit bilan. Pro domo ! Je le fais au risque du résultat qui pourrait l’infirmer pour partie. Elles ont été un incontestable moment de politisation à gauche. Les débats ont été suivis. Ils ont fait réfléchir ceux qui y ont assisté. Sur le terrain, pour la première fois depuis longtemps les socialistes ont dû aller au contact non pour vendre des salades locales mais pour convaincre de politique nationale et des différences de ligne politique plutôt que d’étiquette. Je ne m’exagère pas cet épisode militant mais je le prends en compte. J’en suis gourmand car je ne perds pas de vue qu’il y aura des lendemains d’expectative pour ceux qui se seront laissés convaincre, mais dont le champion(ne) sera battu(e). Au deuxième tour ils devront choisir que faire. Puis les électeurs des cinq battus devront nils_ruinet_001ensuite savoir s’ils choisissent de soutenir le vainqueur au premier tour de la présidentielle où s’ils font un autre choix à gauche. Ce sera le troisième tour en quelque sorte. On peut l’organiser si le(a) survivant(e) accepte de débattre avec moi.

Ce premier épisode ne nous aura pas desservis. Il aura même profité au Front de Gauche de bien des manières. Les interventions de Montebourg surtout, mais aussi celles de Ségolène Royal sur maints points, ont désenclavé le vocabulaire et les thèmes portés si longtemps par nous seuls. Il est frappant de voir combien le centre de gravité du débat s’est déplacé sur la gauche depuis cet été où l’on assista au concours du champion socialiste de l’austérité. L’autre apport pour le Front de Gauche est venu des éclaircissements reçus sur le positionnement des candidats socialistes à propos de plusieurs questions essentielles. En particulier celles du partage des richesses et du système d’alliance. Sur le SMIC et sur le choix entre l’alliance au centre ou celle avec le Front de Gauche, nous sommes fixés. Mais que de révélations également en cours de route ! Par exemple sur le statut des enseignants que les deux premiers dans les sondages veulent changer pour faire « travailler plus et gagner plus ». Comment sera perçu le chassé-croisé entre Hollande et Aubry sur la dépense éducation ? On ne sait pas. Mais il restera selon moi un froid sévère entre ces deux-là et le monde éducatif. En effet sur le terrain on a bien compris que tous les deux veulent faire travailler tout le monde davantage. Tous les deux disent bien d’autres chosesnils_ruinet_002 inacceptables. L’un en proposant 60 000 créations de postes avalise 16 000 suppressions. L’autre réitère son idée saugrenue d’un nombre d’élèves par classe en fonction de la situation sociale du quartier.

Ces clarifications en tout genre nous aident pour le lendemain de ces primaires. Elles seront présentes dans le débat quand les électeurs de gauche devront choisir entre le Front de gauche et le vote socialiste. Dans les milieux et les réseaux les plus politisés ou les plus au fait des dossiers tout cela compte beaucoup. Et c’est de ces milieux-là que va partir la mobilisation citoyenne à gauche pour l’élection présidentielle. Voici venu le moment de collationner les réponses faites à mon invite aux socialistes de choisir entre l’alliance au centre et l’alliance à gauche. Je compte sur mes commentateurs pour rafraichir les déclarations s’ils en trouvent d’autres plus explicites. Car on a compris que le flou est toujours l’indice d’une prédilection inavouée. Et pour être plus net je dis que ceux qui ne savent pas répondre clairement sont en fait des amis de l’alliance au centre qui n’osent pas le dire aujourd’hui et qui tromperont tout le monde à la fin. Je fais le tour donc d’un verbatim à l’autre. Voyons François Hollande : "C'est au second tour que les uns et les autres auront à prendre leur responsabilité. Il faudra faire accueil à tous ceux qui le voudront à condition qu’ils acceptent le projet". Martine Aubry : "au-delà de la gauche, des républicains, des démocrates voudront, je l'espère, s'associer à nous." Ségolène Royal : "Je prends l'engagement de veiller à dépasser les clivages politiques. Cela n'empêche pas de rassembler d'abord son camp. Ce que je veux pour la France, une majorité constructive avec les centristes humanistes, des gaullistes sociaux"

Arnaud Montebourg : «Je pense qu'il n'est pas nécessaire de construire d'alliance avec des partis pour bâtir une majorité présidentielle. C'est la majorité parlementaire qui le nécessite, et, en ce qui me concerne, je crois possible une alliance avec les Verts, les radicaux de gauche, les républicains de Jean-Pierre Chevènement, le Parti communiste et le Front de gauche. Je ne crois pas que le centre existe. » Enfin Manuel Valls : « Nous devons rassembler la gauche et les écologistes, à condition d'avoir clarifié de nombreux débats. Mais je reste convaincu que des hommes et des femmes comme Dominique de Villepin, Français Bayrou ou Corinne Lepage, pour ne citer qu'eux, peuvent faire partie, s'ils le souhaitent, d'une majorité de large rassemblement.». Au cours des dernières heures Manuel Valls et Arnaud Montebourg ont fait l’un et l’autre des déclarations sur ce thème et pour me nils_ruinet_003répondre dont je les félicite. Valls a dit sur BFM-TV qu'"évidemment" il voulait s'allier avec Bayrou. Et Montebourg a dit hier soir sur Beur FM qu'il était "dans une stratégie de Front populaire, c'est à dire de rassemblement des gauches pour bâtir une alternative". Ils ont dit des choses exactement inverses mais ils les ont dites clairement et sans détour. Je les en remercie l’un et l’autre.

Je n’ai pas compris quelle logique politique organisera le second tour de ce vote. D’habitude, au deuxième tour d’une élection, on vote pour le candidat de gauche le mieux placé. Ce cas de figure ne s’applique pas ici, cela va de soi. Ils sont tous membres du même parti. Mais chacun nous a dit qu’il était assez différent de l’autre pour se sentir vocation à se présenter. S’agirait-il alors de dire quelles sont les différences les plus ressemblantes ? Paradoxe. Il n’y aura donc que deux attitudes possibles me semble-t-il pour les recalés du premier tour. Ou bien laisser passer le mieux placé ou bien le déclarer tellement insupportable qu’on accepte n’importe quelle coalition pour le battre. Mais alors quel désaveu a assumer pour les perdants au moment il leur faudra faire campagne. C’est pourquoi je parie que si l’écart entre le premier et le second est supérieur à dix points, le suivant se retirera purement et simplement.

A présent il faut admettre que les socialistes en dissolvant leur parti dans le mécanisme des primaires ont ouvert une nouvelle période de leur histoire. Par contrecoup nous y sommes tous impliqués. Et ce n’est que le début. Viendront inévitablement les primaires pour la tête de liste aux élections municipales ou cantonales et régionales. Nous devrons alors bien réfléchir à ce qu’il faudra faire. Car ce qui vient d’apparaître à cette occasion c’est que nous sommes, de fait, que cela nous plaise ou non, protagonistes de ces votes. Beaucoup de personnes qui vont voter Front de gauche au premier tour de l’élection présidentielle vont pourtant aller voter aux primaires socialistes. Je le sais bien. Pas mal sont venues me le dire, à la manifestation des enseignants et à celle des retraités par exemple. Que je n’y aille pas et que j’explique pourquoi ne les a pas dissuadés. Comme je l’ai dit, chacun n’en fait qu’à sa tête. Je n’y peux rien. Je sais que c’est comme ça que tout se fait à présent. Et j’ai bien des raisons de ne pas m’en plaindre. J’imagine qu’il en ira de même pour les élections nils_ruinet_004locales. Je ne parle pas seulement des nôtres qui voudront y voter mais de ceux qui voudront y concourir. Ceux qui ont ouvert leur boite de Pandore ne sont pas prêts de pouvoir la refermer !

Le rôle des Etats-Unis dans la crise bancaire qui secoue l’Europe a occupé beaucoup de ma précédente note. Il ne sera pas dans l’actualité, comme d’habitude avant que les carottes soient bien cuites. Pourtant je ferai la vigie avec mon équipe. Et chaque jour me confirme dans mon analyse. J’irai volontiers plus loin en disant que cet épisode est peut-être le choc voulu pour accélérer la constitution du grand marché transatlantique prévu pour 2015. En attendant Obama vient de remettre de l'huile sur le feu de la crise en cours. Il a expliqué hier que les Européens « doivent agir vite ». Et il a poursuivi sa leçon : « J'espère vraiment que d'ici au sommet du G20, ils auront un plan d'action très clair et concret qui sera à la hauteur ». Une manière de se préparer à charger l'Europe de la responsabilité d'une récession mondiale et de l'aggravation des difficultés des Etats-Unis : « les problèmes que l'Europe traverse aujourd'hui pourraient avoir un effet très réel sur notre économie, au moment où elle est déjà fragilisée ». Rendre l'Europe responsable du déclin économique des USA, il fallait oser! Il ne dit mot bien sur des raisons de l'attaque contre les banques européennes partie de Wall Street cet été, via les fonds américains qui ont coupé les financements en dollars des banques françaises. Ne perdons jamais de vue que les difficultés de l'économie états-unienne n'ont rien de conjoncturel. Ce pays est hautement cancérisé par la finance. Et son salut ne tient encore qu'à sa capacité à accaparer l'épargne mondiale grâce à la domination artificielle du dollar. Dans l’immédiat, pour Obama, cette charge nationaliste contre l'Europe est avant tout un instrument de politique interne contre les Républicains qui s'apprêtent à rejeter au Sénat son plan de relance. Que ces charges contre l'Europe aient des effets dévastateurs sur les marchés européens convient à toutes les factions de l’Empire. Les Etats-uniens sont donc lancés dans une fuite en avant qui finira mal. Pour eux aussi.

Les dix années de guerre en Afghanistan sonnent aussi lamentablement que le reste du bilan pitoyable de la décennie commencée avec l’attentat contre les tours new-yorkaises. Bobards, paranoïa, pétrole, corruption, opium et billard à trois bandes avec la Chine, surtout et, du coup avec le Pakistan et l’Inde. « Nous défendons en Afghanistan la liberté du monde » avaient psalmodié les va-t-en-guerre de l’UMP et du PS. Dix ans plus tard la phrase paraît plus incongrue que jamais. Depuis qu’Obama a évoqué le départ, la panique, sur place, est montée d’un nils_ruinet_005cran. Pas la liberté du monde qui n’est décidément guère concernée. Mais la servilité des dirigeants français s’est étalée. Car Nicolas Sarkozy a immédiatement embrayé sur Obama, lui qui, avant cela, ne voulait pas seulement entendre évoquer l’idée du retrait. Les socialistes ont fait aussi nul. Laurent Fabius avait lancé l’idée « d’évaluer » après 2012 la situation. Les autres, plus ridicules, avaient claironné qu’on verrait si les objectifs fixés au début de l’intervention avaient été respectés. Tout le monde a changé de pied au premier coup de sifflet nord-américain. Les voici tous dorénavant partisans du retrait, sans qu’aucun bilan ne soit plus demandé ni aucune évaluation ne soit nécessaire. Une guerre commencée pour aider la compagnie pétrolière UNOCAL à réaliser ses projets, puis continuée faute de moyens de l’arrêter. Une guerre dont on ne sait pas nommer l’ennemi. Il y est tantôt questions de « rebelles », d’autrefois de « talibans » et parfois même « d’insurgés ». Des prétextes de l’intervention initiale il ne reste rien. La constitution inclut la loi religieuse, les talibans sont installés à la table des négociations, les gouvernants sont une caricature de tyrans ineptes et corrompus, la culture du pavot représente 90 % du potentiel mondial. Pourtant cette aventure est un des moteurs de l’économie américaine. Depuis 10 ans, leurs dépenses militaires sont passées de 16 % à 20 % des dépenses fédérales. Le budget du Pentagone a ainsi doublé en 10 ans. Il est devenu le cœur politique et financier de l'Etat. Selon les calculs de l'université américaine Brown, 10 ans de guerre en Afghanistan ajoutés aux 8 ans de guerre en Irak ont entrainé 4 000 milliards de dollars de dépenses militaires. Un « effort de guerre » qui fonctionne comme une gigantesque subvention aux industries et au commerce nord-américain. Le budget de la guerre représente plus de la moitié de l'augmentation de la dette publique états-unienne passée de 6 800 milliards de dollars en 2001 à plus de 14 000 milliards aujourd'hui. Une tendance confortée par Obama, dans la continuité avec Bush. Pour 2012, en dépit du contexte d'austérité, le budget du Pentagone est encore augmenté de 5 milliards.

A l'occasion du 10ème anniversaire des attentats du 11 septembre 2001, on a beaucoup entendu parler des victimes new-yorkaises. Et jamais du bilan effroyable de 10 ans de guerres de l’Empire menées en leurs noms. Depuis le 11 septembre 2001, selon l’université américaine Brown, les conflits dans lesquels les USA sont engagés ont en effet entraîné 225.000 morts dont 172.000 civils tués. C’est 75 fois plus que le nombre de tués lors des attentats du 11 septembre ! Et c'est sans parler des 365.000 blessés et 8 millions de réfugiés et de déplacés dont sont responsables les guerres de l'Empire. A présent, le niveau des perturbations régionales provoquées par la guerre d’Afghanistan, les nouveaux tracés de pipeline et la géopolitique locale, aux portes de la Chine et de l’Inde, fournissent un riche nœud de vipères. La guerre nils_ruinet_006d’Afghanistan est un ventre à conflits, très fécond. Qu’y font les Français ? Pourquoi demander encore à nos soldats de mourir, pourquoi martyriser encore la population locale ? Il faut partir. Le plus tôt sera le mieux. Par exemple en mai 2012.

Elisabeth Badinter nous avait blessés à propos de laïcité en affirmant que seule Marine le Pen la défendait encore. Je l’ai écrit ici : c’est à cause de l’estime et de l’affection que nous avons pour Elisabeth Badinter que cette phrase, qui est un contre sens complet, nous avait couté. J’ai pu lire dans le commentaire d’un lecteur de ce blog qu’elle a depuis assez rectifié le propos initial pour que nous nous sentions rassurés et soulagés. En vérité elle a précisé sa pensée. Un ami très cher comme Henri Peña-Ruiz m’a appelé pour m’enjoindre la prudence. Il me rappelle qu’Elisabeth Badinter est notre amie, qu’elle est au-dessus de tout soupçon. Je serai bien le dernier à vouloir lui chercher querelle. Avons-nous eu autant de si splendide figure de notre combat ? Tant de gens nous ont-ils appelé à penser juste comme elle l’a fait ? Et je précise ceci : j’ai eu à penser à sa suite avec ses mots et pourtant contre elle dans le débat sur la parité ! Le bon maitre est celui qui apprend à se déprendre de soi, non?

L’occasion m’est ainsi donnée d’aller plus avant sur ce thème. Je veux recommander le livre de Pascale Le Néouannic, le « Petit manuel de laïcité à usage citoyen » qu’elle vient de faire paraître aux éditions Bruno Leprince. Il vient de loin. Pascale anima d’abord l’atelier législatif du Parti de Gauche qui a conduit à la proposition de loi laïque déposée par Marie-Agnès Labarre, la sénatrice de l’Essonne que les Socialistes et les Verts ont rayée de la liste des élections sénatoriales. A chacun ses héros ! Après cela Pascale Le Néouannic a été convaincue d’écrire. La demande d’un manuel était très forte chez les militants. Le travail de sensibilisation permanente qu’a réalisé Henri Peña-Ruiz dans les rangs du parti et par ses conférences, a amplifié la sensibilité des nôtres sur le sujet. Au demeurant les groupes d’élus du Parti de Gauche ont été très vigilants dans toutes les assemblées. C’est un fait. Leur action a parfois permis le recul des petites combines de subventions indues aux organismes confessionnels. Au minimum ils ont rétabli une vigilance d’un côté et des précautions de l’autre. Les deux ont interrompu l’ambiance de connivence qui prévalait jusqu’à leur arrivée. Dans ces conditions on peut parler d’un renouveau de la vigilance laïque dans ces assemblées. Ce n’est que le début. Mais l’élan est donné. A présent de tous côtés les timidités s’ébrouent. Des opportunistes changent de casaque.

La forme du livre en fait un manuel de combat accessible dont chacun peut se nourrir. Le « Petit manuel de laïcité à usage citoyen » de Pascale Le Néouannic nous éclaire sur les dangers d'une vision régressive et instrumentalisée de la laïcité : « La laïcité ne s'oppose pas à la foi religieuse, écrit-elle. Au contraire elle construit l'ordre politique en faisant abstraction des positions spirituelles des uns et des autres, garantie de la liberté de conscience. » Tous les désordres et confusions entretenus ces dernières années à droite mais aussi parfois à gauche y sont passés au crible : la communautarisation de l'argent public, le financement des écoles confessionnelles, l'instrumentalisation de la laïcité par l'extrême droite, les manœuvres autour d'une laïcité prétendument « positive » ou bien « ouverte », les débats nauséabonds sur l'identité nationale, la mise en avant de la « liberté de religion » et non de la « liberté de conscience ». Dans sa préface, mon ami le philosophe Henri Peña-Ruiz montre que l'émancipation sociale du peuple ne peut être dissociée de son émancipation juridique et politique. Contre un « capitalisme clérical » qui a intérêt à opposer entre elles des communautés, notre conception d'une République laïque a comme fin l’intérêt général, en rendant possible l’unité du peuple qui peut le discerner. Je rappelle : Pascale Le Néouannic, « Petit manuel de laïcité à usage citoyen », préface d’Henri Peña-Ruiz (Editions Bruno Leprince, 6 euros).

Toujours sur ce sujet de la laïcité, dans un registre plus personnel. Peut-être avez-vous lu ou entendu parler de mon petit opuscule « Réplique à Nicolas Sarkozy, chanoine de Latran ». Je l’ai rédigé après que Nicolas Sarkozy est allé accepter le titre de curé d’honneur de la paroisse du pape à Rome. Le texte de son discours à cette occasion était tout simplement inouï de provocations. A l’époque il triomphait. On se souvient aujourd’hui de ce texte seulement parce qu’il y était question de la supériorité morale du curé sur l’instituteur. J’en tirai une conférence dont le principe fut discuté entre amis. Puisque Sarkozy était allé à nils_ruinet_010Rome chez le pape dire ce qu’il avait à dire sur la laïcité, je lui répliquerai dans un registre symbolique parallèle : au siège du Grand Orient de France. Quinze loges décidèrent d’inviter à cette conférence début 2008. Après quoi ce fut ma première collaboration avec l’éditeur Bruno Leprince. Le texte de mon intervention relue et corrigée fut imprimé et mis en place en quinze jours. Un exploit. J’en avais fait également une édition pour mon compte rendu de mandat de sénateur. Je m’étais hâté de cette façon car une transcription de ma conférence avait été mise en circulation dans des conditions somme toute très fantaisistes. Et aussi parce que j’avais été impressionné par l’écoute dont j’avais bénéficié comme par l’incroyable affluence qui s’était constatée sur place au point qu’il avait fallu fermer les portes d’accès au bâtiment. Ainsi se signalait une formidable attente qui ne trouvait pas son compte dans l’eau tiède qui coulait alors et les capitulations en rase campagne que les socialistes notamment avaient donné à voir. L’exercice de réécriture fit aussi son effet sur moi. J’approfondis le thème et la cohérence de mon analyse. En particulier je connectais en profondeur l’offensive Sarkozyste à son corps doctrinal, la théorie du choc des civilisations de Samuel Huntington. Je prononçais ensuite quatorze ou quinze fois cette conférence en divers endroits du pays. Je me souviens que je suivais le plan de mon propos, à mesure que je le prononçais, en plaçant le doigt sur le chapitre en cours. Car plus je répétais mon discours, qui ne fut jamais rédigé, plus j’avais le sentiment irréel de ne plus savoir où j’en étais. Je n’ai jamais eu ce deuxième texte en main. Il est en cours de transcription. Car un film en fut fait à Lyon. Il est en ligne.

Le club « Pour la République sociale » en fit un cd. Je ne sais pas s’il en reste encore des exemplaires quelque part dans un placard à archives. Je recommande cependant ce document à ceux que la question laïque intéresse dans sa dimension géopolitique. Je conclus ce récit de souvenir par une ultime anecdote. Après les élections européennes le président Nicolas Sarkozy invita les chefs de parti à le rencontrer. Nouvel élu au parlement européen, alors président du Parti de Gauche, je me rendis à l’Elysée. Pour la première fois depuis bien des années, j’entrais de nouveau dans le bureau où j’avais rencontré autrefois le président Mitterrand et j’avoue combien j’avais été secoué. Après commença la conversation somme toute assez tranquille et courtoise. J’offris mon petit livre « réplique au chanoine de Latran » à Nicolas Sarkozy. Il en sourit. Moi je me dis que j’avais fait mon nils_ruinet_011travail puisque l’intéressé avait reçu en main propre la réponse du fils de l’institutrice ! Si vous aimez les symboles et les fils rouges de l’existence, vous goûterez peut-être cela autant que moi à ce moment-là.

A présent encore un mot à partir d’une expérience personnelle. Voici une petite chronique ordinaire du travail parlementaire au Parlement européen comme j’ai envie de vous en présenter après chaque session tant j’en suis exaspéré. Non je n’ai pas l’intention de vous parler du Thalys, le train pour Bruxelles, qui est tout le temps « retardé », à l’arrivée ou au départ ou en route. J’ai sur l’estomac tout autre chose. Le travail parlementaire lui-même. Lors de la dernière séance parlementaire de Strasbourg, nous devions nous prononcer, entre autre, sur six textes, cinq règlements et une directive mettant en place ce qu'on appelle « la gouvernance économique européenne ». Des textes d’une portée considérable. Rien de moins que de les textes à transposer dans les lois nationales – une transposition à la lettre pour ce qui est des règlements – de tout le système de contrôle des budgets des Etats et des sanctions qui puniront les "écarts" des Etats. Vous vous souvenez de mon compte rendu sur ce point : ces sanctions sont graduées de 0.1 à 0.2% du PIB ! Elles sont prévues pour les Etats de la zone euro qui dévieraient de l'objectif budgétaire désormais institué pour tous les pays: entre l'équilibre budgétaire et 1% du PIB de déficit ! Je rappelle pour mémoire encore que nous avions déjà eu à nous pencher sur ce "paquet" gouvernance économique en juin dernier. A l'époque, la majorité parlementaire avait réservé son vote. Elle comptait influencer encore la rédaction finale du texte par le Conseil. nils_ruinet_015Nombre de ses amendements durcissaient les sanctions proposées par la Commission et demandait à ce que le Parlement européen ait un rôle plus prégnant dans le dispositif de contrôle mis en place. Entre juin et septembre, plusieurs discussions de conciliation se sont tenues entre le Conseil et les députés de la commission parlementaire de l'économie et des finances (ECON) que le Conseil voulait bien convoquer. Parfois seuls les rapporteurs étaient conviés aux discussions laissant ainsi les négociations entre les mains d'une seule tendance politique, la droite. Le Mardi 20 Septembre, les députés membres de la dite commission parlementaire de l'économie et des finances ont eu la joie d'apprendre que le Conseil ECOFIN, c'est-à-dire les ministres européens de l’Economie et des Finances, étaient parvenus à un accord sur ce fameux "paquet législatif". Etonnant ! Très étonnant ! Car la réunion durant laquelle nos ministres se sont mis d'accord sur ce "paquet" était une réunion réputée "informelle" à laquelle avait été convié, à la surprise générale, Monsieur Timothy Geithner, Secrétaire d'Etat au Trésor des Etats-Unis d'Amérique de son état ! C'est donc le mardi dans l'après-midi que mon collègue Jürgen Klute, député européen pour Die Linke (Allemagne) nous fait parvenir en bon anglais une série d'amendements validés par le Conseil. Tous se référant à des textes dont nous ne disposions pas « to technical reasons" selon les termes employés par le Conseil. Une honte ! Le lendemain, mercredi 21 septembre, les services du Parlement européen proposaient aux députés de la commission ECON une version des rapports sur lesquels nous avions votés en juin intégrant les amendements du Conseil. Bien sûr il ne s'agissait pas de versions définitives. Le tout, vous le devinez à présent, nous a été transmis dans la seule langue anglaise. Les versions définitives et en langue française ne venant pas, il a fallu travailler… sur les brouillons. Mes assistants ont dû traduire l'ensemble pour parvenir à y comprendre quelque chose. Voilà comment on prend des décisions importantes dans l'Union Européenne. Dans l'urgence, à partir de brouillon et en étant obligés de traduire soi-même de l'anglais ! Les versions définitives des rapports amendés ne nous été transmises que la veille du vote à 10h. En anglais. La version française était, elle, enfin disponible à 14h. Le lendemain ! La majorité du Parlement votait en faveur de ces six textes. Inclus les députés français de droite qui acceptent d’abdiquer l’indépendance de leur pays dans la langue de l’occupant financier ! Ainsi se règle le sort des Etats dans l’Union européenne.


457 commentaires à “Retiens ton souffle, camarade, puis n’oublie pas de respirer !”
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  1. La réponse de Jean-Luc Mélenchon à Arnaud Montebourg est disponible sur placeaupeuple
    J'en l'ai aussi mis en version texte sur :
    http://gerard.abeille.com/pub/textes/

  2. Zazenshin dit :

    @laforcedupeuple
    Et non la messe n'est pas dite et la réponse de Jean-Luc Mélenchon à Arnaud Montebourg le prouve.
    La force de JL Mélenchon est de démontrer encore une fois une adresse dans le jeu politique. Il faut en effet que les problèmes auxquels nous somme confronté et les réponses que propose le Front de Gauche trouvent un écho le plus large. Nous avons encore beaucoup de travail mais grâce aux circonstances actuelles celui-ci va s'en trouver facilité.

  3. marie dit :

    Je reviens de votre premier meeting à Brive. Je n'ai eu connaissance de ce meeting qu'à 18h et à 20h j'y étais. Toute seule, premier meeting ! J'y ai pleuré tellement j'y ai ressenti l'espérance ! Je vous remercie ainsi que ceux qui ont parlé avant vous et qui étaient très émus tous. Ah si ceux qui ne sont pas convaincus pouvaient vous écouter et vous entendre. Je vous ai vu "de près" entrain de signer le programme FG et oui, vous existez en vrai. C'est bien la réalité ! Si il pouvait en être de même pour ce programme. Comme vous dites, il ne tient qu'aux Français de décider de leur futur. Merci !

  4. nadine Bompart dit :

    citoyenne21 en 403
    "je n'irai pas voter Hollande même contre M. le Pen"

    Houlà ! Vous vous rendez compte de ce que vous dites là ? Ce n'est pas ma vision de la citoyenneté, et je trouve ça grave comme amalgame... J'ai voté Chirac contre le père, pas de quoi être fière, mais je n'aurai pas pu faire autrement. Il y a des limites à tout, et le FN est la mienne !
    Tiens, après les veaux, voici les moutons... Et je n'ai jamais voulu traiter "d'idiots" ceux qui croient à une victoire du PG !
    Le Programme, je le prête autour de moi, j'en discute, encore et encore, bref je milite à mon échelle. Car même si je ne rêve pas (trop de petits bourgeois frileux dans ce pays), c'est important de croire en ses idées et de les défendre.

  5. Philippe dit :

    Dimanche nous votons pour la deuxième fois : la Primaire socialiste.
    Il faut absolument voter en masse pour Martine Aubry. François Hollande est un homme naïf dont la pseudo-volonté après ce vote retombera comme un soufflé. Ces idées politiques sont brumeuses, en fait, elles manquent de clarté. Une grande majorité de journalistes se sont mis à l'aider - ce sont toujours les mêmes notables qui ont le pouvoir des ondes.
    Hollande ne fera pas le poids face à Nicolas Sarkozy, ce Président est un malin et il n'a aucun scrupule.
    En revanche, Martine Aubry est une femme intelligente et courageuse ; face à Sarkozy, elle aura du répondant et des arguments solides.
    Réfléchissez à deux fois avant de mettre votre bulletin de vote ce dimanche 16 octobre 2011 !
    Sincèrement Philippe

  6. Dufour dit :

    Bonjour,
    A Grenoble Mélenchon attend les indignés en France pour 2012
    Je cite : Le tribun Mélenchon prédit « inéluctablement » une « révolution citoyenne », avec un « peuple français » qui « va monter sur la scène politique » : « le mouvement [international] des Indignés en est la configuration », explique Mélenchon, qui évoque aussi les Indignés qui campent en Israël. Reste la question de c’est pour quand ? : « Toute la question est de savoir si ce sera dans un calendrier synchrone avec le calendrier présidentiel, vous imaginez que c’est mon vœu le plus cher ».
    Puis, je cite toujours : Ca va se jouer dans la façon dont la mobilisation sociale va avoir lieu autour des syndicats. Si les syndicats montent en ligne et obtiennent une forte mobilisation sociale, si le mouvement en France est capable de produire un horizon politique, alors le mouvement en France sera un mouvement ordonné, canalisé… Ce qui explique la force des Indignés en Espagne, ne le perdez jamais de vue, c’est que toutes les structures d’opposition se sont disqualifiées.
    Monsieur Mélenchon ne semble pas avoir compris qu'aujourd'hui les syndicats ne sont en rien une force de contestation sociale possible. Leur compromission avec le pouvoir, rendu visible lors des manifestations portant sur les retraites 1 million de gens dans la rue, pas de slogans, pas de haut-parleur un enterrement programmé des revendications. Les syndicats milice du gouvernement ? Je m'interroge.

  7. CALLANDREAU dit :

    Si on imagine un instant un face à face télévisé Hollande-Sarko...Lequel des deux va se faire bouffer ?
    Je ne comptais pas voter, mais la parole du candidat favori est tellement pauvre,dans le fond et la forme, que je viens de voter Aubry,qui,au moins a l'air de croire à ce qu'elle dit,et est susceptible de tenir tête au monarque. Si c'est Hollande qui l'emporte, on peut se consoler en supposant que ça fera plus de voix pour le Front de Gauche, non ?


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