Malgré de grandes annonces et des promesses de changement de cap pour l’enseignement supérieur et la recherche, le gouvernement présente un budget qui couvre à peine les nouvelles dépenses obligatoires compte tenu de l’augmentation du nombre des étudiants.
Budget 2013 : le mirage de l'annonce de la hausse du budget
Le budget 2013 s’établit à 22,9 milliards d’euros. Il est en augmentation de 2,2% (soit +550 millions d’euros) par rapport à 2012 (22,4 milliards d’euros) pour une inflation de 1,6% prévue par la même Loi de Finances Initiale.
Hors inflation, l’augmentation annoncée vient donc tout juste couvrir des dépenses obligatoires nouvelles (cotisations sociales, + 40 000 étudiants…).
Ces subtilités budgétaires déjà utilisées sous Sarkozy pour afficher une « fausse » augmentation sont de nouveau à l’œuvre avec le nouveau gouvernement.
En outre, les autorisations d’engagement sont en hausse de 0,8% seulement, soit deux fois moins que l’inflation. On peut donc parler d’un budget en recul.
On pourrait même pronostiquer une évolution négative des crédits effectivement engagés car la Modernisation de l’Action Publique de Jean-Marc Ayrault (MAP), comme sa sœur siamoise, la RGPP de Sarkozy, va produire ses coupes budgétaires en 2013.
L'asphyxie financière des universités s'étend
Lanceur d’alerte, le rapport de la Cour des Comptes (mai 2012) avait constaté une réduction des emplois sous plafond d’Etat de 4 832 Equivalents Temps Plein (ETP) entre 2008-2011 et de 1 500 en 2012 du fait des gels de poste dans les établissements.
Il était donc assez naturel que le Conseil National de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche (CNESER) donne un avis négatif (5 pour, 22 contre, 8 abstentions) sur le budget 2013 en soulignant son insuffisance qui « va accroitre les restrictions (gels d’emploi, suppressions d’heures d’enseignement et de formations, augmentation du nombre d’étudiants par groupe, non-respect des maquettes, investissement reportés…). Ainsi, le CNESER regrette que des établissements, pour voter en équilibre, continuent à prendre des mesures d’austérité, notamment de gels d’emplois de toutes catégories (par exemple 41 postes gelés à Strasbourg…), qui augmentent encore le nombre de postes gelés estimé à 1 500 et vont à l’encontre de l’objectif affirmé d’améliorer la réussite des étudiants »
–> Venant d’un organe consultatif placé auprès du Ministre, cet avis vient démontrer que le véritable changement n’est pas pour maintenant.
Il n’est donc pas étonnant que, quelques jours avant le vote de la loi de Finances, quatorze présidents d’universités aient écrit à la Ministre pour faire le constat d’« échecs humains et financiers » de l’autonomie et aient proposé que l’Etat reprenne la gestion de la masse salariale, transférée aux universités par les Responsabilités et Compétences Elargies (RCE). La Conférence des Présidents d’Universités (CPU), elle-même, avertissait que « sans moyens, toutes les propositions des Assises resteraient un vœu pieux » et regrettait « que la question du budget … apparaisse quasi-accessoire alors qu’elle est fondamentale ».
–> Cette situation tient à la non prise en compte de la croissance de la masse salariale liée au vieillissement des personnels transférés et à une mauvaise évaluation des besoins humains dans les établissements autonomes.
Comment l'autonomie des universités organise leur étranglement budgétaire ?
La loi de Finances parle de consolidation de la situation des Universités. Mais l’augmentation des moyens alloués n’est que de 1,7% (250 millions d’euros), le niveau de l’inflation ! Pas de rattrapage des retards pris sous la droite donc…
–> Au total, c’est l’austérité qui l’emporte. Pourtant, les crédits existent ; il suffisait de transférer une petite partie des intérêts du Grand Emprunt (ressource extrabudgétaire) vers le budget de l’Etat ou amputer le Crédit d’Impôt Recherche (CIR).
L’austérité est un alibi pour imposer, comme le dit la Ministre répondant aux 14 présidents d’universités, des « rééquilibrage territoriaux et disciplinaires… ». En fait, de rééquilibrage disciplinaire, il s’agit d’un dégraissage de l’offre de formation, selon les propos de la Ministre, « illisible pour les entreprises ».
Outre l’austérité, le budget 2013 porte en lui-même la poursuite des réformes structurelles engagées sous Sarkozy consistant à mettre le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche et le budget de l’Etat au service du monde de l’entreprise.
Recherche : des inflexions cosmétiques sans moyens nouveaux
La logique des appels à projets (cause de précarité dans la recherche – 50 000 précaires) est « entamée » mais trop faiblement pour en faire la rupture politique attendue.
Les crédits de l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) demeurent très élevés alors que, dés cette année, le Gouvernement aurait pu déplacer entre 100 et 150 millions d’euros en faveur des établissements public à caractère scientifique et technologique (EPST), des crédits récurrents et des « projets blancs ».
–> A n’en pas douter, la Loi d’Orientation conservera l’ANR créée par la droite alors que sa suppression était demandée.
Combien manque-t-il pour atteindre l’objectif de 1% du PIB ?
Selon des proches du Gouvernement, la France, avec 0,80% du PIB de 2010 consacré à la recherche publique, serait aussi bien lotie que l’Allemagne (0,79%), la Grande Bretagne (0,67%), les USA (0,76% et le Japon (0,74%). Or, ils confondent le financement public de la recherche et le financement de la recherche publique civile. Cette dernière (universités, écoles, organismes, agences) s’élèvent en réalité à 0,55% (en Allemagne à 0,75%). Toujours cette manie du tour de passe comme sous Sarkozy !
–> Pour atteindre 1% du PIB, il faudrait au contraire un effort de 1,3 milliards d’euros pendant 10 ans.