01déc 14

La semaine qui chauffe

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En janvier, le ministre ex-banquier Macron pourrait bien se prendre une bonne mufflée à l’Assemblée nationale. Je le souhaite ardemment. Car c’est le coup de Jarnac de trop que son projet de loi qui sera présenté la semaine prochaine en Conseil des ministres. Le travail du dimanche et de la nuit, ce sont, avec le travail des enfants, les fondamentaux de base de l’action de gauche depuis l’origine du mouvement socialiste. Emmanuel Maurel, le chef de la gauche du PS, a prévenu que le projet Macron ne trouverait pas de majorité. On verra bien. Mais ce sont des paroles réconfortantes. Elles viennent après la semaine où le PS du Parlement européen a disparu corps et bien de la bataille laïque. C’était à l’occasion de la présence du pape à la tribune du Parlement européen. Il est vrai que c’était à l’invitation d’un « socialiste » allemand, Martin Schulz, son président. En tous cas, avec le rapport soi-disant franco-allemand, mais surtout 100% PS, on sait qu’il n’y a aura pas de limite à la déchéance social-libérale de cette famille politique. Macron peut donc s’en sortir, Maurel être démenti. Ce serait un jour de deuil. Un de plus. Car la signature de Pierre Moscovici au bas du document de menaces de la Commission Européenne contre la France, que j’analyse dans ce post, est déjà une honte absolue. 

Je viens un instant sur ce qui vient de se passer à droite avec la tenue du congrès du FN et le vote de l’UMP pour élire son président. Je vois se mettre en place un tableau très dangereux. Mais où nous aurons notre chance tant le remuement va être important. Le reste de mes sujets est à la carte, comme d’habitude, en partant du pavé qui se trouve à la droite de l’écran. J’aimerais que ceux qui suivent la construction du Mouvement Sixième République aillent vers le chapitre paru dans ma note précédente sur ce thème. Un intérêt particulier s’attache à cette lecture. Car c’est au cours des prochains jours que sera installée, sur le site M6R.FR, la machine à débattre présentée dans ce chapitre. Cette semaine, j’ai pu annoncer l’arrivée d’un groupe d’animateurs de ce qu’il est convenu d’appeler la gauche d’EELV au mouvement sixième République après celle d’un secteur du mouvement communiste. D’autres annonces vont suivre, bien sûr. Et comme nous avons atteint et dépassé le chiffre de 70 000 signatures je crois que nous tenons le bon bout pour atteindre les cent mille signatures visées. Le mouvement va donc prendre son envol et son auto-organisation dans les délais prévus. On attend le rapport de propositions pour franchir cette étape.

Cette semaine est marquée pour moi par la visite que je vais faire aux Assises de la mer organisée par le journal « le Marin ». L’an prochain, le 17 janvier, je tiendrai, avec mes amis et de nombreux invités un forum de la mer à Lorient. Pourra venir qui veut du moment qu’on se sera inscrit d’avance car le nombre de places n’est pas extensible. Ce sera aussi la semaine de l’émission « Des paroles et des actes » à laquelle je participerai avec Cécile Duflot et Benoit Hamon sur le thème « une autre politique est-elle possible ? ». Il est possible, selon la conduite qui sera faite de l’émission que ce soit un évènement pour la gauche si le jeu ne consiste pas à pousser à la bagarre ou à démolir toute alternative avec des graphiques surprises destinés à créer cette ambiance grand oral de l’ENA que l’émission affectionne parfois.

Une bonne nouvelle à savourer. La gauche garde la majorité en Uruguay. Après la victoire de Dilma Roussef au Brésil, c’est celle de Tabarré Vasquez en Uruguay avec comme vice-président le fils de Raoul Syndic le chef des guérilleros urbains des années 70 ! Alors, les sociaux-libéraux, comment vous faites pour tout perdre et eux pour gagner sans trêve ? La « gauche latino tonitruante » comme disait ce néant ambulant de Michel Sapin devrait organiser des stages pour dirigeants PS français.     

FN et UMP le paysage de la droite est mis en place

Dominante face à une gauche officielle gouvernementale en pleine supercherie, l’évolution de la droite donne la pente des évènements politiques en France. On voit une stabilité et une capacité d’offensive à l’extrême-droite qui est sans précédent. L’historiette charmante de la troisième génération chez les Le Pen aura été une contribution remarquable à la dédiabolisation de la marque familiale. Une fois de plus, le parti médiatique s’est surpassé en veulerie. Est-ce voulu ? Je ne le crois pas. C’est juste de la stupidité. C’est en effet une nouvelle crise aigüe de panurgisme, la maladie des moutons de Panurge. On sait que ces animaux se suivent les uns les autres sans réfléchir à ce qu’ils font, jusqu’à se jeter tous par-dessus bord. L’un a commencé et, du coup, il n’est plus question que de cela. Et du reste ? Plus rien. Le FN parti banal ? Mais non ! Pas du tout ! C’est un parti trèèèèèès intéressant ! La preuve par Marion.

Par contre, la marmite des mets épicés reste en pleine ébullition dans la droite officielle. Là encore, le parti médiatique fait fort. Le score de l’opposant à Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, permet aux commentateurs de faire comme si le résultat était un match nul. Erreur. Nicolas Sarkozy a gagné. Il va piloter la machine et son savoir-faire est intact. La preuve : il a gagné ! Et cela contre tous les médias et contre une large part de l’appareil des notables de l’UMP. Ne boudons pas notre plaisir dans ce contexte. Les médias nous garantissent le spectacle des « déchirements de l’UMP » comme un fil conducteur pour des mois. Il est vrai que cela servira le plan de madame Le Pen. Mais le nôtre aussi, il faut bien le reconnaître. 

En attendant, Sarkozy aura l’initiative ; le battu et ses soutiens sont cantonnés au rôle de tireurs dans le dos pour de long mois. C’est un rôle rarement populaire dans un camp politique très structuré par le culte des chefs. Mais le diagramme des forces reste clair. D’une façon ou d’une autre, la droite et le centre sont condamnés ou à se regrouper autour de Nicolas Sarkozy ou à partir divisés vers l’élection présidentielle. On connait la maison. Ils se diviseront, bien sûr. Avant cela, on peut compter sur ces gens pour tâcher de s’entredétruire à coups « d’affaires » et de coups tordus. Je serais étonné que Sarkozy soit le moins bon dans cet exercice. La ligne de pente est donc prise. On peut même dire que tout est en place pour le grand remplacement de la droite par l’extrême droite. Celle-ci a déjà imposé tous ses thèmes de ce côté de l’espace politique. Il lui reste à s’imposer comme direction. Elle dispose pour cela non seulement d’une équipe unie et cohérente, d’une stabilité reposant sur trois générations de chefs, mais surtout d’une volonté d’union des droites majoritaire à la base.

Dès lors, notre responsabilité est plus grande que jamais. Il faut rassembler les forces de la résistance à la pente dramatique prise par l’Histoire dans toute l’Europe. Les conditions pour y parvenir sont très strictes. C’est évidemment impossible autour du PS dont la politique au gouvernement est la première cause de la catastrophe qui s’avance en France. Quant aux frondeurs et autres opposants internes, le mur construit pour se protéger de moi d’une part et leur addiction au calendrier interne du PS les neutralisent jusqu’aux primaires du PS. Sauf incident de parcours. Je veux donc prendre ma part avec énergie au travail pour l’union de l’opposition de gauche au gouvernement. Mais là encore il faut être très clair si l’on veut être entendus tant le ras le bol et le « qu’ils s’en aillent tous » sont forts dans la profondeur du pays. D’abord il s’agit bien d’opposition de gauche et pas de guerre de guérilla pour obtenir des places distribuée par sa majesté solférinienne. Cette opposition doit se donner un objectif de réunir une majorité. Et pour cela, il lui faut une dynamique citoyenne pour changer la vie pour de bon, pas pour rectifier à la marge les plans d’austérité imposés par la Commission européenne. L’opposition de gauche doit donc s’obliger à fédérer le peuple à partir de ses aspirations au bien vivre écologique et social, et non à limiter la casse. L’opposition de gauche doit répondre à l’aspiration au bon gouvernement en mettant fin à la monarchie présidentielle. Bref, il ne suffit pas de se faire des sourires et bonnes manières. Il faut agir avec détermination et endurance ! Il n’est pas dit que nous y parviendrons. L’autre gauche sait aussi être un panier de crabes ou la démolition du plus proche et de toute tête qui dépasse, la suspicion permanente et l’esprit « bout de ficelle de cheval » restent des exercices très goûtés.

C’est l’action qui purgera l’atmosphère pesante actuelle. L’entente revenue au sommet entre PC et PG, après la condamnation sans ambiguïté vis-à-vis du PS affirmée par la Convention Nationale du PCF est un bon signe pour la suite. Mais, bien sûr, cela ne peut suffire à faire naître le printemps du peuple. C’est même très loin du compte. Nous n’avons aucun espoir si nous ne parvenons pas à rallumer le moteur de l’initiative populaire. Du « mouvement d’en bas » comme disait l’extrême gauche autrefois. De l’initiative citoyenne comme nous disons, nous, les partisans de la révolution citoyenne. Je plaide pour que les élections départementales soient un banc d’essai de la nouvelle formule de rassemblement citoyen à mettre en mouvement. Je plaide pour que nous prenions appui sur une initiative venant du terrain et je renouvelle mon appel pour que nos amis de Grenoble prennent l’initiative et même la conduite des opérations si cela est possible.      

Le Pape et les hypocrites.  

La venue du pape devant le Parlement européen, la piquante lettre que je lui ai adressé, ont donné lieu à la mise en scène habituelle. D’un côté une caricature de mon propos pour faire correspondre à l’image convenue du « bouffeur de curés » sans finesse, doublé de la nouvelle perversité médiatique : (« oui mais vous saviez bien que vous alliez provoquer ce genre de réaction »). Il est vrai que demander à des journalistes de savoir ce qu’est la « théologie de la libération » et la lutte contre elle des jésuite et de la papauté, s’intéresser aux 20 disparus français d’Argentine dont trois religieux et faire le bilan des hiérarques religieux dans cette circonstances, sans parler du reste, c’est beaucoup demander ! Quant à défendre la laïcité chez les importants dans cette circonstance : autant essayer de faire boire des ânes qui n’ont pas soif ! Au contraire, partout prévaut désormais l’habituelle papolâtrie nunuche qui est la règle depuis Jean-Paul II. Elle est désormais agrémentée de la fine remarque que « ce pape n’est pas comme les autres » au motif qu’il condamne le capitalisme et défend les pauvres ! Les éblouis d’aujourd’hui sont surtout des ignorants qui n’ont jamais lus ni encyclique ni discours papaux.  Car les deux papes précédents faisaient pourtant de même que ce pape-ci. « N’est-ce pas un pape de gauche ? » s’amusent les brutes médiatiques pour se distraire à nos dépends avec ces questions/affirmations qui sont devenues leur habitude. Comme si c’était le sujet du débat !

Un pape n’est ni de droite ni de gauche. Il incarne le dogme car c’est sa foi. Au demeurant, la laïcité n’est pas mise en cause par le caractère d’un homme, ni même par ses idées, mais par la pratique qu’il engage. Un chef religieux, quel que soit son culte, même s’il est personnellement de gauche, ne trouvera jamais grâce à nos yeux dans une institution politique. Autrefois, cette façon de voir était largement dominante à gauche. Et les minorités religieuses en France défendaient aussi cette règle avec ardeur. À présent, il faut bien admettre que la situation est considérablement dégradée. Côté PS l’effondrement est complet. Pas une voix au PS pour dire quoi que ce soit, ni à Paris ni à Strasbourg. Au contraire c’est le député PS belge Tarabella qui s’investit publiquement d’une mission de surveillance de mes activités contre les excès du « laïcisme ». Le « laïcisme » ! Cette expression est une signature. C’est le vocabulaire de l’extrême droite depuis toujours sur le sujet. On en est là.

Le pape a donc pu dire sans craindre d’être démenti qu’il s’adressait à nous députés « à partir de ma vocation de pasteur » pour adresser « à tous les citoyens européens un message d’espérance et d’encouragement ». Et même nous dire sans blêmir que « c’est l’oubli de Dieu, et non pas sa glorification, qui engendre la violence ». Tranquille ! Pour lui, au centre de « l’ambitieux projet politique européen, il y avait la confiance en l’homme, non pas tant comme citoyen, ni comme sujet économique, mais en l’homme comme personne dotée d’une dignité transcendante ». Naturellement, ces élans-là ne peuvent lui être reprochés. Il agit conformément à ce qu’il est : le chef d’une communauté religieuse. Le reproche va à ceux qui lui ont demandé de venir là faire un prêche. De même on ne saurait honnêtement condamner son discours du premier au dernier mot parce que c’est un chef religieux qui les prononce. C’est plutôt l’hypocrisie de ceux qui l’applaudissent qui doit être pointée et montrée du doigt.

En effet, voir la droite et l’extrême droite applaudir était parfois surréaliste. On sait quelles politiques économiques ces gens votent sans état d’âme. Alors comment qualifier les acclamations qu’ils ont faites au propos papal suivant : « Quelle dignité est possible, sans un cadre juridique clair, qui limite le domaine de la force et qui fasse prévaloir la loi sur la tyrannie du pouvoir ? Quelle dignité peut jamais avoir un homme ou une femme qui fait l’objet de toute sorte de discriminations ? Quelle dignité pourra jamais avoir une personne qui n’a pas de nourriture ou le minimum nécessaire pour vivre et, pire encore, qui n’a pas le travail qui l’oint de dignité ? Promouvoir la dignité de la personne signifie reconnaître qu’elle possède des droits inaliénables dont elle ne peut être privée au gré de certains, et encore moins au bénéfice d’intérêts économiques ». C’est quasi du Robespierre dans le texte. Et quand, après avoir refusé de distribuer gratuitement les excédents alimentaires de l’Europe droite et extrême-droite applaudissent le pape qui leur dit : « On ne peut tolérer que des millions de personnes dans le monde meurent de faim, tandis que des tonnes de denrées alimentaires sont jetées chaque jour de nos tables ». Et comment qualifier l’hypocrisie de cette droite et extrême droite applaudissant ces mots « De même, il est nécessaire d’affronter ensemble la question migratoire. On ne peut tolérer que la Mer Méditerranéenne devienne un grand cimetière ! » Tout ceci était donc bien dans ce Parlement, et à cause de ceux qui y siègent, une comédie insoutenable.

J’ajoute que les applaudissements de la gauche officielle ne valaient pas mieux. Les mêmes qui ont supporté sans broncher une apologie de « la famille unie, féconde et indissoluble » qui, dans le contexte, sentait fort la condamnation du mariage pour tous. Ils sont aussi restés muets quand la contraception, l’avortement et le droit de mourir dans la dignité ont été condamnés. Comme en attestent ces phrases bien applaudies dans l’hémicycle « lorsque la vie n’est pas utile au fonctionnement de ce mécanisme elle est éliminée sans trop de scrupule, comme dans le cas des malades, des malades en phase terminale, des personnes âgées abandonnées et sans soin, ou des enfants tués avant de naître ». Par conséquent si le pape était dans son rôle et son discours utile au croyant et amical pour les autres, le plus choquant restera l’hypocrisie de ceux qui l’ont invité écouté et applaudi en sachant que les propos tenus ne les engageraient à rien d’autres qu’à se déjuger eux-mêmes chacun sous le point de vue central de leur doctrine.

Ça va saigner ! Pierre Moscovici menace la France

Au nom de la Commission européenne. Cet homme est dorénavant le proconsul de la Commission européenne pour la France. En effet, la Commission a rendu son avis sur le budget français. C’est simple : nos députés peuvent voter ce qu’ils veulent, dans trois mois Bruxelles se donnera la possibilité de rectifier leur vote. En attendant, la Commission poursuit le chantage entamé depuis maintenant des mois : plus d’austérité et plus de « réformes structurelles » pour éviter une sanction. L’exécuteur des basses œuvres de la Commission contre la France est Pierre Moscovici en personne. L’avoir traité de traitre avait été considéré comme excessif, on s’en souvient. Et pourtant telle est la situation. L’avis de la Commission est signé de la main de l’ancien directeur de campagne et ancien ministre des Finances de François Hollande. Le caractère ubuesque d’une décision négociée entre bureaucrates non élus pour l’imposer à un gouvernement issu du suffrage universel par celui-là même qui est responsable de ce qu’il dénonce résume à lui seul le caractère farcesque de notre « chère Europe qui nous protège » !

Pierre Moscovici estime donc que « le projet de budget présente un risque de non-conformité » avec les règles européennes. Il demande au gouvernement français de « prendre, dans le cadre de la procédure budgétaire nationale, les mesures nécessaires pour garantir la conformité du budget 2015 avec le pacte de stabilité et de croissance ». Concrètement, cela veut dire que la Commission exige plus d’austérité que les 21 milliards d’euros de coupes budgétaires déjà prévues par Valls et votées à l’Assemblée nationale pour l’an prochain.

Ce n’est pas tout. La Commission appelle à « accélérer la mise en œuvre » des réformes structurelles qu’elle a demandées au printemps 2014 : baisse du coût du travail, précarisation des salariés, nouvelle étape d’ouverture à la concurrence des services publics de l’énergie et des transports etc.

Mais la Commission renvoie sa décision finale sur d’éventuelles sanctions à dans trois mois. Elle écrit qu’elle « réexaminera au début du mois de mars 2015, à la lumière de la version définitive de la loi de finances [pour 2015] et du programme détaillé des réformes structurelles annoncé par les autorités, sa position sur les obligations qui incombent à la France ». Il s’agit donc en fait d’une liberté sous surveillance assortie d’un sursis de trois mois.

Car il ne faut pas croire que ce délai de trois mois soit un cadeau ou un répit. Au contraire. C’est un cran de plus dans la laisse autour du cou de notre pays. La preuve : les commissaires européens ont le privilège de connaître le contenu d’une lettre de Manuel Valls à propos des mesures qu’il compte prendre pour obéir aux ordres de la Commission. Mais cette lettre est secrète. Nous voilà revenus à la diplomatie des cabinets noirs de l’ancien régime ! Les Français ont-ils le droit de savoir ? Non, bien sûr. Mais un traité comme TAFTA est bien négocié en secret ! Alors ! D’ici mars, la Commission européenne va donc se livrer à un odieux chantage permanent. Comme Valls et Hollande ne veulent pas résister, ils céderont. Soit en augmentant la cure d’austérité déjà insupportable. Soit en dégainant de nouvelles attaques contre les droits sociaux et les services publics en guise de « réformes structurelles ». Et sans doute même sur les deux tableaux. Ça va saigner.

Arnaque sublime: le plan de relance de Junker

Monsieur Junker, l’homme de la « dernière chance de l’Europe », a « mis sur la table » plus de trois cent milliards d’euros. En fait il s’agit d’une grosse arnaque à têtes multiples. Arnaque : sur 315 milliards annoncés, il n’y en a que 5 avancés réellement qui soient nouveaux. Et encore. Ils viennent de la Banque Européenne d’Investissement qui, de toutes façons, les aurait sortis de ses caisses si son travail était fait, c’est-à-dire si elle trouvait de l’appétit d’investissement dans l’économie réelle. Et le reste ? D’où vient le reste de la somme annoncée ? D’abord d’un regroupement de 21 milliards de fonds européens déjà programmés. Et c’est tout. Le reste, ce sera une garantie donnée pour des investissements publics ou privés acquis par l’emprunt auprès des banques privées. Elaguez les bavardages : l’Europe se porte caution pour 315 milliards d’investissements privés ! Autrement dit : elle assume le risque de ces investissements. C’est le nouveau capitalisme à la sauce européenne ! Junker a en effet débarrassé le capitalisme de son principal inconvénient pour les actionnaires des banques : le risque ! La prise en charge du risque social que couvrent les régimes d’indemnisation du chômage, ou celle du risque santé que couvrent les régimes sociaux sont toujours trop « généreux ». Mais la prise en charge du risque capitaliste est toujours insuffisante. Ici enfin, à hauteur de 315 milliards, ce risque est tout simplement annulé. Il est totalement pris en charge par la collectivité.

Ce n’est pas la seule très bonne manière faites aux banques dans cette opération. Les prêts qu’elles feront, sur garantie de l’Union européenne, elles pourront aussi en faire un usage magique : les titriser. C’est-à-dire les répartir en petits morceaux dans des bons et titres qu’elles proposeront à leurs clients comme placement. Donc si un de ces magnifiques agrégats venait à s’effondrer, la partie titrisée serait à charge de la collectivité ! Youpi. Quelle fête pour les banques que ce Junker ! J’hésite à déprimer mon lecteur en lui annonçant encore une nouvelle de ce genre. Mais il le faut. Junker a encore trouvé une utilisation supplémentaire pour son « plan de relance ». C’est d’exiger « en échange » (de quoi ?) une réduction de la « bureaucratie ». C’est-à-dire de faire sauter les réglementations qui encadrent l’investissement dans les secteurs de l’énergie et des transports ! Génial ce Junker. Mais, mes amis ce n’est pas encore fini. Voici encore un délice de plus. Si les États mettent au pot de ce fonds d’investissement, la somme qui y viendra ne sera pas comptée dans les déficits publics. Pour savourer cette idée, souvenons-nous que les investissements nationaux, eux, sont comptés dans les déficits ! Je vous mets au défi de trouver l’analyse que je viens de vous présenter dans la presse officielle. Les hérauts habituels des vertus du capitalisme se sont cachés où ? 

Rapport franco-allemand 100% PS

C’était la fête chez les ennemis du peuple à la lecture jouissive du « rapport franco-allemand » pour détruire les acquis sociaux, « privilèges » des salariés. L’enfumage ne doit pas vous laisser aller à croire que ce soit là une étude scientifique. Juste un manifeste de plus de l’adhésion des militants du PS au dogme libéral. En effet, les auteurs du rapport ne sont pas de simples « économistes ». Jean Pisani-Ferri et Henrik Enderlein sont d’abord des militants politiques très liés aux sociaux-démocrates. Henrik Enderlein est même membre du SPD allemand qui gouverne actuellement avec Angela Merkel. Jean Pisani-Ferry a travaillé pour Dominique Strauss-Kahn. Et il occupe actuellement le poste de commissaire général à la prospective auprès du gouvernement Valls. Il y a été nommé par François Hollande en mai 2013. Les deux économistes ont une longue carrière dans les institutions libérales. Jean Pisani-Ferry a travaillé pour le FMI et la Commission européenne. Son collègue allemand représentait la Banque centrale européenne dans la Convention Giscard qui a rédigé le projet de Constitution européenne. Le Français a aussi fait un passage chez Goldmann Sachs et la banque Rothschild, comme le ministre Emmanuel Macron. L’Allemand a été le conseiller de l’actuel ministre de l’Economie d’Angela Merkel, le social-démocrate Sigmar Gabriel. Autrement dit, ces « économistes » travaillent sur commande pour les dirigeants sociaux-libéraux européens. Ils sont seulement là pour lâcher des ballons d’essai et préparer les esprits aux prochains mauvais coups.

Ils prennent leur tâche très au sérieux. Leur rapport est un appel à la violence sociale. Jean Pisani-Ferry a ainsi appelé le gouvernement français à « passer un cap » dans les réformes favorables au patronat. Pour lui, malgré tout ce qui a déjà été donné par Hollande au MEDEF, on est seulement à « la mi-chemin » ! La rengaine est toujours la même. Le premier axe des « économistes » est l’assouplissement du marché du travail. Comprenez : la baisse des droits des salariés. Comment ? La proposition est de faire reculer l’emprise de la loi au profit de « plus d’autonomie à la négociation de branche et d’entreprise ». Le but est de permettre des « accords de compétitivité offensifs ». Les « accords de compétitivité » sont ces dispositifs par lesquels un employeur peut obtenir des salariés qu’ils renoncent à certains droits, y compris une partie de leur salaire, en échange de promesses creuses. Ce type d’accord a été généralisé par François Hollande à travers la loi « made in Medef » voté au printemps 2013 suite à l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet. Mais jusqu’ici, seuls des accords « défensifs » sont autorisés. C’est-à-dire que l’entreprise doit avoir des problèmes de compétitivité pour pouvoir en profiter. Et ces accords ne s’appliquent que pendant deux ans. C’est déjà inadmissible. Mais ce n’est jamais assez pour le MEDEF. La proposition Pisani-Ferry/Enderlein veut donc rendre ce type d’accord plus facile et plus durable.

C’est-à-dire ouvrir la voie à un chantage patronal encore plus grand. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport. Le but est d’« élargir le champ des dérogations possibles aux dispositions légales dans les conventions collectives de branche, y compris lorsque ces accords comportent des dispositions qui ne sont pas bénéfiques pour les employés ». Le ministre français de l’économie, Emmanuel Macron, a dit son accord pour aller dans ce sens. Il s’est dit « à l’aise avec ce programme », parlant « d’agenda de convergence » et même de « programme commun ». Macron a répété ce qu’il a dit il y a quelques jours à l’Assemblée à propos des 35 heures : leur démantèlement continuera mais en cachette. Il propose de « dédramatiser » ces reculs sociaux, en « déconcentrant » le débat « dans les branches professionnelles et les entreprises » pour « faire un pas vers la culture allemande ». Il reprend ainsi un point central du programme du MEDEF, l’hypocrisie en plus !

L’autre offensive frappe les salaires. Pour préparer les esprits, la presse allemande avait fait fuiter l’idée d’un gel des salaires pendant trois ans en France. Il lui reste à apprendre que le gouvernement français n’a pas le pouvoir de geler les salaires dans les entreprises privées, et que le salaire des fonctionnaires est déjà gelé depuis 2010 ! Mais c’est bien l’esprit du rapport. Il propose ni plus ni moins de supprimer les négociations annuelles obligatoires sur les salaires ! Et de les remplacer par des négociations triennales, c’est-à-dire une fois tous les trois ans seulement.

L’autre proposition pour geler ou contenir les salaires concerne le SMIC. Le rapport propose de revoir le mode de calcul du salaire minimum pour freiner encore sa hausse déjà quasi-nulle. Il s’agirait de ne plus prendre en compte dans le calcul du SMIC la hausse moyenne du salaire ouvrier mais de remplacer ce critère par une prise en compte de l’évolution de la productivité. En gros, le SMIC augmenterait moins vite que les autres salaires. Un gel déguisé en somme. Le ministre Macron a précisé qu’il n’était « pas prévu » de modifier le mode de calcul. Et pour cause, il n’en a pas besoin pour geler le SMIC ! Son collègue François Rebsamen a déjà annoncé il y a quelques jours qu’il n’y aurait pas de coup de pouce sur le SMIC au 1er janvier prochain. Et comme les statistiques disent que les prix n’augmentent pas, il y a fort à parier que le SMIC sera gelé au 1er janvier, sans même avoir besoin de changer son mode de calcul.

Le troisième étage de la fusée est d’une banalité aussi affligeante que les deux premiers. Que proposent ces « économistes » ? De l’austérité ! Bien sûr, ils versent des larmes de crocodiles sur l’absence d’investissement. Dans un éclair de lucidité, ils estiment que le plan européen d’investissement bidon de Juncker est « insuffisant ». Mais c’est pour mieux appeler à encore plus d’austérité en France ! Dans leur rapport, ils proposent de réduire la dépense publique à 50% du PIB contre 55%. Cela revient à couper 100 milliards d’euros dans les services publics, les prestations sociales ou dans l’investissement de l’État ou des collectivités locales ! Valls a déjà prévu d’en faire la moitié d’ici 2017. Macron a laissé entendre que les 50 autres milliards d’euros seraient à trouver entre 2017 et 2022, c’est-à-dire dans le mandat du successeur de François Hollande. L’austérité à perpétuité pour le peuple, voilà le programme de ces gens-là !


157 commentaires à “La semaine qui chauffe”
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  1. Gilles dit :

    Cher Jean-Luc,
    Je suis d'accord avec toi sur le fait que l'Eglise mène dans le monde une politique qui viole souvent nos convictions (et ses propres aspirations). Mais la manière dont tu critiques le cléricalisme et dont tu portes de facto notre parole publique me semble maladroite. En effet, nombre de chrétiens comme moi militent dans des associations au quotidien et depuis l'âge de 20 ans. Ce n'est pas à nous que des hiérarques (religieux, économiques ou politiques) vont raconter des sornettes. Rappeler les crimes de l'Eglise est une chose. Brutaliser excessivement les sentiments religieux chrétiens en est une autre. D'autant que les sentiments chrétiens sont en bonne partie à la base de notre conception de l'homme et de nos aspirations révolutionnaires (ou alors on a rien compris à la Passion). Bref, en coupant la Gauche révolutionnaire de ses racines chrétiennes (elle a aussi des racines non-chrétiennes, mais quand même), on se tire une balle dans le pied. Rien ne viendra du fond du pays sans une réforme de ton langage vis-à-vis du christianisme. Les chrétiens sont en pointe radicale depuis toujours sur le social et sur l'accueil des immigrés.

  2. lefevre dit :

    Les journalistes n'ont aucune éducation, ils coupent la parole sans arrêt, à un tel point que cela devient inaudible. Si le journalisme veut devenir un pouvoir qu'il commence par écouter au lieu d'imposer un point de vue. C'est rédhibitoire chez eux. Une tare qui se développe de plus en plus ! Beaucoup pense avoir la science infuse, méfiez-vous de certains journalistes complètement abrutis, investis d'un pouvoir néfaste pour désinformer. La vigilance est de rigueur.

  3. lefevre dit :

    Je suis une béotienne de la moindre espèce mais quand j'ai entendu cette députée européenne allemande du CDU, face au trio JL Mélenchon, C. Duflot et B Hamon lors de l'émission "des paroles et des actes" dire que la France doit se plier au dictat de cette Europe pourrie avec un ton si autoritaire (qu'on ne supporte pas en France), j'avoue que la moutarde monte au nez ! la réaction de Mr Mélenchon est celle d'un homme digne qui lui a rétorqué "nous n'avons pas de leçon à recevoir de vous" ! Nous sommes bien dans des rapports de force. Cette Europe est malade, malade de toutes les contagions, Bruxelles et ses technocrates, Bruxelles et son capitalisme, Brussel qui n'a que son "Manu Ken pisse" pour nous pisser dessus !

  4. Adrien dit :

    Bien M. Mélenchon d'avoir la franchise et la manière de recadrer cette caste allemande qui se croit investie de la pensée unique. Il faut que ces dirigeants allemands se préparent et s'habituent à vous avoir en face quand l'heure sera venue (très vite j'espère). Vous leur démontrerez que la France et nous Français avons toujours notre conception philosophique d'un monde meilleur et en perpétuel progrès pour un mieux être de l'humain. Avec nous, fini les "entourloupes" nous avons un discours clair, direct, et transparent, ce qui les positionne dans un état de peur d'où ces attaques péremptoires à notre et votre égard.

  5. Tout le monde aura compris que l'austérité est un outil utile pour transférer les missions du service public vers les acteurs du privé. Ne dépensons pas via nos impôts, le secteur privé s'en chargera. Qui est pauvre pourra alors voir ce qui se passe ailleurs.

    @151- Gilles
    La question du christianisme n'a pas à ce poser comme une évidence qui serait plus grande que les autres. La laïcité garantit un traitement égal dans nos institutions, qu'elle que soit nos convictions religieuses ou autre. Il n'y a donc pas à raisonner selon ce critère pour décider de ce qui est bon pour la collectivité. Le bien commun n'a pas de convictions. L'humanisme ne me semble pas particulièrement issu de la religion et je pense même que c'est le contraire. Des hommes de bonne volonté ont existé de tout temps, qu'il aient cru pouvoir l'exprimer pas une forme religieuse est un fait, la République reconnait le droit de cette expression dans les lieux de culte. La séparation de(s) églises (et confessions) de l'état (et des affaires publiques) implique des pratiques qui permettent à tous de se retrouver dans la construction d'un avenir commun.

  6. verzeni dit :

    Bonsoir,
    Je réagis par rapport à l'Europe du capital et non de la fraternité que j'ai eu la naïveté de croire quand j'étais jeune, bref il faut militer au niveau européen pour une Europe fait par le peuple puisque force est de constater que ceux qui ont les richesse ne partage pas de moins en moins. Il faudrait, comme le propose le Front de gauche, en France, la possibilité de faire une Europe citoyenne. Et l'écologie ne devrait-elle pas être le dénominateur commun de la future façon de vivre avec le partage des richesse au niveau mondial. Comment vont vivre nos enfants, que leur laisse t-on ? La consommation est au service du capital et non de l'homme. Où est le bon sens ? Beaucoup d'autres choses à dire...

  7. verzeni dit :

    Encore l'Europe, l'austérité pour quoi faire, quels résultats ? Cela n'ira pas mieux après, en tous cas pour la majorité des peuples seule une minorité en obtiendra les avantages. Il faudrait revoir les notions de richesses. La France seule peut-elle être précurseur d'une nouvelle société basée sur autre chose que le capital ? Ne devons nous pas se grouper entre certains pays et peut-être pas ceux de l'Europe ? En tous cas peut-être pas tous. Par exemple pourquoi pas la Russie.


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