Mardi 9 juin 2015, le Premier ministre Manuel Valls a annoncé plusieurs mesures censées favoriser l’emploi dans les petites et moyennes entreprises. Toutes ces annonces ne visent qu’à renforcer la « flexibilité » pour les entreprises et à déréguler le marché du travail, c’est-à-dire à précariser les salariés.
Manuel Valls et François Hollande confirment leur incompétence économique. Pour eux, si les entreprises n’embauchent, c’est parce que les patrons auraient « peur de licencier ». En revanche, ils n’ont jamais aucun mot ni aucune mesure pour rassurer les salariés contre la peur d’être licencié ! La réalité est que les entreprises n’embauchent pas faute d’activité suffisante à cause de l’austérité budgétaire, du chômage et du gel du pouvoir d’achat. Et parce que les banques, les actionnaires et les grands groupes donneurs d’ordre étouffent les entreprises productives.
Ces mesures ne créeront pas plus d’emploi. En revanche, elle font précariser encore les salariés. Or la précarité est un obstacle à des conditions de vie dignes mais aussi à un progrès économique socialement utile et écologiquement soutenable.
1. Possibilité de renouveler un CDD 2 fois contre une aujourd’hui (en gardant la limite de 18 mois en CDD maximum au total)
• Manuel Valls avait officiellement promis de « ne pas toucher au contrat de travail ». Mais en douce, il savonne un peu plus la planche du CDI.
• Ce sera plus de précarité : les patrons ne seront pas incités à transformer le 2e CDD en CDI, mais à recourir à un CDD supplémentaire
2. Plafonnement des indemnités versées par un patron condamné pour licenciement abusif. Le plafond variera selon la taille de l'entreprise (moins de 20 salariés, plus de 20 salariés…). Les licenciements abusifs suite à harcèlement ou discrimination seraient aussi exclus.
• C'est un cadeau fait aux patrons voyous, un peu comme si on disait à l'avance à un agresseur quels dommages et intérêts il va devoir payer à sa victime. En effet, la mesure concerne bien les indemnités versées en cas de licenciement abusif, c’est-à-dire « sans cause réelle et sérieuse »
• Cela va faciliter les licenciements puisqu’il suffira de provisionner la somme maximale pour pouvoir licencier en toute sécurité, sans risquer plus. En quelque sorte, le droit de licencier abusivement un salarié devient monnayable : celui qui peut payer peut enfreindre la loi.
• Cela va créer une inégalité entre salariés : selon la taille de l’entreprise, les salariés ne pourront pas bénéficier des mêmes indemnités
• Officiellement Manuel Valls annonce que les plus grandes entreprises ne pourront pas bénéficier de cette mesure. Mais il a déclaré que les parlementaires auront à discuter des modalité pour les entreprises ayant jusqu’à 250 voire 300 salariés ! On est donc loin d’un dispositif limitée aux très petites entreprises. Et les différents seuils d’indemnité sont fixés selon le nombre de salarié et non seulement les moyens de l’entreprise !
3. Gel pendant 3 ans de l'effet fiscal du dépassement des seuils de 9, 10, 11, 19, 20 et 50 salariés : les obligations de l’employeur déclenchées au franchissement de l’un de ses seuils seront gelés jusqu’en 2018.
Et relèvement des obligations actuelles à 9 ou 10 salariés à 11 salariés. Cela concerne toute une série d’obligations de l’employeur à l’égard de la collectivité comme le financement du versement transport, de la formation continue, des prestations complémentaires de prévoyance et des cotisations sociales sur les salaires des apprentis.
• C’est toujours la même rengaine sur les seuils et l’excès de règles qui seraient responsables du chôamge
• C’est une demande systématique de la commission européenne
• Cela ne va faire que renforcer la précarité : l'institut allemand IFO soulignait récemment qu'« un gel temporaire des nouvelles obligations pour les entreprises qui passent au-dessus d'un seuil les encouragerait à faire un usage accru du recrutement temporaire de nouveaux employés, de façon à retourner en dessous du seuil social une fois le gel temporaire levé ».
4. Versement d’une prime de 4 000 euros sur 2 ans pour l'embauche d'un 1er salarié d'ici un an dans les entreprises qui ne comptent aucun salarié
• Là encore, c’est une erreur d’analyse : pour embaucher il faut de l’activité, pas une prime !
• Cette mesure va se traduire par de gros effets d’aubaines et donc une gabegie d’argent public : des entreprises qui seraient suffisamment bien portantes pour embaucher un 1er salarié sans la prime en bénéficieront quand même !
• Cette prime n’est même pas réservée aux entreprises qui embaucheront en CDI puisqu’il suffira de proposer un CDD de 12 mois pour l’empocher.
• Aucune précision n’a été donnée sur un éventuel remboursement de la prime en cas licenciement ou de rupture de la période d’essai.
• Alors que tout le monde voit la gabegie de plusieurs dizaines de milliards d’euros par an que représentent les crédits d’impôts (crédit d’impôt compétitivité, crédit d’impôt recherche) et le pacte de responsabilité, Manuel Valls continue les cadeaux sans aucune contrepartie !
5. Extension des accords de maintien dans l’emploi (issus de l’ANI de 2013)
La durée des accords de maintien de l’emploi passe de 2 à 5 ans. Et les licenciements en cas de refus du salarié ne seront plus des licenciements économiques (avec mesures de reclassement obligatoires), mais des licenciements su generis, ouvrant droit aux seules indemnités légales et conventionnelles.
• C’est l’aggravation de l’Accord national interprofessionnel et de la loi de sécurisation de l’emploi de 2013
• Le chantage patronat pour obtenir une baisse des salaires ou une augmentation du temps de travail va être renforcé : les salariés qui refusent les nouvelles conditions seront moins protégés. Et ceux qui les acceptent y seront soumis 3 ans de plus qu’aujourd’hui !
6. Extension de la durée de la période d’essai pour les apprentis
Dorénavant la période d’essai portera sur 60 jours de présence effective dans l’entreprise et non 60 jours incluant les périodes à l’école.
• Cela revient à doubler la période d’essai pour les apprentis et à maintenir dès adolescents dans une situation extrêmement précaire jusqu’à décembre, quasiment au milieu de l’année scolaire.
7. Facilitation de la sanction du donneur d'ordre en cas de fraude au système de détachement de travailleurs par un sous traitant et demande de révision de la directive sur le détachement
• Manuel Valls fait des moulinets : il ne peut proposer que des changements mineurs, sans remettre en cause le dumping légal sur les cotisations sociales que constitue le droit de faire travailler en France un salarié en payant les cotisations dans un autre pays. S’attaquer aux fraudeurs ne fait pas oublier l’injustice du système en lui-même.
• Manuel Valls demande officiellement une révision de la directive. Mais François Hollande a accepté la précédente révision il y a à peine plus d’un an. C’est-à-ce moment là qu’il ne fallait pas céder. Le PS a préféré des changements cosmétiques à un affrontement réél avec d’autres pays, notamment l’Allemagne et la Pologne. A l’époque, Jean-Luc Mélenchon avait été le seul à voter contre la nouvel directive. Il dénonçait la poursuite d’un système légal de dumping. Le PS et l’UMP avaient voté pour la directive révisée, Madame Le Pen s’était abstenu !
Une méthode inacceptable.
Manuel Valls escamote le débat parlementaire. La plupart de ses mesures nécessitent de changer la loi. Mais Manuel Valls n’entend pas déposer un projet de loi sur le sujet. Il veut bidouiller pour faire passer ses mesures par le biais d’amendement à des projets de loi déjà en cours de discussion parlementaire. Ainsi, l’essentiel des mesures vont être intégrées par des amendements à la loi Macron et à la loi Rebsamen. Or ces deux lois ont déjà été discutées en 1ere lecture à l’Assemblée nationale. L’examen de la loi Macron en nouvelle lecture a même déjà commencé ce lundi 8 juin. Et le gouvernement envisage sérieusement de l’imposer une nouvelle fois sans vote en recourant de nouveau à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution.
Le mépris des débats du parlement et la brutalisation de la démocratie sont décidément les armes préférés du PS.
• Ces annonces démontrent une nouvelle fois le crédo de François Hollande, Manuel Valls et du PS : le parlement est méprisé, les salariés précarisés et le patronat exaucé.
Nos propositions pour l’emploi et les PME
Plutôt que la précarité et la déréglementation, l’économie et les salariés ont besoin d’une intervention publique forte pour :
• Instaurer un protectionnisme solidaire aux frontières pour réindustrialiser le pays et relocaliser les productions, et garantir l’accès aux marchés publics aux entreprises locales respectant des critères sociaux et écologiques.
• Relancer l’activité par des investissements publics, la planification écologique, la hausse des salaires dont le SMIC à 1700 euros et la lutte contre le chômage
• Libérer les entreprises de la finance et faire baisser le coût du capital, grâce à des prêts bonifiés par un pôle financier public, allant jusqu’au taux zéro pour l’escompte.
• Refuser l’application de la directive sur les travailleurs détachés : les salariés travaillant en France doivent payer les cotisations sociales prévues par le droit social français.