03juin 15
J’écris ces lignes quand se dessine une nouvelle dernière ligne droite dans la gestion du dossier grec par les brutes qui dirigent l’Union Européenne. Mais à présent, la situation est retournée. Tsipras a mis un point final. Il n’ira pas plus loin. Bien joué. Si ses propositions sont rejetées, la Grèce sera en banqueroute. Alors il est vraiment très peu probable que cela reste un problème grec. L’euro lui-même joue sa peau. Nous allons voir quelle dose d’amour la monnaie unique engendre chez ses thuriféraires habituels. Une crise peut en cacher une autre, en quelque sorte. C’est tellement évident qu’on peut et doit se poser des questions. Celles que ne se posent jamais les partisans de la sortie « sèche » de l’Euro. À qui profiterait aussi l’effondrement de l’euro dans ces conditions? Aux USA et à l’Allemagne, à mon avis. J’y viens à partir des faits tels que je les décris sur ce blog depuis la crise commencée en 2010. J’ai pensé aussi qu’un petit récapitulatif de la signification du non de 2005 et de ses conséquences pourrait être utile à mes lecteurs. En effet j’ai appris que certains d’entre eux se servent de mes textes ici pour introduire des réunions ou faire leurs rapports politiques dans les assemblées qu’ils animent. Après quoi je veux évoquer un évènement politique et personnel.
Ce samedi tourne une page pour moi. La première assemblée représentative du M6R va se réunir et elle va diriger elle-même l’avenir du mouvement. Mon rôle d’initiateur va s’interrompre. Nous allons vérifier si la formule peut vivre par elle-même sur sa seule dynamique de communication horizontale. Et si elle peut tenir ses objectifs c’est-à-dire être le moteur qui rend progressivement majoritaire dans le pays une idée révolutionnaire : convoquer une assemblée constituante pour fonder une nouvelle république. C’est-à-dire refonder la France elle-même. Je rends donc toutes les clefs de ce réseau de 86 000 personnes à ceux qui ont été élus désignés ou tirés au sort pour cela. Ce moment est partie intégrante du projet lui-même. J’en parle dans ce post.
Il ne manquait plus qu’eux. Les États-Unis remettent leur nez dans le dossier grec. La dernière fois qu’ils étaient à la manœuvre, c’était justement lors du déclenchement de la crise grecque en 2010. Pendant plusieurs années, les gouvernements grecs pourris de la droite et de la social-démocratie étaient conseillés et financés par les banquiers états-uniens de Goldman Sachs mais aussi Meryll Linch et Morgan Stanley. Les cadors de Wall Street directement liés au pouvoir états-unien et plus largement européen, comme en atteste leur présence oligarchique à la Maison blanche, dans les ministères des finances des deux rives de l’Atlantique et à la Commission européenne. Une fois la crise déclenchée, on découvrit notamment que Goldman Sachs avait aidé à maquiller les comptes et à monter divers circuits frauduleux de financement et de pillage du pays. On savait donc au sommet où étaient les failles. N’oublions pas l’action de l’agence de notation Standard and Poors, autre cador de Wall Street, dont le rôle déclencheur et aggravant a été particulièrement direct et désastreux dans le déclenchement de la crise.
Au secours ils sont donc de retour ! Leur principale arme dans le dossier est le FMI. C’est lui le principal créancier de la Grèce à court terme. Et c’est lui que la Commission européenne est allée chercher en 2011 pour être l’opérateur des plans de « sauvetage » des pays en difficultés de la zone euro. Il me parait important de souligner que cela fut à la demande d’Angela Merkel elle-même, approuvée aussitôt par son porte serviette français de l’époque.
Et c’est donc logiquement le FMI qui est le premier à bloquer toute restructuration de la dette grecque. C’est l’exigence première du gouvernement Tsipras et la solution pour sortir durablement de cette crise, comme nous l’avons dit depuis 2010. Et qui a la main sur le FMI ? Officiellement, son comité directeur représentant ses actionnaires. En réalité un seul État dispose d’un droit de véto dans cette institution néo-impérialiste : les USA. C’est la raison pour laquelle nous plaidons depuis des années pour en sortir. Et c’est pour ça que les BRICS lui tournent le dos. En complément de leur droit de véto, les USA ont toujours pu compter au FMI sur le directeur général. Christine Lagarde ne fait pas exception à la règle, elle qui dirigea un cabinet d’affaires défendant les firmes états-uniennes et qui faisait travailler son cabinet en anglais quand elle était ministre des finances de la France.
Si la Grèce est donc aujourd’hui dans l’impasse c’est donc en premier lieu à cause du FMI avec lequel la Commission européenne fait cause commune. La Grèce a tout fait pour manifester sa bonne foi et sa volonté de négocier : elle a déjà remboursé 2,9 milliards au FMI depuis février. À juste titre, le gouvernement grec dit aujourd’hui que ça suffit et que la dette et les plans d’aide doivent être renégociés. Cette fois c’est directement le secrétaire d’Etat américain au Trésor, Jack Lew qui a demandé jeudi 28 mai à la Grèce de « prendre des décisions très difficiles ». Il l’a fait lors d’une réunion des ministres des finances du G7 accueillis à Dresde par Wolfgang Schaüble. Le dossier grec est donc désormais discuté par une instance, le G7, dont la Grèce n’est même pas membre ! Le ministre français Michel Sapin y a joué son rôle de caniche habituel en psalmodiant que « les résultats grecs sont encore insuffisants ». Relayant cette pression, Christine Lagarde, qui était présente à la réunion, a surenchéri. Dans une interview au Frankfurter Allgemeine Zeitung, organe de la finance allemande, elle a ouvertement évoqué la « possibilité de sortie de la Grèce » de la zone euro. Avant d’ajouter cyniquement que l’euro s’en remettrait « probablement ». L’adverbe est admirable. Cette probabilité n’a pas l’air d’effrayer le capital allemand. Curieux non ?
Que les Etats-Unis et leurs organes, notamment le FMI, ne fassent aucun cadeau à l’Europe et à l’euro, rien de surprenant à cela. Surtout quand il pourrait s’agir pour l’euro de contester la suprématie du dollar comme monnaie de réserve et d’échange. Et davantage encore quand dans une guerre des changes l’euro joue à la baisse et déstabilise le mécanisme nord-américain de financement gratuit de son économie par une planche a billets devenue vaine. Mais le désastre actuel réside dans le fait que c’est l’Allemagne de Merkel qui aide désormais directement les Etats-Unis à conspirer contre l’Europe. Déjà manifestée avec l’espionnage des services secrets allemands pour le compte de la NSA, la trahison du gouvernement allemand en Europe élargit son action. On avait eu un avant-goût de la duplicité d’Angela Merkel quand on avait appris quelle condition avait posé le gouvernement allemand pour donner son accord pour « l’aide à apporter » à la Grèce au premier plan d’austérité : que le gouvernement grec s’engage sur l’achat de sous-marins allemands ! Et on a vite compris quel genre d’effort ne demanderait pas Monsieur Schaüble aux Grecs quand il a refusé de donner la liste des Allemands impliqués dans les évasions de fond de la Grèce vers l’extérieur. Je suppose que le fait de reprendre à mon compte ces faits parus dans la presse étrangère me vaudra d’être traité de germanophobe.
Le spectre du NON secoue ses chaînes
Dix ans après, il reste beaucoup de choses du « non » au référendum du 29 mai 2005 sur le traité constitutionnel européen ! Revenir sur ce vote n’est pas en rester à la nostalgie de notre victoire. C’est plutôt aider à bien comprendre quel moment fondateur fut ce vote et la campagne électorale. On ne peut pas comprendre le présent politique du pays sans mesurer la rupture de 2005. Souvenez-vous du paysage : Hollande et Sarkozy ensemble à une de Paris match pour appeler à voter « oui », le déchaînement médiatique contre le « non de gauche », la vague citoyenne levée par les collectifs unitaires et l’action commune des partis et groupes et associations liées à l’autre gauche. La puissance de la brèche ouverte par la décision de la CGT d’appeler au vote non. Puis l’énormité de la victoire acquise contre tous les appareils dominants de la vie du pays. Et ce moment si incroyable où tout ce que ce pays compte de pouvoirs constitués se laissa aller à des crises de rage publiques. La palme ici revenant à Serge July de « Libération » injuriant les électeurs du « non » dans son éditorial. La suite fut une succession de coups de forces contre le vote du peuple.
Depuis cette séquence, le vote « non » et le viol de la volonté populaire par le congrès de Versailles adoptant un copié-collé mélangé du texte rejeté par le peuple, la démocratie française est frappée à mort par une crise d’illégitimité fondamentale. Et parmi tout ce qui est mort dans cette affaire, évidemment c’est d’abord l’Union européenne, cette chose usurpée qui l’est le plus définitivement. Mais du côté de l’Eurocratie, cette première que fut le droit de passer par-dessus le vote populaire de deux pays fondateurs comme la France et les Pays-Bas fonctionna comme un signal : désormais tout est permis et la volonté populaire est chose nulle. L’actualité est toujours sur les mêmes rails. Les avancées de l’intégration européenne se font toutes sur le mode de l’augmentation du pouvoir autoritaire « des institutions » pour faire respecter par la force, et contre les votes populaires et même ceux des assemblées, les « règles économiques » contenues dans les traités. L’ordo libéralisme voulu par la droite allemande et ses portes serviettes du PS a tous les pouvoirs.
Le vote du 29 mai 2005 était un vote du peuple contre l’oligarchie. Peut-être était-ce la première fois qu’on voyait aussi clairement la collusion entre les principaux partis de gouvernement, les grands médias, leurs journalistes vedettes, le grand patronat et la bonne société. Que ceux qui doutent de l’existence de l’oligarchie se rappellent de 2005 ! Le « non » était un vote du peuple. Le « non » était majoritaire dans 84 départements sur 100. Seuls les départements les plus riches, et les plus à droite ont majoritairement voté « oui ». C’était un vote du peuple en lutte pour sa souveraineté contre un « carcan » politique et économique libéral. Un vote du peuple appuyé sur un solide vote de classe : près de 80% des ouvriers avaient voté « non ». De ce point de vue, rien n’a changé depuis. Les médiacrâtes s’évertuent à dénigrer le « non » et à le réduire à un vote d’extrême-droite. Ils effacent ou minorent le « non de gauche » pourtant majoritaire dans les urnes comme l’ont indiqué les sondages de l’époque. C’est qu’ils ont en souvenir la grande peur que nous leur avons infligé et l’immense raclée qu’ils ont reçus des urnes. C’est que le vote « non » était un vote du peuple contre eux, leur système et leur Europe libérale. C’était déjà en quelque sorte un vote « qu’ils s’en aillent tous ». Que les sondages disent que le « non » ferait un score encore plus important aujourd’hui montre que cette revendication a encore grandi.
L’histoire nous a donné raison. Depuis 2008, le traité rejeté en 2005 s’applique. Il s’applique sous un autre nom, le traité de Lisbonne, mais il s’applique. Et tout prouve que nous avions raison de pointer le danger de ce qu’il contient. On nous promettait le chaos si on rejetait le traité. On nous a imposé le traité. Et on a le chaos ! L’indépendance de la Banque centrale européenne, le dogme de l’interdiction des déficits et de la « stabilité de la monnaie », l’interdiction de l’harmonisation fiscale et sociale… Tout cela a créé les conditions de la crise actuelle et de son aggravation.
Depuis 2005, l’Union européenne est illégitime en France. Elle y est présente, mais sans le consentement populaire qui fonde la légitimité. Aucun des deux traités européens actuels n’a été soumis à référendum : ni le traité de Lisbonne de 2008 ni le traité budgétaire de 2012. Le peuple français ne les a jamais acceptés. On peut même affirmer avec quasi-certitude qu’il les aurait rejetés si on lui avait posé la question. Le traité de Lisbonne a été imposé en 2008 par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Il reprend mot pour mot les dispositions rejetées en 2005. C’est le rédacteur du traité de 2005 Valéry Giscard d’Estaing qui l’a dit lui-même. En 2008, Nicolas Sarkozy n’a pu imposer ce traité que grâce à François Hollande. En effet, c’est l’abstention d’une majorité de parlementaire PS qui a permis à Sarkozy de faire adopter le traité sans référendum. Si les parlementaires PS avaient voté contre la révision constitutionnelle au congrès du Parlement le 4 février 2008, Nicolas Sarkozy n’aurait pas eu la majorité nécessaire. Il aurait été alors obligé d’organiser un référendum pour pouvoir faire ratifier le traité. J’avais raconté tout cela en détail sur ce blog à l’époque. La forfaiture de Sarkozy n’a été possible que grâce à la complicité de François Hollande. Le même Hollande qui n’a pas renégocié le traité budgétaire en 2012, contrairement à sa promesse. Le même Hollande qui a imposé ensuite le traité budgétaire sans référendum.
En piétinant le « non », Sarkozy et Hollande ont surtout affaibli la France en Europe. Tout le monde sait dans l’eurocratie que les dirigeants français ne vont jamais au bout de rien et se soumettent toujours à leurs injonctions. Après le vote du 29 mai 2005, la France aurait dû prendre une initiative en Europe. Le gouvernement de l’époque et les suivants auraient pu et dû s’appuyer sur ce vote populaire pour remettre à plat la construction européenne. L’effacement de la France en Europe vient de la volonté de ses dirigeants de contourner le choix du peuple. Bien sûr, l’absence de caractère et de sens historique des dirigeants actuels et passés compte aussi. Comme leur ralliement idéologique au libéralisme et à l’austérité. Mais la France ne peut être audible en Europe sans s’appuyer sur le vote de son peuple. La souveraineté populaire et la démocratie ne sont pas des handicaps. Le peuple est la seule chance. Sarkozy a trahi le vote des Français en 2007. Hollande a gâché le vote des Français de 2012 en ne « renégociant » pas le traité budgétaire comme il l’avait promis. Les promesses de « réorienter l’Europe » ne marchent pas. Il faut tout remettre à plat. Puisque l’Europe est illégitime, nous n’avons pas à obéir à ses traités. C’est au peuple de dire ce qu’il faut faire. Notre stratégie de « refondation de l’Europe » passe par la désobéissance. Pourquoi respecter l’indépendance de la Banque centrale européenne ? Pourquoi obéir aux critères de déficit public ? Pourquoi se soumettre à l’interdiction des restrictions au libre-échange et du protectionnisme ? Pourquoi appliquer les directives de libéralisation des services publics découlant des traités ? Pourquoi devrions-nous respecter leurs traités puisqu’ils ne respectent pas nos votes ? Et puisque cela détruit notre pays.
Voila une autre leçon : nous avons besoin de la 6e République et d’une Assemblée constituante. La démocratie française est malade. Comment faire confiance à des élus quand ils font le contraire de ce qu’ils promettent, et même le contraire de ce que le peuple vote ! Nous devons refonder notre démocratie, reconquérir la souveraineté populaire et se doter d’institutions qui empêchent une telle forfaiture de se reproduire. C’est-à-dire des institutions dans lesquelles le pouvoir n’est pas remis dans les mains d’un seul homme ou de parlementaires qui ne rendent de compte à personne pendant leur mandat et sont inamovibles. Des institutions où le peuple peut intervenir directement lorsqu’il le juge nécessaire, par exemple en permettant de convoquer un référendum sur la base d’une initiative citoyenne. La leçon de 2005 montre aussi que la revendication de la 6e République est plus qu’un slogan. D’abord parce qu’il ne peut y avoir de souveraineté nationale en dehors du peuple et qu’il ne peut y avoir de souveraineté populaire dans la 5e République. Voilà pourquoi le FN ment quand il prétend défendre la souveraineté nationale en laissant le peuple enfermé dans la 5e République. Ensuite parce que la lutte républicaine pour la démocratie et la souveraineté, et la lutte sociale contre l’austérité et le libéralisme sont les deux faces d’une même pièce. L’une et l’autre ne s’opposent pas, elles se renforcent mutuellement. Si les libéraux ont tant cherché à piétiner le vote de 2005, c’était pour imposer leur politique économique. Si l’Europe est devenue à ce point autoritaire, c’est pour imposer l’austérité. À chaque fois, la revendication démocratique est la ligne de front sur laquelle se joue la défense des droits sociaux.
Enfin, la dernière leçon est pour nous, les héritiers du « non de gauche ». Une seule chose a changé dans le paysage politique français depuis 2005. Nous. Nous, c’est-à-dire ceux qui ont rompu avec les vieilles routines. Ceux qui ont créé le Front de Gauche avec une leçon en tête. L’unité de l’autre gauche est un bien précieux pour déclencher l’action. Mais cette action n’est efficace que si elle dépasse les organisations, si les citoyens s’en emparent. Notre discipline militante n’est utile que si elle se laisse submerger par l’insurrection citoyenne. Les partis sont sanctionnés chaque fois qu’ils essaient de se mettre en travers du peuple. Ils sont reconnus chaque fois qu’ils se mettent à son service. C’était vrai en 2005. C’était vrai en 2012. C’est la leçon pour les combats à venir. Nous devons toujours parler au grand nombre, prendre en charge non nos intérêts de partis mais l’intérêt général du peuple et du pays lui-même. Dans le futur qui s’annonce et notamment dans les élections régionales, le Front de Gauche doit se mettre au service des initiatives citoyennes même quand c’est lui qui les impulse. C’est seulement ainsi que nous serons à la hauteur de l’Histoire, au moment où elle a tendance à s’emballer.
Le M6R s'émancipe et vit sa vie
Mon retrait officiel du premier rôle dans le déploiement du M6R était prévu de longue main. De toute façon, il y a déjà plusieurs mois que les jeunes animateurs du comité technique du Mouvement gèrent directement l’implication des signataires dans l’animation du mouvement. J’ai donc agi graduellement pour permettre au mouvement de trouver lui-même son rythme. C’est une promesse tenue car j’avais faite dès le lancement de l’initiative. Je sais que beaucoup n’en ont rien cru et qu’a l’heure actuelle encore de nombreux commentateurs s’interrogent sur ce que veut dire tout ceci, incapables qu’ils sont de comprendre en quoi peut consister une bataille d’idée sans enjeu personnel. Je rends donc les clefs du mouvement que j’ai lancé, exactement comme j’avais annoncé en 2012 que, si j’étais élu président de la République, je convoquerais une Assemblée Constituante et que je lui rendrai à son terme les clefs de l’Élysée.
Je ne dis pas que je sois certain du résultat ensuite mais j’ai confiance dans l’initiative des animateurs que l’assemblée représentative va se donner. J’aurais aimé que l’on ait atteint les cent mille signatures à l’ouverture des travaux mais je sais que trop de volontarisme peut être nuisible dans ce cas. 86 000 signatures en huit mois c’est bien et même très bien. Surtout l’expérimentation des méthodes de travail que la mise en place du mouvement a permis est un formidable patrimoine commun de savoir-faire technique et politique. Dans la dernière période, nous avons beaucoup innové. Ainsi avec la deuxième manifestation en ligne organisée par le M6R le vendredi 29 mai dernier.
A midi, le mouvement pour la 6e République (M6R) organisait une « manifestation en ligne » contre la privatisation du mot « Républicain » par Nicolas Sarkozy et l’UMP. Le principe était simple : à la même heure, tout le monde devait publier un ou plusieurs tweets avec le mot-clé #JeSuisRépublicain. On connait la question. La privatisation du mot qui désigne une idée qui identifie le peuple français lui-même est une odieuse mauvaise action. Le mouvement pour la 6e République avait donc mis à disposition sur son site des visuels à télécharger ainsi que des tweets « prêts à poster ». On pouvait ainsi facilement partager un message en cliquant simplement sur un bouton. Certains messages étaient très critiques, comme : «Sarkozy, voleur ! Moi aussi #JeSuisRépublicain », ou encore : « Je ne mange pas au Fouquet’s avec les oligarques. #JeSuisRépublicain ». D’autres étaient plus ironiques, par exemple : « Casse-toi pauv’con, #JeSuisRépublicain ! », ou encore « Je m’appelle Paul Bismuth. #JeSuisRépublicain ».
L’opération a été un franc succès. Le mot-clé #JeSuisRépublicain a été le sujet le plus partagé de France sur Twitter à partir de 13h00. Et il l’est resté presque toute la journée ensuite. Plus de 10 000 tweets ont été faits sur le sujet. J’y ai participé avec un tweet disant : « Sarkozy a déjà volé mon “non”. Aujourd'hui, il veut voler mon nom. #JeSuisRépublicain ». D’une pierre deux coups en quelque sorte. De fait, chacun s’est approprié le mot-clé comme il l’a entendu. De la sorte, ce mot-clé a rassemblé très largement, au-delà des clivages partisans habituels et des sphères militantes.
Cette initiative d’un genre nouveau est riche d’enseignements. Voici le plus intéressant : la mobilisation a été très forte sans qu’aucun média n’en ait parlé avant que la manifestation ait lieu. Le M6R, agissant en ligne prouve qu’on peut se passer du système médiatique traditionnel pour se faire entendre et agir. Mieux : plusieurs médias ont parlé de cette manifestation en ligne alors qu’elle était en cours et qu’il s’agissait du sujet le plus partagé sur Twitter. Le M6R a donc réussi à faire émerger sa mobilisation sur la scène médiatique. Autre point intéressant, cette mobilisation s’est réalisée en un temps record : moins de 24h00. C’est donc qu’il est possible de mener des actions mobilisatrices et médiatiques de ce type en peu de temps, sans en rabattre sur les objectifs.
L'innovation politique dépend aussi des outils techniques
Cet exemple récent venant après tant d’autres initiatives innovantes ne doit rien aux miracles discutables de la communication politique qui continue de dessécher la sphère publique. Il montre l’existence d’un espace particulier, autonome du monde prétendument « concret » et capable de faire retour sur celui-ci dans des conditions radicalement nouvelles par rapport à tout ce que nous avons connu dans l’action politique jusqu’à une date très récente. J’ai déjà développé ici ma vision de la façon dont le « concret » et le « virtuel » s’articulent dans notre monde présent. Malheureusement, dans notre propre sphère, tout cela reste assez largement incompris, quand ce n’est pas archaïquement décrié. J’ai proposé comme on le sait que le système de l’assemblée représentative inventé par le M6R s’applique au Front de Gauche pour résoudre en profondeur le problème de son étroitesse de cartel politique à l’ancienne. Le résultat est connu : personne ne me répond soit par mépris pour les instruments techniques contemporains soit par peur du bouleversement des habitudes que cela implique. Je m’amuse de voir l’écart qui peut être constaté entre les discours verbeux sur « l’implication citoyenne » exigée par tous et la frilosité totale quand il s’agit de passer aux exercices pratiques. Evidemment, le moment venu il faudra quand même bien en tirer toutes les conséquences pour affronter la difficulté politique du mur médiatique qui se dresse devant nous et de la vague brune qui submerge tous les canaux de communication.
J’avais longuement expliqué ma façon de voir sur le sujet à Cécile Duflot quand nous parlions du dépassement des anciennes structures d’action politique. J’ai d’ailleurs saoulé tous mes partenaires sur le sujet. De façon très sérieuse, et très rare finalement, elle s’intéressait au sujet et l’échange était réel. J’ai trouvé quelque temps plus tard un écho de ces conversations en lisant dans une interview qu’elle avait donné une assez longue référence à la nécessité de créer un nouveau mouvement citoyen, basée sur l’implication directe et reposant sur une nouvelle culture de l’action politique. D’où ma surprise ensuite de la voir dégainer et tirer sans crier gare alors même qu’avec le mode de fonctionnement que nous évoquions aucune difficulté d’orientation n’était inconciliable avec l’arbitrage que pourrait rendre en ligne ce type de mouvement bâti sur le style du M6R. Au total le bilan de l’exportation de ce modèle n’est donc pas encore bien fameux. Mais ce que je peux promettre ici c’est que je suis très déterminé à le faire aboutir concrètement.
On souhaite tous le succès de Tsipras. Je pense que le peuple ne le lâchera pas de sitôt, après la maitraitance qui lui a été imposée par l'Europe. En ce qui nous concerne, seule une nouvelle constitution nous sauvera de l'emprise de la finance et des partis politiques. Tous les partis, je mets dans le même panier le FN et le PS. La pensée politique du PS, sur le mode machiavélique, c'est que le FN peut gagner des élections locales, mais pas la présidence, de la bouche même du président du PS. Je suis persuadée qu'ils gardent sous le coude des dossiers pour garder la main sur le FN. Tout ça n'est pas sérieux. Nous aspirons à une politique des idées et du bien public, et non à une course au pouvoir et aux places lucratives.
Pour reprendre le commentaire 50, j'ajouterais bien aussi laïcité à notre devise. Soladiraté me semble faire doublon avec Fraternité et ça fait un peu long. Liberté, Laïcité, Egalité, Fraternité ça sonnerait bien, non ?
@semons la concorde
Bon, bref, je me demande vraiment à quoi sert une 6eme, dans la mesure où selon les lois actuelles, le budget doit être validé par la commission.
De plus étant donné le contexte actuel je mettrais laïcité avant liberté, sachant que si je mets liberté en premier, précisément la liberté de culte, et ses extensions, viendra en opposition à la laïcité!
Votre analyse est comme toujours pertinente et mais la gauche (dans ce vocable je n'intégré pas le PS) s'est mise hors jeu car la contestation en France existe mais c'est le Front national qui représente aux yeux des Français le meilleur instrument de la colère. Pourquoi ? Car nous avons la gauche la plus nulle du monde, entre un PC englué avec des négociations avec le PS pour garder quelques gamelles à ses élus et des sous pour le parti, un Front de gauche qui prône la désobéissance aux traites. Pourtant non à l'Europe libérale c'était un message simple est clair. Et malgré vos efforts je ne vois toujours rien venir à gauche, si elle existe encore.
J'interviens ici sur le post du 4 juin. Ne nous résignons pas. Maître mot en pleine actualité. Comment expliquer aux gens qui prennent des coups et ne comprennent pas comment et d'où ils viennent, où se trouvent les bonnes réponses. Comme vous dites Jean-Luc, en 5 mn on ne peut pas répondre à des questions aussi importantes, posées de manières aussi tordues par des journalistes convaincus, ou non, en tout cas complètement digérés par le système. Que ressentent les gens qui vous écoutent, je parle de ceux qui sont encore loin de nous ?
Il n'y a guère que les réseaux comme votre blog où les vraies réponses surgissent, nous incitent à réfléchir. Le M6R est un outil, est-il suffisant, nous le verrons à la pratique et surtout à l'impact dans notre société. Le Front de Gauche est aussi un outil, bien mal en point, parce que les egos politiques prédominants freinent son développement. La Gauche (la vraie), est souvent enfermée dans ses convictions, qui restent une fin en soi. Elle nous empêche de considérer le FdG comme un mouvement politique majeur dont l'objectif est la prise en charge de notre pays par les citoyens. Pas facile.
Crise grecque ? Mais que dit on alors du scandale financier à la Deustche banque pour souligner "le contraste". C'est environ 250 milliards (je pense avoir retenu 280) ? Comment peut on exploiter les Grecs et se passer de voir les fraudes bancaires, encore et encore, y compris chez les exploiteurs plus exigeants ? Décidément il y a bien une bande d'enfoirés mondains qui mondialisent leurs profits.
Un formidable documentaire hier soir sur LCP : La dette, une spirale infernale ? A voir et à revoir pour tous ceux qui ne comprennent rien à la crise qui frappe l'Europe. Bernard Maris intervient plusieurs fois dans ce documentaire et j'ai eu beaucoup de plaisir à l'entendre. Sa voix de bon sens économique nous manque sur France Inter.
Petite remarque en passant. Le 4 juin, les médias font tout un foin sur une étrange nouvelle tendance fashion des enfants qui se maquillent le visage avec un maquillage de leur propre fabrication, celui ci est fait avec des craies grasses servant au coloriage de leurs dessins et cela le rendrait potentiellement dangereux pour la santé de nos bambins (que ces derniers sont biens coquins). Le 9 juin ces mêmes médias annoncent qu'en France, un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté. Est-ce que vous pensez qu'il y en aurait un qui aurait fait le lien, ou qui, du moins, sans faire de raccourci, aurait tenté d'étudier s'il y a un lien ? Et bien non ! Bientôt vous verrez que l'on s’amusera d'un nouveau mouvement à la mode dans les familles consistant à manger des pommes de terre toute la semaine et d'y ajouter du beurre le dimanche. Sans doute que ce sera considéré comme furieusement tendance. Et n'oublions pas qu'en Grèce il y a en ce moment cette toute nouvelle pratique en vogue qui consiste à se chauffer l'hiver en faisant brûler ses propre meubles. Sont vachement ludiques, les Grecs.
@naif
"J'ai entendu de la part d'experts financiers l'inverse."
Bien entendu, et encore heureux puisque récemment il s'en est fallu de peu que le comité central de Syriza ne vote une résolution demandant au gouvernement la rupture complète avec les créanciers. Je maintiens que les financiers libéraux que l'on suppose à la manœuvre derrière les "institutions" pensent, eux, le contraire.
"comme l'a fait l'Irlande"
Heu... L'Irlande a fait appel aux institutions (Europe et FMI) pour 67 milliards d'Euros en 2010, et est sortie avec succès du programme d'aide en 2013 (et est évidement restée dans l'Euro). Je ne vois pas bien pourquoi tu en parles.