24juil 13
Pour la deuxième fois on tue l'un des nôtres en Tunisie
Déclaration de Jean-Luc Mélenchon le 25 Juillet 2013
Pour la deuxième fois c'est l'un des nôtres qu'on assassine en Tunisie.
Mohamed Brahmi a reçu 11 balles dans le corps. Le meurtre politique est avéré son intention terrorisante absolument évidente ! Mohamed Brahmi et les tunisiens du Front populaire sont les empêcheurs de penser en rond dans la comédie de l'opposition entre laïques obligatoirement silencieux sur les questions sociales pour ne pas diviser, et islamistes prétendument représentatifs de la religion musulmane des Tunisiens mais qui appellent sans réplique à « rassurer les investisseurs ». Notre camarade Mohamed Brahmi était un laïque, musulman pratiquant, engagé sans concession pour la lutte des droits sociaux et démocratiques des Tunisiens. Sa personne, son combat, son engagement partisan, son action de député, n'entraient pas dans le jeu de rôle prévu. En ce sens il incarnait bien ce que nous sommes là-bas et ici.
J'étais en hiver lorsque je me trouvais à Lima. Je suis revenu en été en arrivant à Quito. Mais comme c'est ici l'Équateur, selon le lieu où l’on va dans le pays on se trouve tantôt en été tantôt en hiver. Ici les saisons sont aussi des lieux. Et ces lieux sont tantôt fort hauts puisque c’est la montagne andine et d’autrefois aussi bas que possible puisque la côte est là, sur l’océan Pacifique. J'ai par principe un maigre paquetage, mais j'ai trouvé le moyen de faire face aux deux situations, ajoutant cependant à mon maillot de bain une sorte de châle d’alpaca qui m’apporte sitôt que je le mets, en plus des réconforts d’une douce chaleur, les senteurs mièvres d’une bergerie. Mon séjour en Équateur est bien plus intense politiquement que celui au Pérou. Il est vrai que j'avais à faire ici, ce qui n'était pas le cas là-bas. Avec trois conférences en espagnol, un meeting et deux séances de travail sur le forum mondial de la Révolution citoyenne, dois-je parler de vacances studieuses ou d’études vacancières ? L'essentiel de ce post est consacré au contexte des conférences auxquelles j'ai participé ici. J’y ajoute des premières impressions de mon entrée dans le chaudron politique régional avec le meeting de soutien à Evo Moralès qui s’est tenu ce mardi 23 juillet. Le matériel des notes que j’accumule me fait obligation de couper mon récit en plusieurs épisodes. Je laisse donc pour cette fois ci tout ce qui se rapporte à mon immersion dans la discussion sur la cosmogonie des indigènes. Croyez que je ne me suis pas contenté de discussion. J’ai aussi arpenté ici et là le pays, sur les pas de notre compatriote La Condamine. C'est ici une star dans le pays qui lui doit son nom. Je suis allé au point touristique du degré zéro de latitude et j’y ai fait les photos d’usage, à cheval sur la ligne équatoriale. Puis on en vint aux choses sérieuses et on m’amena sur la montagne en face, là où La Condamine avait lui-même positionné ce point. Sur ce mont pelé, on trouve un bloc doré au point de La Condamine et, à quelques mètres de là, le lieu où les indigènes pré-incaïque avaient eux-mêmes situé la chose. Verdict du GPS : les indigènes avaient le bon endroit, pile poil, et La Condamine le rate de peu.
Mais, mieux que tout, j’ai aussi eu l’honneur d’être une des rarissimes personnes qui ait pu se rendre à Malki Machaï, un recoin du pays où l’on pense avoir trouvé la dernière demeure de l’inca Hatahualpa. J’ai voulu y aller après avoir lu un article de « Sciences et vie » au retour d’une des sessions à Strasbourg. Encore un de ces détours compliqué de mon existence où tout finit par se tenir dans un récit unique que je m’amuse à croire assez magique. Le prix de cette visite est d'avoir dû faire dix heures de voiture dont un bon paquet sur des pistes défoncées, mais dans un paysage inouï qui entrait spontanément en dialogue avec mes paysages oniriques les mieux ancrés. De tout cela et de bien d’autres choses, point de nouvelles pour cette fois-ci. Notez aussi, si vous avez pour moi des fidélités de lectures cet été, que j’aurais à dire encore bien des choses politiques sur ce séjour ici. En effet, le calendrier de mes interlocuteurs et les circonstances m'ont permis à la fois de franchir l'étape prévue concernant la préparation du forum mondial de la révolution citoyenne mais aussi de participer à un événement politique de grande importance : le sommet des chefs d'État de l'Alba et la tenue du forum des réseaux sociaux des pays membres de cette alliance politique. Du fait de l'agression qu'a représentée l'interdiction de survol d'une partie de l'Europe à l'encontre du président Evo Morales, l'ambiance est assez chaudement politisée. On pardonne moins à la France qu’à d’autres, car on l’aime davantage. Ici François Hollande a ruiné des mois de travail de sa propre administration et des années de prestige français. Je tâche de faire du mieux que je peux pour rappeler qu’il n’est que lui et que nous autres nous sommes là aussi, nous qui sommes la France comme on l’aime ici.
Victor Hugo répondant aux révolutionnaires mexicains après l’invasion française organisée par Napoléon III leur disait « ce n’est pas la France qui vous fait la guerre c’est l’empire, c’est Napoléon le petit ». Ce n’est pas la France qui insulte l’Amérique du sud c’est seulement Solferino et François le petit.
Pour ce qui est de ce blog, rendez-vous dans une semaine.
Les illustrations de ce billet proviennent d'une exposition de photographies à l'Alliance française de Cuenca. Elle sont l'oeuvre du photographe français Mathieu Rousseau.
Ces photos et bien d’autres sont présentées à l’Alliance Française de Cuenca en Equateur dans le cadre d’une exposition réalisée avec l’appui de la fondation municipale Bienal de Cuenca. Les danseurs sont Sandra Gomez, Carla Altamirano, Franko et Johnny Cabrera. Cette exposition est le résultat d’un beau et long travail mené avec l’équipe de l’Alliance française. Il a consisté à investir certains lieux de Cuenca pour en exprimer, en situation, « l’esprit ». J’ai décidé de publier quelques clichés repiqués avec l’accord de l’Alliance. Ce qui a été fait par celle-ci, par les danseurs et par le photographe, constitue une œuvre d’art collective d’une incroyable force et constitue désormais une composante importante du patrimoine local.
Déjeuner et meeting présidentiels à Quito
Après avoir visité la merveilleuse Alliance Française à Cuenca où je me trouvais, je musardais le nez au vent sur la place centrale de la vieille ville coloniale. Je voulais revoir la belle bâtisse de l'ancien « club de Paris » où se réunissaient au 19éme siècle les équatoriens attachés à l'esprit des lumières qui, tous, mettaient un point d'honneur à parler français quoiqu'ils n'aient jamais eu l'occasion d'aller en France. C'est alors qu'est arrivée l'invitation du président Rafael Corréa pour le déjeuner avec le président Evo Moralès qui se trouvaient à Quito. Comme la convocation était pour le quart d'heure suivant, on devine quelle aventure ce fut de courir à l'aéroport, de faire le vol puis le trajet de l'aéroport de Quito jusqu'au palais présidentiel avec, pour finir, ce qui va devenir bientôt pour moi une habitude : faire les derniers cent mètres au pas de course ! Si incroyable que cela paraisse, j'ai pourtant pu largement participer à la fin du repas dans une ambiance comme de ma vie politique je n'en ai connu. Aucune de ces rigidités protocolaires que j'ai accompagnées tant de fois en France comme dans certains pays de l'Amérique du Sud. Tout le contraire ! Une ambiance totalement décontractée, beaucoup de fraternité et d'amitié jusqu'au point où l’on fit resservir pour moi dès que le président comprit que je n'avais pas déjeuné. Je laisse de côté, à cet instant, ce que nous nous sommes dit de politique. Dans ces matières, il faut peser ses mots et la part de ce qui est réellement d’intérêt général. Je me contenterai de mentionner une image qui sans doute me restera longtemps collée à l'esprit, celle du président Rafael Corréa et de son ministre des affaires étrangères enchaînant les chansons populaires traditionnelles, la délégation bolivienne s'associant d'autant plus facilement qu'une bonne partie de ces airs sont ceux du continent tout entier.
Le soir même se tenait un meeting de soutien au président Evo Morales. On devine l'ambiance volcanique et militante de ce moment. Je m'y associais de toutes les façons possibles, à l'unisson avec la poignée de mes compatriotes présents sur place : on cria les mots d'ordre, on chanta les chansons, on applaudit chaque fois que nécessaire. Ce moment tint lieu d'expectoration pour la honte que je ressens du fait du traitement indigne infligé à Evo Moralès par mon pays. Le président bolivien parla le premier et il raconta les circonstances dans lesquelles eut lieu l'interdiction de survol du territoire notre pays. Le plan de vol et la liste des passagers jusqu'à l'équipage avait été adressé aux autorités françaises comme c'est l'usage. Mais l'interdiction de survol n'interviendra que quelques instants avant que l'avion bolivien approche de notre frontière, suivie en cascade par les interdictions venant des autres pays de la trajectoire de sortie vers l’Amérique du Sud comme l'Espagne et l'Italie et le Portugal. L'action des Européens était donc parfaitement concertée et clairement hostile puisque rien ne permettait au président bolivien de savoir où, en toute hypothèse, son avion pourrait se poser. Après avoir atterri à Vienne, il y demeura dans l'expectative 14 heures durant ! « Imaginez que nous ayons fait cela au président des États-Unis ou un président quelconque de l'union européenne, dit Evo Moralès, ce serait la guerre aussitôt ou bien des représailles terribles. » Pour lui les pays européens se sont sentis libres de procéder à cette humiliation parce qu'ils ont une mentalité de dominant, qu’ils méprisent les nations de l'Amérique du Sud, leurs dirigeants et en particulier les indigènes. Pour lui, leur vision est restée celle de puissances coloniales. Aucun des responsables latino-américains que j'ai rencontrés n'accepte les pseudos arguments qui ont été avancés, notamment par le président François Hollande, selon lesquels il se serait agi d'un malentendu ou d'une simple vérification à propos de la présence de Snowden à bord de l'avion.
Rafael Corréa, quand ce fut son tour de parler, résuma leur appréciation sur ce point. « Ils n'avaient aucun droit de vérifier qui se trouvait dans l'avion alors qu'ils disposaient déjà de la liste des passagers et de l’équipage. Et de toute façon cette vérification était impossible car l'avion présidentiel est dans le droit international aussi inviolable qu'une ambassade ! Et si par extraordinaire cette vérification avait eu lieu comment imaginez-vous qu'elle ait pu se passer ? Vous voyez un ambassadeur montant dans l'avion et vérifiant l'identité des passagers ? Personne ne peut imaginer une scène pareille ! » De là Rafael Corréa déduit que l'interdiction de survol n'avait aucun sens pratique et, dès lors, ceux qui l'ont décidé le savaient parfaitement. Pour lui cet épisode est la signature d'une campagne qui visait à criminaliser Snowden plutôt que les responsables de l’espionnage généralisé par les nord-américains qu'il a dénoncé ! Il s'agissait d’humilier pour intimider ceux qui voudraient éventuellement offrir le droit d'asile à Snowden. Or le droit d'asile est un droit humain fondamental reconnu par toutes les déclarations internationales, rappelle Rafael Corréa ! Et le droit de chaque pays de l'accorder librement est également reconnu dans les mêmes conditions. Un seul pays ne reconnaît rien de tout cela : les États-Unis d'Amérique ! Et de toute façon il reste ceci : si Snowden avait été à bord de l'avion, aucune autorité autre que celle du président Evo Moralès n'aurait été en droit de l'en faire descendre. L'information de la soirée pour moi, ce fut le moment où Rafael Corréa rappela la décision prise par les pays du Mercosur : rappeler tous leurs ambassadeurs en consultation et ne les renvoyer à Paris que lorsque le président Evo Moralès se dirait satisfait des excuses reçues. Un double événement historique. C'est la première fois, en effet, que le Mercosur se donne pour objectif commun une initiative politique. Ensuite, la décision de ne renvoyer les ambassadeurs à Paris que sur la décision de l'un d'entre eux, Evo Moralès, affiche un degré de solidarité dont on ne mesure bien l'importance qu’en constatant qu'il serait tout simplement impossible entre chefs d'État européens ! En y réfléchissant, ce qui m'a le plus frappé à ce sujet, c'est que je n'en avais jamais entendu parler avant ce soir. Rien ne signale mieux l'influence des agences nord-américaines que le silence de nos médias sur l'émotion de l'Amérique du Sud tout entière à propos de cet événement et davantage encore sur ce fait diplomatique majeur que je viens de rapporter. J'ai d'ailleurs bien compris que nous en étions tous au même niveau d'appréciation. Dorénavant dans tous les discours de gauche sous ces latitudes, l'adversaire est cité avec trois noms que l'on énonce à la chaîne : le capital financier, l'empire, le parti des médias. Il n'y a qu'en Europe qu'on ose plus désigner l'ennemi par son nom ! Mais comme d'habitude, nier la réalité ne suffit pas la faire disparaître.
Comprendre, c'est déjà s'aider !
Mon programme prévoyait trois conférences au cours des trois premiers jours de ma présence en Equateur. Une traduction simultanée avait été prévue mais, pour finir, je m'en suis remis à l'indulgence des auditoires et je me suis exprimé en espagnol. Rude exercice ! Cependant, les questions traitées ne passionnent assez pour que j'ai eu le sentiment de pouvoir dépasser les butées de la langue. En premier lieu, il s'agissait de faire un point d'information sur la crise en Europe, sur ses origines et sur les différentes étapes de son développement jusqu'à ce jour. Il est essentiel pour nous de faire bien comprendre notre situation. La plupart du temps des interlocuteurs sont stupéfaits. Ce que je leur décris les renvoient aux très mauvais souvenirs des politiques d'ajustement structurel qui ont lamentablement échoué en Amérique du Sud après avoir détruit la plupart des sociétés. Ici ces politiques ont littéralement dévasté le pays en enfonçant une part essentielle de sa population non seulement dans la pauvreté mais de façon considérable dans l’extrême pauvreté. La secousse politique qu’il a fallu infliger au système pour s’en débarrasser a été considérable, transitant, entre autres choses, par l’expulsion en cours de mandat de trois présidents de la République. Mais le mal a été fait et beaucoup venait déjà de bien plus loin. Par conséquent, si puissante et déterminée soit l'action gouvernementale depuis le début des gouvernements de la révolution citoyenne du président Rafael Corréa, le pays n'est toujours pas totalement débarrassé des stigmates de cette extrême pauvreté. Il vaut mieux que nous le sachions pour nous même : on ne répare pas si vite les dégâts humains de la politique libérale. Ici elle perdure surtout dans les régions reculées du pays et dans les lieux inaccessibles comme ceux que j'ai pu voir dans la montagne. Et la montagne ici est partout. Les dizaines de chantiers ouverts de toutes parts et sur tous les fronts ne peuvent donner leurs fruits aussi vite qu’on le voudrait.
Quoi qu’il en soit mon récit sur l’Europe fait mouche. Nombreux sont ceux qui n'imaginaient même pas que puisse exister et être accepté un système comme celui qui s'applique à nous avec le traité budgétaire. J'avais déjà constaté cette stupéfaction en Argentine et en Uruguay. Ici l’étonnement s'accompagne d'une forme particulière d'indignation. En effet la société équatorienne est en train de construire un État digne de ce nom et toutes les étapes de la révolution citoyenne sont aussi celle d'une bataille acharnée pour l'indépendance et la souveraineté nationale. Ici on sait à quel point ces deux mots désignent en réalité la souveraineté populaire. Dès lors, l'idée que nous soyons obligés de soumettre le budget de nos pays, avant même qu'il soit examiné par les Parlement nationaux, devant la commission européenne, est toujours appris avec le mécontentement que l'on ressent lorsqu'on apprend que des mauvais traitements sont infligés à d'autres. Mais avant tout c’est la stupeur devant l’abaissement de notre pays. « De quoi ont-ils peur », se demande-t-on ? Car personne n’arrive à croire, comme je l’explique, que l’atlantisme est une conviction viscérale du nouveau président français. Tous sont nationalistes et beaucoup le croient socialiste et, du coup, ils comparent son comportement à ce que Rafael Coréa, leur président, a su faire en expulsant le FMI et la Banque mondiale du pays et même l’ambassadrice des Etats unis après la tentative d’assassinat dont il a fait l’objet. Si l’Equateur le peut, si petit et si exposé, comment se fait-il que la France se mette aux ordres ? Nous connaissons la réponse. Eux n’arrivent pas à y croire.
Cependant, la brutalité de l'union européenne est bien connue. Des négociations sont en cours. Ce ne sont pas les premières ! Mais les précédentes ont laissé un goût très amer du fait que l'arrogance absolument incroyable du négociateur européen anglais et des intrigues pour trouver le moyen d'opposer les uns aux autres les pays avec lesquels l’Union discute. Ici l’Union n’est pas le partenaire alternatif aux nord-américains dont tout le monde avait rêvé des deux côtés de l’Atlantique, du temps des illusions.
La salle était donc comble pour cette conférence d’information sur la situation européenne. En plus du ministre des relations extérieures, Ricardo Patino, qui intervenait à la tribune, un bon nombre de députés et de responsables politiques et administratifs de tous ordres se sont associés à nous. L'intérêt de tous ces dirigeants, leur goût de comprendre et de savoir, m'ont fait trouver encore plus amère l’indifférence que je rencontre si souvent en Europe à l'égard des expériences progressistes de l'Amérique du Sud. Je crois faire mon travail en faisant comprendre ici ce que nous sommes en train de subir et pourquoi ce qu'ils font, eux ici de leur côté, est si important pour nous en tant que point d'appui et source d'inspiration
Pour ma part je me considère en apprentissage auprès d’eux. Mais je sais bien que l'intérêt que nous leur portons est aussi pour eux un encouragement à agir. Si j'en crois ce que disent mes camarades, le récit argumenté de la déchéance de la social-démocratie en Europe, s’il commence d'abord par assombrir l'horizon, l'éclaire ensuite en faisant prendre à chacun conscience de sa responsabilité dans le moment présent et dans les actes concrets de la révolution citoyenne. De la sorte, ce genre de rencontre et ce travail commun enrichissent les deux côtés. Une autre conséquence mutuelle me semble devoir être soulignée. Dans ce genre de rencontre l'échange ne peut pas bien fonctionner si chacun se contente de voir midi à sa porte et se limite à présenter la situation qu'il affronte à partir des anecdotes qui la révèlent. Reconnaissons que c’est pourtant une tendance assez naturelle. En fait pour que l’échange puisse se faire authentiquement il faut que chacun de son côté fasse l'effort de donner aux événements dont il parle la signification générale qui peut concerner son interlocuteur. Cet effort d'universalisation reçoit ici un accueil particulièrement favorable. Dans le processus de la Révolution citoyenne en Equateur, plusieurs éminentes personnalités se sont donné le temps de la réflexion en même temps que celui de l'action. Ils écrivent, font des conférences, participent à des événements politiques à l'extérieur de leur pays. Je crois que c'est une caractéristique particulière du processus en Equateur. Et nous, de même, il nous faut travailler d’arrache-pied, et advienne que pourra, pour construire un plan et une méthode globale claire. Peut-être que l’après libéralisme n’est pas si loin. Peut-être que l’après Le Pen est plus proche qu’il n’y parait.
Le tribunal arbitral, le triomphe du droit hors norme de l'argent
Dans cet état d’esprit, le lendemain, je me trouvais à Guayaquil. Certes, il s’agissait d’une conférence de nouveau aux côtés du ministre des relations extérieures et de plusieurs experts attachés à la revue « Linéa Sur » qu’édite le ministère des affaires étrangères de ce pays. Mais avant de prendre le chemin de la salle où se tiendraient les discours, j'ai fait mon petit crochet par le cimetière de la ville. J'avais rendez-vous avec la tombe d'un héros national qui m'intéresse de près. Il s'agit d’Eloyo Alfaro Delgado, un président très particulier du passé de l'Équateur. Cet homme a instauré la séparation de l'église de l'État, le mariage et le divorce civil, l'instruction primaire obligatoire laïque et gratuite. Pour compléter le clin d'œil qu’il nous fait depuis le fond de l'histoire, notons qu'il déclara un moratoire sur la dette nationale jusqu'à ce que les prêteurs abaissent le taux d'intérêt auquel ils condamnaient ce petit pays. Dorénavant le président actuel, Rafael Corréa, se réfère souvent à cette figure historique, parfois davantage qu’à Simon Bolivar. On comprend pourquoi. En marchant dans les allées de ce cimetière, en direction du promontoire où se dressent la statue et la tombe du personnage, je goûtais d'abord ces rayons de soleil que je redécouvrais. Guayaquil est sur la côte. Puis je me laissais aller à la musique du temps profond. Que d'efforts, que de luttes, que de ressacs pour que le fil rouge de l'humanisme continue de traverser l’histoire des peuples. Une histoire pour le reste si banalement dominée par les puissants aveuglés et brutaux de toutes les époques et de toutes les latitudes. Sans oublier leurs larbins et exécuteurs de basses œuvres. Il n'est un seul des combats de ce président Alfaro qu’il n’aura fallu reprendre ! Pour l'instant, ici, c'est nous qui avons la main. De nouveau on ferme de fausses écoles, bien sûr privées, minables avatars de la commercialisation de l'éducation, et on ouvre des écoles publiques. De nouveaux on donne des bourses aux étudiants pour qu'ils aillent apprendre ailleurs ce ne peut s'apprendre sur place et revenir au pays mettre leur savoir au service de tous. On ferme et on condamne les soi-disant centres de « guérison pour les homosexuels » encouragés dans le passé ! Et comme d'habitude, nous heurtons ici de nouveau le front de boeuf des partis de droite installés dans leurs certitudes inégalitaires, des officines social-libérales et du parti médiatique, brosse à reluire des puissants. En sortant du cimetière je croisais un chat qui se réchauffait tranquillement. Je suis très ami de ces animaux et je n'ai pas oublié de saluer celui-ci. Son regard indifférent me rappela qu’en même temps qu'il y a plusieurs personnes dans chaque personne, il y a plusieurs mondes dans notre monde. Le tout est de bien choisir l'endroit où l'on veut se trouver et la personne que l'on veut être. Décidément les chats donnent des idées.
Le thème central de notre conférence était moins philosophique. Il s'agissait du nouvel ordre juridique international. Une question en particulier venait en présentation : celle des tribunaux d'arbitrage. En effet c'est une tendance dorénavant clairement affichée, dans tous les accords que les puissants obtiennent, qu'en cas de litige entre un investisseur et un État, ce ne soit pas la justice de l'État considéré qui tranche mais un tribunal arbitral privé. Méthode en expansion. Une étude de l'ONG belge Corporate Europe Observatory dénombre quelques 450 cas d'arbitrage entre un Etat et une entreprise dans le monde en 2011 contre seulement 38 en 1996. Beaucoup de Français ont découvert ce qu'étaient ces tribunaux arbitraux à l'occasion de l'affaire Tapie. Les cas dans lesquels ce type d’instance est déjà intervenu et les décisions prises sont clairement de nature à inquiéter tout le monde. C'est par dizaines de milliards que se chiffre les indemnités réclamées aux états à la suite de protestation ou de plaintes d'entreprises privées sans que le motif de leur demande ne se soucie de quelque aspect que ce soit de la situation ou des motifs d’intérêt général. Ainsi, le géant suédois de l'énergie Vattenfall, un des principaux gestionnaires du parc nucléaire allemand, exige aujourd'hui 3,5 milliards d'euros de l'Etat allemand après sa décision de sortir du nucléaire. Le Canada est aux prises avec ce genre de difficultés depuis qu'il interdit l'exploration et l’exploitation des gaz de schiste. La Compagnie concernée, Lone Pine, une nord-américaine, vient de déposer un recours arbitral pour réclamer 250 millions de dollars au Canada qui vient de retirer à la compagnie son permis d’exploitation pétrolière et gazière. En 1997 déjà, un arbitrage a permis au groupe Ethyl d’imposer au Canada de payer 13 millions de dollars de dédommagement pour « préjudice économique ». En réalité il s'agissait de l’interdiction du MMT, un produit chimique ajouté à l’essence, fauteur de maladies et d’encrassement des véhicules. Enfin mentionnons encore que le Canada a aussi été poursuivi par la Société SD Myers qui contestait la limitation d’exporter des produits pollués au PCB.
Pourquoi citer le Canada ? C’est qu’il connaît toutes ces difficultés du fait qu'il a signé un accord avec les États-Unis d'Amérique sur le modèle que celui que ces derniers veulent dorénavant signer avec l'Union européenne dans le cadre de la négociation pour le Grand Marché Transatlantique. Vous ne serez donc pas surpris d'apprendre que le mandat qui a été donné à la Commission européenne par les Chefs d’Etat de l’Union Européenne l’est dans des termes qui font craindre le pire. Voyez plutôt : « l’accord devrait viser à fournir un mécanisme de règlement des conflits entre investisseur et État effectif et de pointe ». Encore une décision antidémocratique puisque le Parlement français avait explicitement décidé « que soit exclu du mandat le recours à un mécanisme spécifique de règlement des différents entre les investisseurs et les États pour préserver le droit souverain des États ». Selon moi ce sera un débat fondamental dans les mois qui viennent à mesure que l'on s'apercevra de ce que discutent réellement la commission européenne et les États-Unis d'Amérique. Ici j’apprends sur le sujet car l'Équateur aussi a eu à souffrir des jugements de ces soit disant tribunaux arbitraux dans des conditions de partialité si agressive qu'on a parfois peine à le croire. Rafael Corréa n’a pas caché son mépris pour ces instances dont il ne reconnait pas l’autorité. Dans ces conditions la réunion à laquelle j'ai participé à Guayaquil a été pour moi une excellente préparation compte tenu du nombre des études de cas qui ont été présentés.
Le nouvel ordre transnational
Mon intervention se concentrait sur la description du pouvoir accumulé par les firmes multinationales, leur transformation progressive en firmes transnationales incluant des modes de gestion et d'organisation interne qui leur permettent de se mettre en dehors de tout contrôle des législations sociales ou écologiques des pays dans lesquels elles agissent. Comment croire qu’un tribunal d’arbitrage puisse être un lieu du droit universel si les parties qui le composent sont en tel état de déséquilibre. On s’étonne ? Je commençais donc par montrer que la transnationalisation du capital financier a créé un nouveau modèle d'entreprise qui se contente de posséder des brevets, des marques, un carnet de chèques et des fichiers de clients. Cette forme particulière de dématérialisation de la propriété nous renvoie aussitôt à l’importance de la question des brevets et des licences, des marques et des logos, qui constitue le cœur des nouvelles formes de pouvoir de la propriété capitaliste. Nombreuses sont les multinationales qui développent cette stratégie visant à se retirer voire à se dégager totalement de la production au profit d'activités limitant le risque de l'investissement : gestion de marques, commercialisation, distribution, activités financières. Ainsi la firme Unilever. Dans un document transmis au comité d'entreprise de Fralib de juillet 2013 cette nouvelle stratégie est exposée sans détour par le groupe néerlandais : "voir en Europe et en France, sa gouvernance s'adapter en concentrant le rôle d'Unilever France sur ce qu'il fait de mieux : la commercialisation et la distribution des produits"… et donc abandonner ses usines de productions.
Au total, on voit bien se dessiner un tableau d'ensemble. On y trouve le capital transnational agissant par le biais de fonds d'investissement, les firmes transnationales dématérialisant leur puissance sur la base des brevets et des marques et les Etats limitant leur action à apporter des garanties aux investissements et à assurer l'ordre économique et social qui garantit le bon déroulement de la prédation. Un capitalisme tributaire en quelque sorte. Il prélève en effet un tribut sans aucune des contreparties ni arguments de légitimité dont s’entourait l’ancien capitalisme. La prédation par les marques, les logos, et pour une bonne part aussi les brevets, s'ils relèvent certes de processus différents, fonctionnent en lien étroit avec un État que l'on va dire « satrape » dans la mesure où son unique rôle consiste à assurer le bon déroulement et la pérennité du prélèvement tributaire. Cette description simplifiée, mais si efficace, je la dois à Pedro Paez, l'ancien directeur de la banque du Sud, qui dirige actuellement l'organisme de l'État équatorien chargé de la concurrence.
Il faut mesurer à sa juste place l'importance qu'occupe dorénavant les firmes transnationales. En 30 ans, le nombre de sociétés multinationales a été multiplié par dix. Les nomenclatures officielles confondent le terme de multinationales avec celui de transnationales. Certes certaines multinationales n'ont pas pris la forme spécifique que l'on observe dans les firmes que je ne nomme transnationales ici. Pour autant la quasi-totalité des firmes multinationales, quelle que soit leur raison d'être, évoluent toutes vers une forme de management qui vise à séparer une holding propriétaire dans laquelle résident les licences et brevets, le carnet de chèques, le fichier clients, tandis que toutes les unités de production sont considérées comme des prestataires de services sous la forme d’une entité juridiquement distincte. Cette organisation interne vise à faire remonter tous les bénéfices vers la holding, localisée juridiquement là où se présente le meilleur régime fiscal. Les "prix de transfert" renvoient aux échanges à l'intérieur des firmes entre filiales. Les transnationales manipulent ces échanges en surfacturant à certaines filiales pour gonfler leurs bénéfices dans les pays à fiscalité avantageuse et les réduire artificiellement dans les pays à fiscalité plus élevée. Le Syndicat national unifié des impôts estime que 15 à 20 milliards d'euros échapperaient chaque année au fisc français du fait de la fraude au prix de transfert. Ce modèle est dorénavant bien connu du fait des luttes comme celle des Fralib, qui ont illustré les difficultés que ce mécanisme présente pour les organisations de salariés. Des lors, les transnationales sont souvent plus puissantes que les Etats ! Amusez-vous d'apprendre que Walmart, une entreprise de la grande distribution aux USA est le plus gros employeur privé du monde avec 2,1 millions de salariés presque autant que l'armée chinoise qui compte 2,3 millions de soldats. Au total, le chiffre d'affaires cumulé des 10 premières sociétés transnationales dépasse les PIB de l'Inde et du Brésil.
Voyons quelques exemples illustrent bien le poids de ces nouvelles puissances. Apple : 487 milliards de dollars de capitalisation boursière. C'est autant que le budget de l'État français ou que toute la richesse produite annuellement par la Roumanie, la Slovaquie, la Croatie et la Lituanie ! Exxon Mobil: 482 milliards de dollars, c'est-à-dire les 3,1% du PIB des USA ou bien la totalité de la richesse produite par la Norvège chaque année. Royal Dutch Shell brasse 467 milliards de dollars ! C'est l'équivalent de 19% du PIB du Royaume-Uni ou bien la totalité de la richesse produite par l'Argentine annuellement. China Petroleum a un chiffre d'affaires de 419 milliards de dollars équivalant à 5% du PIB de la Chine ou bien au total du PIB de l'Australie chaque année. Toyota figure aussi dans mon tableau pour 254 milliards de dollars, ce qui représente 4,2% du PIB du Japon et le total du PIB de la Grèce. Je ne saurais finir cette liste d'exemples sans citer au moins une entreprise française. Ce sera Total. La firme récolte 240 milliards de dollars de chiffre d'affaires. Cela représente 9 % du PIB de la France et la totalité de celui des Philippines. Ces comparaisons ne permettent pas le moindre doute sur la puissance ainsi accumulée et rarement évoquée. Comment croire qu’elle puisse avoir d’autre objectif que sa pérennité et son expansion ? La disproportion des parties en présence suffit à condamner l’idée que « l’arbitrage » puisse être supérieur à l’application de la loi appliquée par un vrai tribunal.
Mais il faut encore affiner la connaissance du sujet. Il révèle l'accélération de la concentration et de la financiarisation de l'économie mondiale. L’étude de l'Ecole Polytechnique de Zurich de 2011 a montré que 0,7% des entreprises, les transnationales, contrôlent 80% des richesses mondiales. L'étude se fonde sur les participations dans 43 500 grandes entreprises multinationales. Notons qu'il s'agit de l'année 2007 c'est-à-dire avant la crise financière qui n'a certainement pas ralenti le processus. L'étude conclut que 1 318 entreprises contrôlent 60% de l'activité mondiale. Mais là encore il n'y a pas d'égalité de situation entre les firmes concernées. La vérité est que 147 entreprises contrôlent 40 % de l'activité mondiale. On voit la puissance dans le monde qui est concentrée dans quelques mains. Elles ont donc tout intérêt à se donner beaucoup de mal pour convaincre les gouvernements et les majorités parlementaires de leur céder tous les moyens juridiques qui leur permettent d'exercer leur pouvoir y compris contre les états. C'est le moment de regarder de près qui sont ces entreprises pour bien comprendre le lien qui unit intimement dorénavant le capital financier transnational et les firmes qui s'inscrivent dans son déploiement. Voilà ce qu'il faut savoir alors : les trois quarts de ces 147 entreprises sont des sociétés financières. La boucle est bouclée : voilà quel mécanisme permet aux banques, assurances, fonds d'investissement de faire la pluie et le beau temps dans notre monde.
Je viens de lire le discours de réception du prix Nobel de Harold Pinter. Il y dresse, en 2 ème partie, le bilan de l'action impérialiste et meurtrière des USA. C'est important de savoir qu'un être humain américain courageux a osé briser l'omerta sur ce sujet brûlant. Un exemple à suivre avec des informations à utiliser plus que jamais !
Ce qui réchauffe le coeur c'est aussi la dernière intervention de Evo Morales !
" C'est un joli nom, camarade, c'est un joli nom tu sais..." et comme sonne bien aussi " Fraternité " !
Salut fraternel à tous !
Le rôle des firmes transnationales fait l'objet, comme un écho, inversé, devenant toujours plus bruyant, de l'expression d'une même nécessité analytique. Un article fouillé de Paul Jorion sur son blog paru il y a seulement quelques jours: "La démocratie est elle enchaînée à la finance?". Certaines de ses sources (Polytech. Zurich) étant d'ailleurs reprises dans le post de Jean-Luc Mélenchon.
Suite au rajout de l’encart sur ce billet, à propos du meurtre de Mohamed Brahmi, je me permets de manifester mon écœurement quant à cet acte d’un autre âge, sans déroger j’espère à la charte du blog, enfin il me semble.
Qui peut oser parler de l’idéologie du communisme dans son essence première sans être qualifié de « stalinien » ? Quelle personne n’a jamais apprécié une œuvre artistique made in USA et dans le même temps détester sa méthode de commercialisation ? Qui peut s’offusquer de la Shoah et condamner la politique du gouvernement israélien ? Personne.
Sur ces trois sujets, parmi tant d’autres, chacun est libre de penser, mais exprimer son désaccord est généralement considéré comme étant subversif et donc réprimé d’une manière ou d’une autre… Telle est la logique de l’oligarchie.
Ils n’ont pas hésité à supprimer un président des USA, alors Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi représentent de la pacotille à leurs yeux. Non, ça n’est pas du « conspirationnisme », seulement une lutte de classes, vérité écartée avec dédain par le pire des ambassadeurs de la classe « supérieure » (cf, le débat Mélenchon-Cahuzac), lui-même fervent soutient de celui qui devrait être à la tête de l’Etat, actuellement, si ce dernier avait réussit à cacher ses penchants psychopathiques à la France.
Encore merci aux lanceurs d’alertes et gloire à eux.
Merci pour toutes ces photos. Elles sont toutes très bien. Bonne chance au peuple péruvien pour réinventer sa nouvelle république qui ne doit pas être une négation de la lutte des classes mais l'expression du règlement des conflits par des lois tenant compte de l’intérêt général. Face à l'empire financier, le génie des peuples à résister pour se garder en vie est sans limites. Notre or-épine à nous c'est le nucléaire ! Bonne continuation.
ll est intéressant d'avoir des ordres de grandeur illustrant le pouvoir réel des transnationales, aliénant le pouvoir des états et le réduisant à ce que le 1% veut bien laisser de façade à la démocratie. A l'instar de Franck je recommande chaudement le blog de Paul Jorion, à la fois pour l'article qu'il cite mais aussi pour l'intervention où PJ explique le contenu de cet article à travers l'oeuvre de Keynes. Toutefois il butte, mais a-t-il déjà une solution à proposer, sur la notion de "plein emploi" qui perd son sens actuellement car Keynes ou Jorion ne font pas la distinction entre emploi et travail. Aussi je vous renvoie aux travaux de Bernard Friot quant à la distinction entre ces deux notions.
Apple un exemple de transnationale emblématique, avec une image marketing "jeune", "branché", "sympa". D'après ce site avec un taux de marge de 70% pour l'iphone 5, des conditions de travail très dur pour les ouvriers des sous traitants chinois avec une "optimisation" fiscale hallucinante, un chiffre d'affaire estimé en France 3,5 milliards et une aumône de 6,7 millions d’euros au fisc au titre de l’impôt sur les sociétés au lieu de 400 millions, soit un facteur 60. A ce niveau le mot optimisation est un doux euphémisme.
J'aime beaucoup la veste d'Evo Morales. Vrai socialiste et dandy : à côté de lui, notre François aurait l'air d'un plouc.
Sérieusement, cette réflexion sur les transnationales m'inspirait une idée que je n'arrivais pas à formuler sur un retour à un ordre ancien, quasi-médiéval. La formulation figure en conclusion de l'article de Paul Jorion : "Au cours des premiers siècles de notre ère, la concentration de la richesse a condamné une part toujours croissante de la population au surendettement, générant l’apparition d’un statut social inédit : celui devenu rapidement héréditaire de serf attaché de génération en génération à la terre de son maître.
En sommes nous là ? Il y a de cela, mais avec une différence tout de même. Le fétichisme de la monnaie peut-il durablement jouer le même rôle que le principe de réalité de la terre dans une société paysanne ? A priori je dirai non. Le servage nouveau, s'il venait à être inventé, serait vite confronté à sa propre vacuité.
@ 57 Poncet
" … Le servage nouveau, s'il venait à être inventé, serait vite confronté à sa propre vacuité. "
Tout comme les propos de Paul Jorion, il n'est de bon raisonnement que celui qui est éclairé, et pour lui, cela est rare. Aucune parole ne vaut son pesant d'or, c'est dommage, et nigaud qui le croit.
Merci Denis F, mais tu parles de la "superstructure" (les aspects formels, juridiques, idéologiques) et non de "l'infrastructure" (l'économique) dont parle Paul Jorion.
P.S. merci de noter que je n'insulte personne.
@ 59 Poncet
Juste un petit mot pour préciser que P Jorion parle de surendettement concernant la condition se serf, ce qui est faux, l'OST ou droit de guerre du Roi a en partie était remplacé par le servage et l'état de serf, cela remonte à Charlemagne.
Quand à l'"infrastructure" dont parle P Jorion je laisse cette intendance à la gent féminine qui s'en occupe bien mieux que je ne le ferais, ce n'est pas du machisme ou patriarcat quelconque, mais il me semble que la "superstructure" me convient mieux, j'y suis plus à l'aise.
Tu sais camarade les petits sous et moi cela ne fait pas vraiment bon ménage, comme avec beaucoup d'Hommes d'ailleurs.
Cher Jean Luc,
On ne vous demande pas de faire concurrence au guide du routard ou de vouloir faire une version sudiste et moderne de Atala de Chateaubriand, ni de tenter un chapitre philosophique de Tocqueville mais de nous piocher et suggérer des choses concrètes prises chez les amigos de allà que hicieron unas cosas interesante avec beaucoup moins de bla bla por favor !. Ici, en France, on est dans la m**** et la Plaza de armas, le passé colonial de Guayaquil, les grandes fresques pédagogiques et les synthèses philosophiques et vulgarisatrices sur les multinationales, on s'en fout un peu à dire vrai parce que c'est pas ça qui va faire beaucoup avancer le Chmilblick. Pour une nouvelle constitution il va falloir vachement chercher des idées et rester collé au sol, faire fonctionner sec les méninges et creuser des expériences CONCRÈTES à partager ; c'est pas en nous faisant la tournée des musées du Pérou ni un projet d'itinéraire en Amérique du sud pour VIP que l'on va s'en sortir même si la foule des aficionados applaudie des deux mains.
E n résumé : Mucho ruido, pocas nueces...
Désolé mais il me semble qu'il fallait que ce soit dit.
Que le vaya bien.