23mai 14

Une dernière pelletée pour la route

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La campagne est close dans quelques heures. J’ai fini la mienne sur le plateau de TF1 vendredi à vingt heures. Dans la journée, j’ai rédigé ces quelques lignes pour ramasser et résumer des arguments présentés déjà dans nombre de mes meetings et ceux de mes camarades partout dans le pays. Ce matin, je suis passé au siège du parti. J’y ai croisé quelques femmes et hommes de l’ombre, ceux de la campagne centrale du Parti de Gauche. Bastien Lachaud l’homme des matériels et tracts, Marie-Pierre Oprandi la trésorière nationale grâce à qui notre maison vit toujours au niveau de ses moyens et protège férocement notre indépendance financière. Et François Delapierre coordinateur général de nos campagnes. Chacun de nous a pu courir, et mille initiatives ont pu fleurir grace a cette forme disciplinée de centralité de l’organisation qui est une vraie culture collective chez nous. Jamais notre si petit parti, à peine douze mille adhérents, n’aurait pu accomplir un effort de cet ordre en enchaînant deux campagnes de masse et de recoins sans cette dialectique du centre et des réseaux qui est notre caractéristique. Ni sans cette furia si typique, qui lance dans un même mouvement des milliers de personnes dans le même assaut sous les formes les plus diverses, du bataillon de poulets, trouvaille géniale de Danielle Simonnet, au parcours patient et obstiné de nos caravanes dans le pays. Dans ma circonscription du grand sud-ouest, Michel et Jean ont traversé deux mille villages et parcourus 7000 kilomètres. De son côté, Raoul-Marc Jennar a tenu des dizaines et des dizaines de réunion de toutes taille pour informer sur le Grand Marché Transatlantique. Je ne cite que ces exemples au prix de l’injustice pour tous ceux qu’il faudrait citer que pour illustrer une idée. Nous avons fait une bonne, très bonne campagne digne et efficace. Advienne que pourra : tout fut fait bien et de grand cœur.

Je ne parle pas que de technique. Je parle de politique. Nous sommes parvenus a faire entrer le thème du Grand Marché Transatlantique dans le débat. Certes insuffisamment mais déjà bien profondément. C’est notre plus beau succès. C’est ce qui est politiquement le plus décisif. Des millions de gens ont appris par nous que tel était l’enjeu concret de cette élection. Je pense qu’ils vont petit à petit le réaliser à échelle bien plus importante. La puissance déflagratrice de cette histoire sera inouïe.

Dans cette note, je commence par une dénonciation à propos de l’organisation matérielle des élections. Je ne la crois pas innocente. On voit assez comment elle sert l’abstention espérée. Puis je viens sur quelques arguments qui ont émaillé mon propos pendant six semaines : la comédie de l’élection du président de la Commission, le Grand Marché, mais aussi l’étrange plateau de France 2 pour l’émission des paroles et des actes. Et la désertion de François Hollande dans ce débat pourtant si brûlant pour l’avenir. Je sais bien qu’on ne tire pas sur un corbillard mais quand même ! Ce président est moins qu’évanescent sur l’essentiel et plus que pesant sur l’accessoire. Il n’emportera pas au paradis sa forfaiture sur le Grand Marché Transatlantique qu’il a approuvé sans en parler à personne, pas même son équipe politiquement rapprochée.

En tous cas, vous autres, vous savez a quoi vous en tenir. Dimanche ça va le faire, j’en suis certain. Faites attention aux annonces de 20 Heures. A la présidentielle, LePen était annoncée à 20%. Le lendemain matin elle était à 17. Comme son papa l’ami d’ébola au mieux de sa forme. Mais pas mieux

De l'art d'amplifier l'abstention

Une élection, ses rites et ses formes, c’est tout un. Que serait une élection sans isoloir ? Ou sans bulletins de vote ? Ou sans liste électorale ? Ces exemples permettent de comprendre la gravité de notre protestation ce vendredi. Le Parti de Gauche et le Parti communiste ont dénoncé les très graves dysfonctionnements dans l'envoi aux électeurs des professions de foi et bulletins de vote avant le scrutin européen de dimanche.

« Nombre de dysfonctionnements majeurs dans la communication aux électrices et électeurs des professions de foi et des bulletins de vote sont constatés partout en France (…) Des centaines de milliers de citoyens n'ont toujours rien reçu à trois jours du scrutin ou ont reçu des enveloppes incomplètes. Ce qui met en danger la sincérité du scrutin et renvoie ce manquement, voire le mécontentement, sur les maires », déclare le communiqué du PCF.

Le ministère de l'Intérieur a reconnu que les professions de foi des candidats aux élections européennes n'étaient pas encore toutes arrivées dans les boîtes aux lettres. Pourquoi ? Des « contraintes d'organisation » affecteraient un des prestataires. Quel charabia !

Certes, une part de ces dysfonctionnements tient aux conséquences des réductions stupides des dépenses publiques. Elles mettent l'Etat, pour la première fois depuis la Libération du pays, en incapacité de remplir ses missions régaliennes les plus élémentaires. Mais tout ne vient pas des politiques d'austérité. Je rappelle que Manuel Valls, lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, voulait déjà cesser l'envoi par courrier des circulaires et bulletins de vote. Il se serait bien contenté d'une mise en ligne sur internet. D’après lui, et avant que le même argument resserve pour justifier la nouvelle réforme territoriale de Hollande, la démocratie et son expression ont un coût. « En fait, ce gouvernement craint la participation démocratique et la condamnation de sa politique d'austérité en France et de la soumission de François Hollande au traité budgétaire négocié par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel », écrit le PCF !

Pour le Parti de Gauche, « ces erreurs sont dues aux entreprises privées choisies à l'issue d'un appel d'offres européen promu par les tenants de la concurrence libre et non faussée. La préparation des élections européennes est à elle seule un plaidoyer contre les diktats européens. La privatisation du processus électoral remet en cause le bon déroulement du scrutin et met en péril la démocratie elle-même ».

« Pourquoi les services de l'Etat n'assurent plus eux-mêmes l'acheminement du matériel électoral ? Seraient-ils moins compétitifs ? Ils étaient pourtant plus compétents », avons-nous rappelé ! Et nous avons lancé un appel « pour rétablir la régularité de ce scrutin ». Le PCF demande des mesures d’urgence pour y parvenir. Le PG demande à « tous les citoyens » de « faire remonter toutes les informations » sur les dysfonctionnements qu’ils constateront.

Schulz, l'attrape-nigauds du PS

C’est la bouée de sauvetage à laquelle s’accroche le PS. Le PS répète matin, midi et soir que les élections européennes vont désigner le prochain Président de la Commission européenne et qu’il faudrait choisir entre un candidat de droite, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker et un candidat social-démocrate, l’Allemand Martin Schulz. C’est un mensonge juridique : les traités européens n’obligent à rien de semblable ! C’est le conseil des chefs d’Etats et de gouvernements (et lui seul) qui choisit de proposer un nom (et un seul) qui est ensuite soumis au vote du parlement européen ! Et ce nom n’est même pas obligatoirement un de ceux des candidats déclarés ! Quant au prétendu « choix » politique entre Juncker et Martin Schulz, c’est un attrape-nigaud politique. Il n’y a pas de différence entre eux. Et ce sont eux-mêmes qui le disent. D’ailleurs, le PS et la droite ont décidé de proposer ensemble un nom (et un seul) au vote du Parlement après les élections ! Toute la campagne des socialistes est donc fondée sur un mensonge et sur une escroquerie.

Un mensonge répété plusieurs fois ne devient pas une vérité. François Hollande et Manuel Valls peuvent donc dire partout que le vote de dimanche décidera du nom du prochain président de la Commission : c’est faux. Pourtant François Hollande a écrit dans sa tribune du 9 mai dans Le Monde : « pour la première fois, les électeurs, par leur vote, désigneront le futur président de la Commission européenne ». Un pur bobard. Démonstration. Le traité de Lisbonne est très clair. La procédure est prévue à l’article 17, alinéa 7. Que dit-il ? Exactement ceci, « en tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose, dans un délai d'un mois, un nouveau candidat, qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure ».

C’est donc très clair : c’est le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement qui décidera. Le Parlement européen ne pourra qu’approuver ou rejeter la proposition. Hollande et Valls et le PS mentent. La seule nouveauté du traité de Lisbonne est l’ajout de la mention « en tenant compte des élections au parlement européen ». Mais « tenir compte » pour dire comment et à partir de quoi le choix du conseil des chefs d’Etat et de gouvernement fait sa proposition de nom de candidat. Ainsi, la chancelière allemande Angela Merkel a déjà indiqué sans ambages que les chefs d’Etats pouvaient choisir « qui ils voulaient ». Pour elle, choisir le futur président parmi les cinq candidats déclarés n’est que « facultatif ». Elle a juridiquement raison. Et politiquement aussi. Car « tenir compte » veut dire « choisir n’importe qui du moment qu’il est capable d’avoir une majorité » ! Le seul socialiste qui aura un pouvoir réel dans le choix du prochain président de la Commission européenne, c’est François Hollande, à la table du Conseil des chefs d’Etat. Hollande acceptera-t-il de proposer un président de la Commission européenne de droite ? Voilà la seule question qui est juridiquement fondée !

L’arnaque est évidemment politique. Le plus grand enfumeur a été Manuel Valls lors de son passage à TF1 le 11 mai dernier. Il a osé affirmé que « au fond, il y a un débat qui s’installe en Europe entre la gauche, représentée par Martin Schulz qui est le président actuel du Parlement européen, et la droite, qui est représentée par le conservateur Jean-Claude Juncker qui est l’ancien Premier ministre luxembourgeois. Et là il y a un choix décisif ». Il y a quasiment un mensonge par ligne ! D’abord il n’y a pas que deux candidats déclarés mais cinq. Outre Juncker et Schulz, il y a aussi notre candidat, notre camarade grec Alexis Tsipras. Il y a aussi le candidat des amis de Monsieur Bayrou, le libéral belge Guy Verhofstadt. Et il y a la candidate des Verts, l’allemand Ska Keller. Initialement désignée en binôme avec José Bové. Finalement les Verts européens ont décidé que c’est elle qu’ils mettraient en avant dans les débats télévisés européens, écartant José Bové, du fait de ses positions sans doute.

Surtout, il n’y a pas de choix politique entre Martin Schulz et Juncker. Ce n’est pas moi qui le dis. Ce sont Schulz et Juncker eux-mêmes ! Vous savez que j’ai lu les citations de ces deux messieurs dans tous mes meetings. Pas un PS ne s’est donné le mal de démentir. Je me répète donc. Voici ce que répond le social-démocrate Martin Schulz à propos de son « concurrent » Jean-Claude Juncker : « Je ne sais pas ce qui nous distingue ». C’était le 9 avril dernier, dans un débat télévisé sur la chaine France24. Et que dit Jean-Claude Juncker du candidat de François Hollande ? Il dit ceci : « Martin Schulz, le champion des socialistes, n'est pas un ennemi. C'est un concurrent. Je ne pense pas que la campagne consiste à dire du mal de l'adversaire et pointer des différences là où il n'y en a pas. Nous sommes sur la même ligne ». Il a déclaré cela au site internet Luxembourgeois L’essentiel, le 16 avril dernier. Tous ceux qui s’intéressent à l’élection le savent. Ça n’empêche pas les socialistes de faire semblant ! Une tromperie délibérée, froidement mise en scène, et rabâchée jusque sur le plateau de « Des paroles et des actes » !

Schulz et Juncker sont effectivement les deux faces d’une même médaille. Martin Schulz incarne jusqu’à la caricature l’alliance du Parti socialiste européen avec la droite. Il est membre du SPD allemand qui gouverne l’Allemagne avec Angela Merkel ! C’est même lui qui a écrit la partie européenne de l’accord de coalition. Ça n’a pas dû être trop difficile vu que le SPD avait toujours soutenu Angela Merkel au Parlement allemand sur les enjeux européens. Le SPD a voté pour le traité budgétaire Merkel-Sarkozy le 29 juin 2012. Le SPD a voté pour le Mécanisme européen de stabilité le même jour. Le SPD a approuvé les plans « d’aides » à la Grèce et à Chypre lorsque le Parlement allemand a été saisi. C’est-à-dire qu’il a approuvé les mesures d’austérité exigées du gouvernement grec en échange du « soutien » européen. L’Allemagne n’est pas une exception. Les sociaux-démocrates gouvernent avec la droite dans 16 pays européens sur 28 ! Cette Europe-là c’est celle que nous combattons chaque jour ! C’est la leur, celle de la coalition permanente et générale de la droite et de l’UMP

Schulz incarne de plus personnellement cette alliance avec la droite. Il a été élu président du Parlement européen avec les voix de la droite en vertu d’un accord de partage des places entre le PS et la droite. A mi-mandat, la droite a laissé la présidence à Schulz. Le PS et la droite co-gérent l’Union européenne depuis des années. Depuis 2004, le Parti socialiste européen est l’allié permanent, docile, de Jose Manuel Barroso. Sans le PSE, il n'y aurait jamais eu de présidence Barroso : en 2004, Barroso est devenu président de la Commission grâce à un accord entre la droite et le Parti Socialiste Européen. Le PSE comptait 6 commissaires dans la 1ère commission Barroso, entre 2004 et 2009. En 2009, la reconduction de Barroso à la tête de la Commission a été soutenue par 7 gouvernements du Parti socialiste européen. La quasi-totalité des députés européens du PSE a voté « pour » l’investiture de Barroso pour un 2e mandat le 9 février 2010 avec la droite. D’ailleurs, la Commission sortante compte 7 commissaires socialistes ou sociaux-démocrates dont 3 Vice-présidents de la Commission. Savez-vous par exemple que la baronne Ashton qui s’affiche avec les néo-nazis ukrainiens est membre du Parti Socialiste Européen ? Elle est la première vice-présidente de la Commission, Haut représentante pour les Affaires Etrangères. Savez-vous que le commissaire européen à la Concurrence, qui pourchasse les aides publiques aux entreprises, est membre du Parti Socialiste Européen ? Il s’agit de l’Espagnol Joaquin Almunia. Savez-vous que le PASOK grec a aussi une commissaire en la personne de Maria Damanaki ? Savez-vous que Lazlo Andor, le commissaire à l’emploi, responsable du record historique de chômeurs, est membre du PSE ?

Le PS et la droite ont déjà prévu de se mettre d’accord sitôt les élections passées pour continuer cette cogestion. Le PSE et la droite auront un candidat commun pour présider la commission européenne. J’ai dénoncé cette combinaison politicienne dès le 7 avril dernier. De quoi s’agit-il ? Les groupes du PS, des conservateurs et des libéraux au Parlement européen l’ont dit explicitement dans une déclaration commune du 3 avril. Ils annoncent clairement : « nous soumettrons conjointement une proposition au Conseil européen » des chefs d’Etats et de gouvernement. Le « choix décisif » dont parle Valls a fait pschitt : il n’y aura qu’un candidat à la fin. Au lieu de chercher des différences qui n’existent pas entre la droite et le PS en Europe, demandez-vous plutôt pourquoi le PS n’a pas proposé au groupe des Verts et à notre groupe de la Gauche Unie Européenne de faire une « proposition conjointe » ? Pourquoi un tel sectarisme à notre égard ? Où sont passés les donneurs de leçon « d’unitééééé » dont le PS regorge pour faire taire tout le monde et camoufler ses turpitudes ?

La réalité est claire. Pour faire une « proposition conjointe », il faudrait un programme commun. Ce programme commun existe entre la droite et le PS en Europe. Il se résume en quelques mots. Ils sont d’accord pour le Grand Marché Transatlantique avec les Etats-Unis. Ils sont d’accord pour appliquer les politiques d’austérité qu’ils mènent à tour de rôle depuis 2011 en Espagne, Portugal, Italie. D’ailleurs, ils les mènent ensemble comme en Grèce, Italie ou Irlande. Ils sont aussi d’accord pour laisser continuer le dumping social comme l’a prouvé leur vote commun pour la poursuite du système des travailleurs détachés en avril. Autre exemple : le PS et la droite sont d’accord pour poursuivre la libéralisation des services publics comme l’a montré leur vote commun pour le 4e paquet ferroviaire en février dernier. Votez pour le PS et pour Schulz, c’est voter pour ce programme commun de la droite et du PS en Europe dont chacun a le résultat sous les yeux. Pour que cette co-gestion cesse, aidez-nous ! Socialistes de base, rompez les rangs ! N’aidez pas à cette mauvaise action de tromperie !

Questions sur un débat et un plateau

Le plus curieux sur ce plateau de France 2, c’était quand même le choix des représentants du PS et d’Europe Ecologie. Voyons le PS. C’est finalement Stéphane Le Foll qui le représentait. Bizarre ! En effet, France 2 avait invité les chefs de parti. Donc Jean-Christophe Cambadélis, le nouveau premier secrétaire du PS. On s’en souvient, il a décliné l’invitation. Il avançait deux arguments. Le premier, c’est qu’un débat entre chef de partis français « nationalisait » la campagne. Le deuxième était que la présence de candidats parmi les chefs de parti faussait l’égalité avec les candidats PS dans les circonscriptions où les chefs de parti sont candidats, comme dans le Sud-Ouest où je suis candidat. C’était un argument très spécieux bien sûr. En effet, on n’avait jamais entendu Jean-Christophe Cambadélis protester contre les débats PS-UMP-FN qui écartaient le Front de Gauche, l’UDI et Europe Ecologie dans l’Est ou le Sud-Est, comme ceux organisés par LCI et Europe1. Au final, la situation est incompréhensible. Le PS a finalement choisi d’envoyer quelqu’un qui n’est pas candidat. Pourquoi ne pas envoyer alors Jean-Christophe Cambadélis lui-même ? Le nouveau premier secrétaire craignait-il d’être identifié à une défaite annoncé ? Est-ce ainsi que se comportent les chefs du PS désormais face à l’adversité ? Pourquoi Jean-Christophe Cambadélis a-t-il préféré aller tenir meeting (loupé) à Toulouse ?

Surtout, le PS disait ne pas vouloir « nationaliser » le scrutin. Jean-Christophe Cambadélis avait ainsi proposé d’être remplacé par Martin Schulz, le candidat du Parti socialiste européen à la présidence de la Commission. Mais celui-ci a décliné la proposition de s’exprimer devant plusieurs millions de Français à trois jours du scrutin. Et le PS a finalement envoyé… le porte-parole du gouvernement en personne ! Où est la logique ? Que veut dire cette situation étrange ? Le PS est-il si mal à l’aise avec l’enjeu européen pour faire un choix aussi déroutant où il s’exclut du débat en tant que parti ?

Ce n’est pas le seul. Le choix d’Europe Ecologie était aussi une surprise. La secrétaire nationale Emmanuelle Cosse a décliné. Pourquoi ? Elle reprenait les mêmes arguments que Jean-Christophe Cambadélis. Mais alors, pourquoi donc envoyer Yannick Jadot et pas José Bové ? José Bové a pourtant été désigné candidat des Verts européens à la présidence de la Commission européenne. Certes, il a été désigné en binôme avec l’allemande Ska Keller. Mais jusqu’ici en France, c’est toujours lui qui portait la parole d’Europe Ecologie dans la campagne. Pourquoi donc n’était-ce pas lui qui représentait son parti à la principale émission de la campagne ? Le bureau du Parti Vert Européen avait déjà choisi d’envoyer Ska Keller au débat européen du 15 mai plutôt que José Bové.

Bové a donc été privé du grand débat européen et du grand débat français. Pourquoi ? C’est d’autant plus incompréhensible qu’Emmanuelle Cosse affirmait le 9 mai sur Libération que « quand, à trois jours du scrutin, on invite les chefs de parti mais que deux d’entre-deux au moins sont aussi têtes de liste [Jean-Luc Mélenchon pour le Front de gauche et Marine Le Pen pour le FN, ndlr], ce n’est pas équitable ! ». Europe Ecologie pouvait au moins combler la moitié de ce manque d’équité en envoyant José Bové sur France 2 hier soir, puisqu’il est candidat contre moi dans la même circonscription ! Les dirigeants d’Europe Ecologie craignaient-ils une contre-performance de José Bové ? Ont-ils cherché à l’exfiltrer de la dernière ligne droite de la campagne ? Craignaient-ils qu’il dérape une nouvelle fois en m’insultant comme il l’a fait hier matin sur BFMTV en me traitant de « con » ? A posteriori, on les comprend. Qu’aurait-il répondu aux questions de Nathalie Saint-Cricq sur la PMA ? Et sur ce qu’il appelle les « manipulations du vivant ». Je pense plutôt à un geste politique dans notre direction. En effet, Bové, en déclarant « s’ériger » en « gardien des traités » et en recommandant « d’aller jusqu’au bout de la logique libérale de la concurrence libre et non faussé » a creusé un fossé entre le Front de Gauche et Europe Ecologie-Les Verts. Son agressivité à mon égard a créé une ambiance glauque au moment où tant de mains se tendent des deux partis l’un vers l’autre. Jadot au contraire, quoique personnellement partisan du traité budgétaire, a démontré une attitude plus ouverte, argumentée et courtoise sans renoncer à rien de ses propres idées.

La désertion de François Hollande

Ainsi, sur ce plateau de France 2, le choix des intervenants avait aussi un sens plus politique qu’il n’y paraissait. La présence du porte-parole du gouvernement Valls, Le Foll, fonctionne comme un aveu : l’élection de dimanche porte aussi sur le bilan européen de François Hollande depuis son élection. La tâche de Le Foll était alors de défendre l’indéfendable. En fait, François Hollande n’a pas joué le rôle que les institutions lui confient. Au lieu de dire ce qui lui parait utile et bon pour le pays en relation avec la politique qu’il mène, il a déserté le thème. Il a même créé une diversion avec son légo de la réforme territoriale.

Cette désertion se vérifie surtout à propos du Grand Marché Transatlantique. Dans sa tribune sur les élections européennes publiée le 9 mai dans Le Monde, François Hollande n’a pas dit un mot sur ce sujet. D’ailleurs, c’est simple : il n’en a jamais parlé. Sauf une fois, lors de son déplacement aux Etats-Unis en février. Il a alors déclaré que ce futur marché unique avec les Etats-Unis était « une vraie opportunité » et que « aller vite n’est pas un problème, c’est une solution. Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations ». Et à l’Assemblée nationale hier, le PS a complètement détricoté la résolution du Front de Gauche contre le Grand Marché Transatlantique. Les députés Front de Gauche avaient déposé cette résolution dans leur « niche », c’est-à-dire dans la seule journée de l’année dont ils maîtrisaient l’ordre du jour. Le PS a tout fait pour défendre les négociations et la perspective d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis. Le gouvernement et les députés PS ont refusé notre demande de « suspension » des négociations. Ils y ont préféré des formules creuses demandant « une grande vigilance » dans ces négociations. Les députés PS ont aussi accepté que la Commission négocie sur les tribunaux d’arbitrage, ces tribunaux privés taillés sur mesure pour les multinationales. Ils ont en effet rejeté notre demande que « la Commission européenne retire des négociations la clause relative au mécanisme de règlement des différends entre les investisseurs et les États ». Bref, le texte a été tellement dénaturé que nos députés à l’Assemblée nationale ont été contraints de voter contre.

L’Europe cristallise le reniement et la duplicité de François Hollande. Tout le monde se souvient de la campagne présidentielle. Il promettait alors de « renégocier le traité européen » signée par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel en décembre 2011. C’était le fameux traité budgétaire, officiellement « traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance » (TSCG), plus connu sous le nom de traité Merkozy. La renégociation de ce traité était le onzième engagement des « 60 engagements pour la France » du candidat Hollande. C’est la première promesse que Hollande a trahie. Dès son premier sommet européen, les 28 et 29 juin 2012, Hollande a capitulé. Le traité n’a même pas été évoqué au sommet. Hollande a ensuite soumis au Parlement français le traité signé par Nicolas Sarkozy sans en avoir changé une virgule. Sous la pression, à trois jours de notre grande marche contre ce traité d’austérité, le Premier ministre de l’époque, Jean-Marc Ayrault, avait même été contraint reconnu le 27 septembre 2012 sur France 2 : « d’un point de vue juridique, si vous prenez la ligne exacte de la phrase qui sera soumise à la ratification, le traité n’a pas été renégocié ». C’est en quelque sorte le péché originel de Hollande. Ce traité impose l’austérité et renforce les pouvoirs de contrôle et de sanction de la Commission européenne sur les Etats et les budgets nationaux. En l’acceptant, Hollande s’est lié les mains. La politique qu’il mène aujourd’hui, les 50 milliards d’euros d’austérité de Manuel Valls, le gel du salaire des fonctionnaires, le gel des pensions de la moitié des retraites etc. Tout cela est la conséquence directe et inéluctable de ce renoncement initial.

Le deuxième mensonge de Hollande, c’est la prétendue « réorientation » de l’Europe vers la « croissance ». Le pacte de croissance vanté par Hollande pour habiller son reniement sur la révision du traité n’existe pas. Il n’a jamais existé. Il s’agissait pour l’essentiel de fonds déjà prévus et qui ont seulement été réaffecté. Quant au budget européen pour la période 2014-2020, c’est le contraire total d’un plan de relance ! Ce budget a été validé par François Hollande lui-même. C’est en fait un plan d’austérité européen. En effet, entre 2014 et 2020, le budget européen sera inférieur de 85 milliards d’euros au budget de la période 2007-2013 ! On mesure mieux l’ampleur du mensonge du PS quand on le voit faire campagne en expliquant que « l’austérité est une erreur en Europe ». Mais c’est aussi son erreur. C’est même d’abord son erreur générale : les premiers plans d’austérité ont été appliqués en Grèce et en Espagne, sous des gouvernements du PS local.

Le troisième mensonge de Hollande concerne la Taxe sur les transactions financières. Le projet validé par les ministres des Finances de l’Union européenne le 6 mai dernier est totalement ridicule. Elle devrait rapporter à peine 5 milliards d’euros. C’est sept fois moins que le projet proposé au départ par le José Manuel Barroso pourtant ultralibéral. Le projet Barroso était déjà bien faible puisqu’il ne taxait par exemple pas les marchés des changes ou les échanges d’obligations d’Etat. Il proposait seulement de taxer les échanges d’actions à 0,1% et les produits financiers dérivés à 0,01%. C’était trop pour la finance. Elle a trouvé un porte-parole de choix en la personne de Pierre Moscovici, alors ministre de François Hollande et probable prochain commissaire européen. A l’été 2013, Pierre Moscovici avait dénoncé un projet « excessif ». Moscovici puis Michel Sapin ont travaillé au sabotage du projet de Barroso. L’accord du 6 mai laisse de côté la quasi-totalité des produits financiers spéculatifs nommés produits dérivés. C’est pourtant la partie la plus visible de la spéculation financière. Les échanges de produits dérivés constituent 85% des transactions financières. Ainsi « d’ennemi de la finance » dans son discours du Bourget, François Hollande est devenu l’un de ses meilleurs défenseurs. C’est aussi cela qu’il faut avoir à l’esprit dimanche. 



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