17oct 14

Interview parue dans Métro du 13 octobre 2014

« Hollande a fait pire que Sarkozy »

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Dans votre livre, L'Ere du peuple, vous êtes une nouvelle fois très dur avec François Hollande : vous le trouvez vraiment pire que Nicolas Sarkozy ?

C'est un fait objectif ! La situation est pire aujourd'hui : le nombre de pauvres et de chômeurs a augmenté et la remise en cause des acquis sociaux continue. Par exemple, Nicolas Sarkozy avait amené la retraite de 60 ans à 62 ans, François Hollande l'a portée à 66 ans ! Tous les seuils du supportable ont été franchis. Le plus grave de tous étant qu'il nous a volé les mots, dont le premier d'entre eux, qui nous définissait : la gauche. Maintenant, si quelqu'un se dit de gauche, les gens comprennent qu'il est avec Valls et Hollande et disent que la gauche et la droite, c'est pareil.

Vous qui connaissez bien Hollande et Valls, à quoi jouent-ils selon vous en remettant en cause un certain nombre de "tabous" de gauche ?

Leur idée, c'est que la société a glissé à droite donc ils s'adaptent, pensant tenir le discours qui plaît. Ils montrent en cela qu'ils n'ont pas de conviction politique. Mais ils se trompent sur toute la ligne. Sur le plan économique, la récession est dans toute l'Europe. Et leur surenchère à droite ne leur vaut pas un gramme de sympathie supplémentaire, pour une raison simple : les gens de droite votent à droite, et les gens de gauche sont dégoûtés.

Vous montrez dans ce livre une réelle prise de conscience écologique : d'où vient-elle ?

J'ai commencé à écrire sur ces questions dans les années 1990. Entre-temps, les choses se sont aggravées à une vitesse inouïe : le changement climatique a commencé, et menace d'abattre la civilisation humaine. Or les responsables politiques ne se comportent pas comme s'ils avaient compris cela. Le logiciel libéral ne fonctionne pas : il est anti-écologique par nature, en proposant qu'on produise n'importe quoi, n'importe comment. Quant aux socialistes, leur doctrine de base est rendue fausse puisqu'ils disent "nous allons partager les fruits de la croissance pour corriger les inégalités", ce qui suppose une croissance infinie et donc un monde infini. Dans ce livre, je pars des faits nouveaux pour montrer qu'ils nous obligent à changer notre façon de voir.

Maintenant que les écologistes ont quitté le gouvernement, peut-on imaginer un rapprochement avec votre écosocialisme ? Un Front de gauche à trois ?

Oui, on peut l'imaginer. Cela portera un autre nom, on trouvera le moyen de créer une nouvelle maison commune mais c'est ce qui va se faire, parce que l'avenir de la gauche est là. Et un mouvement comme le mien est plus proche d'EELV que du PS. Même si madame Duflot hésite : il y a des jours où elle se montre très intéressée par l'UDI et madame Lepage, et des jours où l'on sent bien qu'elle est plus proche de la culture de gauche. Là, elle a annoncé qu'elle ne voterait pas le budget : c'est prometteur. Et nous avons fait la preuve à Grenoble, lors des municipales, que cela peut être une alliance victorieuse. En revanche, il ne faut pas proposer aux Français une combinaison politique mais du concret, une rupture. On y travaille, doucement mais sûrement.

Où en est la mobilisation que vous avez lancée fin août sur Internet pour la VIe République, et quelle sera sa suite ?

Nous en sommes aujourd'hui à 45.000 signatures sur m6r.fr, j'ai fixé comme objectif 100.000. Cela démarre bien, le thème s'est déjà imposé dans le débat public. Quand nous aurons rassemblé la force suffisante, on pourra diffuser cette idée au point qu'elle l'emporte dans le pays. Pour cela, le mouvement va d'abord devoir s'auto-organiser, en se donnant une assemblée représentative. Ensuite, le débat commencera, par chapitres, pour savoir ce qu'on met dans cette VIe République. Car le sujet n'est pas seulement de mettre fin à la monarchie présidentielle absurde, mais aussi de mettre à l'ordre du jour les questions contemporaines : la règle verte, les droits individuels, comme l'avortement ou la fin de vie, ou encore les droits sociaux des salariés. Le but, c'est de faire de la VIe République le sujet de la campagne de 2017, pour que le plus de candidats possibles la proposent.

Vous dites dans votre livre que l'ère du peuple est arrivée. Mais n'est-ce pas surtout l'ère du peuple de droite et d'extrême droite, entre le FN et la Manif pour tous ? Où est le peuple de gauche ?

Pour l'instant en effet, l'énergie du volcan sort du mauvais coté. Mais il y a une ébullition de la société française. Dans tout le pays, il y a des luttes, sporadiques et peu médiatisées mais qui existent ! Vous dites qu'on ne voit pas le peuple de gauche : il est question d'une manifestation à la mi-novembre, pour la mi-mandat de François Hollande.

Vous-même avez pris de la distance avec le champ politique : comprenez-vous la déception de certains de vos électeurs ?

Ma place dans le dispositif change, parce que j'ai notamment besoin de me ressourcer dans les idées, d'où ce livre. Mais je ne lâche rien, ce qui n'est pas qu'un slogan pour moi. Et dans les luttes, je ne donne pas ma part aux chats ! Je n'abandonne personne.

Vous paraissez plus apaisé aujourd'hui : le Mélenchon nouveau est-il arrivé ?

A un moment donné, je pensais qu'il fallait incarner le bruit et la fureur de mon époque, parce qu'ils n'étaient pas entendus. Ce qui se tramait était très grave pour le peuple. Maintenant, cette étape-là est derrière nous, les gens sont d'accord pour dire que cela ne peut plus continuer comme ça. La question est donc : comment sortir de cette situation par le haut ? C'est de cette volonté que je veux me faire le porteur. J'ai plutôt envie de donner le goût du futur aux gens que d'être simplement l'écho de leur colère. D’ailleurs, le livre a failli s'intituler "Le goût du futur"… 

Propos recueillis par Thomas Vampouille



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