11déc 06
Pinochet est mort dans son lit. Mais des copains l’attendent de l’autre côté pour lui foutre une raclée. Sûrement aussi que le syndicat des diables de l’enfer va lui faire une large démonstration de ce que ses salopards de la Dina, (la police politique dirigée par le toujours vivant Manuel Contreras), ont fait au trois mille personnes, femmes, hommes et enfants qui leurs sont tombées sous la main. Ca me serre le ventre d’y penser. Dans ce nombre, il y a aussi des visages pour moi. Cette nuit là, mon copain Joseph (on l’appelait « pépé ») s’était couché un peu nerveux. Le président du syndicat clandestin des journalistes de Santiago du Chili n’aimait pas du tout l’ambiance mortelle des nuits d’état d’urgence. Et depuis cinq heures du soir les barrages étaient en place dans les rues. L’après midi, un commando de la résistance de gauche avait manqué une tentative armée contre Pinochet.
Les deux voitures qui entouraient celles du dictateur avaient été magnifiquement atteintes par les bazookas des militants postés dans la montagne. Malchance incroyable le troisième s’est enrayé. Le chauffeur de Pinochet a réussi à faire demi tour sur cette fichue route étroite comme une piste et à revenir sur Santiago. L’Etat d’urgence a été déclaré. Dans la nuit des types ont ouvert la porte de Pépé à coup de pieds, ils ont couru dans la maison en hurlant et quand ils l’ont trouvé ils l’ont sorti de son lit et ils l’ont embarqué. Mais ce qu’on peut dire d’eux à leur décharge, si une idée pareille est possible, c’est qu’ils ont eu pitié de sa femme qui dormait avec lui et de son gosse. Nous les membres du « réseau d’appui à la presse indépendante », nous avons été prévenus presque aussitôt. Que faire ? On tournait en rond comme des fous. Avec le décalage horaire, là bas il a fait jour pendant qu’on se sentait si inutiles dans la nuit. Le matin, les gens du bidonville en face du cimetière sont allés commencer à poser des fleurs et des bougies autour du corps de Pépé parce que les autres l’ont fusillés là contre ce mur. Je la fais brève, comme on le dit pour une histoire où les détails pourraient abonder. Après cette nuit là, nous, ici, les militants qui étions aussi ses copains, nous nous sommes constitués en commission d’enquête sur ce meurtre.
Au lieu de m’occuper des vrais problèmes de proximité ou de continuer à me prélasser dans mon fauteuil de sénateur comme je le fais d’habitude si j’en crois mes détracteurs, je suis allé là-bas avec deux camarades pour embrasser sa veuve, notre copine elle aussi, et lui dire qu’on lâcherait pas prise. Car les policiers venaient de trouver une explication inouïe : « c’est pas nous, on ne sait pas qui c’est ». Sur place j’ai demandé rendez-vous à tout ce que ce pays comptait d’officiels susceptibles de savoir quelque chose à propos des rues de Santiago un soir où la circulation est interdite et où il y a un barrage tous les deux cents mètres, mais où la police prétend ne rien savoir d’un groupe de cinq types qui embarque un journaliste récalcitrant et le fusille dans la rue. Comme l’ambassade de France me donnait un puissant coup de main, je suis allé jusque dans le bureau du ministre de l’intérieur, un militaire jaunâtre et gris comme un cendrier. Celui-ci m’a dit « J’espère que vous ne nous soupçonnez pas, tout de même ! Nous sommes un état de droit ! Nous ne sommes pas un Etat totalitaire. Nous combattons le totalitarisme marxiste ! Nous nous sommes un régime autoritaire. Pas totalitaire ! » J’ai bien compris qu’il se moquait de moi avec cette arrogance spéciale des puissants qui se sentent hors de portée du commun des mortels. Des comme celui-là j’en ai souvent rencontré dans l’existence. Ce type me regardait droit dans les yeux. Et moi j’en ai fait autant quand je lui ai demandé ce qu’il fallait penser d’un régime d’autorité impuissant à savoir ce qui se passe dans les rues de la capitale quand il y a un barrage militaire à chaque carrefour et où le ministre de l’intérieur ne sait pas qui enlève et fusille un journaliste en pleine rue. Ce que j’ai fait n’a servi à rien ? Juste à montrer à ce type de marionnette sanglante qu’on pouvait venir se foutre d’elle nez à nez sans qu’il y puisse rien parce que même mort il y a des gens qui vous donnent du courage pour remuer les montagnes. Ceux-là vivent pour toujours comme le prouve cette note. Et si j’ai oublié le nom du bourreau que j’avais en face de moi dans ce bureau doré au palais de la monéda, j’ai gardé la mémoire de celui qu’il avait fait assassiné. C’était Pépé Carasco Tapia.
Les gens du bidonville ont mis des fleurs et des bougies pendant des mois à l’endroit où ils ont trouvé son cadavre. Et comme ils faisaient aussi des prières à cette occasion, Pépé a commencé une nouvelle carrière de délégués des travailleurs de l’autre côté des fleurs et des bougies. Ca marchait pas mal apparemment. Alors, les gens ont mis des ex-voto : « gracia por el favor de dios », gracia por el trabajo » et ainsi de suite dans tous les registres des préoccupations humaines ordinaires pour lesquelles il faut si souvent des coups de pouce surnaturels pour y arriver. Pourtant Pépé était un grand mécréant qui aimait rire et faire la fête. Je pense que la plupart de ceux que Pinochet a fait martyriser, aussi. Maintenant, ce salopard nous a échappé. Mais les autres, ses doigts et ses mains, les faiseurs d’horreurs, ceux là sont encore là, a portée d’humanité c’est-à-dire de jugement.
Une belle ordure de moins, c'est l'écologie qui au minimum va y gagner.
Pour St Ouen il est fort probable que l'histoire retienne que le PC et la LCR ont fait crever la candidature antilibérale.J'en serai pas surpris.
Reste que si le PC et la LCR persistent,rien n'empéche de choisir un candidat sans eux. Il aurait peut-étre plus de chance qu'avec eux d'ailleurs.
c'est toujours comme ça avec les couteaux du libéralisme : jamais jugés
Pinochet.
L'essentiel des soutiens du nazisme, dont Krupp...et Ford... etles industriels d'Europe
Les acteurs français de la solution finale...dont les fonctionnaires blanchis par "l'ordonnance de rétablissement de la légalité républicaine"...
Papon va mourir dans son lit...et centenaire...
Pierre le Belge de Lille
J'étais au Chili en décembre 86, pour visiter pour la première fois la famille de ma femme. Ses parents et oncles proches avaient fui en France, mais une grande partie de la famille était restée à Santiago. Il y avait même deux cousins inspecteurs de police. Toujours cette ambivalence de la société chilienne. Cet article m'a fait froid dans le dos. Je me rappelle ce sinistre soir de Noël ou j'ai pénétré dans le commissariat central pour accompagner un des cousin qui passait y prendre des documents avant de rentrer pour le réveillon. Il était si fier d'exhiber le "primo frances". Je vois encore avec effroi les affiches sur les murs "los communistas mienten, nunca creen esos seres miserables...". La télé avait annoncé l'arrestation d'un supposé membre du commando. Je pouvais immaginer ce qui se tramait. Il régnait dans le bâtiment une grande agitation. Le cousin a éludé mes questions. J'en suis encore malade quand j'y pense. Ce soir là, j'ai abusé sans modération du Pisco Capel à 45°. Un des cousins a été descendu dans des circonstances troublantes quelques mois plus tard. J'ai revu l'autre l'hiver dernier. Il a quitté la police juste avant le départ de Pinochet, après avoir mené une enquête sur des trafics qui remontait trop près d'un ministère. Il vivote comme privé...
Ce qui s'est passé au Chili. Ce qui se passe au Venezuela. Que se passe-t-il en France?
j'avais une amie,elle habitait au Chii,Mayette,quand le courrier partait pour ton pays il fallait faire trés attention au contenu de la lettre .....UN DICTATEUR DE MOINS,mais il n'a pas été jugé......
C'est dingue de penser qu'un dictateur de sa trempe ait toujours réussi à échapper à un procès ! La Justice a des questions à se poser...
A vendredi JL !
L.
Il ne s'agit ni de problèmes techniques ni de censure, mais simplement de modération et de respect.
Le sujet abordé par Jean-Luc Mélenchon dans cette note ne peut être une tribune pour autre chose que des messages de soutien à celles et ceux, si nombreux, qui ont souffert et souffrent encore des exactions d?un dictateur qui a réussit à échapper à la justice des hommes.
Un salut Républicain,
Le modérateur.
dont acte... milles excuses :o)))
Pinochet le bras armé du laboratoire de la dictature néo-libérale.
http://www.alencontre.org/EdPage2/p2_neolib_anderson.html
"MURIÓ EL TIRANO, PERO NO SE ACABÓ LA RABIA", le tyran est mort,pas la rage,nous avertissait les victimes du régime de Pinochet et leurs familles.D'où j'écris ces lignes,en Espagne,les mérites de Pinochet et des chicago boys sont vantés sur de nauséabondes webs libérales et sur les ondes de la radio de l'épiscopat hispanique.Le paralélisme entre Pinochet le général Franco (qui a,encore aujourd'hui, de nombreux adeptes) est intéressant,heureusement que les chiliens,eux,n'ont pas eu à attendre la mort du tyran pour que la démocratie s'installe.
Célébrons ici le travail de Joan Garcès,l'avocat espagnol qui inicia les procédures judiciaire et le courage -une fois de plus- du juge Garzón.Demeurons attentifs a la poursuite du travail de la justice sur les crimes et les vols du régime de Pinochet.
grande pensée pour toi Jean-Luc. Et pour tous les camarades qui ont vécu dans leurs chairs les supplices perpétrés par ces bourreaux. Nous sommes ceux qui ne permettront pas qu'on les oublie, qui continueront à former et instruire sur l'histoire de nos camarades. Merci pour ton article. Venceremos !
Bravo ! J'ai écouté avec plaisir ton intervention à "un oeil sur la planète" au sujet de Chavez et du Venezuela. Je suis complétement d'accord. Malheureusement des tas de compatriotes se permettent de parler et de critiquer sans connaître les réalités du terrain.
Mais est ce vraiment de l'ignorance ?..
Encore bravo
Solange