12sept 12
Pourquoi appeler à voter contre le Traité ?
Ce Traité est une quasi-constitutionnalisation de la politique économique libérale, car il donne un caractère pérenne et contraignant à une vision technocratique de la gestion des affaires publiques. Il pose comme règle que les comptes des administrations doivent être à l'équilibre ou en excédent. Je suis écosocialiste, je ne peux approuver l'austérité. Républicain, je ne peux être pour un tel abandon de souveraineté populaire. Et européen, je condamne cette évolution «austéritaire» de l'Europe, c'est-à-dire l'austérité permanente imposée de façon autoritaire.
Défendez-vous un non fédéraliste, comme celui d'Eva Joly ?
En Europe, les mots sont piégés tant l'enfumage est devenu la règle. Le fédéralisme actuel est ultralibéral et autoritaire, alors que mon non est européen, social et républicain. Ce n'est pas un non nationaliste, un non de capitulation face à l'Allemagne, comme celui de Marine Le Pen. Mais la question de la souveraineté populaire et celle de l'indépendance nationale commencent à se recouper. Nous entrons dans des zones que je déplore, mais après l'adoption d'un traité comme celui-ci, on ne pourra plus dire que la France est une nation indépendante. Ses comptes publics, la gestion de ses emprunts, le vote de son budget seront soumis à des autorisations préalables. Et la France pourra être punie par un organisme de contrôle non élu.
L'Allemagne et la France peuvent-elles encore tirer dans le même sens ?
Le modèle actuel en Europe coïncide avec un intérêt national particulier, celui de l'Allemagne. Et l'Allemagne a des caractéristiques démographiques et productives telles que, pour elle, il n'y a pas d'autre politique possible d'un point de vue conservateur. Son attitude n'a rien à voir avec la peur du spectre de la République de Weimar. La vérité, c'est que la stabilité de la rente est la condition même du pacte social allemand. Cela introduit la dimension de la conflictualité entre les nations, jusque-là masquée par la lâcheté des dirigeants français.
Le paquet croissance arraché par Hollande à l'Allemagne n'est-il pas un progrès ?
Il n'a rien arraché du tout : zéro ! Nous sommes pourtant la deuxième puissance économique de l'UE, nous serons dans trente ans la première population et nous sommes le premier territoire. Quand on est la France et qu'on vient d'avoir un vote mettant en déroute monsieur Sarkozy, on ne peut se contenter de si peu. Quand Ayrault dit que Hollande a fait bouger les lignes du traité «Merkozy», il ment. Pas une virgule n'a été modifiée, ils ont juste ajouté un petit avenant avec soi-disant 120 milliards pour la croissance, essentiellement des fonds déjà prévus. Quel gâchis : on devrait profiter de la période pour faire un bond civilisationnel, en basculant massivement dans l'écoproduction. Ce serait aussi un énorme moteur de la relance.
Quand Mario Draghi, président de la BCE, annonce la mise en place d'un programme illimité de rachat de dette des pays en difficultés, vous applaudissez ?
Vous rigolez ! C'est un enfumage géant ! Rien ne change au circuit de financement. La BCE va continuer de prêter à moins de 1 % à des banques privées, qui vont, elles, continuer à prêter ensuite de l'argent au tarif qu'elles veulent. La nouveauté, c'est simplement que la BCE va racheter aux banques ces dettes pourries, mais seulement si les pays concernés font appel au Mécanisme européen de stabilité (MES) et appliquent les critères d'austérité que la troïka met en oeuvre en Grèce. C'est un coup de poignard dans le dos. Les Espagnols font d'ailleurs tout pour ne pas recourir au MES. Personne n'en veut. Le principal résultat de Draghi, c'est que lorsqu'un chef de gouvernement va dire qu'il ne veut pas du MES, la BCE va pointer le fait que celui-ci refuse de mener une politique d'austérité. Cela va encore faire augmenter les taux, car les banquiers vont juger le risque de prêter plus élevé. Draghi a en fait serré encore d'un cran l'étau qui enserre les pays les plus en difficulté.
Mais alors, pourquoi tous les journaux conservateurs allemands ont-ils déploré cette décision de la BCE ?
Prétexte ! Beaucoup de possédants allemands veulent en fait retourner à une zone mark baptisée euro. Sans toute l'Europe du Sud. Ils pensent s'en sortir dans leur coin, avec des pays satellites pour fabriquer leurs pièces détachées à bas prix.
Que doit dire Hollande à Merkel ?
Son élection lui valait mandat pour dire au nom du peuple français que ce Traité ne nous convient pas. Mais si vous arrivez devant madame Merkel avec votre béret à la main, vous êtes sûr de repartir perdant. Hollande doit mettre le doigt sur une contradiction structurelle : la population allemande vieillit alors que la nôtre rajeunit. Nous sommes obligés de recourir à la dépense publique car l'école privée ou l'hôpital privé, ce n'est pas notre modèle de développement. Il faut arrêter de mythifier madame Merkel ! Elle est un produit de l'Allemagne de l'Est, avec une pensée pauvre et systématique. Elle est aussi dogmatique dans son libéralisme que d'autres l'étaient dans leur stalinisme. Et son pouvoir n'est que celui qu'on lui reconnaît ! Pourtant le rapport de force change. La Confédération européenne des syndicats, qui avait voté oui en 2005, et le grand syndicat allemand DGB sont contre le Pacte budgétaire. Trois Nobel d'économie jugent eux aussi que nous allons dans le mur. Ni la Grèce ni personne ne paiera sa dette ! Faire semblant de l'ignorer c'est aller au désastre !
Le référendum que vous réclamez semble peu probable…
Tout est possible, on verra déjà le vote à l'Assemblée. Je suis républicain, je respecte les institutions même si je veux les changer. Raisonner autrement, c'est considérer que tout est écrit d'avance. L'Assemblée peut tout à fait voter une motion référendaire.
Pourquoi le ferait-elle ?
Parce qu'il faut arrêter de transiger avec la démocratie, qui n'est pas une concession que nous faisons au système capitaliste. S'ils refusent un référendum, c'est parce qu'ils savent très bien que le non l'emporterait de nouveau. Monsieur Ayrault ferait pourtant bien de se souvenir qu'il avait déposé une motion référendaire sur le traité de Lisbonne, après que les socialistes se sont abstenus au Congrès à Versailles. Il ne liait pas le référendum à une perte de souveraineté nationale, il disait simplement que l'Europe méritait le vote des Français. En tout cas si le traité est voté en force au Parlement, moi je serai obligé de poser le problème de l'indépendance de la France. Mais qui nous aura mis dos au mur ?
Quel argument de Daniel Cohn-Bendit vous semble totalement à côté de la plaque ?
Il pense comme les sociaux-libéraux que ce traité est une étape et que demain on rasera gratis. Mais à partir de combien de traités néolibéraux commencera-t-il à se dire qu'il y a un problème ? Au moins qu'il réalise que la méthode des petits pas pose problème. Elle n'a débouché sur rien d'autre que l'institutionnalisation du libéralisme. Comme si depuis la fin de l'URSS, il était devenu impossible d'imaginer un nouvel Etat-providence. C'est tout de même étrange.
Le 30 septembre à Paris, vous appelez à une marche pour montrer «la force du non»…
Comme pour les grands rassemblements de la présidentielle, la force qui se donnera à voir sera celle du peuple. Pas celle du Front de gauche ou des autres composantes de la mobilisation. Toute l'Europe va voir la force du «non» en