16mai 12

La Jornada (Mexique)

Jean-Luc Mélenchon : Leçons pour la gauche

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Alejandro Nadal

En France, François Hollande, le nouveau président a pris hier possession de ses fonctions. Son accession au pouvoir est un élément positif dans l’atmosphère raréfiée par la crise en Europe. Hier même, à Berlin, Hollande a insisté afin de renégocier le pacte fiscal. La chancelière allemande lui a rétorqué que la croissance est un des objectifs du traité fiscal consacré à l’austérité. Pour Merkel, c’est la façon de promouvoir les réformes structurelles et, particulièrement, la flexibilité totale dans les relations du travail. Le champ de bataille est bien déterminé. Souhaitons que Hollande puisse y accéder avec fermeté mais on ne peut pas trop y croire. Il ne faut pas oublier que le Parti Socialiste français a toujours été favorable à la mondialisation et à l’intégration européenne de style néolibéral.

D’autres partis socialistes en Europe ont appliqué la recette de l’austérité dans leurs pays respectifs. Certes, la rhétorique de Hollande est une avancée, mais l’urgence du court terme ne doit pas cacher les exigences des changements structurels à long terme. Et c’est là que l’agenda de Hollande a ses limites les plus importantes, voire ses faiblesses. Après tout, rétablir un peu de l’état de bien-être peut ne pas être possible dans la structure néolibérale dont il hérite aujourd’hui. Face aux graves problèmes rencontrés par la France et l’Europe, la trajectoire de Hollande dans le PS annonce plus une continuité que des transformations profondes.

C’est pour ça que le plus remarquable de la bataille électorale en France fut la participation de Jean-Luc Mélenchon, le candidat du Front de gauche.

De son intervention dans ces élections et de sa trajectoire de lutte politique se détachent d’importantes leçons pour les luttes électorales auxquelles participera la gauche dans le monde entier Jean-Luc Mélenchon (JLM) a milité pendant 30 ans dans l’aile gauche du Parti Socialiste français. À la différence de Hollande, Mélenchon s’est efforcé pendant tout ce temps de faire du PS un vrai parti de gauche, avec un projet alternatif au néolibéralisme. Face à la crise, la position de Mélenchon est claire : ce n’est pas une crise provoquée par quelques spéculateurs. C’est la débâcle du modèle néolibéral. L’austérité comme réponse est plus qu’une simple erreur technique. Il est sûr que son application ne donnera, en aucun cas, de bons résultats. Mais Mélenchon va plus loin dans l’analyse : l’austérité est une arme pour démanteler l’état de bien-être, en malmenant les prestations et services sociaux ; et c’est le prélude à l’ancrage des réformes sociales, spécialement la réforme de travail. Pour Mélenchon, c’est clair, l’intégration monétaire européenne s’est faite sur des bases néolibérales. La conséquence en fut de livrer les finances publiques aux marchés financiers. C’est, en un mot, la tragédie de l’Europe. Anciennement, la Banque de France pouvait financer le gouvernement français. Aujourd’hui, c’est interdit et la Banque Centrale Européenne prête aux banques mais pas aux états. Voilà l’ignominie dans l’époque du capital financier. C’est l’époque de soumission qui doit s’achever si on veut de la justice sociale et de l’égalité. Il faut affronter le secteur financier, dit Mélenchon, ne pas s’agenouiller pour lui demander l’aumône.

Alors que Hollande cherchait à orienter le PS au centre afin de courtiser une partie de l’électorat, Mélenchon proposait une politique avec une perspective à long terme, plaçant les sujets d’importance historique sur la table du débat national. Au milieu de la pire crise du capitalisme en huit décennies, et dans le contexte d’une hécatombe financière et économique créée par le cauchemar néolibéral, Mélenchon a rapidement compris qu’il faut offrir des alternatives de longue haleine qui s’éloignent de l’assujettissement au monde des finances. De cette façon seulement, on peut sauvegarder le concept et contrôle de la politique macroéconomique, non seulement pour reconquérir la croissance mais aussi pour aller vers un monde de justice et de responsabilité écologique. Bien que Mélenchon n’ait fait que 11% des suffrages, il a installé des thèmes médullaires dans l’agenda national et son influence décisive laissera une trace salutaire pendant de nombreuses années. La gauche a ressuscité pendant son audacieuse campagne. Elle n’a pas seulement influencé les positions de Hollande, surtout en matière fiscale, mais elle a eu un effet important grâce à son affrontement systématique aux positions racistes et xénophobes de l’extrême droite. Sa campagne a été un cauchemar pour l’ignorante et colérique madame Le Pen. Il se dégage de tout cela un enseignement : la gauche ne peut pas jouer à occuper le centre dans le combat électoral même si beaucoup pensent que ça permet de gagner des voix. La grande leçon de Mélenchon, est que c’est une erreur de dimensions historiques que de placer l’appétit électoral au-dessus du travail politique basé sur des principes, en particulier la justice sociale. Le terrain des principes et de l’éthique est l’endroit où la gauche à sa maison. Elle ne doit jamais l’abandonner.

Source : http://www.jornada.unam.mx/2012/05/16/opinion/036a1eco

Traduction : Françoise Bague



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