Aussitôt revenu du Venezuela où il était parti se reposer après une année de campagne électorale, Jean-Luc Mélenchon, co-président du Parti de gauche, a fait une rentrée politique tonitruante. Dans son viseur : le président de la République et le Premier ministre.
Cette rentrée marque-t-elle le nécessaire retour du bruit et de la fureur ?
Jean-Luc Mélenchon. Le précédent président de la République avait hystérisé le débat politique. Le suivant va-t-il le chloroformer ? Pas d’accord ! Je veux relancer la dynamique de gauche qui a permis la victoire à l’élection présidentielle ! Le mot d’ordre ? Action ! La gauche a été absente du pouvoir plus de dix ans, et le parlement est convoqué pour ne voter qu’un collectif budgétaire et une loi de rattrapage. Bof !
C’est pour cela que vous avez qualifié les 100 jours de Hollande de « 100 jours de temps perdu » ?
Jean-Luc Mélenchon. Des mesures d’urgence sociale devaient être prises tout de suite ! Certaines n’auraient strictement rien coûté au budget de l’Etat. Par exemple, voter la loi contre les licenciements boursiers ou signer le décret établissant un coefficient multiplicateur sur les prix des fruits et légumes pour fixer un prix maximum. Il faut donner au pays de l’optimisme en lui donnant du mieux vivre. Pas dans cinq ans. Tout de suite !
Pensez-vous être compris par vos anciens amis socialistes ?
Jean-Luc Mélenchon. Je vois bien qu'ils étaient moins bien préparés à exercer le pouvoir que nous l’étions nous-mêmes. Nous avons des cartons pleins de propositions de lois, dont beaucoup ont été déposées quand nous étions dans l’opposition. Elles sont valables tout de suite. Certaines sont moralement impératives, par exemple, une loi d’amnistie pour les syndicalistes condamnés pendant le quinquennat de Sarkozy où l’action syndicale était criminalisée.
Croyez-vous en l'efficacité de l'action d’Arnaud Montebourg face aux plans sociaux ?
Jean-Luc Mélenchon. Montebourg se donne du mal, mais il n'a pas d'arme ! Et c’est un exécutant. Le chef c’est Jean-Marc Ayrault. Pourquoi n’a-t-il pas passé à la cession parlementaire de juillet la loi contre les licenciements boursiers ? Mais aussi l’interdiction pour les entreprises du reste de l’Europe de faire travailler leur personnel en France aux tarifs pratiqués en Pologne ou en Roumanie ? Une main d’œuvre d’immigration, aujourd’hui légale, qui aboutit à un dumping social absolument inacceptable avec des travailleurs sous payés. Pour y mettre un terme, un décret suffisait et Montebourg aurait été beaucoup plus fort face aux grandes entreprises.
Est-ce que la baisse des taxes sur le prix des carburants sera suffisante pour redonner du pouvoir d’achat aux Français ?
Jean-Luc Mélenchon. Seul le budget de l'État va être mis à contribution. Je ne dis pas qu’il ne faille pas le faire mais comme le budget de l’Etat c’est des impôts, ce que vous ne paierez pas en essence, vous le paierez en impôts. Quelle trouvaille ! C’est le prix des pétroliers qu’il fallait bloquer !
Comment réagissez-vous face aux évacuations des camps Roms ?
Jean-Luc Mélenchon. Assez d’hypocrisie ! On sait depuis toujours qu’il fallait prendre des mesures pour permettre aux Roms d’accéder au marché du travail et être logés. Il fallait donc commencer par mettre en place ces solutions de longue durée. Rien n’a été fait ! Qui peut s’étonner que le ministre de l’Intérieur soit obligé d’appliquer les décisions des juges ? Voila le prix de la perte de temps depuis que le nouveau gouvernement est en place.
Le Premier ministre trouve que vous manquez de lucidité…
Jean-Luc Mélenchon. Lui est dans l’irréalité. L’état d’euphorie cotonneuse lui fait oublier que nous n’avons battu Sarkozy que d'un cheveu. Son score a été beaucoup plus fort que ce que prévoyaient les sondages. Il faut dynamiser le peuple ! Nous, nous sommes les ayant droit de la victoire ! Nos quatre millions de voix ont fait la victoire au second tour et pas seulement les électeurs socialistes modérés! Nous voulons notre dû ! Et face à la vague de licenciements nous exigeons des mesures énergiques ! Nous voulons établir un rapport de force favorable avec la finance ! Si le PS ne sait comment faire, que le président nous donne le manche : le Front de gauche, est disponible pour gouverner, sur son programme.
Soutiendrez-vous les mouvements sociaux qui s'annoncent à la rentrée ?
Jean-Luc Mélenchon. Nous soutenons l’action des syndicats. Leur tache est rude ! Les gens sont très inquiets, très angoissés. Dans ce contexte, le rôle du gouvernement n'est pas d’endormir le peuple souverain mais au contraire de le stimuler en lui donnant des réponses sur le concret et surtout en le consultant. La rentrée sera cependant marquée par le vote, en catimini, du traité européen de Nicolas Sarkozy signé avec Angela Merkel ! Et Jean-Marc Ayrault prétend le faire voter par toute la gauche. Je lui dis tout de suite que le Front de gauche votera « non ». Comme d'ailleurs les députés et sénateurs écologistes et une partie des socialistes. Jean-Marc Ayrault divise la gauche en préférant constituer une majorité avec la droite pour voter le traité Sarkozy plutôt que de consulter le peuple avec un référendum. Il refuse ? Il a peur de le perdre ? Savoir contre le peuple ce qui est bon pour lui c’est l’arrogance qui étrangle la démocratie !
Etes-vous déjà en campagne pour 2017 ?
Jean-Luc Mélenchon. Non, je veux des résultats tout de suite ! J’essaie de réveiller l’appétit politique en mettant des idées concrètes sur la table ! Les socialistes répondent sur la forme jamais sur le fond. Ils rêvaient de se débarrasser de nous, pendant la campagne des législatives. Ils ont une pratique brutale et monarchique de la république. Et là ? Cent jours et ils sont déjà dans leur tour d’ivoire !
Propos recueillis par André Fournon.