25nov 11

L’Allemagne trinque comme tout le monde, l’Espagne tâtonne

Je suis en Bretagne

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J'ai fini ce post juste avant de faire mon bagage. Depuis ce matin, je suis en Bretagne. Ici je tire des leçons de l’actualité sur le déroulement de la crise en Europe. Je traite de la situation en Allemagne et de l’exemple très parlant de ce qui s’est passé dans l’élection législative espagnole ! Mais avant cela j’explique le sens de ce "Carnet de route" que vous voyez en illustration de cette note. Enfin, je vous dis un mot du déroulement de la campagne et de la désormais célèbre « web-série » ! Et je plaisante un peu avec les sondages alors qu’ils me deviennent plus favorables.

En premier lieu je vous donne une explication sur le fonctionnement de ce post. Peut-être fera-t-il école ! A la page d’accueil vous avez repéré le "Carnet de route". En cliquant dessus vous accédez au récit suivi de mon périple en Bretagne. Je m’y trouverai trois jours passant d’un point à l’autre, d’une réunion à une rencontre. L’idée de départ était que je tienne un carnet de route comme lorsque je m’en vais au loin. Mais l’effort a paru trop lourd. Et le temps pour le faire est trop compté alors même qu’il faut déjà à chaque étape avoir potassé les dossiers et prononcer des discours. Mon petit conseil, composé des jeunes camarades qui m’alimentent en notes et trouvailles m’a proposé de confier l’exercice à quelqu’un d’autre. Mais qui ? Le sort tomba sur la plus jeune. Céline, 26 ans. Membre du secrétariat international du Parti de gauche, elle siège aussi en son nom au bureau exécutif du Parti de gauche européen que dirige Pierre Laurent. Tout ça ne sert à rien pour écrire correctement, j’en conviens. Je le signale pour indiquer qu’une direction politique peut aussi organiser méthodiquement l’accès des nouvelles générations aux responsabilités, et de veiller à une stricte parité dans ces mouvements. Mais au cas précis, Céline est choisie en raison de l’expérience qu’elle a acquise dans le domaine du récit politique qui emprunte à la forme du reportage. En effet Céline a été membre de nombreuses brigades internationalistes ces trois dernières années. Elle y a pris le coup d’œil des situations. Par exemple, elle a été déléguée sur la place de la Puerta Del Sol à Madrid, puis de même en Grèce et en Italie. Chaque fois elle a campé avec les « indignés » et partagé leurs combats concrètement. Et de cela elle tirait des notes rapides que nous avons été nombreux à diffuser. Je lui ai donc proposé de nous accompagner pour faire le travail du "Carnet de route". Nous allons donc expérimenter la formule. Peut-être en ferons-nous de même à chaque fois. J’ai déjà repéré deux ou trois jeunes têtes qui ne militent pas au maximum de leur talent. Mais je sais aussi que j’ai de la réserve dans les générations suivantes où il y a quelques bonnes plumes.

L’actualité internationale, et surtout européenne confirme chaque jour la supériorité de l’analyse dominante dans l’autre gauche à propos de la crise et des solutions à y apporter. Il est heureux de lire à la une du "Monde" des mises en garde contre le risque de récession que portent les politiques d’austérité. Il est extraordinaire de lire aussi un long papier sur les récriminations contre le risque d’une « Europe allemande ». Des diagnostics convergents y soulignent l’absurdité d’imposer à toute l’Europe une politique taillée sur mesure pour un modèle économique par ailleurs défaillant. Bien sûr, l’enquête ne va pas jusqu’à me donner la parole alors que c’est ma thèse depuis des mois et qu’on m’a auparavant copieusement injurié pour cela. Mais tout de même l’important est que cette idée avance et qu’on en tire toutes les conséquences avant que le désastre qui guette soit consommé. Ce qui est certain c’est que les dirigeants allemands ne vont pas faire les malins longtemps. Comme nous l’avons dit, l’attaque de la finance n’a pas de fondement économique. Seulement des causes politiques. Les failles du système permettaient une attaque spéculative. Au lieu de la briser, les grands chefs européens l’ont approuvé en mettant en cause la fiabilité des Grecs puis en augmentant le pouvoir des agences de notation. Par conséquent il était évident qu’un après l’autre tous les pays seraient attaqués et même l’Allemagne. C’est fait ! Les taux d’intérêts sur la dette allemande aussi décollent. 

"Et si l'Allemagne n'était pas si exemplaire". C'est le titre provocateur que le journal Le Monde avait déjà donné à un précédent article dans son édition du 20 novembre. Heureuse sortie. Je me sens moins seul à le dire ! Ma tribune sur le sujet parue dans « Les Echos » il y a quinze jours n’avait pas du tout retenu l’attention. Pas même celle de tous ceux qui me reprochent de ne « pas être assez sur le fond » et trop dans « les petites phrases ». Dans cet article, il est question de la situation budgétaire et économique de l'Allemagne. Car à y regarder de plus près, le "modèle allemand" est encore moins glorieux que ce que j’en disais. L'article du « Monde » cite Sylvain Broyer, un économiste de la banque Natixis. Que dit-il ? Que "le déficit allemand est honteusement tronqué !". Oui vous avez bien lu, "honteusement tronqué". Voila qui devrait attirer la critique de Nicolas Sarkozy contre les "fraudeurs" et autres "voleurs". En tout cas, on voit que les Grecs ne sont pas les seuls accusés d'avoir maquillé leurs comptes. L'économiste de Natixis évoque un mécanisme légal mais "peu éthique" selon Le Monde.  Ce mécanisme a été utilisé après la crise de 2008 : l'Allemagne n'a pas comptabilisé dans son déficit public des dizaines de milliards d'euros d'aides ou de garanties à l'économie et aux banques. Ces sommes ont été regroupées dans un fonds spécial, "Sondervermögen" en allemand. Certes elles sont comptabilisées dans le poids de la dette allemande qui a atteint 83,2% du PIB en 2010. Mais ces aides et garanties ne sont pas comptées dans le déficit public. Cela permet à l'Allemagne d'afficher des chiffres flatteurs. Mais faux. Selon Le Monde qui reprend les chiffres de Natixis "sans cette astuce le déficit allemand en 2009 n'aurait pas été de 3,2% mais de 5,1%" du PIB.

"Maintenant l’Europe parle allemand !". C'est ce qu'a affirmé Volker Kauder, le président du groupe de la droite allemande, CDU-CSU, au Bundestag, mardi 15 novembre. Incroyable arrogance de bravache ! Les déclinistes et autres amis du « modèle allemand » ont dû gémir de plaisir ! Mais là encore, Le Monde explique que les libéraux et conservateurs allemands n'ont pas de raison d'être aussi fiers d'eux. Le quotidien rapporte des propos très sévères de Jean-Claude-Juncker, président de l'Eurogroupe : "En Allemagne, on fait souvent comme si le pays n'avait aucun problème, comme si l'Allemagne était exempte de dettes tandis que tous les autres auraient des dettes excessives. L'Allemagne a une dette plus élevée que celle de l'Espagne. Seulement personne ne veut le savoir". On sait ce que je pense du ratio habituel qui rapporte la dette sur le PIB. Mais puisque c'est celui qu'utilise les libéraux pour faire peur, utilisons-le aussi. Que voit-on ? L'Allemagne fait moins bien que neuf Etats de la zone euro. L'Allemagne est donc dixième sur dix-sept Etats. Voila pour le "modèle allemand". Et sa dette en valeur continue de croître en 2011 de 25 milliards d'euros, malgré une croissance de 3%.

Autre argument contre le mythe du "modèle allemand". Il s'agit de l'argument démographique. C'est un élément central. Je l'ai déjà évoqué plusieurs fois, notamment dans la tribune que j'ai publiée le 4 novembre dans le journal "Les Echos". Le Monde cite un économiste allemand. Il s'agit de Henrik Enderlein, de la « Hertie School of governance » qui s’écrit en anglais mais qui est basée à Berlin. C'est un ancien de la BCE et il est diplômé de Sciences-Po Paris. Selon lui, le déclin démographique "va entraîner une baisse massive des recettes du gouvernement. Dans le même temps, le vieillissement de la population va faire exploser les coûts de la sécurité sociale et de l'assurance-maladie". Pour accréditer cette idée, le journal du soir fait aussi référence à une étude de 2010 de la Banque des règlements internationaux. Celle-ci chiffre l'explosion des dépenses de santé en Allemagne à 10% du PIB en 2035 à cause du vieillissement de la population. Le déclin démographique coûtera très cher. Et il pèse d'ores et déjà sur la vision de l'économie. Les Allemands doivent gérer leur richesse actuelle en prévision d'un avenir plus difficile. Nous, les Français, nous avons beaucoup d'enfants et notre population va croître. Il faut donc, par exemple, des enseignants pour éduquer ces enfants. Des soins adaptés, des équipements collectifs. Et assez de projets pour que chacun trouve sa place. C’est autant de postes de travail à pourvoir, d’activités dynamisées. C'est pourquoi l'austérité budgétaire est encore plus néfaste chez nous qu'ailleurs où elle fait pourtant aussi de sérieux dégâts sociaux.

Et à force d'imposer des tours de vis partout, les libéraux allemands ne martyrisent pas seulement les autres peuples. Ils se tirent aussi une balle dans le pied. Car l'austérité appliquée partout, y compris en Allemagne, contracte l'activité. Cette année, la croissance allemande devrait atteindre 3% du PIB. Sans même regarder de quoi est faite cette "croissance", les libéraux s'extasient devant ce résultat. Qu'ils en profitent. Cela ne durera pas. D'ailleurs, l'article du Monde le dit. Il cite les prévisions de la Deutsche Bank pour l'an prochain. La croissance devrait chuter à 0,9%. Au mieux.

Dans ce contexte, les élections en Espagne doivent nous faire réfléchir. C’est une très bonne mise à l’épreuve des orientations politiques en présence. Le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol a connu une sévère déroute. On connait le refrain qui a aussitôt été entonné : quand le PS perd la droite gagne. Pouet ! pouet ! Donc l’autre gauche ne sert à rien. Certain disent même que nous serions responsables de la déroute en ayant éparpillé les voix. Naturellement ce raisonnement n’en n’est pas un. Les faits sont bien plus clairs que ne le veut cette caricature intéressée. Car bien sûr la façon d’analyser l’Espagne est souvent une façon de parler de la France. Regardons de près la victoire écrasante de la droite. Le Partido Popular, de droite, ne connaît pas du tout une progression spectaculaire. Il ne gagne que 500 000 voix de plus qu'en 2008. Par contre nos camarades d'Izquierda Unida progressent eux de 700 000 voix ! C’est considérable compte tenu du point très bas d’où ils partaient. On voit donc que l'élection de dimanche ne marque pas tant le triomphe de la droite que la déroute des socialistes du PSOE et de Zapatero. Ils obtiennent seulement 28,7% des voix. Le score peut paraître élevé pour un lecteur français. Mais en Espagne le bipartisme règne absolument. Aux précédentes élections législatives, en 2008, le PSOE avait obtenu près de 44% des voix. Il a donc perdu 16 points ! Cette fois-ci il subit son plus mauvais score depuis la chute de Franco et le retour de la démocratie. On mesure mieux la chute si l’on raisonne  partir du nombre des voix. C’est vertigineux. Entre 2008 et 2011, le PSOE a perdu 4,3 millions de suffrages! Rien n’est plus normal. Le PSOE est responsable de la crise. Il l’a laissé s’installer sans combattre. La racine de la défaite est toute entière dans ce fait et nulle part ailleurs.

Zapatero, comme Papandréou en Grèce, a obéi au doigt et à l'œil aux marchés financiers. Il a annoncé trois plans d'austérité pour "rassurer les marchés". Le gouvernement Zapatero a pourtant été le bon élève de l'Europe libérale. L'Espagne a une dette publique de 67% du PIB en 2011. C'est plus qu'en 2010 (61%), mais c'est nettement moins que l'Allemagne (82,3%) par exemple. L'Espagne de Zapatero a aussi drastiquement réduit son déficit budgétaire. De 11,2% en 2009, il devrait être ramené à 6% cette année ! Le PSOE de Zapatero a même voté avec la droite la "règle d'or" si chère à Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Et pourtant ! Bien qu'il se soit couché devant les marchés et la Commission européenne, les taux d'intérêt des emprunts espagnols n'ont pas baissé et les agences de notation n'ont pas été rassasiées. Il est donc parfaitement clair que céder ne paye d’aucune façon. Ceux qui le font sont donc soit stupides, ce qui est aussi une possibilité, soit aliénés. Le résultat est le même. Vu avec juste un peu de recul, ceux qui cèdent ne peuvent pas être distingués de ceux qui agressent.

On comprend que les Espagnols aient rejeté un tel gouvernement. Ils ne pouvaient voter ni pour un projet ni pour un bilan. Le projet c’était l’austérité à perpétuité. Le bilan c’était l’austérité à n’importe quel prix social. Sa mesure la plus emblématique est sans aucun doute la réforme des retraites. Elle prévoit le relèvement de l'âge de départ de 65 à 67 ans. Elle prévoit aussi l'allongement de la durée de cotisation de 35 à 38,5 annuités. Dans le même temps, les pensions ne seront plus calculées sur les 15 dernières années mais sur les 25 dernières. Donc elles baisseront. Et sans attendre, Zapatero a décidé de geler le montant des pensions en 2011. Pour éclairer ces décisions, je précise que le montant moyen des retraites espagnoles est de 776 euros par mois.

Dans le même temps, la TVA a été relevée de deux points. Elle est passée de 16% à 18% pour l'alimentation, les vêtements, l'électroménager, les loisirs, la restauration. Même Sarkozy n'a pas osé aller jusque-là. Il en est resté, pour l'instant, à relever le taux réduit de TVA de 1,5 points. Les socialistes espagnols ont aussi annoncé 65 milliards d'euros de coupes dans les dépenses publiques et une baisse de 6 milliards d'euros de l'investissement public pour les années 2010-2011. Zapatero a également décidé de baisser de 5% le salaire des fonctionnaires en 2010 et de le geler en 2011. Il a aussi supprimé des prestations sociales qu'il avait lui-même instituées. Ainsi, le "chèque bébé", une aide attribuée à la naissance d’un enfant égale à 2 500 euros. Instaurée en 2007, elle a été supprimée l'an dernier. Et depuis février dernier, l'allocation de 426 euros qui était attribuée aux chômeurs de longue durée a été supprimée elle aussi. Elle avait été créée en 2009 pour faire face à l'envolée du chômage. Le chômage a continué son envol, la prime a été supprimée.

Zapatero a fragilisé la situation des salariés espagnols en cassant les protections collectives. Il a fait voter une réforme du marché du travail en septembre 2010. Officiellement, il s'agissait de faire baisser le nombre de CDD en "assouplissant" le CDI. C'est la théorie du CPE bien connu des Français et que Nicolas Sarkozy voulait généraliser en 2007. Concrètement, le gouvernement Zapatero a créé un nouveau CDI avec des indemnités de licenciement réduites d'un tiers. Elles ont été réduites de 45 jours de salaires par année travaillée à 33 jours. Et l'indemnité peut même être réduite à 20 jours de salaire par année travaillée si l'entreprise est "en difficultés économiques". Comme dans le même temps, les socialistes espagnols ont élargi la définition des "difficultés économiques", ils ont augmenté le nombre de salariés moins bien protégés. Pourtant, historiquement, la gauche s'est construite sur la recherche de protection sociale et socialisée contre les risques de perte de revenu. On a vu ce qu'il en était avec le risque du vieillissement et la réforme des retraites. On vient de voir ce qu'il en est contre le risque du licenciement et du chômage. Bref, cette gauche-là ne sert à rien pour protéger les travailleurs. Ils en ont tirés les conclusions électorales.

Nous avons donc eu en Espagne une démonstration grandeur nature de ce qu’est l’austérité de gauche. Elle a été déclarée source d’inspiration par François Hollande qui a réservé son premier voyage à l’étranger après son investiture à aller recueillir l’onction de Zapatero ! Quel a été le résultat de cette politique ? Bien sûr, l'austérité a eu les mêmes effets qu'ailleurs. Elle a contracté l'activité. En 2010, année des premières mesures, l'Espagne était en récession de 0,1%. Pour cette année, la prévision initiale était de 1,8%. Finalement, la croissance du PIB atteindra au mieux 0,7%. Et on annonce le retour de la récession pour l'an prochain. En conséquence, le chômage explose. Il est passé de 10% en 2008 à 23% aujourd'hui. Il atteint même 45% pour les moins de 25 ans. L'éclatement de la bulle immobilière a jeté des milliers de salariés au chômage mais l'austérité de Zapatero a aggravé la crise. Et la précarisation du marché du travail a entraîné des souffrances et des incertitudes supplémentaires. Pour rien. C'est "Le Figaro" qui l'a écrit le 20 novembre : "la réforme structurelle, initiée par le gouvernement Zapatero, visant à flexibiliser le marché du travail, n'a pas eu d'effet positif sur les créations d'emploi.". Tout ça pour rien.

Zapatero et le PSOE ne sont pas un cas isolé ou exotique. La politique de Zapatero correspond à la ligne qui règne sans partage sur la sociale-démocratie européenne. C'est la même politique qui a été appliquée en Grèce par Papandréou, président de l'Internationale Socialiste. Et depuis les défaites des travaillistes anglais, du SPD allemand et du Parti socialiste portugais, Zapatero était le principal dirigeant social-démocrate européen. Il incarne parfaitement la ligne "démocrate" que j'ai analysée en 2007 dans mon livre En quête de gauche. Cette ligne politique vient des Etats-Unis. Elle a été transposée et relayée en Europe par Blair et Schröder dans les années 1990. Elle repose sur l'idée que la gauche ne doit plus mettre en avant la question du partage des richesses et la lutte sociale. Comme la fondation Terra Nova en France, les démocrates préconisent "une stratégie fondée sur les valeurs" et les sujets de société plutôt que sur les questions sociales. Et une politique économie libérale.

C'est ce qu'a fait Zapatero. Il a espéré le masquer en prenant des mesures de droits de l’homme certes très courageuses comme lors de légalisation du mariage homosexuel ou de l’adoption d’une loi sur la parité et l'égalité homme-femme par exemple. Ces mesures sont justes et elles l'étaient encore plus en Espagne où l'Eglise catholique est très influente et agressive. Mais cette ligne ne permet pas de faire oublier que les exigences sociales, inclues celle des couples homosexuels ou des femmes discriminées, ne sont pas traitées. Alors la défaite électorale suit la déroute sociale. Aujourd'hui, nous voyons où mène la ligne "démocrate" quand elle est mise en œuvre. Comme au Royaume-Uni, comme en Italie, comme en Allemagne et comme en France en 2007, elle mène à la défaite d’une telle ampleur qu’elle laisse ensuite à la droite les mains libres pour les pires politiques sociales.

Car Zapatero et le PSOE sont parmi les ardents défenseurs de cette stratégie politique. En 2000, c'est Zapatero qui diffuse l'idée de la Troisième voie blairiste au sein du PSOE en créant le courant Nueva Via, nouvelle voie. Et au niveau européen, le PSOE est un des fervents artisans et gardien du temple de "la seule politique possible". Un de ses membres, Joaquim Almunia est commissaire européen de Barroso depuis 2004. Il a été en charge des affaires économiques et monétaire de 2004 à 2009. Depuis 2010, il est commissaire à la concurrence ! Et il a même été promu vice-président de la Commission européenne ! Et rappelez-vous aussi que c'est Zapatero lui-même qui, en janvier 2007 à Madrid, avait réuni les chefs de gouvernements des pays européens qui avaient voté "oui" au traité constitutionnel européen. La France et les Pays-Bas avait été mis au ban. L'objectif de cette réunion était de forcer l'Union Européenne à passer outre les votes populaires de 2005.

Voilà qui est Zapatero. Pour ne pas trop forcer le trait, laissons Benoît Hamon résumer. Voici ce qu'a déclaré le porte-parole du Parti Socialiste lors de son point presse au lendemain des élections espagnoles : c'est la "défaite historique et cuisante d'un gouvernement qui est arrivé à ces élections épuisé sur le plan politique et idéologique, étranglé par les politiques d'austérité mises en œuvre en Espagne". Pas sûr que Hollande soit d’accord avec ça. Car le projet de Hollande c’est de faire la même chose en France.

Des nouvelles de la campagne. Je vous parle de « En marche ». C’est la web-série sur les coulisses de la campagne. Une nouveauté aussi bien pour ce qui est de la forme que du fond. J’en ai dit un mot avant qu’elle paraisse, la semaine passée, à l’occasion de la présentation des outils de campagne sur la toile. Souvenez-vous que nous avons une large palette de supports du message qui sont eux-mêmes autant de novations : le site, des courts-métrages, des films d'animation sur le programme, « l'appli mobile », version du site accessible sur vos portables, et ainsi de suite. Je reviens ici sur la web-série. Un journaliste de « L’Express » a noté que je voulais « esthétiser nos valeurs et notre démarche ». C’est juste. Très juste. En ce sens cette web-série est davantage encore une première. L’imagerie, le ton, le style sont ceux de la fresque. Le développement du concept découvert par Arnauld Champremier-Trigano est promis à un brillant avenir. Il y aura bientôt des web-séries partout.

Les épisodes sont construits en trois temps. Le tournage est comparable à un reportage de journaliste, personne ne joue la comédie, tout est authentique. Le choix de ce que nous voulons retenir des événements est un choix de communication politique. La mise en forme se rapproche des fictions pour être plus accessible et proche de codes familiers au très grand nombre : générique, musique, épisode précédent, etc… La résonance existe. En effet, la bande annonce a fait le meilleur « buzz » de  Dailymotion le jour de sa sortie avec plus de cinq mille vues dans la journée. Puis elle a été regardée 22.000 fois en une semaine. Comme tout cela tourne avec du bénévolat autour d’un noyau professionnel, et en totale autonomie narrative, je suis très satisfait de constater qu’un mouvement se fait vers nous du côté des gens de la partie qui se proposent de nous aider. Ce n’est pas le seul. D’autres se forment. Ainsi quand nous est offerte, par un militant sachant créer ce type de produit, la mise au point originale de l’application du site pour le téléphone portable. Ce n’est pas seulement l’accès au site dont il est question à ce sujet. Il s’agit de toute une gamme d’activités politiques rendues possibles par cette application. J’en parlerai le moment venu quand elle sera mise en action. Sous quinze jours. Je mentionne ces innovations qui ouvrent des portes nouvelles de militantisme et d’action politique parce que je suis convaincu que ce sont des outils fondamentaux et non pas accessoires. Je crois que certaines formes de militantisme sont devenues périmées, non conforme aux pratiques spontanées de notre temps. Je l’ai dit dans la note précédente en montrant pourquoi les écoutes collectives de télévision réussissaient des mobilisations que les autres formes d’action ne permettent pas en atteignant des publics qui étaient hors de portée de nos meetings et réunions classiques. Plus fondamentalement encore, je crois que tout cela procède d’un réarmement collectif. Avec toutes ces méthodes se développent des moyens de combat personnels, de liaisons collectives qui sont autant « d’armes de conviction massive » pour faire mûrir la révolution citoyenne.

Quatre sondages sur les intentions de vote à l’élection présidentielle ont été réalisés la semaine dernière à des dates très proches. BVA et LH2 ont interrogé un échantillon de Français du 18 au 19 novembre, l’IFOP du 14 au 16 et CSA du 14 au 15 novembre. En toute logique, les résultats de ces sondages devraient être relativement similaires puisqu’ils ont été réalisés quasiment simultanément. Pourtant, il n’en est rien.

En début de semaine, l’ensemble de la presse a repris en cœur l’annonce d’une remontée spectaculaire de Nicolas Sarkozy dans les sondages et la chute de François Hollande. Mais les quatre instituts ne semblent pas être d’accord sur ce constat. LH2 annonce effectivement une forte progression des intentions de vote pour Nicolas Sarkozy avec 5 points supplémentaires. Mais pour l’IFOP, le président de la République ne progresse que d’un demi-point. Même chose du côté de François Hollande : LH2 fait perdre 9 points au candidat socialiste mais pour l’IFOP, les intentions de vote pour François Hollande restent stables. Il faudrait savoir ! Nicolas Sarkozy remonte-t-il dans les sondages ? François Hollande descend-il ? Les sondeurs qui ne cessent de défendre le sérieux de leurs méthodes sont incapables de se mettre d’accord sur l’évolution des scores des deux candidats en tête des sondages.

A défaut de réussir à prédire les mêmes évolutions, les sondeurs pourraient peut être tomber d’accord sur les scores des différents candidats. Raté. Pour Nicolas Sarkozy, on a le choix entre 26%, 27% ou 29%. Pour François Hollande le choix est varié : 30%, 32%, 32,5% ou 34. Marine Le Pen dispose elle aussi d’un éventail de score diversifié : 15%, 16%, 18% ou 19%. A chaque fois, les écarts entre les différents sondeurs sont de 3 à 4 points par candidats. C’est loin d’être négligeable. Qui croire ? Le score attribué au Front de Gauche fait lui aussi du yo-yo. Il varie entre 5 et 7% pour les cinq derniers sondages. Trois sondages nous placent à sept pour cent, deux à cinq. Cela fait tout de même une variation de près de 50%. A ce niveau cependant, l’histoire des sondages montre que la suite peut conduire à des différences spectaculaires avec le score final réel. Voyez pour Bayrou à la précédente présidentielle. Le 8 novembre 2006, CSA annonce 7% des intentions de votes pour François Bayrou ; IPSOS lui attribue un score de 8% le 15 novembre ; TNS-Sofres prédit le 18 novembre un score de 7%… Mais le 22 avril 2007, François Bayrou recueille 18,57% des suffrages.

Les sondeurs, sans blêmir, continuent de refuser les nombreuses critiques que nous pouvons leur faire. L’un de leur leaders, Brice Teinturier – directeur général délégué d’Ipsos – dans une tribune publiée sur Lemonde.fr présente même un contre-argumentaire. Il me semble intéressant de le lire pour que chacun se fasse une conviction raisonnée sur le sujet en examinant les arguments de part et d’autres. Le directeur de notre campagne, François Delapierre lui a répondu point par point. De cet exercice il ressort cependant quelques sujets de rigolade. D’abord quand on refait le film des sondages et des résultats réels dans le passé. Pour ma part je ne vise pas, à ce sujet, que les précédentes élections présidentielles. Je me souviens assez précisément des sondages pour les élections européennes de 2009. CSA nous estimait à 4%. Nous fîmes 6% au niveau national. Et 8% des électeurs dans la circonscription du grand sud-ouest, trois régions et dix-huit départements, se rassemblèrent dans les urnes sur ma candidature. Je donne toutes ces informations pour qu’elles servent de vaccin contre le pouvoir d’injonction des sondages.


458 commentaires à “Je suis en Bretagne”
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  1. boris dit :

    Très bonne intervention de Jean-Luc Mélenchon à Brest et sur France-inter. J Généreux est en forme également. Merci à ceux qui ont laissé ces liens. Continuons notre travail de fourmi, les monistes de 2005 vont nous rejoindre...

  2. Sonia Bastille dit :

    @ biloute (465) @ ydaho (470)

    Je vous rassure... Il n'y a pas grand chose qui me terrorise ni qui m'intimide...!

    L'Europe est déjà faite de peuples et aussi d'Etats-Nations et cela depuis quelques siècles !

    L'égalité des peuples, cela ne veut rien dire ! La seule égalité universelle et universaliste c'est celle énoncée à l'Article 1er de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789 et qui formule les choses ainsi : "Les Hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune". Le préambule de notre constitution du 04 octobre 1958 qui reprend celui de la constitution du 27 octobre 1946 qui se référe à la DDHC du 26 août 1789. L'Article 1er stipule que : "La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion". La Charte des Droits fondammentaux de l'Union Européenne indique dans son Article 20 "Egalité des droits" que "toutes les personnes sont égales en droit".

    La construction européenne, sans remonter à la CECA, a d'abord et toujours été l'union et l'unicité économique et monétaire par libre concurrence à l'intérieur et le libre échange à l'extérieur. Cela passe par l'anéantissement des souverainetés des Etats-Nations et du peuple citoyen. C'est une construction politique et économique voulue par les dirigeants des nations dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

    Il n'y a pas d'intérêt majeur des peuples mais un intérêt général qui est défini collectivement et démocratiquement par le peuple ou ses représentants (parlementaires). La loi en est l'expression de cette volonté générale.

    Pour relocaliser il faut remettre au centre du projet, l'Etat-Nation et son territoire qu'il faudra aménager dans le cadre d'un projet industriel, agricole ou de services publics.

  3. steph dit :

    @Sonia Bastille

    Le font de Gauche n'est pas anti-UE, il est altereuroeiste, pas antieuropeiste. Il n'est pas pour le recroquevillement sur la nation. Le nationalisme n'a-t-il pas suffisamment été critiqué pour être une invention des capitalistes pour détourner les regards du prolétariat de son vrai ennemi et le porter sur les nations ennemies, pour que (comme en 14) le peuple aille faire la guerre pour servir ses intérêts ?
    Je vous rappelle également que le fédéralisme et le principe de subsidiarité sont des concepts défendus par les anarchistes de gauche.

  4. Sonia Bastille dit :

    @steph
    Là cela fait beaucoup de anti ou pas anti....

    Je suis pour l'idée d'Etat-Nation républicain et souverain. Cette belle idée, cette belle construction issue de notre Grande Révolution et qui est un pas immense vers l'émancipation des citoyens et l'Universalité des droits ! L'Etat-Nation souverain est une idée progressiste et donc de Gauche ! Le capitalisme n'est pas au nationalisme. Le capitalisme c'est plutôt en ce moment l'affaiblissement des Etats-Nations et de leurs souveraineté. On réduit ici les moyens d'actions de l'Etat, là, les droits de souveraineté et d'expression parlementaire, ou bien encore par des traités le libre échange le plus systèmatique et la concurrence la plus débridée sont instaurés ! Enfin, le Grand Marché Transatlantique c'est l'anéantissement des Etats-Nations au profit d'une vaste zone géographique marchéisée ! L'euro est la monnaie unique qui par son unicité organise non seulement la fin des économies productives mais aussi la fin des Etats providences !

    Je ne suis pas "anarchiste" de gauche... je suis une républicaine sociale pour la souveraineté nationale et populaire ! Donc le fédéralisme, je n'en veux point !

  5. Pulchérie D dit :

    @ J-LM
    Félicitations pour cette réussite que constitue cette tournée bretonne. Quel beau document, cette vidéo de la prestation de Brest !

    @ Louis st O 30 novembre 2011 à 18h44 (463)
    Je me suis souvent méfiée des articles parus sur Agora vox.
    Mais je suis enthousiasmée par le contenu de « Bravo les banquiers » dont vous nous donnez le site. Ce travail constitue le complément à la vidéo déjà recommandée précédemment sur ce blog. Ce sont là deux documents que tout habitant de l’Union Européenne en âge de voter devrait lire et visionner attentivement. Ils concernent le futur de la liberté des peuples de l’UE.

  6. Maria dit :

    C'est pour la premiere fois que je tombe sur le porte parole du FdG (ici). J'espere a) qu'il en aura plusieurs et b) qu'il y a parmis les sympatisants et les militants du FdG des gens qui pourraient coacher un peu M. Bessac pour ce qui concerne son aptitude de parler sur les plateaux TV. Il faut imperativement que le porte parole de FdG soit au moins aussi habile que le candidat. On ne peux pas exiger le meme charisme de deux hommes mais la, le manque de savoir faire à la télé risque d`etre invalidante pour la cause de FdG.

  7. Gauthey marcel dit :

    Je viens de terminer qu'il s'en aillent tous! bravos et merci, ce livre m'a réconforté, tes analyses étaient les miennes je suis un très ancien communiste de 81 ans mais je désespérais de ne plus voir l’horizon s'éclairer, j'étais en quelque
    sorte veuf du grand soir,et puis d'un coup je fais la sommes de tout ce qui bouge autour de moi, les luttes pour un hôpital, contre la privatisation des routes, et puis la lassitude qui s'exprime partout contre le manque de démocratie qui se traduit par (ils ce foutent de notre gueule)
    Je me permets de piller les meilleurs pages de ton livre que je distribue autour de moi pour ouvrir les discutions,même au bistrot ou je vais prendre mon café.
    si on s'y met on peut faire prendre la mayonnaise.courage et merci

  8. Jean Luc Martin dit :

    La publicité est payée par les consommateurs et est inutile. Elle représente des milliards d'euros en la taxant fortement pare exemple 200 pour cent pour les prospectus et l'affichage et 50 pour cent pour les autres formes on en réduirait les volumes et renfloueraient les caisses.


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