24jan 13

Interview parue dans le journal Métro le 23 janvier 2013

« Merkel tient le guidon, Hollande pédale »

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Vous reprenez votre combat contre l'austérité. En quoi va consister cette campagne ?

C'est un combat de longue haleine. Avec les mesures de rigueur du budget puis le plan compétitivité, 60 milliards viennent d'être retirés de l'économie réelle. Cela va provoquer un choc d'une violence sans précédent. Sur tout le territoire, ce sera des services publics en moins. Et toute l'économie va se contracter. Le chômage va exploser ! Il faut dénoncer une telle situation, et en même temps faire vivre une alternative. Aujourd'hui, François Hollande s'appuie sur les éléments les plus droitiers de son parti pour mener une politique sociale-libérale. Mais il pourrait parfaitement, s'apercevant qu'il a pris la même pente que Zapatero en Espagne ou Papandréou en Grèce, décider de changer de cap. Dans ce cas, il y a une force sur laquelle le pays peut compter : c'est la nôtre.

Vos propositions ont-elles évolué depuis la présidentielle ?

C'est le même programme ! Pourquoi changer ? Au début on me disait : "Vous exagérez, vous faites des procès d'intention à François Hollande – entendez : 'il a dit qu'il affronterait la finance, qu'on reviendrait aux contrats à durée indéterminée, qu'on taxerait le grand capital…'" Voyez le résultat ! Sa politique s’est coulée dans le moule européen, c’est tout. Alors l'hypothèse de croissance, déjà pas fameuse, est démentie. Ce sont des recettes en moins pour l'Etat, donc plus de déficit. Et donc plus d'austérité. C’est un cercle vicieux. Je propose le contraire : la relance de l’activité.

Vous rentrez de plain-pied dans l'opposition aujourd'hui ?

Dans l'opposition à la politique suivie, oui. Pourquoi le cacher ? Mais nous ne sommes pas dans l'opposition au sens classique du terme, car accepter cette idée serait une manière de dire que nous aurions perdu l'élection. Or, nous sommes les ayants droit de la victoire, puisque François Hollande n'aurait pas gagné sans nous. Aujourd'hui, nous nous proposons comme la force de relève à gauche face à un PS sans imagination, dont le seul projet de société est de réduire la dépense publique.

Vous aviez réuni des dizaines de milliers de manifestants contre l'austérité fin septembre. François Hollande doit-il s'attendre à de nouvelles manifestations de gauche ?

Oui. Nous, nous utiliserons des formes très diversifiées d'action. Il y aura des meetings, des marches… Mais la nouveauté, ces derniers mois, c'est qu'on observe souvent des manifestations politico-syndicales. On peut s'attendre à ce qu'il y en ait de plus en plus, dans la mesure où un assez large front syndical s'oppose à la politique gouvernementale. Par exemple si vous mettez ensemble les syndicats de salariés opposés à l'accord "tout bénef pour le Medef" sur l'emploi, et que vous y ajoutez les syndicats de l'enseignement ou de la fonction publique, cela fait beaucoup de monde. On peut s'attendre à une agitation sociale qui va aller en s'amplifiant.

Les métallos de Florange doivent être reçus ce mercredi matin à l'Elysée pour y demander la nationalisation temporaire du site. A vos yeux, Jean-Marc Ayrault a-t-il commis une erreur en écartant cette option ?

Une très lourde erreur. Le même gouvernement qui impose aux syndicats le traquenard de la rencontre sur l'emploi avec le Medef discute directement avec le patron d'Arcelor Mittal, et les syndicats ne sont même pas invités ! J'ai appuyé l'idée de nationalisation temporaire avancée par Arnaud Montebourg. Pour une fois, on avait un point de passage tout à fait clair entre le PS et le Front de gauche. Mais Ayrault nous a coupé la route.

On a célébré, mardi, les cinquante ans de la réconciliation franco-allemande. Que pensez-vous du couple Hollande-Merkel ?

Pour l'instant, dans le tandem, il y en a une qui tient le guidon, la main sur le frein, et l'autre qui pédale. Hollande, il pédale. C'est tout ce qu'il a le droit de faire. Aujourd'hui, la relation franco-allemande est déséquilibrée.

Vous avez été l'un des premiers à critiquer l'intervention au Mali. Pourquoi y êtes-vous opposé ?

J'ai passé l'âge de croire aux numéros médiatiques du gouvernement qui assure qu'intervenir au Mali était urgent mais dont les objectifs de guerre changent tous les jours. De quelle légitimité se revendique notre action ? On a commencé par dire qu'on venait stopper une avancée. Ensuite, il a été question de vaincre les islamistes. Et finalement, on nous dit qu'il s'agit de reconquérir tout le Nord-Mali. On va le reconquérir sur qui : les islamistes ou les touareg ? Pour qui ? Le gouvernement putschiste ? Les zones d'ombre sont telles qu'on finit par se demander ce qui est en jeu. Le gouvernement ferait mieux de dire la vérité plutôt que de nous sortir des contes à dormir debout.

De quelle vérité parlez-vous ?

Nous sommes là-bas parce que nous ne pouvons pas permettre que les autres pays de cette région, et donc l'extraction de l'uranium dont dépendent des centrales françaises, soient mis en danger. Il faut le dire ! Après, on sera pour ou contre, mais ce sera la vérité. Pour 2 millions d’euros par jour de coût de guerre, en période d’austérité, on a le droit de connaître la vérité ! 

Comment trouvez-vous François Hollande dans ce rôle de chef de guerre ?

Je n'ai pas d'avis là-dessus. Je lis des commentaires extrêmement flatteurs à son égard. Ce que je sais, c'est que, quand il était premier secrétaire du PS, il ne s'intéressait pas beaucoup aux questions militaires. Ni aux questions internationales, d'ailleurs. S'il a été touché par la grâce, tant mieux !

Le divorce semble consommé avec le PS. Est-ce que cela ne risque pas de poser problème pour les accords locaux aux municipales ?

C'est effectivement une situation très complexe pour nous. Nous ferons en sorte que rien de ce que nous faisons ou allons faire ne facilite le travail de la droite, et, pire, de l'extrême droite. Pour autant, il ne faut pas que ce point devienne un argument de chantage. Dans les grandes villes comme Paris, il y aura probablement une candidature Front de gauche.

Un autre enjeu, pour vous, sera l'élection européenne de 2014…

Il est essentiel ! Je me concentre sur ce rendez-vous et je serai candidat. Parce que c'est un vote national, avec cette même question dans toute l'Europe : pour ou contre la politique actuelle d'austérité ? Pour les électeurs de gauche, ce sera l'occasion de dire quelle orientation ils privilégient. Celle des socio-libéraux ou la nôtre.

Qu'avez-vous envie de dire à ceux qui ont voté pour vous en 2012 ? 

J'ai mérité votre confiance : je n'ai jamais désarmé, je ne me suis pas rallié. J'ai gardé intacts mon programme, ainsi que ma combativité. Le Front de gauche est resté uni. Vous aussi restez groupés, continuez à faire preuve d'esprit d'initiative ! C'est nous qui sommes la petite lumière dans la nuit de l’austérité. C'est nous qui allons remettre le feu à la plaine. Surtout, ne vous résignez pas.



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