26juin 14
Le début de semaine a été bien déprimant dans ce qu’il est convenu d’appeler « la gauche parlementaire ». Les socialistes désolés, les verts insurgés, et les diverses variétés de ces étranges « frondeurs », opposants médiatiques bien intéressants, ont été mis au pied du mur. Il s’agissait du vote de la réforme ferroviaire. Pschitt ! Ils se sont tout simplement évanouis dans le décor à l’heure de choisir entre le mouvement social et l’obéissance à Manuel Valls. Tous ont voté contre les cheminots et pour la privatisation du rail. Tous, sauf un au PS ! Tous, sans exception, chez les Verts. Banal pour le PS. Ils votent pour cette privatisation au Parlement européen. C’est la ligne social-libérale caractéristique. Mais les Verts ? Ils ont voté contre le paquet ferroviaire au Parlement européen ! On comprend pourquoi. La libéralisation du rail c’est le recul de l’investissement dans le secteur des transports collectifs, le gâchis des couts de concurrence, gestions et publicité plus dividendes à verser aux actionnaires. L’anti écologie par excellence ! Alors pourquoi les députés Verts à Paris ont-ils voté à l’inverse de leurs collègues à Strasbourg ? C’est clairement un gage de complicité donné au gouvernement et un signal droitier qui va à rebours des messages d’opposition que donnent les instances locales et nationale de leur parti.
Arrive la suite. Le budget de l’Etat pour cette année est remis en chantier. Cela s’appelle un « collectif budgétaire » ou bien un « budget rectificatif ». Le débat a commencé mardi 24 juin. Le vote sur l’ensemble de ce budget rectificatif de l’Etat aura lieu mardi prochain premier juillet. Puis l’Assemblée examinera pendant une semaine le budget rectificatif de la Sécurité sociale. Au total, ces deux textes essentiels engagent des dizaines de milliards circulant dans l’économie comme le sang dans l’organisme du pays. Un organisme aujourd’hui anémié au-delà du raisonnable. Pourtant, Manuel Valls prévoit une nouvelle saignée à hauteur de quatre milliards d’euros par rapport à ce qui était déjà prévu pour cette année. On se souvient que c’est surtout sur ce sujet que plusieurs voix s’étaient élevée parmi les députés PS et à Europe Ecologie pour contester cette logique d’austérité. Qu’en restera-t-il ? Le moment se prépare bien mal. Déjà, le nombre de signataires des amendements contestataires ne permet pas de retrouver grand monde de la liste des frondeurs… Mauvais augure. Que se passera-t-il ? A mon avis ? Rien. Ils ne feront rien de ce qui compte. Ce qui compterait serait qu’ils votent contre. Mais voter contre un budget, c’est franchir le Rubicon. Et ceux que je vois installés au bord du Rubicon ne semblent y venir que pour laver leur linge sale. Rien de plus. Voter contre, ce serait avoir une volonté. Voter contre, ce serait se préparer à former une autre majorité, ce serait penser l’avenir du pays autrement. Ce serait avoir de la créativité et de l’ambition pour le futur. Mais l’ambiance de ce quinquennat de pantoufles percées n’a-t-elle pas déjà étouffé tous les caractères ? Hors des intrigues de palais, que savent encore faire tant de ces hommes et ces femmes arrivés dans cet hémicycle pleins d’idéaux ?
Dans ce post je parle bien sûr de ce vote budgétaire. Et aussi de la fin du feuilleton Alstom. Mais avant cela je traite de la rencontre du Front de gauche avec EELV. Je le fais parce que c’est une rencontre exceptionnelle. D’abord parce que pour la première fois de son histoire le Front se présentait en tant que tel, avec toutes ses composantes, pour une rencontre bilatérale. Ensuite parce que la discussion longue, argumentée et amicale n’a pas permis d’aller au-delà du point où sont encalminés les Verts aujourd’hui. Le point d’inertie.
Il faut voter contre le budget rectifié par Valls
Il faut voter contre ce budget. Car si le gouvernement n’est pas arrêté cette fois-ci, le pays va dévaler la pente d’une façon accélérée. La prochaine étape est déjà prévue : ce sera le budget pour 2015, première année du plan d’austérité de 50 milliards d’euros prévus d’ici 2017. Il faut tout faire pour arrêter cette folie. Mon camarade Jacques Généreux et les camarades de la commission économique du Parti de Gauche qui ont rédigé deux contre-budgets ne s’étaient pas trompés. A leur suite, combien de fois ai-je présenté le raisonnement pour expliquer comment la spirale récessive est entretenue par les politiques de coupes budgétaires. A présent, ce qui était montré du doigt avec mépris est rejoint de tous côtés. Et jusque dans les bureaux de Bercy. La députée PS Valérie Rabault, rapporteur du budget à l’Assemblée l’écrit dans son rapport. Selon les calculs de la direction du Trésor, une administration placée sous la tutelle du ministre Michel Sapin, le plan d'économies de 50 milliards d'euros proposé par le gouvernement Valls pour 2015-2017 va entraîner la suppression de 250 000 emplois et coûter 0,7% de croissance ! Dans le même temps, les cadeaux faits au MEDEF sous le nom de « pacte de responsabilité » ne créeraient que 190 000 emplois et 0,6% de croissance. Or, les coupes budgétaires sont en grande partie destinées à financer ce cadeau au MEDEF. Le bilan serait donc globalement négatif : le résultat de la politique économique et budgétaire du gouvernement sera la destruction de 60 000 emplois ! Et chacun de ceux qui seraient créés selon Sapin couterait 130 000 euros par tête. Un chiffre à rapprocher des 3000 euros par assuré social que « coûte » le régime des intermittents du spectacle !
Le mécanisme est simple à comprendre. Je le répète depuis des années. La baisse des dépenses publiques aggrave la crise. La baisse des investissements publics et le gel du pouvoir d’achat des fonctionnaires et des prestations de sécurité sociale comme les retraites compriment l’activité économique du pays. Et, de cette façon, détruisent des emplois. C’est aussi ce que dit l’INSEE. L’Institut national de la statistique a publié ce mercredi 25 juin des prévisions de croissance ajustées pour cette année. Bilan ? L’INSEE est bien moins optimiste que le gouvernement. Il prévoit au mieux 0,7% sur l’année quand le gouvernement espérait 1%. Et l’INSEE est convaincu que le chômage continuera d’augmenter dans le pays. Il ne voit aucun signe de reprise de l’activité privée. Il prévoit que l'économie française ne créera que 54 000 nouveaux emplois cette année. Ceux-ci viendront « exclusivement de la montée en charge de l'emploi aidé dans les administrations publiques ». Merci le MEDEF ! De toute façon cela « ne suffira pas pour absorber la hausse de la population active ». Chaque année, 140 000 personnes arrivent en âge de travailler ! Pour mémoire, il n’y en a que 56 000 dans ce cas en Allemagne. Par conséquent, la hausse brutale du chômage est certaine. Cela veut dire que toutes les tensions dans notre société vont s’aggraver. L’économie, c’est toujours, d’abord, un état de la société, et cela englobe tous les aspects de son fonctionnement.
Ainsi, tout montre que le gouvernement Valls conduit la France à l’échec économique et au désastre social. L’administration du Trésor et l’INSEE sont de cet avis aussi. Malgré les faits et les calculs de sa propre administration, Michel Sapin continue, envers et contre tout, à imposer la politique d’austérité décidée à Bruxelles. Son objectif n’est donc pas la croissance ou l’emploi. Sinon on le verrait réagir à ce que tout le monde sait. Il est seulement question d’être « le bon élève de la classe européenne » selon le mot de Hollande. Servons la finance, pensent-ils, et la finance nous servira, tel est leur crédo ! « On a besoin de la finance » a d’ailleurs déclaré Manuel Valls au patron d’Axa ! Les députés d’Europe Ecologie et les « frondeurs » du PS ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas, ou bien qu’il faut encore donner du temps « pour voir ». Il est désormais de leur responsabilité d’empêcher cette catastrophe qui s’avance chaque jour un peu plus. Qu’ils rompent les rangs et votent avec nous contre l’austérité de Manuel Valls et du gouvernement ! Mais ce que je viens de voir avec le vote sur la réforme ferroviaire ne me donne pas beaucoup d’espoir dans ce sens et je m’en voudrai de créer des illusions sur le sujet. Ce que je vais raconter à présent de notre rencontre avec EELV va me permettre d’aller plus loin sur cette idée.
Pour fédérer le peuple, ni laisse, ni muselière !
La rencontre au siège d’EELV, rue du Chaudron à Paris, avait été proposée par nos hôtes. Il est vite apparu qu’il fallait y répondre positivement car le contraire eut été tout simplement une marque de sectarisme démoralisant mis à notre charge. Cette considération l’emporta sur l’inconvénient qu’il y a avait à répondre positivement à une invitation également adressée au MoDem. Nous avons d’ailleurs posé la question. Quel pouvait être le sens d’une relance du MoDem par les Verts à l’heure où il vient de reformer une alliance avec l’UDI, proche de l’UMP ? La réponse est que le MoDem avait appelé à voter Hollande. Dès lors, EELV a estimé que cette formation avait sa part à prendre dans le bilan. Puis, très rapidement, on nous informa que de toute façon la question était close : le MoDem n’a pas répondu à EELV ! Ce dont personne parmi ses membres n’avait l’air d’être déçu.
La discussion a été libre, argumentée et amicale. Rien n’est donc venu parasiter l’accès au fond des questions posées. EELV propose un dialogue sur le projet de gauche à construire et suggère trois thèmes pour l’engager, sans exclure que d’autres questions puissent être aussi traitées. Ces thèmes sont : la relance de l’emploi, celle de la transition énergétique et celle de la démocratie. Sur ces trois questions, plusieurs interventions ont permis de se faire une idée de l’intérêt qu’il y aurait à les traiter. Mais franchement, qui en doutait ? Ce n’était pas l’essentiel. Pour ma part, je ne doute pas que, quelles que soient les difficultés, on trouve un point fédérateur sous lequel traiter les contradictions de position. Contrairement aux apparences, ce point n’est jamais le plus petit commun dénominateur mais plutôt le point de la plus haute exigence. Par exemple, parler de la relance de l’emploi est plus facile si l’on part de l’objectif du plein emploi c’est-à-dire au moins quatre millions de poste de travail à créer et stabiliser. Exemple lié : l’agriculture. Si l’on veut venir au modèle de l’agriculture paysanne, il faut trouver quatre-cent mille nouveaux agriculteurs. C’est un défi de formation, mais aussi de niveau des rémunérations de la population paysanne et donc des niveaux des salaires ouvriers consommateurs, et ainsi de suite dans un continuum de politique où le social et l’écologique se tiennent dans un même programme nécessairement touche-à-tout. On sort alors des dissertations abstraites pour entrer dans le domaine très exigeant de la prévision et de la planification. La vraie difficulté n’est donc pas là.
Il a été dit que la reconstruction de la gauche elle-même serait le résultat d’une construction commune de projet. Mais il faut ajouter qu’elle passe aussi par la solidarité et la construction d’une communauté de vue avec le mouvement social. Difficile d’imaginer un projet commun dans les transports si on se coupe du mouvement des cheminots et qu’on vote le paquet ferroviaire… En toute hypothèse, la crédibilité du projet dépend finalement de qui le porte et le prépare. C’est pourquoi tout finit par se concentrer sur ce que l’on va appeler le périmètre de la rencontre prévue par EELV. Clairement, en réponse à Clémentine Autain, il lui fut dit que le projet dont parlait EELV ne visait « pas à être un projet alternatif ». Puis, non moins clairement, il fut répondu à Martine Billard, qui demandait la précision, que le PS en tant que tel serait invité à ces rencontres ! On devine dans ces conditions que la douche fut fraîche ! Mais le mérite de la franchise était là.
Deux positions se sont alors exprimées dans la délégation du Front de gauche. L’une portée par le PCF considérant que ce serait un premier pas que de telles rencontres, l’autre qu’il ne saurait être question de faire semblant de croire que le PS en tant que tel puisse faire autre chose que ce que veut le gouvernement. Ce n’est pas une marque de sectarisme que de refuser le podium commun et la photo de famille avec le PS. C’est la marque d’une certaine compréhension de ce qu’est l’esprit public aujourd’hui. Nous y laisserions notre crédibilité ! Le PS a déjà tué le mot « gauche ». Il mène le pays au chaos social et politique. Sa politique ne peut pas marcher ni produire le moindre mieux dans la situation. Pourquoi aller faire croire qu’on peut débattre d’un projet commun pour le futur avec comme présent le compagnonnage de tels fossoyeurs ? Au demeurant, toute cette construction bizarre fait plutôt penser à un test qu’à une véritable proposition. Peut-être EELV voulait-il vérifier pour ses propres tendances et débats internes que cette voie-là n’existait pas. En effet, elle n’existe pas. En tous cas, pas avec nous. Car ceux qui veulent se réunir avec le PS peuvent déjà le faire dans le cadre du comité de liaison mis en place par Jean Christophe Cambadélis avec le PRG, le MUP du communiste Robert Hue et avec les Verts eux-mêmes.
Il ne peut être question d’embarquer le PG ni le Front de Gauche en tant que tels sur ce pont que veut construire EELV avec les autres accompagnateurs du PS. Je pense que nous allons avoir cette discussion à la coordination du Front de Gauche. Je crois que tout le monde sera d’accord pour ne pas engager notre Front dans cette proposition d’EELV. Bien sûr, si le PCF veut toutefois s’y associer, c’est sa liberté de parti et, tout en le regrettant, nous observerons sans commentaires. Et sans regrets, car tout cela n’ira strictement nulle part, c’est une certitude selon nous. Par contre, s’il s’agit de bâtir un rassemblement fédérateur sur la base d’un programme commun alternatif, alors oui, le dialogue peut avoir lieu et la recherche du point fédérateur peut être travaillée. Disons les choses comme elles sont. De notre côté, nous ne passerons pas des mois à jouer de la mandoline et à attendre que les arrangements de toutes sortes se fassent ou se défassent à la carte. Le but de notre travail n’est pas de fédérer des partis mais le peuple lui-même. Le système n’a pas peur de la gauche ! Le système a peur du peuple. Voilà ce que nous avons appris de la période récente. Et la gauche à construire et à réhabiliter, c’est celle qui est fidèle au peuple et à ses demandes et besoins. Ni laisse, ni muselière : les frondeurs devraient y réfléchir.
Le feuilleton Alstom
Mes lecteurs savent le soin que je mets ici à les tenir informés aussi bien que je le peux des évènements qui concernent le cœur de l’appareil productif de notre pays. Je le fais sans aucun doute de façon moins bien détaillée que ne le font les journaux spécialisés. Mais je le fais plus profondément sur le plan politique. Surtout, mon intention est de créer une sensibilité parmi vous pour les questions qui touchent à la production. Machines, qualifications professionnelles, capacités et manière de produire et d’inventer sont au cœur de notre projet pour le futur. La bifurcation écologique de la production, la généralisation de la règle verte, question clef de la planification écologique et du projet écosocialiste, sont directement liées à la qualité des formations et aux performances des machines. Peut-être mes lignes contribueront-elles à créer un intérêt, voire une passion, sur le sujet parmi ceux qui entrent dans la réflexion politique par la modeste porte de mon blog. N’y suis-je pas moi aussi entré de cette façon ? Dans ma jeunesse étudiante, intellectuel bien éloigné de tout cela, j’entrais dans le sujet et n’en démordis plus jamais depuis, en partant de l’analyse d’une lutte pour la convention collective de la métallurgie. Puis je me mis à lire avec passion « l’Usine Nouvelle », journal pourtant bien éloigné de nous, mais qui traitait de la production autant que des affaires. Puis, ministre de l’Enseignement professionnel, j’entrais dans le grand bain au point clef où avant de produire il faut instruire. C’est-à-dire ramener la production à ses fondamentaux qui sont d’abord des savoirs très généraux.
A mon avis, ces questions doivent passionner autant notre conscience écologiste que notre conscience sociale. Car nous ne gouvernerons pas le moment venu seulement pour changer la clef de répartition des richesses. Nous le ferons pour changer le mode de production lui-même, ses finalités et ses méthodes. Le premier constat à faire dans ce domaine, c’est qu’il faut un souci de cohérence des décisions. La prise d’initiatives ne peut se faire au hasard des humeurs et des circonstances ! Il faut au contraire un souci de cohérence où chaque décision ponctuelle doit chercher à provoquer de la synergie entre les différents compartiments de la production, de l’échange, du contenu de production et de la relation avec l’environnement global. L’idéal d’une bonne décision industrielle responsable, c’est celui où tous les impacts sont pris en compte et où un minimum de coûts sociaux et écologiques est externalisé.
Ce n’est vraiment pas le cas dans ce dossier Alstom. Le gouvernement navigue à vue. Pour acheter les actions d’Alstom, il va… vendre des actions ailleurs. Déshabiller Pierre pour habiller Paul, nouvel exemple de gribouille comptable ! D’autant que le gouvernement n’a pas décidé de vendre n’importe quoi. Il a décidé de céder au moins 3% du capital de GDF Suez. L’Etat est déjà minoritaire dans GDF depuis 2004. Après cette nouvelle vente, il ne détiendra qu’à peine un tiers du capital de GDF Suez. Le gouvernement décide donc de réduire la présence de la France au capital d’une entreprise stratégique en matière énergétique pour entrer au capital d’une autre entreprise stratégique en matière énergétique ! Quelle cohérence ? Tout cela la semaine où est présenté le projet de loi sur la transition énergétique. D’ailleurs, qu’en pense la ministre de l’Energie, Ségolène Royal ? Lorsqu’elle était candidate à l’élection présidentielle de 2007, elle proposait de « créer un pôle public de l’énergie entre EDF et GDF ». Aujourd’hui, elle accepte sans broncher le recul du capital public dans GDF. Il faut dire qu’elle a complètement enterré sa promesse de 2007. Dans « Le Monde » du mercredi 18 juin, elle affirmait déjà, à propos d’EDF et de la durée de vie des centrales nucléaires : « Je n’ai pas demandé l’inscription de la durée des centrales dans la loi. J'assume cette décision. Il faut une loi d'équilibre qui tient compte de la nature de l'entreprise, cotée en Bourse ». La ministre de Hollande théorise l’impuissance politique et la supériorité de la finance sur la souveraineté populaire et l’intérêt général. La propriété publique des moyens de production de l’énergie, voilà aussi ce qui se joue derrière le cas Alstom.
J’en viens au montage retenu pour Alstom lui-même. J’ai déjà consacré de nombreux discours et articles à cette entreprise comme le savent ceux qui s’y intéressent. Mes lecteurs peuvent se référer aux épisodes précédents en suivant ce lien. A présent, le sort d’Alstom, comme on le sait, est scellé. Je résume d’abord la nouvelle situation. Le Conseil d’administration de l’entreprise et le gouvernement ont pris leur décision. Alstom a décidé de se rapprocher de l’entreprise états-unienne General Electric. Dans le même temps, l’Etat va entrer au capital d’Alstom à hauteur de 20%. Le pire a été évité : Alstom ne sera pas absorbé par Siemens et Mitsubishi. En effet, Siemens aurait cédé Alstom qui intervient sur les mêmes créneaux de production. Mais le meilleur est encore loin d’être garanti pour Alstom comme pour toute l’industrie française de l’énergie.
Ce sera donc General Electric. Après plusieurs semaines de vente aux enchères, le conseil d’administration d’Alstom a confirmé son choix. L’Etat va racheter les deux tiers des actions Alstom de Bouygues qui veut se désengager de cette société. L’Etat détiendra au final 20% d’Alstom. Mais l’accord final est plus complexe que la proposition initiale de General Electric. Celle-ci voulait au départ racheter la branche énergie d’Alstom. Cela aurait été un dépeçage mortel de l’entreprise. Elle se serait trouvée réduite à l’activité ferroviaire du groupe et donc à la mort lente, faute de taille suffisante. General Electric va finalement racheter certaines activités énergétiques d’Alstom à 100% et d’autres seulement à 50%. L’entreprise américaine va devenir propriétaire unique des activités de turbines au gaz, de turbines à vapeur ne concernant pas le nucléaire. Elle s’empare du secteur des énergies renouvelables terrestres (solaire, géothermie, éolien). Les deux entreprises vont développer un dispositif complexe de co-entreprises pour les autres activités énergétiques. Il y aura trois co-entreprises : une pour les énergies renouvelables marine et hydraulique (hydroélectricité et éolien off-shore), une pour les turbines à vapeur pour le nucléaire et une pour les réseaux électriques. De son côté, General Electric cède à Alstom son activité de signalisation pour renforcer la branche transport d’Alstom. On peut légitimement se demander comment la mise en place des co-entreprises va s’opérer et quelle énergie elle va disperser dans les postes de commandement…
Mais le pire a été évité. Cela ne signifie pas que la solution trouvée me convienne. J’aurais préféré qu’on nationalise purement et simplement Alstom pour en préserver l’intégrité et renforcer ses performances. Mais l’amateurisme du gouvernement, la volonté de Bouygues de brader Alstom et le cannibalisme des concurrents faisaient peser des menaces vitales sur l’entreprise. On a ainsi évité le pillage pur et simple que General Electric espérait au départ. On a aussi évité la braderie d’Alstom à Siemens. Elle se serait traduite par des hémorragies d’emplois et de sites industriels car Alstom et Siemens sont en concurrence directe sur plusieurs créneaux. Enfin, l’arrivée de l’Etat au capital d’Alstom à hauteur de 20% évite que cette entreprise soit totalement abandonnée aux capitaux flottants.
J’ai dit dimanche à France Inter qu’on gagnait du temps par rapport à la mort promise à Alstom. Pour le dire plus brutalement, les coups portés à Alstom ne sont pas – encore – mortels. Nous conservons l’espoir de reconstruire ce fleuron quand nous arriverons au pouvoir, s’il n’est pas trop tard. Mais l’alliance avec General Electric pose déjà des problèmes. Y compris où ne les attendait pas. Savez-vous par exemple qu’Alstom produit 30% de l’électricité de Cuba ? Que va devenir cette situation ? Le gouvernement des Etats-Unis va-t-il exiger l’arrêt de cette présence en vertu de l’embargo qu’il applique illégalement contre Cuba ? On se souvient que l’alliance de PSA avec General Motors avait entraîné l’arrêt des ventes en Iran. On voit le sort actuellement réservé à la banque BNP pour ses agissements à Cuba ou en Iran. Pas de naïveté, donc.
D’autant que les garanties apportées à la France sont bien maigres. On nous annonce que l’Etat français détiendra un droit de veto dans la co-entreprise des turbines à vapeur utilisées dans les centrales nucléaires. Et General Electric promet de créer 1 000 emplois en trois ans. Mais l’Etat n'aura aucun droit de véto sur l'éolien, l'hydrolien, l'hydraulique et les réseaux, qui sont pourtant des secteurs stratégiques d'avenir. De même, seuls les brevets liés au nucléaire sont protégées dans une filiale détenue à 100% par l’Etat. C’est une nouvelle preuve de la centralité passéiste pour le nucléaire et de l'absence de priorité du gouvernement pour les énergies renouvelables. Quant à la garantie sur l’emploi acceptée par GE, elle ne porte que sur 3 ans. Une durée dérisoire pour l'industrie. Le seul intérêt est de préserver théoriquement l’outil jusqu’à 2017.
Le plus inquiétant à cette heure, c’est la stratégie du gouvernement. En entrant à hauteur de 20% au capital d’Alstom, on pensait pouvoir souffler un peu. Mais cette entrée montre vite ses limites. Déjà, l’Etat va racheter ses actions à Bouygues à un prix supérieur au prix du marché. Vendredi soir, à la bourse de Paris, l’action Alstom valait 28 euros. Mais Bouygues refuse de vendre à l’Etat à moins de 35 euros. Le gouvernement a cédé à cette exigence. Pourquoi ? Bouygues a déjà bien pompé Alstom depuis 2007 puisque 1,44 milliards d’euros de dividendes ont été versés aux actionnaires en cinq ans. Premier actionnaire, Bouygues a été le premier servi. Pourquoi cette nouvelle largesse de la part du gouvernement ? On se le demande. Mais c’est une première que de nationaliser, même partiellement, en payant davantage que le prix du marché !
@ Respect
Je n'ai pas pu vérifier le vote de Martine Aubry lors du TSCG de 2005 sur le web. La chose est tue dans sa bio. Je vous crois car malheureusement beaucoup de PS avaient appelé à voter pour ce traité ultra-libéral. Je suis tellement choqué par les décisions et orientations de Hollande, à savoir en gros du Sarkozy, et j'ai tellement de mal à comprendre la docilité réac des élus du PS partout en France, que je me représentais Aubry un peu moins dangereuse. Il est vrai que si on analysait de près les choix de financement de la sécu et des autres budgets "sociaux" à l'époque, je crois que déjà les salariés commençaient à être de plus en plus ponctionnés et les entreprises à être défiscalisées de différentes façons.
@ Michel Matain
Je ne disconviendrais pas qu'il y a des tordus dans toutes organisations, vous êtes suffisamment bien placé pour le savoir. Mais ne trouvez vous pas que vous poussez le bouchon un peu loin tout de même ? Les municipales c'est une chose, et cela ne pouvait être que problématique de les placer sous le signe du Front de gauche, je me suis battu chez nous pour faire basculer la tendance vers l'indépendance des listes et contre l'unification des listes dés le premier tour. Mais il y à aussi, l'avant et l'après des présidentielles, voulez vous que l'on vous dresse le catalogue des coups de Jarnac que Pierre Laurent, d'Oliviers Dartigolle ou d'autres membres du PCF sans oublier le pendable Ian Brossat, ont fait subir à Jean-Luc Mélenchon, le voulez vous vraiment ? Alors par courtoisie pour ce blog, mettez une sourdine Monsieur Matain, tout le monde sait ici que vous êtes communiste et fier de l'être et personne ne vous le reproche.
@ Nicks
Je suis encore une fois d'accord avec ce que vous écrivez. Inutile en vous lisant de rajouter les mêmes propos. Simplement obligée de réagir sur le fait, sans agressivité, que certains pour nous convaincre ou se convaincre, jouent au pompiers pyromanes. Le feu a été mis par qui, bon sang ? Par nous PG ? Par Mr Mélenchon ? Il n'y aurait pas besoin de tous ce "rapronobis" si tout le monde était resté a sa place de combattant du FdG. Point final. Moi aussi je m'insurge sur toute la calomnie qu'a du subir Jean-Luc Mélenchon, entendue de mes propres oreilles. Alors arrêtons toutes polémiques.
Que dire de la grande braderie qui s'opère devant nos yeux. La souveraineté, la fiscalité aux oubliettes, la retraite (et ses enfants imposables), les impôts augmentés et réduits pour les plus démunis, les indemnisations chômage et ses droits rechargeables sans cartouche, les cadeaux au patronat sans contre partie, l'ANI ou la sécurisation des licenciements et ses mutuelles pénibles, le ferroviaire et ses trois EPIC, Florange, Alstom. vendues, les signatures reniées sur la pénibilité, (personne ne crie à la sauvegarde du dialogue social), la suppression sur le service public FI de l'émission de D.Mermet. Et arrive le top du top à savoir faire sauter le verrou des seuils sociaux concernant l'expression syndicale dans les entreprises. Fini les 10, 50 salariés pour créer un CHSCT, des DP, des comités d'entreprises. J'attends les frondeurs et la CFDT sur ce sujet. Que vont-ils encore négocier sur notre dos. Le poids des chaînes certainement. Et pendant ce temps la France regarde le foot, ses marques sponsorisées et Sarkozy sur TF1 avec Elkabbach. Je transpire.
Après dix ans de salariat a la ville dont Aubry est maire, je puis vous assurer que Hollande à côté c'est du pipi de chat. Tout ce qui est voté en ce moment est déjà d'actualité dans sa bonne ville. Ayons un peu de mémoire : la contre partie des 35 heure était l'annualisation du temps de travail. En clair, 1500 heures effectuées a l'année, de 17h à 24h par exemple, le samedi ou le dimanche. Taillables et corvéables. Plus d'heures supplémentaires, plus d'indemnités pour le travail le dimanche, le travail de nuit, etc. Merci qui ? Merci Aubry.
@Matain
Comme mes camarades du PCF ont voté (bien peu en réalité) pour s'accrocher au PS aux municipales ou pour faire vivre le FdG dans des listes autonomes, je ne qualifie pas le Parti de traitre, mais exprime mon désaccord total avec ceux qui ont choisi de quitter le FdG momentanément. J'attends qu'ils reconnaissent que leur stratégie, semant la confusion, a porté préjudice au Front de Gauche et leur demande d'abord de clarifier leur choix pour le présent et futur, au lieu de les voir revenir nous faire la leçon pour rebooster le FdG.
Pour pouvoir travailler sur le territoire des Etats-Unis la BNP a accepté les règles. Elle est sanctionnée pour avoir triché. C'est un rêglement de comptes entre "bandits" capitalistes. Bien sûr que les motivations des Etats-Unis n'ont rien à voir avec la justice. Mais les intérêts de la BNP ne sont pas ceux du peuple français, ni même celui des salariés de la BNP. Le soutien de Jean-Luc Mélenchon à la banque française est pour le moins discutable.
@post156 Bop.pollet
Que penses-tu de la stratégie du PG de s'associer aux EEV qui sont étaient au pouvoir et qui ont voté le budget rectificatif ? Il faut arrêter de penser qu'il n'y a que le PC qui se trompe.
@phil
Bel exemple où il est manifeste que nous avons des souhaits d'échanges. Seulement nous ne sommes pas sur un forum (ce que je regrette fort tout en espérant une solution entre nous les commentateurs). Désolé de ne pouvoir donner suite ici !
Sympathisant lambda du Parti de Gauche, je n'attends rien du PC dont la culture et le mode de fonctionnement sont aux antipodes d'une stratégie d'union de la gauche, qui ne voit dans le FdG qu'un gadget jetable ou non selon tambouilles électorales. Je n'attends rien d'EELV, dont la doctrine économique et sociale me semble échapper à toute définition. Aujourd'hui j'attends du Parti de Gauche l'élabotation d'un programme de gouvernement qui lui soit propre ; je dis bien programme de gouvernement, pas déclaration de politique générale, c'est à dire liste des mesures concrètes à prendre immédiatement en cas d'accession au pouvoir. L'opinion publique, le peuple des abstentionnistes, doivent pouvoir mettre un contenu précis derrière l'étiquette de ce parti. Surtout prenons conscience que la probabilité d'une présidentielle anticipée ou de législatives anticipées se renforce chaque jour : la politique de nos dirigeants actuels et la déliquescence de certains partis politiques ne peuvent que déboucher sur une crise majeure de nature à précipiter de tels événements. La vraie gauche ne devra pas se montrer ensablée dans des négociations d'appareils au moment de proposer...