03oct 12
Alors que le Premier ministre tente de réunir sa majorité sur le traité européen, l’ex-socialiste y voit un plan de rigueur qui mènera "à la récession".
Après avoir défilé dans Paris, dimanche, avec ses militants contre la ratification du Traité budgétaire européen, le leader du Front de gauche, Jean-Luc Mélenchon, veut faire pression sur les parlementaires qui examinent le texte. Il accuse le gouvernement de mener la France vers la récession et maintient qu’un rejet du texte serait salvateur pour l’Europe.
Trouvez-vous que François Hollande se cache dans ce débat européen ?
Il est très mal à l’aise et pas très fier du résultat, car il est confronté à une situation invraisemblable où il divise la gauche pour faire passer un texte signé par son prédécesseur. François Hollande utilise son Premier ministre dans la fonction la plus triviale de la Ve République, celle de fusible. Et ce mardi, celui-ci a fait un discours calamiteux où il a été obligé d’avouer qu’il présente le même texte que celui signé par Nicolas Sarkozy.
Jean-Marc Ayrault a également dit que ne pas ratifier le traité aboutirait à une crise politique et monétaire…
C’est un bobard de propagande pour faire peur. Si la France ne ratifie pas le traité, s’ouvrira alors une véritable négociation, car la France est la deuxième économie de l’Union européenne. Quoi que nous fassions, les autres doivent faire avec. L’Europe ne peut pas continuer sans l’un des deux géants qui la composent.
Quelle Europe voulez-vous ?
L’Europe est devenue "austéritaire". C’est une dictature financière sur les Etats. Je veux une Europe démocratique et sociale qui a des frontières avec l’extérieur, des filtres sociaux et écologiques. Pas une Europe passoire comme aujourd’hui.
Et je veux une Europe où il est interdit de faire du dumping social, où l’on ne paye plus des ouvriers trois fois moins cher dans certains pays pour faire le même travail.
Enfin, c’est une Europe avec une harmonisation fiscale par le haut pour éviter que l’on puisse cacher sa fortune à 20 km d’où elle provient.
Mais l’Europe n’a-t-elle pas évolué positivement depuis l’élection de François Hollande comme l’affirme l’exécutif ?
Non, elle est devenue pire. En cours de route, la Grèce a été brutalisée une nouvelle fois avec l’appui de François Hollande et l’Espagne entre en agonie.
Du reste, tout ce qui a été décidé depuis six mois était déjà prévu sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Plus la France accepte de serrer l’étau voulu par madame Merkel, plus la situation devient terrible dans toute l’Europe. Il faut que l’un des pays européens brise la chaîne du traité.
Au fond, c’est la rigueur budgétaire qui vous pose problème ?
Entendons-nous sur les mots. Tout le monde est pour une gestion sérieuse des finances publiques, mais le mot qui décrit leur politique c’est austérité : la contraction brutale de la dépense publique. C’est cette politique que je condamne car elle mène notre pays à la catastrophe comme le Portugal, l’Espagne, la Grèce, l’Italie. Il n’y a pas un exemple dans le monde où une cure d’austérité conduit à autre chose que la récession et le chômage. Combien de mois faudra-t-il pour admettre cette vérité ?
Pourtant, le retour à l’équilibre budgétaire était dans le programme du candidat François Hollande…
Il avait aussi dit qu’il renégocierait le traité, ce qu’il n’a pas fait. Pendant la campagne, j’ai expliqué que le retour à 3 % de déficit l’an prochain coûterait 30 milliards. On m’a juré que «non». C’est pourtant ce qui se passe. Les Français n’ont pas voté pour une ponction de trente milliards dans l’économie du pays.
En tout état de cause, nous avons élu un président, pas un monarque. Nous n’avons pas donné de chèque en blanc à François Hollande. Il faut donc s’attendre à ce que du début à la fin de son mandat, il y ait du débat. Et il faut se faire à l’idée qu’il y a à gauche, des ayants droit qui ne restent pas inertes.
En quelque sorte, vous lui demandez d’appliquer votre programme…
Je ne lui demande pas ça, car le mieux placé pour le faire, c’est moi. Mais le moment venu, c’est ce qu’il faudra faire. Et nous saurons le faire.
Propos recueillis par Alexandre Boudet