22déc 14
Je veux que mes premiers mots soient pour saluer le peuple tunisien qui a procédé à l’élection du nouveau président de la République, élu librement et contradictoirement pour la première fois depuis si longtemps !
A Strasbourg, pour la dernière session parlementaire de l’année, on a vu passer le budget rectificatif de l’Union. J’ai dû faire un effort pour me souvenir combien de fois il y aura eu des rectifications cette année : six. En 2013 il y en avait eu neuf ! Vous lisez bien. Ces gens ont changé neuf fois puis six fois les comptes annuels. Imaginez la même chose à la mairie de votre commune ! Les donneurs de leçon sur l’art et la manière de faire une « bonne gouvernance » en France gèrent leur boutique comme un bastringue au bord de l’eau. Ne croyez pas que la maison soit seulement imprévoyante. Elle incarne le pire de ce qu’elle reproche aux budgets nationaux ! Je vais vous raconter ça.
Au passage on reparlera d’Ingeborg Grässle, la députée europeenne CDU dont « Libération » a publié un portrait tendre où mon nom est convoqué dans le rôle du répulsif habituel. A l’inverse, pendant ce temps, en Allemagne, « Die Welt » s’est intéressé à mon long article paru dans la revue de l’IRIS sous le titre « La France, une puissance maritime qui s’ignore ». Impensable en France ou la presse sérieuse a d’autres chats à fouetter dans son potage nombriliste.
« Libération », dégorgeant de malveillance, avait titré « Mélenchon accuse Zemmour de vouloir déporter les musulmans » pensant m’imputer une nouvelle polémique sans objet. On s’amusera ensemble de la déconfiture des lanceurs de boules puantes de l’auguste future pizzeria. Je reviens en effet sur ce moment du combat contre les thèses de Zemour. Il a pris une tournure très spéciale avec le licenciement de I-télé du polémiste d’extrême-droite. Il me semble que cela vaut la peine d’y réfléchir un peu au-delà des coups de sang et des coups de gueule qui agitent la caste médiatique en ce moment.
Le hasard faisant son chemin malicieux, c’est aussi la semaine où Daniel Schneiderman dans « Arrêt sur images » accuse des journalistes de « Libération » et de « l'Express », après de « minutieuses vérifications », d’être corrompus par une puissance étrangère ! Rien de moins. Il s’étonne du silence de ses confrères. Encore de l’anti journalisme primaire ! Comme ça tombe en même temps que la publication de mon interview dans « Closer » et que des aboiements tartufesques accompagnent le passage du facteur qui livre ce journal, ce post d’avant festivités comportera un chapitre bien feuillu sur le thème des médias. J’en résume l’esprit : le parti médiatique s’est superbement tiré une série de balles dans le pied cette semaine. Le modeste rédacteur que vous lisez à cet instant se flatte d’avoir eu sa part à cette édifiante cagade.
Mais dans ce qui suit, il y a aussi un chapitre destiné à donner de l’optimisme à mes lecteurs engagés dans le combat politique que nous partageons. Cela concerne le travail qui s’active à la base et au sommet pour faire naître un nouveau rassemblement à gauche en alternative au PS. J’en ai traité ici à de nombreuses reprises. A présent, les projets se concrétisent. C’est à la base que tout se discute et avance le plus à cette heure. J’en parle avec les précautions et les encouragements qu’il faut y mettre pour aider à ce que tout s’accomplisse et se dénoue pour le mieux.
NOTA : Comme ce post est long je rappelle qu’on peut choisir l’ordre de sa lecture en cliquant sur le titre du paragraphe annoncé sur le pavé à droite de l’écran.
Le budget européen est une pétaudière.
Il va à vau l’eau. Il s’élève à 145 milliards. En apparence. Car on reporte d’une année sur l’autre les factures qui n’ont pas été honorées dans l’année en cours. Et qui ne le seront pas dans la suivante. Dans les États membres, ça s’appellerait un déficit. Ici, on ne doit pas prononcer le mot de la chose dont madame Merkel et Ingeborg Grässle pensent qu’il ne se dit qu’en français. Donc, en Europe, ça s’appelle des « impayés ». Ne nous coupons pas les cheveux entre nous et allons au fait : accumulés depuis 2010, ces « impayés » devraient atteindre 30 milliards d'euros fin 2014. Cela représente plus de 20 % du budget annuel de l'Union ! Dont près de 25 milliards « d'impayés » au titre des fonds structurels. Concrètement cela se passe de la façon suivante : l'Europe s'engage à financer des programmes ou annonce des subventions mais ne verse pas les crédits correspondants dans les temps. Ça c’est grave. Car ces milliards engagés sont dus en particulier à des collectivités locales ou à des ONG. Pour réaliser le projet approuvé, celles-ci doivent donc emprunter et donner en gage la promesse de subvention. Ce qui revient à dire que les banques prennent un impôt privé sur toutes les sommes que l’Union européenne verse aux collectivités et aux associations. Ce n’est pas beau l’économie de marché ?
Tout cela, c’est le résultat d’une méthode de travail. En effet pour grossir les effets d’affichages financiers, la Commission et les États ont pris l'habitude de voter ce qui est appelé des « budgets d'engagements ». Cela ouvre le droit de passer des commandes ou de décider des subventions. Mais ces « budgets d’engagements » sont beaucoup plus élevés que les « budgets de paiements ». Ceux-là, ce sont les crédits effectivement disponibles pour payer. Entre 2007 et 2013, l'UE s'est ainsi engagée sur 976 milliards de dépenses. Mais elle n'a budgété que 925 milliards de crédits ! Alors même qu'elle n'a pas le droit d'emprunter, l'Europe a ainsi créé ce que partout ailleurs on appellerait un « déficit ». Mais comme c’est interdit par les Traités, on les appelle des « impayés ». On aurait pu les baptiser « carpes » ou « lapins » ou « coupeurs de cheveux » ce serait pareil. Mais c’est quand même un déficit.
Comment ces braves gens expliquent-ils ce monstrueux accroc à leur prétendu sérieux ? Ils disent : « C’est de l’argent qui nous est dû par les États et qu’ils ne nous ont pas payé ». Ah ! Que voilà une bonne excuse pour cette pagaille comptable. Les Français devraient en faire autant, sans se couper les cheveux entre eux, comme dirait cette brave Ingeborg ! On retirerait du déficit budgétaire 85 milliards. Et on pleurerait : « c’est un impayé, juste un impayé. De l’argent que les contribuables nous doivent mais qu’ils ne nous ont pas payé. C’est de la fraude fiscale. D’ailleurs ils ont caché cet argent chez vous monsieur Junker ! » Ça serait classe, non ?
Puisque j’en suis à badiner voyons de plus près la gestion de ces donneurs de leçon. Pourquoi les États ne payent-ils pas ? Simple ! Parce que chaque année ils ne savent pas combien ils doivent. Comment est-ce possible ? Simple. Chaque année l’Union contrôle les États pour savoir combien ils devront payer compte tenu des nombreux critères d’évaluation de cette somme pour ne pas en perdre une miette ! Mais ce contrôle dure un bon moment. A vrai dire, il dure tant et plus. Car la bureaucratie européenne, qui couvre de sarcasmes les « lourdeurs » des États-nations est, elle, un modèle de poids mort tortueux et inefficace. Donc, quand arrive la facture de l’Union dans les États et avant qu’ils aient réglé, les impayés ont eu le temps de s’accumuler faute d’argent disponibles pour payer au fur et à mesure. Et ensuite, les États contestent le montant. Et ainsi de suite. Certains États ont ainsi accumulé de très importants retards de versements. Comme ces retards sont liés aux contrôles de la Commission, les États refusent de les payer en bloc. La Commission a donc proposé un mécanisme « provisoire ». Il s’agit de permettre… le report de ces versements révisés. La pagaille est alors à son comble !
Vous avez suivi jusque-là ? Voici maintenant le plus drôle. Vous avez compris que l’Union est en déficit car elle a des milliards d’impayés. Comme c’est triste ! Mais heureusement, il y a une bonne nouvelle ! Attention les yeux ! Hop : à la fin de l’année l’Union a.. des excédents budgétaires. Oui ! Vous avez bien lu. Des excédents en fin d’année alors qu’il reste des milliards d’impayés ! Ce fut le cas fin 2013 : un milliard d'excédent ! Et le Parlement a voté le report de cette somme en 2014, en même temps que la masse des impayés. Comment ces excédents sont-ils possibles alors qu’il y a des impayés ? Voici comment ce miracle est produit. C’est ici l’enfant du contrôle tatillon de l'usage des fonds publics. De l’obsession de mesurer l'utilité des dépenses. Toutes ces vertus que « Libération » attribue à madame Ingeborg Grässle, en oubliant d’évoquer dans la biographie de ce monstre de rigueur son activité dévouée pour s’opposer aux contrôles qui « pénalisent » les fonds privés et bancaires. Il est vrai que cette dame est « quelqu’un d’extraordinairement compétent qui n’a pas de famille, qui a donné toute sa vie à son travail au Parlement européen » comme éclate en sanglots « Libération » qui note aussi comment elle « baisse les yeux » douloureusement quand on lui parle de moi. Le résultat de ce dévouement est aussi grandiose que le sacrifice. Voyez plutôt.
Les procédures imposées aux bénéficiaires se sont alourdies et allongées jusqu’à l’absurde. Derrière les justifications de "contrôle", c'est en fait une technique bureaucratique abusive pour freiner la dépense. Partant du constat que puisque tout ne pourra pas être payé, tout est fait pour rendre la dépense elle-même impossible. Tout cela a été codifié dans les nouveaux règlements des fonds européens. Cauchemar des collectivités et des ONG, ces règlements kafkaïens font la joie des lobbyistes et des cabinets de conseil qui apprennent à qui veut, moyennant finance, comment les surmonter. Telle est la situation. La Commission européenne et ses suppôts ont tellement complexifié les procédures de dépenses qu'elle n'arrive plus à dépenser tous les crédits, même quand elle le voudrait. Au total, les « impayés » se trouvent aggravés par l'artifice bureaucratique qui était censé les contenir. Grandiose !
Cette cavalerie n’est pas prête à s’arrêter. En effet le « Cadre financier 2014-2020 », le budget global pluriannuel, prévoit 960 milliards de dépenses. Mais il n'autorise que 908 milliards de crédits. Le trou, délibérément créé, sera donc à nouveau de 52 milliards. Mais chut ! On ne parlera pas de déficit. Trop fort ! Concrètement, la dette des « impayés » de l'UE s'envole donc au fil des années : 11 milliards d’euros de factures impayées à la fin de l’année 2011, 16 en 2012, 23 fin 2013 et autour de 30 milliards fin 2014. En ce moment, la communication de l'UE se déchaine pour annoncer que « l’apurement de cette dette va commencer » ! Du pur pipeau. Quatre milliards ont péniblement été dégagés en 2014 pour réduire ces impayés. C'est une goutte d'eau par rapport aux 30 milliards accumulés et aux nouveaux impayés créés par la poursuite de cette mauvaise gestion à l’allemande de l’Union européenne. Un des « budgets rectificatifs » votés permet d’inscrire de nouvelles recettes exceptionnelles. On se pince : il s’agit d’amendes perçues par l’UE. Aaaaah ! Mais hélas, cette ressource est bien loin d’abonder le budget pour réduire les « impayés ». En effet, dans le même temps est inscrite une baisse des contributions normalement dues par les États. En toute hypothèse, cette nouvelle manipulation austéritaire est aberrante car le montant des amendes est par définition instable.
Dans ce bazar entretenu par le Conseil et la Commission, le Parlement et toutes les Ingeborg Grässle font de la figuration. Ils ne cessent de voter des « plans d'apurement » qui ne sont jamais respectés. Mais cela n’empêche pas ce même Parlement de voter régulièrement le contraire de ce qu'il avait proclamé auparavant. C’est désormais rituel, lors de chaque examen du budget européen : le Parlement exprime son refus catégorique lors de la première lecture en octobre, avant de voter un budget quasiment identique en seconde lecture en décembre. Ainsi en a-t-il été de nouveau à propos du budget 2015. Après l’avoir qualifié de « catastrophique » en octobre, les mêmes rapporteurs ont proposé de l’adopter sans modification. Le montant final reste inférieur à la proposition de départ de la Commission, lequel était lui-même considéré comme largement insuffisant. Qu’à cela ne tienne ! Ils voteront favorablement quand bien même toutes les critiques initiales du Parlement restent maintenues. A partir de là vivent les paroles verbales. Le rapport continue bravement de déplorer l’absence de mesures traduisant les priorités affichées en matière d’emploi et de croissance. Il note même que « le Conseil ne semble plus avoir de priorités politiques et ne cherche plus qu'à limiter le plus possible les dépenses dans tous les domaines ». Il pointe aussi que le budget ajusté « ne suffira pas à arrêter l'effet "boule de neige" récurrent des factures impayées en 2015 ». Et il proteste sur le non-respect récurrent des engagements précédents du Conseil. Mais après cette très rude mise en cause que se passe-t-il ? Rien. La majorité PS-Droite vote pour, les yeux fermés. « L’Europe qui nous protège » est en marche.
Eric Zemmour lâché par les siens
Le licenciement d’Éric Zemmour de i>Télé me pose problème. Peut-être surtout parce qu’il a lieu à i>Télé. Car sur cette chaîne de télévision, il était opposé à Nicolas Domenach. Il ne soliloquait donc pas comme à RTL. Et Nicolas Domenach ne lui laissait jamais rien passer. C’était donc au sens strict un débat, c’est-à-dire qu’il opposait des points de vue radicalement contraires. Ce débat était donc l’occasion de déconstruire les « arguments » de Zemmour. On peut regretter que progressivement il ait imposé ses thèmes et contraint Domenach à un éternel recommencement. Jusqu’au point de donner au face à face un air de disque rayé. Mais du moins entendait-on de quoi penser et s’interroger. Bien sûr, la chaine i>Télé étant une entreprise privée, elle embauche et licencie qui elle veut, comme n’importe quelle entreprise privée. Je ne voudrai pas cependant, compte tenu de la part que j’ai pu jouer dans la situation avec la publication sur ce blog de l’interview donné par Zemmour en Italie, que l’on m’attribue une demande qui n’a jamais été la mienne. Je n’ai jamais cru à la victoire de nos idées par les méthodes de la censure et de la répression.
Le licenciement de Zemmour n’est pas utile au combat que je mène contre ses idées. Alexis Corbière, qui coordonne au PG la bataille culturelle contre les idées d’extrême droite, et moi, nous nous sommes exprimés par un tweet commun sur ce thème dans ce sens. Lui et moi étions en même temps conscient que nombre de nos amis affichaient une juste et saine jubilation de voir qu’une limite avait été atteinte et un adversaire pris à revers. Ils nous donnaient le point, à juste titre. L’interview italienne de Zemmour est la goutte avec laquelle nous avons fait déborder le vase ! Pour autant, pour l’honneur et l’identification de notre camp, il est indispensable de prendre des distances avec des licenciements de journalistes écartés du fait de leurs idées. Cette responsabilité doit rester le fait de sa corporation qui manifeste alors toute l’inanité de sa prétention à la neutralité. Elle prouve le contraire quand elle l’embauche en sachant qui il est et le laisse délirer des mois durant. Elle prouve le contraire quand elle le licencie au motif d’un écrit reproduisant simplement ce qu’il a déjà dit des dizaines de fois sur les antennes.
Plutôt que de blacklister Zemmour, ce qui serait utile et fécond c’est que le point de vue que je porte avec de nombreux intellectuels et polémistes de ma famille d’idées soit plus souvent et donc mieux entendus. Qu’il soit autorisé à être énoncé dans le calme et le sérieux, sans l’habituelle humiliation des séances de catch à cinq ou six « invités » face à autant de journalistes en embuscade avec des graphes bidons, vidéos surprises et autres répugnantes méthodes que l’on connaît. Que l’on nous donne notre place au lieu de nous confiner aux espaces résiduels ou au rôle de supplétifs de l’audimat, lanceur de saison, nom d’accroche pour générique et ainsi de suite. Que l’on puisse proposer des noms qui ne soient pas le mien pour des émissions ou des chroniques, sans obliger ceux qui le portent à dire des gros mots pour être remarqué et invité ! Si RTL veut à présent mettre à distance l’impact des diatribes d’extrême droite de Zemmour qu’il n’aggrave pas le mal en pensant le mettre à distance. Plutôt qu’un licenciement, une embauche ! Qu’il y ait enfin des chroniqueurs de notre famille, des polémistes de notre courant d’idée, comme un fait normal, qui va de soi. A part Raquel Garrido sur BFM, où sommes-nous ?
Bien sûr, rien ne va changer après cet épisode. Mais les malins qui voient la toile comme un lieu de relégation devraient se souvenir qu’à la fin les catacombes gagnent : Zemmour a reçu un coup fatal depuis un simple blog, amplifié par des petits malins qui croyait me flétrir comme d’habitude sans se rendre compte qu’ils propageaient une information dont il ne comprenaient même plus la violence humiliante pour des dizaines de milliers de nos concitoyens. Une violence face à laquelle ils étaient incapables de réaction ou de sensibilité alors que le même Zemmour en répétait les arpèges au fil des jours à la radio et à la télé, dans leur langue. Le sommet dans cet épisode est qu’il doit tout à un mot : « déporter ». Je l’ai repéré dans la question du journaliste italien et mis en scène par mon titre ou figurait le nom de Zemmour. Une technique ordinaire de la manipulation médiatique. « Machination ! », a hurlé Zemmour pris au piège de ses propres méthodes. Et combien de petits malins ont aussitôt repris leur treillis de combat pour insinuer immédiatement que j’aurai inventé le mot !
Nouvelle déroute ! C’est le journaliste italien qui reconnait qu’il l’a ajouté parce qu’il « n’avait pas la place» de mettre un mot plus long. Si j’avais payé qu’aurais-je pu avoir de plus disqualifiant pour cette profession qu’un tel aveu ? D’autant que cette défense revenait à absoudre le « polémiste » des infamies qu’il avait proférée dans le reste de l’interview. La déroute du parti médiatique est totale. C’est lui qui truque les mots pour faire du sensationnel au mépris de la parole qu’il rapporte. Ici c’est « déporter » comme ce fut « purification éthique » à mon sujet à la une de « Libération ». C’est lui qui propage une fausse nouvelle sans rien vérifier pour battre les œufs en neige. Et c’est enfin lui qui fait la censure et combat une idée en faisant taire celui qui l’émet ! Nous l’avons absolument et entièrement pris au piège de toutes ses tares : sensationnalisme, règlement de compte personnel, panurgisme, et ainsi de suite. Moralement, notre victoire est totale ! Cela me suffit si ceux qui me lisent l’ont compris et s’ils ont ainsi fortifié leur compréhension de la nature de la nuit que nous traversons, notre lampe à la main.
Sur le plan du combat contre l’extrême droite nous n’avons pas de raison de pavoiser. C’est peut-être le contraire. On se souvient de l’épisode Robert Ménard. Aigre et glapissant, l’icône de « Reporters sans frontières » incarna un temps la sainteté intrinsèque du parti médiatique. Les financements américains de l’association attestaient la bonne mentalité. Encensé en dépit des propos plus que confus qu’il tenait sur toutes sortes de sujets avant d’en tenir de si odieux à i>Télé (déjà), Ménard fut expulsé comme Zemmour vient de l’être. Déjà, la corporation laissa tout faire, tout dire jusqu’à la nausée. Cet organisateur d’une infâme agression contre les athlètes chinois à l’occasion du passage de la flamme olympique, reçut les pamoisons de toute la bonne société pour ce traquenard honteux dont n’importe quelle conscience libre comprenait l’ahurissante manipulation. Après un passage bien rémunéré par le Quatar, il finit comme héros et martyr de l’extrême droite, maire de Béziers, la ville de la crèche. Eric Zemmour est d’un autre calibre intellectuel que Ménard. Craignons qu’à présent il soit auréolé par l’acharnement du PS, combattant de la vingt-cinquième heure, qui a surgi au dernier moment pour exiger grossièrement son licenciement. Quelqu’un peut-il demander au PS de ne plus se mêler des choses qui comptent ?
Et Closer ? Pour finir ce chapitre, je dois dire un mot de mon interview dans Closer. Bien relayée par ceux qui croyaient me nuire, elle a eu l’impact que ses lecteurs lui donneront dans leur esprit, car c’est à eux que je m’adresse. Je savoure là encore une victoire intellectuelle. J’ai écrit que les « pédants » me feraient le coup du mépris, qu’ils regarderaient d’où je parle plutôt que ce que je dis. C’est exactement ce qu’ils ont fait. Mais ce n’est pas tout. Closer titre sa double page sur mes propos à propos du travail du dimanche et du travail des femmes. Un sujet politique. Et l’AFP résume mon interview… sur un angle people. Patatras : tous les autres grands esprits qui penseraient se souiller les yeux en regardant officiellement ce qu’ils lisent en cachette chez le coiffeur, répètent ! Ils n’ont même pas été lire ou juste regarder de loin l’interview. Ils ont répété les trois lignes lues dans l’AFP. N’en jetez plus la cour est pleine ! Je jubile. Ce semestre commencé par ma mise à la retraite d’office à la une de « Libération » et sur trois pages dans « l’Express » se finit dans le ridicule pour mes détracteurs. Et un de leur collègue dénonce la présence de corrompus dans leur rédaction ! La totale.
Et tout ça sans rien lâcher ! J’espère que les lecteurs de l’interview auront savouré comment j’ai pu dire dans Closer que je désapprouvais les méthodes de pipolisation des personnalités politiques par le journal. Mais pensez-y : dans quel autre journal une rédaction accepte de se voir mettre en cause dans sa raison d’être et de la publier sans changer un mot ? Allez hop, les sérieux, un petit stage de tolérance et d’humour à Closer ? Joyeuses fêtes de Noël dans les rédactions, avec ou sans crèche. Ceux qui lisent l’allemand peuvent lire chez leurs collègues ce que je pense de l’économie de la mer dans la revue de l’IRIS. Ça leur fera des vacances intellectuelles. La version française est évidemment déjà sur ce blog depuis longtemps. Mais c’est comme pour Zemmour : quand la même chose revient de l’étranger, c’est tellement plus excitant !
L’année politique touche à sa fin. Elle a été horrible. Mais partout les nôtres travaillent d’arrache-pied pour reconstruire un dispositif offensif. La nouvelle étape, commencée avec le catastrophique résultat des élections européennes se dénouera avec les élections présidentielles de 2017. Si tout tient jusque-là, le calendrier prévoit une élection départementale et une élection régionale en 2015. Deux moments traditionnels de l’hyper abstention. Il est peu probable que cela vaille mieux cette fois-ci. Pour autant, nous ne saurions renoncer. Au contraire, les départementales doivent fonctionner comme un temps pendant lequel avance la nouvelle alliance dans laquelle nous plaçons nos espoirs. Les moyens d’y parvenir sont aussi divers que les situations locales. Mais puisque c’est parti, alors il faut agir sans trêve pour parvenir au meilleur résultat possible dans le plus grand nombre de départements possibles.
Pour cela il faut marcher sur deux jambes. Une figure complexe à réussir. D’un côté il faut réaliser l’union des partis, groupements et mouvements qui veulent construire une alternative à la noyade social-libérale du PS. De l’autre construire les cadres qui permettent à l’initiative citoyenne de se déployer de façon sincère et autonome. A la fin, il faut avoir des assemblées citoyennes souveraines investissant les candidatures et adoptant le programme. Elles seront soutenues par la coalition du Front de gauche, d’Europe-Écologie-les-Verts et des mouvements et associations locales qui souhaiteront s’y associer. Dans toute la France, ce processus est en cours. Il démarre souvent par un appel ou une pétition de personnalités et de citoyens.
J’ai observé ce processus dans le Jura, à l’occasion de mon passage dans le département. J’y donnais en effet ma conférence pour présenter mon livre « L’Ère du peuple ». Là-bas, commencé par un appel citoyen, le rassemblement s’étend de jour en jour sur une base qui fédère des secteurs d’action de plus en plus divers. Si bien que finissent par s’y côtoyer par exemple des militant de la décroissance, des pégistes et des syndicalistes. De tous côtés de l’échiquier à gauche les contacts se prennent sous la seule condition que le PS soit tenu à l’écart et que l’assemblée citoyenne et les partis chacun de leur côté gardent leur liberté de décision pour le deuxième tour.
La démarche se heurte à peu près partout aux intrigues du PS et de leurs alliés locaux. Rien de plus normal. La panique à bord du PS peut aussi parfois engendrer de regrettables crispations chez les sortants aux abois. Des fois il arrive que l’un ou l’autre annonce mensongèrement un accord avec les communistes ou avec EELV et même avec des comités du PG. Ces mensonges sont révélateurs de la fébrilité qui précède la débâcle annoncée. Il est cependant acquis que ces manœuvres échoueront également presque partout augmentant cependant le salutaire rejet de leurs auteurs et supplétifs. D’autant que l’actualité de la rentrée 2015 se construira dans la mobilisation de longue haleine contre la loi Macron. La mobilisation qui a commencé, que soit sur le plan syndical ou politique, comme l’ont montré nos amis à Lyon, n’est pas près de faiblir. Tout au contraire ! On peut compter sur Valls et quelques autres pour jeter de l’huile sur le feu en poussant vers la droite, persuadés qu’ils sont que le mouvement de la société va de ce côté. On a vu de quelle façon Valls a radicalisé le choc sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes. La mobilisation politique locale épousera donc les contours de cette ligne de partage sur les questions écologique et sociales de fond. Le plus important est de ne pas perdre le fil de l’initiative citoyenne comme conducteur et de ne pas sombrer dans les querelles locales entre organisations. Cette méthode permet souvent de démêler les fils des mésententes locales. Quand le cadre citoyen se met en place, le plus souvent tout le monde finit par s’y rallier et prendre sa part du travail.
Au niveau national, le travail de l’ombre a payé. Après la deuxième assemblée nationale du Front de gauche, un accord est intervenu autour d’un texte qui se construit sur les lignes de force que je viens d’illustrer. Je donne le lien pour y accéder. Ces retrouvailles stratégiques se font sur la ligne de l’autonomie face au PS comme l’avait clairement annoncé Pierre Laurent à l’émission « Le Grand Jury ». Evidemment, ici où là, ceux-ci ou ceux-là, continueront les petits arrangements habituels. Mais ce ne sera pas l’essentiel, loin s’en faut je crois bien. En écoutant avec soin les interventions de l’assemblée nationale du Front de gauche que j’ai, pour ma part suivi de bout en bout, j’ai noté la montée d’une prise de conscience. Nombreux sont ceux qui sentent qu’il ne peut être question de se contenter de revenir en disant « ça y est le Front de gauche s’est réconcilié, tout peut recommencer comme avant ». Ni de croire qu’il suffira d’avoir des comités du Front de gauche avec des adhésions directes pour relever le défi de l’implication populaire auquel nous sommes confrontés. Le problème à résoudre, du fait de notre fracassage aux municipales est d’une autre profondeur. Mais peut-être sommes-nous seulement ramenés a la situation antérieure. Peut-être serons-nous plus ouverts dans le débat entre nous que par le passé. Cela nous aurait évité de faire la critique de la ligne dite « Front contre Front » pour y revenir aujourd’hui dans des conditions infiniment dégradées. Dans ces conditions nous avons repris notre travail cette fois-ci sans trop de réticences accumulées…
Il s’agit là d’un plan de marche global. La formation de cette nouvelle coalition large et d’installation des assemblées citoyennes est l’enjeu de cette phase comme l’avait été la formation du Front de gauche dans la séquence précédente. Tout ce qui sera acquis de cette façon, cette fois ci, servira de base pour le pas suivant à franchir : les régionales qui se situeront juste avant la dernière ligne droite de l’année qui suivra et ou se mettra en place le paysage de 2017. Sur ce plan, la continuité du travail du Mouvement Sixième République prépare le terrain en approfondissant la diffusion du contenu que nous voulons donner à cette élection, celui d’une insurrection civique pour le changement de République. Le succès de la mise en ligne de la plateforme de discussion me prouve que l’enracinement d’une idée passe aujourd’hui par l’activité horizontale du cyberespace. Evidemment, nous ne sommes pas encore arrivés aux cent mille signatures. Mais je ne crois pas avoir fixé la barre trop haut. Je crois au contraire que c’est la bonne façon de faire que de se donner toujours des objectifs qui donnent la crédibilté à la démarche que l’on engage. Nous atteindrons les cent mille signatures si tout le monde s’y met.
Si nous travaillons bien et avec une sérieuse application, les divers plans sur lesquels se déroule l’action actuelle dans les divers registres, se rejoindront en un processus unique. Alors nous pourrons nous dire que, nous aussi, nous pouvons trouver notre point de passage et que l’avenir n’est pas voué au trio infernal UMP/ PS/ FN.
Merci pour vos billets, toujours très utiles et éclairants, Mr. Mélenchon. Je vous lis, vous écoute et vous soutien contre vents et marées. J'espère beaucoup de Syriza et de Podemos pour nous montrer la voie. Mais je me pose la même question qu'une trentaine de militants ou sympathisants du Front de Gauche: la gauche ne doit-elle pas rompre avec l'euro-libéralisme ?
A fond pour le M6R.fr et bonne année à toutes et à tous.
@Sylvain
Pitié arrêtez avec les comparaisons sur les nazis en 1932, plus personne n'y croit. Je suis de gauche mais le débat politique français ne sera jamais crédible si on arrête pas les considérations dépassées, plus personne ne croit à une menace fasciste en France, et sûrement pas à travers le Front National. C'est un monstre monté de toute pièce par la gauche, et on le sait. Interdire le FN serait purement anti-démocratique. Et je suis de gauche, et je combats leurs idées, et je suis contre leur politique d'immigration, mais si on ne réfléchi pas en nuance et avec intelligence ce sera toujours de l'hypocrisie intellectuelle et la vraie gauche n'avancera pas. Stop aux procès déloyaux, pas parce que ça favorise ceci ou cela, certains disent "caricaturer le FN est le meilleur moyen de les faire gagner" mais parce que tout simplement ça s'appelle la démocratie. Les idées du FN sont méconnues, et elles se réfléchissent. Au passage le FN se bat aux côtés du Front de Gauche au parlement Européen car ils ont des constats intelligents sur l'Europe, donc ça va bien l'hypocrisie et le procès du nazisme.
Le FN se bat aux cotés du Front de Gauche au parlement européen.
Je rêve là, il me semble ! Il ne faut pas lire les comptes rendus de JL Mélenchon sur les votes du parlement pour oser affirmer cela.
Je n'ai pas dit qu'ils apportaient les mêmes solutions, ni les mêmes idées loin de là. Il y a des différences majeures, néanmoins sur les dénonciations du traité Transaltlantique, sur les combats contre la suprématie des multinationales au détriment des peuples, sur le fait que l'Europe soit celle de l'Allemagne, etc ils combattent donc le même système. Jean-Luc Mélenchon a même affirmé dans une émission de C à vous qu'il jalousait la façon brillante qu'avait eu Marine Le Pen de se dresser contre Juncker et le traité Transatlantique. Les deux partis se battent donc malgré eux ensemble contre l'ultra libéralisme et l'Europe telle qu'elle se construit. Les solutions sont différentes, on est d'accord. Mais le constat est le même.
Langage citoyen 52
"Les idées du FN sont méconnues, et elles se réfléchissent."
Pour mieux les connaître et les "réfléchir", voir ici "Marine Le Pen amène le pire", M. et F. Vivas. Ceci posé, d'accord pour éviter la "reductio ad Hitlerum" (tout ramener à Hitler). Cela n'explique rien pour notre actualité française, et c'est le plus souvent contre-productif, les naïfs suiveurs du FN se croyant patriotes et s'indignant d'une telle comparaison. En réalité, même s'il est vrai que le FN au pouvoir ferait pire encore contre les travailleurs et leurs organisations que sarkhollande réunis, il n'a guère de chance d'y accéder. Son rôle essentiel est de faire voter (par défaut et peur de l'aventure) pour le PS ou pour l'UMP, c'est-à-dire de maintenir en place, par politiciens de la Vème interposés, l'euro-capitalisme financier et US-Otan qui asservit et détrousse les peuples. Au parlement européen, le FN vote pour ses intérêts, non pour l'émancipation des citoyens de chaque pays. Quant à Zemmour, c'est bien le roi du confusionnisme antidémocratique !
Début 2012, meeting de Jean-Luc à Besançon, salle archi-comble. Il explique que ce qui nous différencie du FN, c'est (entre autres) la retraite à 60 ans. Bingo ! Le lendemain matin, France Inter invite MLP, ne dit pas un mot du meeting (retransmis uniquement par internet) et là, sans se sentir gênée, la dame adopte la retraite à 60 ans et même, comble du comique l'image utilisée la veille par JL : celle du pistolet à bouchon pour vaincre la finance. Depuis, l'espionnage à échelle industrielle bat son plein, piratage, pillage, contre-façon sont quotidiens. Je pense même qu'ils ont des bureaux d'études dédiés. Comme on la fait venir au micro dès que nous descendons marcher dans la rue, c'est elle qui emporte la mise. Comme 2 et 2 font 4. Je ne vois pas comment stopper cette fatalité.
@Alexandre NVR 26
La France n'a pas à rester dans L'UE alors qu'elle a voté à + 54% pour ne pas y entrer. Que faîtes vous du vote souverain du peuple ? Vous préférez violer la démocratie comme Sarko et Hollande ? L'Europe libre échangiste au service des lobbies est une calamité. L'harmonisation par le bas des acquis sociaux, des salaires, des conditions de travail, les régimes fiscaux, tous sont différents. Cette Europe, personne ne la voulait, on nous l'a imposée. Notre souveraineté nationale n'a pas à disparaître au profit de l'UE. D'autant qu'elle pousse à la guerre économique contre les pays de l'Est, soutenue par les américains. Si c'est pour faire la même politique que Hollande, "ce n'est pas la peine assurément de changer de gouvernement".
@G Celadin 57
C'est un peu plus compliqué que ce que vous racontez ! En 2005 le peuple s'est prononcé contre le projet de constitution proposé, et JL Mélenchon était avec d'autres un des acteurs importants de la bataille pour le non. Mais il n'était pas question d'entrer ou pas dans l'UE ! Nous y étions déjà.
Il est bon de rappeler que le FN est un parti d'extrême droite né dans les années 70 à partir du groupuscule néo-fasciste "Ordre Nouveau", héritage et amalgame de plusieurs courants de la droite extrême française qui s'étaient plus ou moins éteints après la guerre et ont resurgi notamment à l'occasion de la guerre d'Algérie. Au départ, le FN prend modèle sur le MSI, parti Italien fondé par les proches de Mussolini, dont le FN garde la flamme comme symbole. Après, l'ambition du FN actuel est de prendre le pouvoir, et pour cela, ils ont bien compris qu'il fallait passer par le verdict des urnes et pourquoi pas chercher des appuis momentanés auprès de la droite classique. Donc, ils n'hésitent pas à râtisser large en utilisant aussi certains arguments de la gauche pour toucher le peuple d'en bas. Mais ce brouillage est illusoire et tout à fait classique des droites extrêmes pour accéder au pouvoir dans les situations de crise économique et sociale (voir le national socialisme d'Hitler ou l'ascencion de Mussolini en Italie). Mais, en fait, quand on y regarde de plus prés ces partis ont toujours été aidés et financés par les milieux d'affaire.