12juin 12

Interview publiée dans la Voix du Nord

Sur la campagne dans la 11e circonscription du Pas-de-Calais

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Cela avait tout du saut dans l'inconnu que ce parachutage décidé de manière impromptue voici quatre semaines ?
Jean-Luc Mélenchon
. Ça a été une très belle expérience humaine pour moi, j'ai découvert un visage de ce pays que je ne soupçonnais pas et c'était très fort ! Les gens m'ont vraiment impressionné et il y a ici une réalité populaire extrêmement attachante… Ce qu'a déclaré Mme Le Pen au sujet de l'immigration a solidarisé beaucoup de monde autour de moi qui m'ont vécu comme un point d'appui, un rempart, une digue. Et ça a été très émouvant à vivre, ça !

Vous avez vécu en quelques jours ce que vous n'aviez jamais rencontré ailleurs…
Jean-Luc Mélenchon. Le deuxième rideau de cette campagne a été pour moi une nouveauté avec tous ces tracts anonymes diffusés à une cadence infernale. J'avais déjà vécu des trucs bizarres dans le passé avec, souvent, en fin de campagne, une boule puante balancée, mais là ça a été à un rythme incroyable ! J'ai retrouvé le pire de ce que j'avais déjà vécu lors de la dernière semaine de la présidentielle. Et puis j'ai souffert du manque absolu de solidarité des socialistes je m'attendais à un minimum de gestes au moins fraternels face à ce déluge de choses répugnantes. Mais, au contraire, j'ai lu dans la presse que, pour eux, le réel adversaire, c'était moi ! Cette campagne poisseuse est pour moi une vraie rupture affective avec eux. Je n'ai jamais caché mes divergences avec le PS mais je m'étais imaginé, après le second tour de la présidentielle notamment, que se maintenait entre nous un certain nombre de liens de camaraderie en dépit des désaccords. Il n'en est rien mais il fallait que je l'éprouve de manière violente pour qu'en quelque sorte se termine le divorce amorcé en 2008…

Il faut tout de même rappeler que, lorsque vous êtes arrivé, l'un de vos premiers mots concernant les socialistes du Pas-de-Calais a été "Je n'ai pas besoin de ces bras cassés…"
Jean-Luc Mélenchon. Je ne voulais pas que l'on mélange les genres parce que moi je n'ai rien demandé au PS, après le deuxième tour de la présidentielle. Alors, en arrivant ici, j'étais parti de l'idée que chacun ferait sa campagne avec son propre contenu politique. Et en ça je me suis trompé puisque la campagne de M. Kemel a été "Je connais personnellement M. Hollande, votez pour moi". C'est-à-dire quelque chose qui, politiquement, n'est pas loin du néant…

Vous regrettez cette absence de débat d'idées entre vous ?
Jean-Luc Mélenchon. Non, je crois finalement que c'est dans l'ordre des choses. C'est peut-être moi qui ai fait preuve de naïveté à cet égard… Vous savez, pour moi, c'était un devoir de me comporter comme si nous avions affaire à un débat rationnel, c'est ma manière à moi de mener le combat et je n'en changerai pas parce que je pense que c'est comme ça qu'il faut faire ! Est arrivé ce qui est arrivé, mais je ne me sentirai jamais humilié par le vote de mes concitoyens : on arrive ou pas à convaincre, c'est tout, surtout lorsqu'on est dans la peau d'un challenger, ne l'oubliez pas… S'il y avait eu une campagne de gauche moins nombriliste, je suis persuadé que la digue de gauche aurait été plus puissante aujourd'hui. Mais quand on n'espère que récolter les dividendes de la notoriété du président de la République… Et puis je resterai à jamais choqué que Mme Aubry ait pu dire qu'en menant ma campagne je permettais à Mme Le Pen d'exister !

Cette campagne, si elle était aujourd'hui à refaire, vous y changeriez quoi ?
Jean-Luc Mélenchon. Je n'ai pas de regrets, je pense que j'ai bien fait de venir ici, j'ai dynamisé mon camp et redonné de la fierté à ce que nous représentons qui est une force ascendante… Moi j'ai gagné 1 000 voix et 8 points pendant que M. Kemel en perdait 8 000, se retrouvant même derrière moi à Hénin, tout en donnant la surprenante impression de se satisfaire de ce résultat…

Serez-vous au service de M. Kemel pendant cette campagne de second tour ?
Jean-Luc Mélenchon. C'est aux socialistes de désormais créer une dynamique et de convaincre. Mme Aubry a dit qu'ils n'avaient besoin de personne pour gagner alors… D'un autre côté, Kemel ne m'a rien demandé, on n'a d'ailleurs eu, à ma grande surprise, aucun contact dimanche soir. Et puis je ne sais pas à quoi je pourrais leur servir, je crois plutôt qu'il ne faut pas que je les gêne lors de ce second tour au vu de tout ce qu'ils ont pu dire de moi… Ce dimanche, il faut savoir que M. Kemel n'a même pas eu un geste de courtoisie à mon égard lorsque je suis passé à Carvin, ce qui n'a pas été le cas avec les autres maires de la circonscription…

Propos recueillis par Pascal Wallard.



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