13mai 15

Interview parue dans le Progrès du 7 mai 2015

« Le modèle allemand, c’est l’opium des riches »

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(également paru dans L'Est Républicain , Les Dernières Nouvelles d'Alsace, L'Alsace , Le Journal de la Haute-Marne , Vosges-Matin, Le Bien public,Le Journal de Saône-et-Loire, La Presse de Gray, La Presse de Vesoul, Le Dauphiné libéré , La Tribune (Drôme, Ardèche), L'Indépendant du Louhannais et du Jura)

Le livre polémique de l'ex-candidat de la gauche radicale à la présidentielle sort aujourd'hui. Le tribun du Front de gauche veut « désintoxiquer » ses lecteurs « face à la fascination du soi-disant modèle allemand ». De quoi décoiffer Angela Merkel.

« Le poison allemand » en sous-titre de votre dernier livre, où l'on peut lire dès le préambule que « l'Allemagne est un danger » et qu'elle impose « un recul pour la civilisation ». Vous n'y allez pas de main morte !

Mon livre n'est pas un ouvrage savant, c'est un pamphlet, forcément polémique. Mais n'y voyez pas de germanophobie. Mon but est de désintoxiquer les lecteurs de la fascination pour le soi-disant modèle allemand. Bonjour le « modèle » ! C'est une imposture, un paradis qui n'existe pas, avec une population en butte à la violence sociale et à la paupérisation. Le fantasme du « modèle allemand », c'est l'opium des riches !

Ne craignez-vous pas d'opposer une nouvelle fois Français et Allemands ? Dans le passé, cette opposition a coûté cher aux deux peuples !

Ce ne sont pas les peuples qui ont décidé la guerre mais les dirigeants ! Ensuite les responsabilités ne sont pas les mêmes. L'Allemagne nous a envahis trois fois ! Voyez de nouveau son arrogance ! Par exemple quand son ministre des Finances prétend que la France « serait contente qu'on force son Parlement » pour réformer le pays. Quelle outrecuidance ! L'Allemagne veut imposer sa vision à toute l'Europe. Certes, elle ne le fait plus, comme sous Bismarck ou Hitler, avec une volonté de puissance. Elle le fait par dogmatisme idéologique. Le résultat est là : Berlin a réalisé l'annexion économique de toute la zone qui l'entoure et tout particulièrement des anciens pays du bloc soviétique.
L'expansion vers l'est, vieux rêve allemand, est aujourd'hui réalité.

Vous utilisez le terme « ordolibéralisme » pour qualifier la politique économique allemande.

L'ordolibéralisme, c'est un dogme. Pour Berlin, l'économie a ses propres lois, dans lesquelles la politique n'a pas à intervenir. C'est-à-dire que les peuples et leurs élus n'ont rien à dire. Les dirigeants allemands ont ainsi imposé la dérégulation financière, coupant notamment les liens étroits qui existaient entre leurs PME et le système bancaire. CDU et SPD sont sur la même ligne : c'est Schröder qui a mis en place cette réforme qui entraîne dumping social et surexploitation. Berlin veut l'étendre à présent à toute l'Europe !

Vous dites avoir décidé d'écrire votre livre « après avoir vu de quelle manière odieuse la nomenclature allemande a traité le gouvernement grec d'Alexis Tsipras ».

Tsipras parle au nom de son peuple. Le mépris de Merkel pour la souveraineté de la Grèce est intolérable. La zone euro peut exploser ! Ou bien les Allemands comprennent qu'ils ne peuvent pas continuer à imposer leur loi aux autres, ou bien c'est l'Europe tout entière qui va dans le mur du chômage, des menaces de guerre comme en Ukraine et de la violence sociale. Il faut soutenir Tsipras face à l'arrogance de Berlin. Je préfère protester à la frontière grecque qu'à la frontière française. Car la cible finale, c'est la France ! L'Allemagne ne veut pas d'interlocuteur capable de remettre en cause sa vision, qui est celle d'un pays vieillissant qui a pour priorité de maintenir le niveau de vie de ses rentiers. Avec la Grèce, elle veut faire un exemple. Ne nous laissons pas faire ! Le pire serait de se coucher devant le nouveau Diktat allemand.

Recueilli par Patrick Fluckiger



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