28mar 13
Jean-Luc Mélenchon interpelle François Hollande avant son intervention télévisée de jeudi soir. Il lui demande de changer de politique.
Rien ou presque dans la politique de François Hollande ne trouve grâce à ses yeux. C’est pourquoi Jean-Luc Mélenchon appelle le chef de l’Etat à changer de cap. Le coprésident du Parti de gauche assume son discours musclé et donne rendez-vous aux Européennes pour un affrontement avec les socialistes… et le Front national.
Qu’attendez-vous de l’interview de François Hollande jeudi soir ?
François Hollande doit montrer qu’il a compris la colère du pays et changer de cap. S’il ne le fait pas, cette intervention ne servira qu’à une chose : déprimer le pays et creuser plus profondément le trou dans lequel il est tombé. Il a certes été élu pour cinq ans mais on ne peut pas attendre un désastre pour changer de cap.
Sa direction est mauvaise : il refuse d’affronter la finance, sollicite les faveurs du Medef et conduit une politique pour laquelle le problème c’est le coût du travail. Ses choix ont échoué partout. Et puis, quel humour noir de créer 2 000 postes à Pôle Emploi pour réduire le chômage !
Pour inverser la courbe, il compte sur le contrat de génération et les emplois d’avenir…
Cet objectif est irréaliste car ses réponses ne sont même pas des pansements. Ce qu’il faut, c’est une vision d’avenir globale pour le pays. J'ai par exemple proposé de faire de l'économie de la mer un levier d'activité majeur, mais lui limite l’ambition du pays aux objectifs comptables. S’il persiste, il ne va faire qu’aggraver la situation.
N’est-ce pas sur ce discours qu’il a été élu ?
Pas du tout. D’une manière sournoise et peu respectueuse de la souveraineté du peuple, François Hollande a passé son temps à brouiller les cartes. Il a fait des discours contre la finance qui étaient directement recopiés des miens. Le coup de la taxation à 75% a été improvisé dans le seul but d’endiguer ma progression durant la présidentielle. Mais depuis ? Rien n’a changé. Il a empêché les Français de voir qu’il y avait deux politiques à gauche. A sa façon, il a faussé le résultat.
A quoi bon se dire de gauche si c’est pour faire la même politique économique et sociale que la droite et ne rien faire sur le plan environnemental ?
Vous oubliez les questions de société…
C’est toujours ça de gagné sur le plan des libertés individuelles. Ça répond à un certain type de problèmes mais pas à tous. Il ne faut pas mépriser les avancées sociétales mais ne pas s’en contenter.
Selon vous, les Français ont besoin de dirigeants qui parlent «cru et dru». Est-ce pour cela que vous haussez le ton ?
En cette saison de tempête, les gens ont besoin de comprendre. Je ne dis pas qu’il faut parler fort mais parler clair ! Ce que disent les socialistes est incompréhensible. C’est pourquoi nous déclarons la guerre à la parole molle et aux tromperies qu’elle contient.
Quand Moscovici, avec les seize autres pays de l’Eurogroupe, va contre la décision du Parlement chypriote, c’est immoral et inacceptable. Mon camarade Delapierre (secrétaire national du Parti de gauche, ndlr) a bien fait d’utiliser un mot que tout le monde comprend (salopard, ndlr). L’indignation sur commande des socialistes m’amuse car ils utilisent les uns contre les autres des mots plus crus que les nôtres.
L’axe franco-méditerranéen que vous prônez est-il une alternative à l’Europe ?
L’Europe devient une Europe allemande, qui fonctionne au rythme de Mme Merkel. Il faut prendre acte de cette situation qui résulte de la lâcheté des dirigeants français. Cela me conduit à procéder à une réévaluation de la position de notre pays dans la construction européenne ; la France sera plus forte si elle assume sa position méditerranéenne et forme une ligue avec les pays du Sud, mis en cause par l’Allemagne avec ceux de la façade magrébine.
Faut-il sortir de l’euro ?
Lors de notre congrès, on a vu naître un débat sur l’euro. Le doute est là. Mais si nous renonçons à l’euro, on entre dans le plan de Merkel qui veut expulser l’Europe du Sud après l’avoir détruite. Il faut de la fermeté dans nos décisions en rappelant, qu’en Europe, aucune décision ne peut être prise sans la France.
Nous ne sommes pas à la ramasse, nous sommes la deuxième économie du continent. Nous disposons de moyens d’action si nous avons le courage politique.
C’est l’enjeu des Européennes…
Pour nous, c’est le grand rendez-vous de 2014. Les socialistes seront confrontés à un jugement sur cette question majeure qu’est l’Europe. Le gouvernement a bien compris qu’il est aux abois puisqu’il a décidé de ne pas changer la loi électorale (il a renoncé à la circonscription unique, ndlr) pour éviter une campagne nationale. Il a peur que le Front de gauche passe devant le PS.
Pour ma part, je serai très certainement candidat, pas forcément dans le sud-ouest. Je peux très bien me présenter dans le Nord face à Marine Le Pen ou dans le sud-est face à son père.