Loin de sécuriser l'emploi, l'accord signé par le MEDEF avec des syndicats minoritaires développe la "flexibilité" du travail et facilite les licenciements. S'il était appliqué, il aggraverait la précarité et le chômage. Voici un premier décryptage de ce texte contre lequel la mobilisation sociale s'organise pour empêcher sa transposition législative annoncée par le gouvernement.
Les 5 dangers de l'accord
L'accord ne fait pas l'unanimité syndicale, loin de là. 2 des 3 premiers syndicats du pays ne l’ont pas signé (CGT et FO). Solidaires s’y oppose aussi. Seules la CFDT, la CGC (syndicat catégoriel de cadres), et la CFTC ont signé.
L'accord valide le chantage à l'emploi. Il reprend les "accord compétitivité-emploi" de Sarkozy, sous un autre nom. C'est une arnaque pour faire croire aux salariés qu'ils sont responsables du chômage. C'est une attaque contre l'ordre public social : un accord d'entreprise pourra déroger au code du travail.
L'accord facilite les licenciements. Il ne dit rien contre les licenciements boursiers. Il va augmenter le chômage et la précarité.
Un principe : le gouvernement et le Parlement ne sont pas obligés de reprendre l'accord. Aprés avoir écrit l'accord, le MEDEF va-t-il aussi écrire la loi ?
« Un accord inacceptable » pour CGT, FO et Solidaires
CGT : « C’est un accord proprement inacceptable, à contrario de l'objectif initial de sécurisation de l'emploi. Les entreprises seront plus libres de licencier »
FO : « un jour sombre pour les salariés. Ce texte renforce la précarité »
Solidaires : « régression sociale historique », « inacceptable ». Il « institutionnalise davantage la précarité, instaure une super-flexibilité. Il n’y a pas de sécurisation de l’emploi mais sécurisation des droits, déjà exorbitants, des patrons »
Le gouvernement a laissé la main au MEDEF
Hollande a demandé au gouvernement de « transcrire fidèlement l’accord » dans la loi. Un projet de loi sera présenté en Conseil des ministres en mars.
Laurence Parisot souhaite que « cet accord soit ratifié en l’état par le Parlement » et que "le Parlement respecte l'accord à la lettre"
Le gouvernement n’a rien dit. Il a abandonné les syndicats face au MEDEF.
François Hollande avait pris des engagements :
lutter contre les licenciements boursiers. Il n’y a rien dans le texte
obliger une entreprise à céder un site rentable si un repreneur se manifeste. Le texte dit seulement qu’il « convient d’envisager la recherche de repreneurs »
Analyse détaillée du contenu de l’accord
Taxation des contrats courts : un marché de dupes !
Le MEDEF a fini par accepter la demande de la CFDT de majorer la cotisation d'assurance-chômage pour les CDD. La majoration sera de +3 points pour les CDD de moins d'un mois et +1,5 point pour les CDD de 1 à 3 mois.
Mais :
La majoration sera seulement de 0,5 points dans 21 secteurs qui utilisent beaucoup de CDD («où il est d’usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature de l’activité et du caractère par nature temporaire de ces emplois ») : exploitation forestière, audiovisuel, hôtellerie etc.
Deux types de CDD sont exclus : les contrats saisonniers et les CDD de remplacement, seuls les CDD liés à des surcroîts d'activité seraient concernés.
En échange, le MEDEF obtient une nouvelle exonération de cotisation chômage pendant 3 mois pour toute embauche en CDI d'un jeune de moins de 26 ans (et même 4 mois dans les PME de moins de 50 salariés)
Accords de maintien dans l'emploi
= Poursuite des accords "compétitivité-emploi" de Sarkozy
En cas de "graves difficultés conjoncturelles", il sera possible de "conclure des accords d’entreprise permettant de trouver un nouvel équilibre, pour une durée limitée dans le temps, dans l’arbitrage global temps de travail / salaire/ / emploi, au bénéfice de l’emploi."
Les seules limites aux régressions sont les éléments légaux : "SMIC, durée légale, durées maximales quotidiennes et hebdomadaires, repos quotidien et hebdomadaire, congés payés légaux, 1er mai"
La garantie d'emploi ne vaut que pour la durée de l'accord (2 ans maxi)
Le patronat ne s'engage que dans des formules creuses :
Si un salarié refuse l'accord, il pourra être licencié mais ne pourra pas contester son licenciement devant les prud'hommes. Si 10 salariés refusent l'accord et sont licenciés, l'entreprise ne sera pas obligée de faire un plan social.
Autres reculs et danger pour les salariés
Faciliter des licenciements et éviter les plans sociaux
Ne pas obliger la création de délégués du personnel ou d'un CE dès les seuils franchis (11 et 50 salariés). Les entreprises auraient un an pour appliquer la loi.
Contourner le CDI par un nouveau contrat : un "CDI intermittent" pour des "emplois permanents comportant par nature une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées". Il serait "expérimenté".
L'accord prévoit aussi la possibilité pour les agences d'intérim d'embaucher des intérimaires en CDI dans une sorte de contrat permanent d'intérim.
Des avancées illusoires pour les salariés
Complémentaire santé pour tous les salariés d'ici 3 ans
Création de droits "rechargeables" à l'assurance chômage.
Encadrement du temps partiel subi pour permettre aux salariés de travailler au moins 24h par semaine.
Toutes ces avancées doivent encore faire l'objet de négociations de branche ou interprofessionnelles quant à leurs modalités. Rien n'est encore garanti. Tandis que les reculs de droit, eux, sont déjà actés par l'accord.