14jan 15

Je voudrais résumer ma façon d’analyser et de proposer dans le moment. Elle n’a rien à voir avec la vision politicienne de « l’union nationale », nouvelle case dans laquelle des commentateurs sans imagination ni vergogne veulent à tout prix faire rentrer tout le monde. Pour être embrigadés il suffit de refuser de répondre à une incitation à entrer en polémique avec Hollande ou Valls dans un moment comme celui que nous vivons. Pour moi, l’acteur principal du moment, qui a été « à la hauteur de la situation », c’est le peuple ! Son mouvement spontané n’est récupérable par personne ! Mieux : son indépendance est la garantie de sa force et de son unité sur le contenu exigeant qu’il a imposé dans la rue.

Dans quelques jours, on pourra de nouveau parler librement sans crainte de la provocation médiatique. On pourra dire ce que l’on a pensé du traitement médiatique des évènements que nous venons de vivre. Et notamment, à certains moments cruciaux, par des chaînes d’information en continu, par les commentateurs comme par la palanquée d’experts plus que discutables qui ont prêché la guerre sainte de « l’Occident » contre la guerre sainte des fanatiques religieux. Sans oublier ce chef d’État étranger venu diviser les Français en suggérant à certains d’entre eux de fuir leur patrie. Laissons de côté, une nouvelle fois, pour l’instant. Mais non sans rappeler à ceux qui ont oublié d’en parler ces jours-ci que contrairement à ce que dit Manuel Valls, sans qu’aucun média ne le corrige, le délit de blasphème existe en France du fait du Concordat. C’est même au nom de cette possibilité qu’une plainte fut déposée contre « Charlie » ! Or, pendant la campagne présidentielle et ensuite, Hollande et le PS voulaient mettre ce Concordat dans la Constitution avec le soutien enthousiaste d’un front uni d’élus de droite et du PS des départements concordataires. Je raconte tout cela pour rafraîchir les mémoires. Et bien sûr, on peut penser que quelques esprits critiques médiatiques s’y intéresseront. Une nouvelle fois, amis journalistes : servez-vous de ce travail de mémoire ne serait-ce que pour faire une pause dans les « te deum » d’unanimisme politique actuel. 

Mon angle sur le moment est celui d’un combat civique. Les assassins avaient des buts politiques. C’est eux qu’il faut mettre en échec. La réplique doit donc être politique. C’est-à-dire qu’il faut renforcer les anticorps républicains au fanatisme religieux. Notamment en renforçant l’attachement inconditionnel à la liberté d’expression telle que définie par la Déclaration des Droits de l’Homme (avec pour seule limite celle que fixe la loi). Comment ? Certainement pas en s’abandonnant aux surenchères sécuritaires qui n’ont en vérité aucune efficacité pratique. Ce qui compte, c’est de vider l’eau du bocal où peuvent prospérer les fanatiques. Il faut faire de la politique. Il faut compter sur la société, sur le peuple, pour trouver la riposte. C’est très concret. Et cela concerne le projet de sixième République. Quelques exemples.

Sécuritaire ou républicain ? Voici comment j’ai répondu à la question que me posait le site de « Marianne » pour décrire la différence d’approche qui me sépare des soi-disant « sécuritaire ». Question : « Depuis l’attentat meurtrier contre Charlie Hebdo et les prises d’otages qui ont fait quatre morts, la classe politique est tentée par un renforcement de l’appareil anti-terroriste français. Mais à l’heure actuelle, un « Patriot act » à la française est-il la seule réponse et même la bonne réponse ? » Ma réponse : « Le « Patriot Act » ? Ceux qui en parlent savent-ils ce que c’est ? Juste une loi de réduction des libertés qui, comme toutes les lois d’exception, ne marche pas. Mais elle légalise la torture ! C’est cher payer le délire sécuritaire. Stop à la surenchère ! Depuis 2001, on a eu huit lois contre le terrorisme, sans y inclure les lois sur la délinquance et le crime en bandes organisées ! Quand en fait-on le bilan ? La discussion doit aussi être technique. Qu’a-t-il manqué pour empêcher les crimes qui viennent d’avoir lieu ? Je suis pour des mesures efficaces. Mais pas pour les coups de menton et la récupération. Ras-le-bol de cette façon de faire de la politique : de la com’, portée par des gens qui se fichent des conséquences des mots qu’ils emploient. Le bon angle selon moi est de renforcer les anticorps de la société elle-même face aux terreaux fondamentalistes. Plus la société est républicaine plus les criminels sont isolés. Et alors leur défaite est assurée. » Je m’inscris ainsi dans le sens de la réplique de Fabian Stang, maire d'Oslo, après la tuerie de l'Île Ostøya perpétrée par le néo-nazi Anders Breivik en 2011 : « Nous allons punir le coupable. La punition, ce sera plus de générosité, plus de tolérance, plus de démocratie ». Je me rattache à l’affirmation de Benjamin Franklin : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l'une ni l'autre, et finit par perdre les deux. »

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Comment faire pour stimuler les anticorps républicains de la société face aux fanatiques ? Exemple de mesure concrète : défendre la presse d’opinion. Notamment en la subventionnant davantage que la presse de divertissement. Est-il normal que « Le Monde diplomatique » reçoive moins qu’un journal de programme télé ? Est-il normal que « l’Humanité » reçoive si peu par rapport à des journaux qui ne prennent aucun des risques du combat d’idées ? Cela ne concerne pas que l’intervention publique. Chacun d’entre nous doit se rappeler que la meilleure façon de faire vivre la presse d’opinion c’est de l’acheter. C’est pourquoi le mouvement qui porte à acheter le numéro de Charlie qui vient de paraître est une réaction extraordinairement politique ! Autre exemple : faire comprendre le sens de la laïcité comme garantie fondamentale de la paix civile et non comme une « opinion » moquée sous les traits du « laïcard ». N’avions-nous pas raison de demander que le délit de blasphème soit supprimé partout où il existe en France et en Europe ?

Le délit de blasphème existe en France ! Je dois donc le rappeler à Manuel Valls qui a dit le contraire sans être corrigé ? Le délit de blasphème existe en France dans les départements où s’applique le Concordat ! Dois-je rappeler que François Hollande a prétendu pendant la campagne présidentielle inclure le Concordat dans la Constitution ? Ce fut même l’objet d’une lettre de François Hollande aux représentants des cultes reconnus d’Alsace-Moselle, le 13 février 2012 : « Le maintien du Concordat doit être abordé avec respect et compréhension de ce que fut l'histoire de ce territoire français ». Pour ce faire, il indiquait vouloir insérer à l'article 1er de la Constitution un deuxième alinéa ainsi rédigé: « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des églises et de l'État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace-Moselle ». Sous réserve… Dans sa lettre, il est très précis sur le sens de cette réserve : « Bien loin de porter atteinte aux règles qui régissent, de façon particulière, les relations entre l'État et les cultes concordataires en Alsace-Moselle, elles seront au contraire confortées dans leur spécificité, en se voyant reconnues au niveau constitutionnel ». Ignorait-il que le délit de blasphème est dans le Concordat ? C’est impossible pour un adhérent du PS ! Rappelons comment le maire socialiste de Strasbourg s’en était pris à notre demande et comment il avait proclamé son attachement au Concordat après l’assertion du candidat Hollande !

Je l’avais dénoncé dans l’indifférence moqueuse des « observateurs » de la campagne. Révélation : c’est la seule garantie que j’ai demandé au téléphone à François Hollande au moment où j’appelai à voter pour lui : pas de Concordat dans la Constitution et pas le contrat au-dessus de la loi comme il l’avait annoncé dans des tribunes de presse passées inaperçues. Il m’avait répondu après un silence : « cela, on ne le fera pas ». A présent, les religieux d’Alsace-Moselle, départements où s’applique le Concordat qu’il faudrait abroger entièrement, viennent eux-mêmes de demander l’abolition du délit de blasphème ! Pourtant, comme nous avons été brocardés quand nous avions proposé cette idée dans le projet de loi laïque déposé par les parlementaires du Parti de Gauche ! Ne devrait-on pas en faire une revendication européenne quand ce délit de blasphème existe dans le droit de l’Allemagne, l’Italie, l’Irlande et combien d’autres ?

Impliquer le peuple dans la défense des libertés fondamentales et de la protection du territoire national est le meilleur stimulus des anticorps républicain. Un exemple ? Dans son livre sur la sur la lutte contre la délinquance, mon camarade François Delapierre reprenait l’idée d’une conscription mixte vouée à cette tâche. Cette méthode, c’est le contraire du « Patriot Act », loi de réduction des libertés légalisant, entre autre, la torture. La surenchère sécuritaire n’a pas d’autre sens que d’être surtout de l’opportunisme du coup de menton qui donne à celui qui pérore le beau masque de l’autorité a peu de frais. En France, huit lois contre le terrorisme ont été adoptées depuis 2001. Et déjà deux lois antiterroristes sous le quinquennat de Hollande. La dernière a moins de 3 mois puisqu’elle a été votée le 4 novembre 2014 ! Peut-on nous dire quel bilan a été tiré de ces lois ? Non, personne n’a fait cette évaluation ! Peut-on nous dire pourquoi des « propositions » sécuritaires nouvelles sont faites contre le danger des fanatiques religieux alors que deux commissions d’enquête parlementaires sont déjà au travail sur le sujet ?

Pour moi, la solution c’est toujours l’intervention populaire. C’est pourquoi je crois que la revendication d’une nouvelle république, la 6ème, rétablissant la souveraineté populaire dans tous les domaines, y compris celui de la sureté intérieure, est une revendication en plein dans le besoin du moment. J’ai bien remarqué que spontanément la discussion a commencé à propos de ces thèmes sur la plateforme de débat de M6R.FR qu’est « Nous Le Peuple ». Je vous donne donc rendez-vous sur le site M6R.FR pour discuter ces propositions.


158 commentaires à “Le délit de blasphème existe en France. Hollande voulait même le mettre dans la Constitution avec le Concordat qui le contient !”
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  1. pichenette dit :

    Oui il faut reconnaître que beaucoup d'énergie et de temps ont été gaspillés, le recyclage se fait toujours avec perte, osons espérer que le résultat final sera plus beau. Qu'est-ce qui est sacré ? Il me semble qu'en France c'est une vie digne, et de là la société se construit avec tous les frottements induits par tout groupe. Un frottement ça réchauffe, grâce aux frottements on avance, les frottements doivent être réglés pour ne pas empêcher le bon fonctionnement, assurer la cohésion de l'ensemble. Associer les lois physiques à la politique peut-être un atout, ainsi le petit robot qui va titiller une comète est l'exemple de la rigueur scientifique, de la coopération, de la patience liant le temps long à l'instant du suspense. Récit d'une belle aventure, défi à l'obscurantisme, joie de la connaissance pure liée à une technologie non dévastatrice. Notre histoire articulée sur la liberté pour assurer dans la concorde l'émancipation des êtres humains se heurte à l'obscurantisme du néolibéralisme armé de la croyance au marché, fabriquant des dogmes religieux pour asseoir des pouvoirs mortifères. Sachons nous retrouver pour lutter contre les lois régressives actuelles !

  2. Sylvain dit :

    @152 pichenette
    "Qu'est-ce qui est sacré ?"

    L'argent (pour ceux qui en ont), les textes (pour ceux que ça intéresse et qui les comprennent) et la santé pour les autres !

  3. oberon dit :

    Merci M. Mélenchon d'élever le débat en France. M. Onfray n'a pas tort, on ne parle plus du fond dans notre pays. Tout est dominé par l'émotionnel et le médiatiquement spectaculaire. Oui, il y a un problème franco français avec les journalistes, la plupart, ceux bien connus du public, sont suffisants, irrespectueux et emplis de jugements de valeurs fondés sur leurs opinions ou options politiques, sans compter sur les experts attitrés ad vitam æternam invités continuellement sur les plateaux TV. Vive le pluralisme et la démocratie.

  4. Veytizoux Jean-Philippe dit :

    J'apprécie vraiment les interventions de Jean-Luc en ce moment, c'est de très haut niveau. Cela se "dégauchise" et ressemble de plus en plus à une offre politique qui peut prétendre à exercer le pouvoir que le peuple voudra bien lui donner à coup de bulletins de votes.
    Je viens de visionner l'interview à I-Télé en onglet, rien à redire, bravo. pas de perte de temps inutile à sauter à bras raccourcis sur l'intervieweuse et à ouvrir un débat relou sur les journalistes, mais utilisation du temps disponible pour argumenter précisément sur les questions essentielles.

  5. marco polo dit :

    @ Sophie Clerc 149.
    Mon appartenance politique est d'être de cette gauche que défend Jean-Luc Mélenchon : fédérer le peuple. Il me paraît un peu seul en ce moment. Il n'y a évidemment pas d'autre solutions que l'union autour d'un Front de Gauche représentant non des partis politiques qui limitent l'action et la qualité de l'union, mais un peuple organisé autour et dans ce front. La logique partidaire nous freine, c'est ce qui se produit depuis la fin des présidentielles pour situer dans le temps. Ou alors fusionnons comme l'a fait Syriza, mais il y a trop de réticences en France, ce qui prouve certains partis luttent pour leur cuisine. Je me sens beaucoup plus actif et plus libre en dehors des partis.

  6. Michel Matain dit :

    @157 marco polo
    Ou alors fusionnons comme l'a fait Syriza

    Les 17 partis qui composent Syriza ont fusionné par obligation de la loi électorale grecque. Ca n'a pas été un choix positif de la part des partis de Syriza. C'est seulement que pour bénéficier de la prime des 50 députés s'ils arrivent en tête, Syriza ne devait former qu'un seul parti. Sur ce, je vois les choses autrement. Ce qui nous freine en France c'est l'attentisme, la désespération, l'individualisme. L'attitude de l'électorat socialiste est caractéristique. Ils ne sont pas contents avec le PS. Plutot que de voter à gauche, les électeurs socialistes font la grève des urnes, se réfugient dans l'abstention et laissent passer le FN. Le jour où comme Syriza ou Podemos, le Front de Gauche sera capable d'être un mouvement attirant pour tout ceux qui se sentent de gauche et votent avec les pieds, alors la donne changera aussi chez nous.

  7. carlo dit :

    Ou alors fusionnons comme l'a fait Syriza

    Avant de prendre Syrisa comme modèle, voyons ce qu'il fera une fois parvenu au pouvoir.
    Il y a fort à craindre que son action se limitera à demander des délais et à renégocier les dettes de la Grèce. Ce n'est pas rien, mais ce serait vraiment très insuffisant au regard de ce qu'on est en droit d'attendre d'une politique résolument antilibérale. Il semblerait d'ailleurs que beaucoup considèrent aujourd'hui que les ambitions de Syrisa seront (ou peut-être même ont déjà été) revues à la baisse.
    En toute hypothèse, l'arrivée au pouvoir de Syrisa permettra de savoir si une politique alternative est réellement possible à l'intérieur du cadre européen, ce dont il y a tout lieu de douter selon moi. Le risque est en effet que Syrisa soit amené à se pasokiser très rapidement.

  8. Pierre d'Immercourt dit :

    Les croyances en général, qui sont de l'ordre de la métaphysique c'est-à-dire ce qui est au-delà de la physique, sont, à mon sens, un manque de maturité psychique, intellectuelle et culturelle. Ce qui induit des déviances dans le raisonnement qui ne peuvent être rectifiées a posteriori (on sait que l'injonction conforte la conviction) mais a priori par l'éducation (qui est le mimétisme, on copie et la mémoire, on imprime) permanente dès l'enfance quand les parents apprennent à leur enfant à prêter sa peluche ou quand les éducateurs, dans la cour d'école, apprennent à l'enfant à renvoyer la balle avec le respect de l'autre. Peut-être que si on avait appris aux terroristes à renvoyer la balle à l'autre avec respect, ils n'auraient pas, avec le mépris de l'autre, envoyé leurs balles ?


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