23sept 13
Le résultat de l’élection allemande est un évènement dont l’onde va traverser toute l’Union européenne. La politique libérale la plus dure est encouragée. Elle va donc s’amplifier. Ses conséquences sociales aussi. Les salariés allemands doivent admettre que la retraite à 70 ans c’est raisonnable, qu'un euro pour une heure de job c’est peut-être trop, et ainsi de suite. Dans toute l’Europe de l’Est où se fabriquent les pièces que les Allemands assemblent en bout de parcours, chacun se le tient pour dit : travaille et tais-toi. On n’a donc pas fini d’entendre les perroquets médiatiques nous répéter la chanson du « modèle allemand ». De leur côté les Grecs peuvent se préparer à vendre la mer qui les entoure et les Portugais l’air qu’ils respirent. Quant aux Français, depuis deux mandats présidentiels, ils ont déjà une poupée en plastique sur leur hayon, qui hoche du bonnet à chaque secousse : madame n’a qu’à ordonner, elle sera obéie.
Après tout, si le peuple l’a voulu que dire de plus ? Ceci : cette politique prépare un désastre dans la civilisation européenne. Il encourage les Allemands à croire que les millions d’Européens déjà soumis au talon de fer de la politique imposée par leur pays vont continuer à subir leurs mauvais traitements et leurs insultes avec gratitude et reconnaissance. Il est même possible que beaucoup d’Allemands croient que leur vote est celui de l’Europe tout entière. Telle n’est pourtant pas la situation, et il faudrait bien que quelqu’un le leur dise. Madame Merkel et ses groupies du troisième âge ne sont un modèle pour personne. Le vote nous fait connaître la décision d’une majorité vieillissante, apeurée, sans vision ni goût du futur, puisque sans jeunesse dont il lui faudrait se préoccuper. C’est un vote égoïste. Le « modèle allemand » de madame Merkel, par définition, n’est pas généralisable puisqu’il repose sur le dumping social et l’exportation de produits qui éliminent la production des autres. Le « modèle allemand » consiste ainsi à pressurer tous les peuples d’Europe, en sorte que la finance collecte les gros dividendes pour payer les retraites par capitalisation des vieux Allemands de la classe moyenne supérieure. Le vote de ce dimanche n’est donc pas un vote bon pour l’Europe. D’abord parce qu’il encourage une politique nationale qui nuit profondément aux peuples qui la constituent, au seul profit d’un seul d’entre eux. Ensuite parce qu’il encourage l’arrogance nationale de gouvernants persuadés qu’ils sont un modèle pour les autres et détiennent une vérité que les autres doivent admettre ou bien être fessés. Les chefs allemands de la droite, qui parlaient déjà fort mal aux Européens, ne vont plus se retenir. Enfin, parce que cette politique conduit l’Union européenne à l’explosion sociale et politique et, d’ici peu, à une vague nationaliste. Ou à nous.
Mais peut-on être Allemand sans Merkel ? Où est passée l’opposition ? Que dit-elle ? C’est l’autre visage du résultat. Le grand SPD et ses « solutions modernes » sont devenus une annexe pleurnichante et socialement compassionnelle de la grande famille libérale. On se souvient que ce parti avait pris la suite de l’inepte parti travailliste anglais pour piloter la mutation de la social-démocratie mondiale en Parti démocrate. Après Blair, Gerhard Schröder était devenu « l’ami des patrons ». En Europe, il publiait les « manifestes » politiques « modernistes » les uns derrière les autres avec son ami Tony, et tous les autres syndics de faillite de la social-démocratie, comme l’ectoplasme italien post-communiste D’Allema et même le minable Papandréou du PASOK. Sa politique férocement néolibérale lui valut le départ d’Oskar Lafontaine du SPD et la fondation de Die Linke. Les chiens de garde médiatique plaidèrent le conflit de personne avant de mitrailler « le leader populiste ». Les électeurs dirent le fin mot : le SPD passa de 41 % à 34. Ce fut alors la grande coalition entre la droite et le SPD car le SPD refusa une coalition avec Die Linke. Résultat: aux élections suivantes le SPD est tombé à 23 %. Aujourd’hui il vient de remonter à 25 % après quatre ans « d’opposition ». C’est son deuxième plus mauvais score depuis la fin de la guerre. Le SPD est un astre mort. Il ira dans une grande coalition, à moins que les Verts allemands ne lui chipent la gamelle.
Car telle est le deuxième signal négatif de cette élection allemande. Sur le papier il y a une majorité de sièges à la chambre pour une majorité entre les Verts, le SPD, et Die linke. Mais qui y pense ? Pourtant il y a une majorité absolue de députés SPD-Verts-Die Linke au Bundestag, et il y a une majorité SPD-Verts-Die Linke au Bundesrat (la deuxième chambre, composée de délégués des gouvernements des Länder) et il y a des coalitions régionales entre SPD et Die Linke, comme actuellement dans le Land du Brandebourg, le plus grand Land d'ex Allemagne de l'Est. Pourtant il n’y aura pas de coalition. Imaginez qu’en France, le soir du premier tour de la présidentielle, je n’aie pas appelé à voter Hollande pour chasser Sarkozy ? En Allemagne, Hollande et ses amis préfère Merkel à une alliance avec nous ! Pourtant Die Linke tend la main. Je l’approuve. Car en fait c’est davantage comme une démonstration de l’esprit d’alternative qui l’anime que comme une perspective qu’il penserait réalisable aujourd’hui. En réalité le contenu politique de la plateforme des Verts et du SPD n’est pas une ruse de communication pour rassurer le bourgeois ! C’est bel et bien le résumé de ce qu’ils sont devenus. Ni l’un ni l’autre de ces deux partis n’envisage ni le dépassement du capitalisme ni même celui des fondamentaux du libéralisme ! Leur matrice même les met dans la main de madame Merkel. Ce n’est donc pas que le SPD « n’est pas capable d’unir la gauche allemande » : c’est qu’il ne peut que la diviser. Ou bien n’être même plus écouté. Les plus pauvres en Allemagne ont bien moins voté que la moyenne. Et cela fait partie du projet néolibéral qu’aggravent les sociaux libéraux par leurs pratiques.
Ainsi on ne peut dissocier la force de la droite en Allemagne de ce qu’est devenu le parti social-démocrate. Le résultat n’est pas seulement acquis par la « déception » de je ne sais quelle gauche virtuelle à l’égard des sociaux-démocrates et des Verts. Le fond de l’affaire est que le comportement, les paroles, le programme, la doctrine du SPD font reculer les idées de gauche en Allemagne. Car qu’est-ce que la gauche quand c’est juste une variante compassionnelle de la politique de droite ? Nous commençons à en voir les effets en France avec la rigueur « juste » des Ayrault et Hollande, leurs calinettes avec le MEDEF et ainsi de suite. Pas étonnant que François Hollande soit allé faire l’apologie de Gerhard Schröder pendant la campagne électorale allemande. Comment une conscience de gauche peut-elle se construire dans un tel environnement ? Le SPD divise et détruit la gauche en se détruisant lui-même. Dès lors, notre thèse est que la conscience de gauche doit être reconstruite par une offre politique pédagogique clairement alternative. Elle-même, pour être crédible, doit être adossée à une fonction tribunicienne clairement assumée, « crue et drue ».
Je devine toute la difficulté de la campagne de Die Linke. Il me suffit de voir que même si Die Linke passe devant les libéraux et reste devant les Verts, il a été chassé des infographies des résultats dans les médias allemands le soir des résultats. Dans la campagne, la discrimination médiatique a été féroce : « Die Linke » a eu droit à 7 fois moins d'interviews dans les médias que le SPD, qui était pourtant seulement 2 fois plus fort que lui à l’élection précédente en 2009. Il en a eu 6 fois moins que les Verts et 5 fois moins que les libéraux, qui sont pourtant d'un poids équivalent ou inférieur dans les urnes. Cela ne rend pas le message si perceptible que cela. D’un autre côté, on doit se demander si l’idée de Die Linke de nommer huit personnes pour la proposition de poste de chancelier ne sacrifie pas à des préoccupations internes incompréhensibles par le grand nombre. Pour ma part, je pense que cela décrédibilise la démarche car les citoyens vont voter dans une réalité institutionnelle et pour peser sur elle. Dans cette réalité il y a un(e) chancelier. Huit, c’est autant dire personne ! Donc c’est annoncer qu’on ne croit pas la victoire possible. Et s’y résigner d’avance.
L’évènement allemand de ce weekend end est une très mauvaise nouvelle pour les salariés en Europe. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour la France, dorénavant dominée par un voisin arrogant dont l’égoïsme national est devenu la rente électorale de ses dirigeants. C’est une mauvaise nouvelle pour la gauche, qui est une fois de plus crucifiée dans l’impuissance par les enfumages du social-libéralisme. Les gens vont souffrir davantage. Pour rien. Car rien de tout cela ne va ailleurs que dans le mur. C’est pourquoi le résultat allemand m’encourage dans la ligne d’action que nous avons choisie : la radicalité concrète, le refus des arrangements politiciens, le rassemblement argumenté et conscient de la part de notre population, qui pourra ensuite entraîner la majorité dans le programme de la révolution citoyenne.
Pierre korzec dit à 16h57
"Les gens qui s'excitent contre le PCF ne veulent pas voir que depuis des décennies, des municipalités de gauche avec des maires communistes ou socialistes oeuvrent pour la population et contribuent à atténuer les coups portés par le capitalisme contre les familles populaires (pour le dire vite)"
Personne ne doute que nos élus travaillent bien.Mais s'allier avec le PS au 1er tour serait, pour vous, comme le shampoing "Pétrol han" qui ralentirait la chute des cheveux. Mais par rapport à quoi ? Par rapport à la politique menée par les "solfériniens"? Ou à ce que l'on ne saura jamais. Je crois que le camarade @Poncet a posé les bonnes questions.
Vous dites aussi: "A la présidentielle, on a bien voté PS au 2ème tour ? Aux législatives, on a bien voté PS au 2ème tour ?" Je ne vois pas le rapport. Ici on parle du 1er tour qui consiste à évaluer les forces en présence justement pour ajuster un programme pour le 2ème tour. Les socialistes comprennent parfaitement le rapport de force. Comment vont faire les électeurs qui sont de gauche pour exprimer leur mécontentement et leur volonté de voir ce gouvernement mettre le curseur à gauche?. Au 2ème tour nous ferons, de toutes façons, barrage à la droite et à l'extrême droite. Enfin, peut-être, si le chantage n'est pas trop fort de la part des socialistes.
Comment certains élus PC peuvent encore s'allier avec des solfériniens. Voir le sort des verts avec le départ de Noël Mamère et l’éjection de Durand de la présidence. Le PS ne cherche que des "Godillots" passionné de maroquinerie comme alliés. Donc pour moi je suis sûr que les purs du PC ne s'allieront pas avec ces traitres Solfériniens.
Si Mamère rejoint le FdG comme l'a invité JL Mélenchon cela donnera du poids à notre formation.
Aller la citadelle PS se fissures de l'intérieur et est proche de son déclin.
Un peu d'air dans ce concert médiatique de béatitude merkeliste (désolé pour la lourdeur). Merci Jean-Luc et à tes amis.
@ durluche (88)
C'est clair. Nous sommes entrés dans la phase démantèlement de nos biens publics. Nos responsables politiques sont devenus des agents immobiliers au service des participants au grand jeu mondial du Monopoly.
Il n'y a que le bulletin de vote qui peut changer cela mais à condition que les électeurs aient à leur disposition un "Front politique" suffisamment étendu, soudé et fiable, regroupant toute la palette des aspirations politiques. Sinon, rien ne changera. Il ne faut pas attendre que les électeurs viennent aux politiques mais aux politiques d'aller dans le sens correspondant aux aspirations d'une "majorité" d'électeurs, d'horizons différents. Avoir raison sur une majorité de sujet est une chose essentielle mais convaincre ceux qui sont dans le doute en est une autre. Le moment est venu de faire savoir aux citoyens que les DRH de l'Etat n'embauchent plus des "directeurs immobiliers" mais des dirigeants respectueux des règles constitutives, des biens publics, acquis solidairement et de la puissance créatrice et productive de notre pays.
Le commentaire de Naïf (102) fait référence à un commentaire introuvable. Un bug ?
Cette montée Himalayenne de l'argent et de son pouvoir jamais égalée, orchestrée par une minorité d'impuissants du vivant qui se cachent dans leurs donjons (Wallstreet, la City, Golmann sachs, avec les états complices) qui jouent et rejouent avec la vie, la joie de vivre de milliards d'êtres humains dans un délire commun, comme de sales gamins dont les parents ne font rien, va soyez en sûr mourir en s'auto dévorant. C'est en marche. La seule question c'est quand? Que faisons nous pour accélérer la mort de cette démentielle vision du monde où posséder et devenir plus gros que le monde avec force de pognon devient l'unique grâl ?
Merci pour votre analyse profonde des élections allemandes en mettant surtout l'accent sur les suites catastrophiques pour toute l'Europe. J'aimerais bien ajouter mon point de vue comme allemande. J'habite une ville moyenne dans le Land du Brandebourg. Le gouvernement rose-rouge (SPD + Die Linke) exerce en fin de compte une politique de droite (entre autres diminution des budgets de l'enseignement, préférence des énergies à base de lignite, destruction continue de villages pour son extraction, fusion d'universités contre la volonté exprimée des structures concernées, alors comportement antidémocratique …) Bref, dû à cette politique social-démocrate, die Linke n'est plus éligible pour une grande part de ses anciens électeurs. Cela se voit malgré ses 8,6% (présenté comme succès ! par les dirigeants du parti) dans les votes des candidats élus directement: il est resté un mandat direct SPD, tous les autres CDU. Pour comparer, résultats mandats directs 2009: SPD – 5, die Linke – 4, CDU – 1) A mon avis, ce développement désastreux est une suite directe de manque absolu de « cru et dru » dans l'exercice du pouvoir. Dans notre ville, il y a même pire (si possible), une coalition CDU – die Linke, juste pour le poste du maire adjoint pour le social (alors juste exercer les diminutions des budgets de ce genre suite de la politique de l'austérité). On imagine les résultats des prochaines élections communales.
Bref, je n'ai rien à vous conseiller sauf peut-être de tirer les bonnes leçons de nos fautes. Et pour sortir de ce cercle vicieux de baisse de tête il faut à mon avis enfin un succès du « cru et dru » quelque part en Europe. Du courage, on compte sur vous.
La désignation "Les Allemands" me dérange car elle met Mme Merkel et les élites allemandes au pouvoir dans le même sac que les travailleurs pauvres. Cette utilisation du langage n'est pas une question accessoire, on voit déjà les résultats dans certains commentaires : " Les Allemands conçoivent leur économie comme une guerre. Chacun se sacrifie au nom de la nation...", "... mentalité allemande dont le moteur est la frustration et la phobie le manque à gagner".
M. Mélenchon parle avec raison du danger d'un monté des nationalismes, mais il a aussi la négligence d'utiliser des termes nationalistes, de parler des "Allemands". Les élites françaises au pouvoir et leur gouvernement actuel sont choisi le "modèle allemand" de leur propre gré, ils continuent la collaboration, mais dans les conditions actuelles. Ils ne sont pas mieux que leurs maitres, n'importe qu'ils sont Allemands, Américains ou Français. Il faut une renaissance de l'internationalisme !
La faiblesse de la gauche en Allemagne (je ne parle pas des sociaux-démocrates et des verts) est lié, pour une bonne partie, à une tendance de socio-démocratisation du parti Die Linke. Ils sont loin de "la radicalité concrète, le refus des arrangements politiciens, le rassemblement argumenté et conscient". Die Linke n'est pas comparable avec le Front de gauche, mais la situation montre bien comme c'est important de construire une front révolutionnaire et de ne pas entrer dans les jeux politicard avec la droite complexé (ou solférinien). C'est une question cruciale et j'espère M. Mélenchon est bien écouté dans le PC.
Bonjour,
Je n'ai pas réussi à savoir le chiffre concernant le taux d'abstention des élections allemandes.
Quelqu'un le connait-il ? Merci d'avance pour votre réponse. Ce chiffre est peut-être significatif également.
@TOMASSO Dominiqu
Le taux d'abstention était de 27,2 % (2009: 29,2%). Il y a un nouveau parti, AfD (Alternative für Deutschland), parti de droite. Argument central: anti-euro, car "nous les Allemands, on en a ras le bol de payer la dette pour toute l'Europe". Fondation comme parti il y a 6 mois, résultat aux élections: 4,7 % (FDP - 4,8 % !) Il parait que 1/3 environ des voix étaient des voix ex-Die Linke !
Dear M. Mélenchon,
Because it is even harder for me to write french than to read it, i'll write my post in English. Thank you for showing the German situation in compact way in french media and even more, thank you for arguing as a European criticizing German poltics, but not damming Germany. The cooperation between the CDU (droite) and the SPD (left) is a disaster and may hardly be understood from the french point of view, it's hard for me, too.
In Germany, we have powerful right winged media companies (Springer, Bertelmann, etc.) which make it hard to establish left winged policy. We have a lot of tendentially corrupt politicians and powerful industrial and financial lobbies, paying individuals and certain parties (CDU SPD FDP Grüne) to organize policies in their sense, not in common sense.
I think, what Germany needs, is pressure from outside to turn its politics. It seems almost impossible, that Germany's politics will change by any election. Also note that voter's participation was at only 71.5 %. A lot of people in Germany did not see any sense in this election, because things won't change either! May of these people are victims of the German Model, the decrease of public wealthcare.
Please go on with "La Gauche".
best,
Christoph (from Bochum, Germany)