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Note de blog – 11 octobre 2005
Jour de deuil. Cette grande coalition en Allemagne me reste en travers de la gorge. Droite et gauche en légumes du même potage ! Mes amis proches s’arrachent les cheveux : « quelle confusion ! ». Moi ça me glace. Ce n’est pas la confusion. Seuls les naïfs tombent de l’arbre. C’est la clarté. La sociale démocratie allemande est passée de l’autre côté du cheval. Ce n’est pas une surprise.
C’est l’aboutissement normal de la politique du « socialisme d’accompagnement ». Le SPD de Schröder est à sa place avec la droite. D’ailleurs aucune résistance ne s’exprime en son sein sinon sur des broutilles concernant le comportement de Schröder lui- même. Cette ligne est l’axe politique qui domine actuellement le Parti Socialiste Européen. Son président, le danois Poul Rasmussen a même eu l’audace, sans être démenti par personne, de proclamer que Schröder était le mieux placé pour faire « les réformes indispensables » alors qu’Angela Merkel n’aurait « rien dans le ventre » à ce sujet. Il se rengorge même : Schröder aurait eu « le courage des réformes » au risque de « détruire son propre parti ! » Il faut le lire pour croire qu’un tel langage devant les libéraux soit possible. On voit alors l’incroyable aveuglement dont ont fait preuve certains de mes camarades. Jean-Marc Ayrault quand il a salué « les réformes courageuses » de Schröder, que dorénavant celui-ci va continuer avec la droite. Dominique Strauss Kahn en lui faisant parrainer son club et en concluant la campagne référendaire du Oui avec lui. Enfin tous les dirigeants cyniques ou convaincus qui, au lendemain du vote, ont accusé le Linkspartei d’avoir « volé la victoire du SPD », « fait gagner la droite », « refuser l’union avec le SPD » même quand celui-ci la rejetait par avance. A présent c’est clair : alors que la gauche est majoritaire en sièges, si la droite gouverne c’est à cause du SPD de Schröder. Infâme coalition ! Une autre majorité était possible en rassemblant toute la gauche sans exclusive. Le SPD a préféré la coalition avec la droite. Et pourquoi faire ? Une politique de droite évidemment. Dorénavant les dès sont jetés. Heureusement il y a le Linkspartei. Il y a donc une chance pour que, contrairement à ce qui s’était passé en Autriche où la grande coalition a fini avec le raz de marée d’extrême droite, les ouvriers, employés et chômeurs allemands pourront exprimer leur colère inévitable en votant à gauche.
Déclaration commune avec Oskar Lafontaine à Berlin
J’ai rencontré Oskar Lafontaine à Berlin pour faire le point sur la situation de la construction européenne au lendemain du sommet qui a conclu la présidence autrichienne. Ancien président du SPD et ancien ministre des finances, Oskar Lafontaine a co-fondé le « LinksPartei », large rassemblement des forces de gauche allemandes refusant les politiques libérales et le gouvernement de coalition du SPD avec la droite. Oskar Lafontaine est président du groupe parlementaire « Die Linke » issu de ce rassemblement, qui compte 53 députés au Bundestag depuis les élections de septembre 2005.
Notre rencontre fut aussi l’occasion d’échanges approfondis sur les perspectives de la gauche européenne et d’une réunion publique organisée par la fondation Rosa Luxemburg. A l’issue de ces échanges, nous avons élaboré une déclaration commune que je reproduis ici.
Déclaration commune d’Oskar Lafontaine et Jean-Luc Mélenchon
Une nouvelle méthode est nécessaire pour dépasser la crise de l’Union européenne.
Ouvrons le débat démocratique sur l’intégration politique de l’Europe.
Au lendemain du récent sommet européen qui a conclu la présidence autrichienne de l’Union, Oskar Lafontaine, président du Groupe parlementaire Die Linke au Bundestag, et Jean-Luc Mélenchon, sénateur socialiste français et porte-parole de l’association « Pour la République Sociale » (PRS), se sont rencontrés à Berlin et ont discuté de l’avenir de l’intégration européenne. Ils sont tombés d’accord pour appeler à une nouvelle discussion sur le processus constitutionnel européen afin de contribuer à une Union Européenne basée sur la légitimité démocratique, la responsabilité sociale, la paix et la solidarité.
Il y a une chance de mettre l’Union européenne sur de nouveaux rails répondant aux attentes des citoyens de tous les Etats-membres. Nous rejetons donc toutes les tentatives des cercles politiques et économiques dirigeants européens de ranimer l’esprit néo-libéral du projet de Constitution européenne rejeté par les peuples français et néerlandais. Même pendant la période de réflexion, aucune idée nouvelle n’est apparue jusqu’ici dans leurs débats. Tout ce que nous voyons est la volonté de prolonger le processus actuel jusqu’en 2008, en resservant ce vieux potage dans de nouveaux bols. C’est peine perdue si les tares fondamentales du projet initial ne sont pas corrigées. Le processus de ratification doit être arrêté afin qu’une nouvelle discussion commence dès que possible sur de nouvelles bases.
Nous soulignons la nécessité de fonder ce processus d’élaboration d’une nouvelle Constitution européenne sur un large débat démocratique incluant touts les citoyens et les habitants de l’Union. Toutes les forces politiques doivent présenter leurs propositions devant les citoyens européens.
Les responsables politiques en charge des prochaines étapes sont experts dans l’invention de phrases qui sonnent joliment aux oreilles. Ainsi, la chancelière allemande Angela Merkel demande « d’insuffler un nouvel esprit dans l’Union européenne ». Nous pourrions être d’accord, sans pour autant lui faire confiance, si elle poursuivait en disant qu’en conséquence une nouvelle Constitution devra être discutée par une Assemblée Constituante représentant les citoyens de tous les pays membres de l’Union. Le dernier mot doit être donné au peuple. Toute nouvelle Constitution européenne doit être adoptée par référendum dans tous les pays de l’Union, afin de redonner au peuple le droit de décider de son avenir.
Pourquoi avoir rendu visite à Oskar Lafontaine
Extrait d’interview dans Politis – 23 juin 2006
Pourquoi vous êtes-vous rendu à Berlin, à l’invitation d’Oskar Lafontaine, considéré comme le diable rue de Solferino ? Par provocation ?
Tous matrices de la social-démocratie universelle, le parti anglais et le parti allemand, pratiquent l’un une politique de droite, l’autre une politique avec la droite. Clairement, le mur est tombé entre cette gauche-là et la droite. En ce moment, la moitié des gouvernements de l’Union européenne sont dirigés par des sociaux-démocrates ou les intègrent dans une coalition avec le centre ou la droite. Cela n’a pas le moindre impact, au contraire, sur une évolution progressiste et démocratique de l’Union.
Pourquoi ?
Le capitalisme a changé. La social-démocratie est incapable d’appliquer ses vieilles recettes contractuelles à cette forme nouvelle du capitalisme transnationalisé. Elle est alors impuissante. Dès lors, c’est la capitulation en rase campagne, avec l’espoir qu’un redémarrage du capitalisme national finisse par donner mécaniquement des bienfaits aux travailleurs du pays concerné, ce qui ne se produit jamais. D’autre fois, là où les relations politiques sont à leur extrême, c’est la social-démocratie qui prend en charge l’affrontement avec le peuple. J’ai pu en observer les conséquences au Venezuela et en Bolivie, où les deux derniers gouvernements sociaux-démocrates ont fait tirer sur les manifestations populaires. Leurs chefs sont en fuite à l’étranger.
Comment cette faillite atteint-elle le socialisme français ?
Il a toujours été singulier. Par choix assumé il n’a jamais intégré la doctrine de la social-démocratie européenne. Dès lors, il a été en partie protégé de cette faillite dans la mesure où il s’est tenu à égale distance des partisans d’une politique sociale libérale et des partisans d’une politique de rupture avec le système. C’est la ligne de Lionel Jospin. Elle a eu de beaux succès. Et de lourdes contreparties aussi? Celles-ci ont fini par compter davantage. Ce positionnement a d’innombrables inconvénients, mais il nous a protégé de la déchéance qu’ont connue le SPD allemand, le parti italien, le parti anglais. Actuellement, il y a à la tête du PS un groupe habile qui assume son alignement sur la social-démocratie mondiale. C’est le cas de François Hollande. Il le dit dans son livre. En bureau national du PS, il a affirmé, contre moi, un devoir de confiance « par a priori » avec les partis latino-américains dont je viens de parler, au motif que l’étiquette social-démocrate vaudrait label. Nonobstant les fusillades !
Pourquoi cette visite à Oskar Lafontaine ?
C’est grâce au Linkspartei que la droite n’a pas eu la majorité en Allemagne et grâce à Oskar Lafontaine que tous les socialistes ne sont pas impliqués dans la honte de gouverner avec la CDU-CSU. La rupture d’Oskar Lafontaine avec le SPD social- libéralisé est un événement que la social-démocratie européenne a immédiatement recouvert d’une chape de plomb tant elle est accablante pour elle. Ancien ministre des finances de la RFA, ancien président du SPD, Lafontaine est un homme dont toute la carrière a été placée sous les auspices de Willy Brandt, son tuteur et modèle. Son initiative déchaîne donc la même haine que ceux qui, en Amérique latine, ont cherché d’autres chemins. Il n’a pas eu le choix. Ce n’est pas lui qui a quitté le SPD c’est le SPD qui s’est quitté lui-même.
L’Internationale socialiste (IS) s’oppose aux formes politiques nouvelles jusqu’à l’absurde. Elle a tenu à l’écart Lula jusqu’à sa victoire. Encore maintenant, le Parti des travailleurs n’est toujours pas intégré à l’IS. Mais le PS adule dorénavant Lula, surtout pour l’opposer à Chavez. L’Internationale socialiste manifeste une véritable incapacité à penser son avenir de façon neuve et autonome. Pourtant, partout dans le monde, la gauche est en réinvention, surtout quand elle s’appuie sur le mouvement populaire. Là où il n’y a pas de mouvement populaire, la gauche est en panne. Mais partout où l’implication populaire se réalise, on voit des chemins se tracer. Et partout est à l’ordre du jour l’émergence de forces politiques nouvelles. Même si le processus n’est pas linéaire. En Italie, il se déroule au sein de la coalition autour de Romano Prodi alors même qu’il y est contradictoire. En Allemagne, c’est la tentative Linkspartei. En Amérique latine, il n’y a pas un pays où cette poussée n’existe pas.
Communiqué avec Oskar Latontaine contre le sommet des pays du « Oui »
Vous trouverez ci-après un communiqué dénonçant l'incroyable réunion des pays du "Oui" organisée aujourd'hui à Madrid sans la France. Nous avons décidé de signer conjointement ce communiqué avec Oskar Lafontaine, député allemand, président du groupe Die Linke au Bundestag (51 députés), ancien président du SPD et ancien ministre des finances.
Paris Berlin – le 26 janvier 2007 Communiqué d'Oskar Lafontaine et Jean-Luc Mélenchon
"Nous déplorons la réunion organisée aujourd'hui à Madrid de représentants des gouvernements de 18 pays de l'UE ayant ratifié le projet de Constitution européenne. Alors que les peuples français et néerlandais, représentant 80 millions d'habitants de pays fondateurs de l'Union, se sont prononcés contre ce projet de Constitution européenne, nous exprimons nos plus vives inquiétudes concernant une réunion qui vise, d'après le Ministre espagnol des affaires étrangères, M. Moratinos, à « permettre à la politique européenne contenue dans le projet constitutionnel de devenir une réalité ». Il nous semble en effet inadmissible de vouloir forcer des peuples à subir des politiques qu'ils ont refusé, y compris en en changeant l'emballage. Toute tentative d'encerclement politique de ces peuples par une coalition d'autres pays de l'Union ne peut que conduire à des impasses dangereuses. Nous refusons donc toute mise à l'écart des pays ayant déjà voté non au projet de Constitution européenne ou ne s'étant pas encore prononcés. Une telle méthode rompt le cadre collectif de discussion qui a toujours prévalu pour faire avancer l'Europe communautaire depuis les traités CECA et de Rome. Elle crée un grave précédent où certains Etats s'arrogeraient le droit de décider de l'avenir de l'Europe à l'exclusion d'autres Etats. Nous regrettons vivement que le gouvernement allemand ait choisi de s'associer à cette initiative, alors qu'il exerce la présidence de l'Union au nom de tous les Etats membres. Nous nous étonnons que le gouvernement français ne se soit pas opposé publiquement à une telle réunion qui exclut la France des discussions sur l'avenir de l'Union. Nous mettons en garde les décideurs européens contre toute tentative de se passer de l'avis des peuples pour imposer le traité constitutionnel européen. Nous appelons tous les responsables politiques progressistes en Europe à refuser ces tentatives de négation de la volonté des peuples. Nous leur proposons de travailler à une autre méthode pour que la rédaction d'une Constitution européenne réussisse et trouve l'assentiment des citoyens et des peuples de l'Union. Pour cela, nous soumettons au débat l'idée d'une assemblée constituante européenne élue par tous les citoyens de l'Union."
Paris-Berlin le 26 janvier 2007
Extrait de la note de blog « Une question très sensible » – 6 février 2007
«Libération» est donc de nouveau pris la main dans le sac par le blog de Benoît Hamon (lefil.blogs.com/benoithamon), député européen de mon département. Quelle affaire ! « Libération » a cette fois ci publié une réponse anti française, tronquée de Martin Schulz le président (allemand) du groupe socialiste au parlement européen.
Au terme de ce trucage, dans l’édition du 26 janvier de « Libération », Quatremer pose la question suivante, d’ailleurs très orientée : « si la France vote une deuxième fois « non » en 2009, l’Europe peut-elle continuer sans la France? » Martin Schulz, aurait répondu : « s’il y a un deuxième non après que toute l’Europe a essayé de trouver des compromis avec la France, la question de l’appartenance de la France à l’Union sera posée ». Benoît Hamon raconte : « Plusieurs d’entre nous, parlementaires européens, responsables du PS, avions décidé de rendre publique notre désaccord total avec le fond et la méthode des propos de Martin Schulz. En effet qu’un dirigeant européen de son statut, en outre responsable politique allemand de premier plan, puisse envisager l’Union européenne sans la France, au détour d’une interview de bas de page dans Libé, et ceci au coeur la compagne présidentielle, était à nos yeux, aussi stupéfiant qu’absurde. Il n’y a pas d’Union Européenne possible au sens d’union politique sans la France ou l’Allemagne.Pourtant, lundi, martin Schulz, anticipant notre réaction, nous a fait parvenir le rectificatif suivant :« Libération a publié une interview de Martin Schulz dans son édition du 26 janvier 2001 qui lui attribue une citation tronquée qui ne correspond en aucune manière à l’enregistrement sonore. A la question « si la France vote une deuxième fois « non » en 2009, l’Europe peut-elle continuer sans la France? », Martin Schulz a répondu au journaliste : » ….(Si) un gouvernement socialiste mené par Ségolène Royal trouve un accord avec les autres Etats membres en Europe et n’arrive pas à gagner, pour ce compromis, le peuple français, alors il faut donc poser une question: est-ce que le peuple français ne veut plus du gouvernement ou de l’Europe. Si pour la deuxième fois après que le gouvernement de la France a dit oui, le peuple dit non, ce ne sera pas seulement une crise pour l’Europe cela sera une crise pour la France car un gouvernement français qui trouve des compromis avec ses partenaires et ensuite est puni encore une fois pour ça, c’est inimaginable« .« Ce rectificatif m’inspire un commentaire, écrit Benoit Hamon . Si la citation publiée dans « Libération » procède d’un raccourci dont le journaliste est le seul responsable, c’est édifiant. Je ne commenterai pas davantage. Les lecteurs de « Libération » s’en chargent déjà, hélas, en préférant d’autres lectures quotidiennes. Enfin, si je devais exprimer un souhait, ce serait que Martin Schulz publie ce démenti dans les colonnes de Libération, manière de clore cet épisode malheureux ».
Bien sûr Martin Schulz est un bon client pour le marionnettiste Quatremer dans la mesure où il est profondément engagé dans la coalition des pays partisans du « oui » pour rétablir la soi-disant Constitution. D’ailleurs les pays de l’axe anti français et néerlandais comptent un nombre significatif de sociaux démocrates qui se battent l’?il de leur devoir internationaliste. De toutes façons on chercherait en vain la trace d’une prise de position des géants de l’internationalisme socialiste français alors même qu’ils exercent de très hautes fonctions honorifiques dans le PSE et dans l’internationale socialiste. Mais c’est une chose de travailler à cet axe déjà inacceptable et une autre bien plus grave de mettre dans la bouche d’un allemand des propos agressifs contre les français. Monsieur Quatremer, et ce genre de Bernard l’Hermite médiatique en général, ne comprennent rien à cela. Pour eux l’axe franco allemand est juste l’attelage chargé de traîner leurs élucubrations à bon port sous peine d’excommunications furieuses. Au lendemain du référendum comme pendant son déroulement Quatremer et July se rendirent odieux par leur mauvaise foi et leurs vindictes avant et après le résultat. Joffrin avait promis que ce genre de journalisme c’était fini avec le « nouveau Libération » qu’il dirige. On voit ce qu’il en est.
La social-démocratie allemande et européenne
Extrait de la tribune « Le devoir d’audace de la gauche » parue dans L’Humanité – 9 mai 2007
Depuis 1978 avec Michel Rocard, dès 20 heures, les soirées de défaites électorales voient surgir de l’horloge socialiste un coucou familier. Il chante la chanson désormais traditionnelle de l’appel à la rénovation et à la conversion sociale-démocrate de la gauche. Hier surprenante, l’antienne est aussi obsolète que son objet après trente ans d’usage. On pouvait y réfléchir au siècle dernier. Mais en 2007, comment le navrant naufrage de la social-démocratie européenne, suivant de près celui du communisme d’Etat, pourrait-il encore servir de modèle? Au Royaume-uni ou en Allemagne, seule ou en alliance avec la droite elle démantèle l’Etat social qu’elle avait construit. En Espagne ou en Italie, tranquillement ou dans les combinaisons, les réformes sociétales remplacent les conquêtes sociales. Et je ne dis rien du bilan effrayant de la social-démocratie latino américaine. Ici ou là, bien sûr, passent quelques rayons de lumière. Mais la social-démocratie qu’idéalisent d’aucuns, faute d’imagination, n’est pas un avenir utile en France. Nous ne pouvons échapper au devoir de remiser au rayon des archives toutes les formules dorénavant épuisées. La modernité n’est pas un prêt à porter mais une création à accomplir.
« Le LinksPartei : une des issues possibles pour la gauche »
Interview parue dans L’Humanité – 14 juin 2007
Sénateur socialiste, président du mouvement Pour la République sociale, Jean-Luc Mélenchon privilégie un processus à l’allemande et pense au divorce avec la rue Solférino.
Vous serez présent dans quelques heures au congrès fondateur du Die Linke en Allemagne. Pourquoi donnez-vous une telle importance à ce moment politique d’outre-Rhin ?
Jean-Luc Mélenchon. Le processus de constitution de cette formation n’est évidemment pas transposable en France. En revanche, ce qui est directement transposable est la situation d’impasse de la social-démocratie allemande aboutissant à ce qu’un secteur de celle-ci, tant sur le plan électoral que militant, décide de s’engager dans un processus de construction politique original. Cette impasse est emblématique. L’Allemagne et la Grande-Bretagne sont le coeur de la social-démocratie internationale. Dans ces deux pays aujourd, les sociaux-démocrates sont des acteurs enthousiastes du démantèlement de l’État social qu’ils ont eux-mêmes construit. Ils arrivent ainsi au bout de la politique d’accompagnement de la mondialisation libérale. Un seul exemple : dans ces deux pays, ils participent à l’allongement de l’âge de la retraite, comme tous les autres partis sociaux-démocrates d’Europe. Cette impasse stratégique, ce renoncement à transformer la société, nous concerne : elle n’est ni allemande ni anglaise mais internationale. Nous sommes donc directement impliqués par l’évènement. C’est sans doute aussi le moment, ici, de se demander s’il est bien l’heure de se découvrir une vocation sociale-démocrate qui n’a jamais été dans la tradition du socialisme français.
Considérez-vous ce scénario à allemande comme une piste pour la gauche française ?
Jean-Luc Mélenchon. Je suis cette évolution depuis les premières heures. J’ai participé à plusieurs réunions avec Oskar Lafontaine. J’ai la conviction que nous pouvons y trouver une source d’inspiration très forte pour notre propre travail de construction politique en France. Après l’observation des conséquences de la chute du communisme d’État, on est en train de découvrir la catastrophe qui frappe la social-démocratie internationale. Pour ma part, je crois que la formule et la méthode de construction de ce nouveau parti peuvent nous donner une indication sur ce que nous avons nous-mêmes à faire. J’y vois une des issues possibles de la crise de la gauche en France. C’est celle que je privilégie à cette heure. J’observe de la part des communistes français une volonté de dépassement des formes politiques anciennes, tout en ayant le souci de protéger leur identité. Le même souci existe chez une partie des militants socialistes qui n’acceptent pas de se résigner à une fumeuse orientation sociale-démocrate, ni à un tropisme pour le centre. Ceux-là ne veulent pas qu’on substitue à l’aspiration sociale des Français une inclination préférentielle pour les revendications sociétales des classes moyennes supérieures des centres-villes.
En France, cela signifierait une double rupture : celle entre vous et le PS actuel, et celle du PCF avec son passé. La situation vous semble-t-elle s’y prêter ?
Jean-Luc Mélenchon. Je suis obligé de constater une évolution du PS dans le sens d’une mise aux normes européennes. La gauche du PS est de plus en plus un alibi pour ce parti. Elle n’est plus admise à jouer un rôle actif dans le mouvement socialiste. Il suffit de voir comment cette gauche, ses idées et ses représentants ont été traités pendant la campagne présidentielle. Les choses se sont depuis considérablement aggravées avec les surenchères vers le centre. La question du divorce commence à être posée. Elle n’est toutefois pas tranchée. D’ailleurs à l’heure actuelle il n’existe pas d’alternative. Les communistes n’ont pas encore fait ouvertement le choix de la construction d’une force nouvelle. Leur choix sera tout à fait décisif. Un projet alternatif doit avoir trois caractéristiques : être républicain, de gauche et gouvernemental. Sur ces points, la convergence est extrêmement avancée entre PRS et le PCF d’aujourd’hui. Reste le facteur déclenchant : la décision des communistes. Ce n’est pas la première fois que je lance cet appel. Dans la présidentielle j’ai parlé « de l’union dans l’union ». J’ai voulu montrer qu’une affirmation identitaire n’est pas contradictoire avec une affirmation unitaire.
Les relents du nationalisme germanique
Extrait de la note « Le NON irlandais nous intéresse » – 9 juin 2008
Il faut que les Irlandais votent non. Il faut le dire et il faut dire pourquoi cette Europe là, celle du traité de Lisbonne, est condamnée à mener le continent au désastre politique et social. La gauche du PS n’a absolument rien à gagner à faire profil bas dans cette affaire comme sur aucun aspect du dossier européen. Aucune des raisons qui ont donné les « non » français et hollandais n’a perdu de sa pertinence. Au contraire. Et rien dans l’aveuglement des élites eurobéates, rien dans l’actualité des directives « plus libérales tu meurs », et rien dans les projets d’avenir de l’Union vers la formation d’un grand marché transatlantique n’indique le moindre espoir que quoi que ce soit puisse évoluer positivement vers quoi que ce soit d’autre que ce que nous avons déjà sous les yeux. La question n’est plus posée de savoir si les peuples vont le supporter encore longtemps mais quand tout partira en lambeaux de dégoût et d’indifférence sur fond de tensions nationales. Comme entre marins pécheurs français et espagnols, comme entre ouvriers et cadres d’EADS dans les ateliers en France et en Allemagne. Et comme ce serait le cas bien plus largement dans l’opinion si les médias de révérence et certains dirigeants socialistes ne faisaient pas un rideau de fumée de bienséance européenne à Nicolas Sarkozy quand madame Merkel rabroue grossièrement le projet d’union méditerranéenne avec des relents du nationalisme germanique traditionnel. Il faut que les Irlandais votent non pour délégitimer officiellement ce processus absurde qui a nom l’Union européenne du traité de Lisbonne.
Note de blog – 1er septembre 2009
Lundi c'était le lendemain du "Remue méninges" du Parti de gauche à Clermont Ferrand. J'étais donc plutôt distrait en écoutant ma radio du matin. Une légère overdose de politique, après un tel week end, en quelque sorte. Mais je n'en étais pas rendu au point de ne plus suivre ce qui se disait. Quelque chose clochait. Toutes ces nouvelles sur les élections au Gabon. Mazette! Et sinon tant de chose sur les élections au Japon. Bigre! Mais quoi? Rien sur l'Allemagne. Rien. Madame Merkel a perdu. Et Die Linke, notre parti frère, a cartonné. Il est devenu la seconde force au total des voix sur trois länders. Ca ne valait rien. Rien de rien. Pas un mot. Ce que j'ai lu, depuis, me fait cependant sourire.
Ici où là, j'ai noté depuis, en effet, quelques commentaires, tous dans le même registre, comme d'habitude. Grace àla pluralité de la presse, nous savons que si tous disent pareil c'est donc que c'est vrai. Donc, pour "Libération", Die linke est repeint en «néo communiste». C'était le nom que le petit Benoit Hamon avait proposé au bureau national du PS de nous accoler, à nous, le Front de Gauche. Petits coquins! Ailleurs, chez les plus puissants commentateurs et connaisseurs de l'Allemagne tout s'explique facilement. Voyez plutôt. A l'est, ce bon résultat c'est parce que Die Linke ce sont des anciens communistes. Tiens, on croyait que tout le monde détestait les communistes dans les anciens pays de l'est! Et à l'ouest c'est parce que c'est Oskar Lafontaine lui-même qui était candidat. Ah bon? On avait lu, chez les mêmes, qu'Oskar était marginalisé par ses «règlements de compte avec ses anciens camarades». Juste comme disent de moi la hyène Fogiel et la baudruche Carlier qui glapissent de concert qu'en refusant les primaires je me suis «encore plus marginalisé». Je voudrai pourtant essayer de me hisser au niveau de ces grands esprits. Je propose une explication plus profonde encore que ces avis, pourtant d'un haut niveau de sagacité, justifiant les salaires de ceux qui les professent. En fait le résultat de "Die Linke" s'explique parfaitement par le nombre des bulletins déposés dans l'urne par les électeurs. Rien de plus qu'un geste ordinaire. Le même que celui fait pour mettre n'importe quel autre bulletin. Pas de quoi fouetter un chat. Ni en tirer quelques leçons politiques que ce soit. Génial, non? Soyons sérieux. Il reste que pour nous, ce résultat électoral est tout simplement un formidable point d'appui. Une nouvelle fois Oskar et ses amis nous déblayent la voie. Ils donnent un élan qui va être entendu dans toute l'Europe, la notre bien sûr, celle qui refuse la main mise de la droite et son lubrifiant social démocrate qui gouvernent ensemble en Allemagne. Une nouvelle fois, une leçon est donnée qui montre comment les élections sont un front de lutte en soi. Pas seulement une «photo», un «bon coup» et ainsi de suite. Pour le grand nombre des gens simples, la façon de voir l'avenir change selon que l'on est adossé à une force en état de gouverner ou que l'on croupit dans le témoignage impuissant. Hors de Die linke, les listes gauchistes, percluses de haine et de récriminations contre Die Linke, restent électoralement indétectables. Politiquement il en va donc de même. Le grand nombre appuie la volonté qui se donne les moyens de son ambition. A méditer bien sûr. Et pour y aider je renvoie aux articles de presse paru dans «l'Humanité» et dans «Le Monde» qui m'ont permis de présenter ma proposition, faite bien sûr au nom du Parti de gauche, d'un paquet électoral pour l'autre gauche incluant les trois prochaines élections, régionale, présidentielle, législative. Je pense être mieux entendu, et sans doute mieux compris, après ce dimanche allemand. Merci Oskar!
Après les élections en Allemagne et au Portugal
Jean-Luc Mélenchon commente et analyse les résultats des élections législatives qui se sont tenues en Allemagne et au Portugal dimanche 27 septembre 2009.
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Grèce : l’Allemagne impose son plan
Extrait de la note « Le bug grec s’avance » – 12 avril 2010
Depuis la publication de ma note à propos de la situation de la Grèce, un accord est intervenu entre les puissances européennes pour « aider » la Grèce. En fait ce plan est une honteuse démonstration de la cupidité prédatrice qui tient lieu de solidarité européenne. Avis au peuple : en plus de vos problèmes l’Union Européenne est là pour vous enfoncer en cas de malheurs. « L’Europe qui protège » est plus cruelle et couteuse quand elle met la main à la poche que le FMI lui-même. Elle est une simple structure de maintien de l’ordre libéral qui se paie sur le dos des punis. J’introduis mon commentaire à ce sujet dans cette note pour conserver la cohérence globale de l’argumentaire.
On se souvient des trémolos des illuminés de l’eurolâtrie pendant le référendum sur la constitution européenne. Puis ceux des députés et sénateurs, voleurs de votes populaires, qui permirent au traité de Lisbonne d’être adopté en Congrès à Versailles? C’était « l’Europe qui nous protège », grand tube de la période ! Et ainsi de suite. Où sont passés tous ces phraseurs, à cette heure ? Je veux dire à l’heure de la Grèce ? La Grèce est le tombeau du projet européen tel qu’il est devenu, depuis qu’il est la mise en œuvre implacable d’une Europe libérale sous tutelle allemande. On ferait bien de s’inquiéter ! La Grèce c’est la France pour la raison que ce sont les banques françaises qui possèdent le plus de titres de cette dette de la Grèce que les spéculateurs sont en train de rendre insolvable. Ensuite parce que si la guerre contre le peuple grec est gagnée par la Finance ce sera ensuite, tôt ou tard, le tour de la France. Tout ce qui se dit et se fait à propos de la Grèce aujourd’hui sans que nous protestions sera demain notre propre potage. L’affaire est en train de mal tourner. Très mal. Une spirale est amorcée que plus personne ne semble contrôler. Bug à l’horizon.
Ou sont-ils donc passés les eurolâtres? La honte doit les retenir au lit. Car « l’Europe qui protège», au nom des principes gravés dans le marbre du traité de Lisbonne est en train d’étrangler le peuple grec. Et pourtant ! Les bourreurs de cranes ne lâchent pas la pression.Je ne compte plus le nombre de griots qui récitent que les grecs ont « trop dépensé », vécu « au dessus de leurs moyens » et truqué les comptes. C’est évidemment une façon d’imposer une vision de ce qu’est une « bonne gestion ». Et donc une façon de recommencer le rabâchage de «la seule politique possible». Comme d’habitude aussi on est émerveillé par l’effet de meute qui répète cette vulgate.
Un peu de mesure ! Le montant de la production intérieure brute (PIB) de la Grèce est l’équivalent à la moitié de celui de l'Ile-de-France…. Rien qui ne puisse être maitrisé ! Quand à la gestion du refinancement de la dette, le problème est exclusivement politique. Si la banque centrale européenne prêtait directement à la Grèce au taux auquel elle refinance les banques, c'est-à-dire à 1%, le martyr du peuple grec cesserait aussitôt. Qu’on ne vienne pas dire que c’est un attentat communiste que cette idée. La banque fédérale américaine fait mieux (ou pire, selon les goûts) : elle rachète directement les bons du trésor qui servent à payer le déficit abyssal de l’Etat USA pour un montant qui est quarante cinq fois plus élevé que celui dont a besoin la Grèce. Elle levait 50 milliards d’euros quand les Etats-Unis levaient 2000 milliards de dollars.
Donc, à peine le plan «d’assainissement» est-il bouclé que déjà un nouvel assaut commence contre les Grecs. Une agence de notation vient de nouveau de dégrader la « note » grecque et, du coup, le taux d’assurance risque des prêts s’envole. Voici que commence un nouvel étranglement. Pour y faire face et apaiser les marchés, il faudrait, si l’on reste dans la logique qui a prévalu jusqu'à ce jour, « un nouveau plan » de rigueur. C’est impossible. Car le précédent est déjà une saignée. Car avez-vous su quel plan de « redressement » Bruxelles a imposé à la Grèce ? Avez-vous vu ce que c’est que «l’Europe qui protège» pour les grecs ? Globalement il s’agit de lui imposer une baisse des dépenses publiques, dès 2010, d’un montant équivalent à quatre points de la valeur de la production totale du pays (PIB). Le déficit passerait alors de 12,8 % à 8,7 % de cette PIB. Le rouge dans les comptes publics ne dépasserait pas les sacro-saint maastrichiens 3 % de PIB en 2012. Quatre points de baisse, oui, c’est bien d’une saignée dont il est question. Une saignée ! Que dis-je une amputation des membres. Même la France n’est pas sur cette trajectoire vers 3% dans un tel délai !
Pour mémoire, je récapitule les principales mesures des deux Plans d’austérité successifs du premier ministre socialiste Papandréou :
Non remplacement de 4 départs à la retraite sur 5 dans la fonction publique (Papandréou fait mieux que Sarkozy !) ;
Gel des salaires des fonctionnaires ;
Baisse de 30 % des primes de congés payés des fonctionnaires ;
Hausse de la TVA de 19 à 21 % ;
Hausse des taxes sur les cigarettes (+60 %) et sur l’alcool (+20 %) ;
Baisse de 10 % des dépenses d’assurance maladie ;
Privatisations et ventes d’actifs :
- Fermeture du tiers des offices de tourisme de la Grèce à l’étranger (alors que le tourisme est un des principaux moteurs du PIB grec)
- Projet de vente des parts publiques dans la banque postale grecque (34 %),
- Projet de vente des parts publiques dans Hellenic Telecom (dont Deutsche Telecom possède déjà 30 % et qui se frotte les mains à l’idée d’en récupérer 10 % supplémentaires dans des conditions d’urgence)
- Vente de bateaux et d’immeubles appartenant à l’Etat.
Cette asphyxie programmée de l’économie grecque, ce pillage organisé des avoirs de l’Etat, quand ils furent programmés ne suffisaient encore pas aux eurocrates qui «nous protègent» ! Et encore, la Commission européenne affirme qu’il faudra aller plus loin ! Le Commissaire aux affaires économiques et financières Olli Rehn a exigé que les mesures prises « pour réduire les dépenses salariales dans le secteur public devaient avoir un effet permanent » au-delà de 2012. Et il considère que «de nouvelles mesures devront être prises en 2011 et 2012».
Et le plan européen de secours ? Ne nous en a-t-on pas bien sévèrement rabattu les oreilles ? Il est vrai que peu de monde s’est intéressé à son contenu réel. On avait évoqué avant tout la divergence franco-allemande. Puis on chanta la louange du compromis trouvé : un « pas majeur » selon Sarkozy qui devait se donner le beau rôle mondial qu’il affecte. En réalité, l’Allemagne a imposé sur toute la ligne ses positions dans l’accord trouvé par la zone euro (16 pays), sur un plan vidé de sa substance, en faisant céder la France, les pays du Sud et même la BCE. A la sortie le plan est minimaliste et hypothétique. Il est surtout difficile à appliquer : pour être activé, ce plan d’aide devra d’abord être soumis à la Commission et à la BCE puis approuvé à l’unanimité des pays de la zone euro ! Rapide et facile comme on l’imagine. Quand on se souvient qu’il fallu neuf mois pour adopter le versement de fonds pour le ravage des forêts après la tempête Klauss, on peut faire confiance… Après quoi il faut relever l’humour macabre des précisions données pour la mise en œuvre de ce plan.
Il s’agit nous dit-on d’un plan « en dernier recours ». Il ne serait activé qui si la Grèce ou un autre pays ne parvenait plus à se financer sur les marchés à des taux «raisonnables». Or la Grèce est justement déjà étranglée par des taux prohibitifs (6 % au moment de l'adoption du plan) ! Le plan ne lui sera donc d’aucun secours si ces taux perdurent. Et encore moins s’ils s’élèvent. Lundi 12 avril, le plan de soutien de l’Union Européenne à la Grèce donc a été complété par un accord qui en précise les moyens de financements. Notons d’abord la lourdeur de la procédure. Son adoption engageant les finances des Etats transite donc par u vote des parlements nationaux. Rien à dire si on s’y met rapidement. Mais ce n’est pas assuré à l’heure à laquelle nous parlons. Puis c’est c’est une autre affaire ensuite que son déclenchement. En effet c’est la Grèce elle-même qui devra le demander, en cas de besoin. Pas malin ! Cette demande revient à signaler qu’elle ne compte plus sur « les marchés » pour se financer. Une autre façon de dire qu’elle s’attend à ce que ceux-ci ou ne lui prête plus ou bien à un taux qui signale sa carence probable ! Autrement dit au contraire d’une ligne de crédit mise à disposition comme un crédit revolving de nature à dissuader les marchés de faire du chantage (puisque le pays peut se refinancer sans préavis), c’est au contraire c’est ici par une demande qui fonctionne comme un aveu de carence que tout peut commencer. La dureté du procédé ne s’arrête pas là. La suite est à peine croyable. L’aide des « européens » sera payée à ceux-ci par une commission. Oui, l’aide n’est pas gratuite ! En effet le prêt est prévu au taux de cinq pour cent. Ce qui veut dire, compte tenu du tarif auquel emprunte les états qui prêteront, que la France recevra une commission égale à un et demi pour cent de la somme prêtée et l’Allemagne deux et quelques ! Tel quel ! Non seulement le taux proposé n’est pas vraiment un cadeau (le taux du « marché » est à six et demi, soit un point et demi de plus que les bons amis européens), mais il revient à percevoir un impôt sur le peuple grec. Cerise sur le gâteau de la honte : ce taux de « l’Europe qui protège» est plus élevé que celui offert par le FMI !
Le plan européen s’en remet en partie au FMI. C’est dès lors un renoncement à l’apparence même d’une « Europe qui protège ». Les objectifs de la zone euro se montrent sans fard. Cette zone n’est pas faite pour autre chose, in fine, que pour protéger la rente. Les Etats et les populations sont seulement les exécuteurs de cet impératif. La BCE avait d’abord jugé « très mauvaise » l’idée d’un recours au FMI, avant de se raviser. Dès lors, à quoi bon avoir fait l’Euro si c’est pour renvoyer vers le FMI le premier Etat en difficulté ? Ce qui est frappant dans ce contexte c’est finalement que le plan finit par se présenter davantage comme un sauvetage de l’orthodoxie libérale en tant que doctrine dogmatique européenne plutôt que le sauvetage d’un pays dont la survie financière se fait aujourd’hui au détriment de son peuple. En effet la promulgation de ce trompe l’œil a surtout servi à faire passer en même temps la proclamation d’une rigueur renforcée avec des instruments durcis de contrôle et de sanction contre les politiques économiques des Etats.
Le virus grec, en cas de poussée de fièvre, passera directement en France. Aucune magie là dedans. Le stock total de la dette grecque s’élève à 300 milliards d’euros. C’est 120 % du PIB du pays. Moins que le niveau des Etats-Unis, cela va de soi, mais aussi moins que le Japon et ainsi de suite. C’est une petite dette. Quant aux créanciers, présentés sous le vocable magico mystérieux de «marchés», cela vaut la peine de leur mettre un visage. Car ils en ont un. Commençons par les localiser, ces « marchés ». La dette grecque est détenue à 85 % par les pays de la zone euro et à 50 % par six pays de la zone euro. Donc, la dette grecque c’est une affaire totalement européenne ou presque ! La France est le premier créancier de la Grèce avec 17 % de sa dette, soit 55 milliards. L’Allemagne vient ensuite avec 10 % soit 30 milliards. Puis l’Italie 6 %, la Belgique 6 %, les Pays-Bas 5%, le Luxembourg 5 %. Les établissements bancaires et des compagnies d’assurance françaises et allemandes sont les principaux créanciers de la Grèce. A eux seuls, ils détiennent 60 milliards de dette grecque dans leurs actifs ! Ce n’est pas tout. En dehors de la dette d’Etat négociable sur les marchés, les banques européennes sont lourdement engagées dans l’économie grecque. Les prêts souscrits auprès de banques françaises représentent 22 % du PIB grec, ceux auprès de banques suisses 18 % du PIB, ceux auprès de banques allemandes 12 % du PIB. Et voila ! En cas de défaut de paiement de la Grèce, c’est donc avant tout la France, et dans une moindre mesure l’Allemagne, qui subirait le contrecoup financier lié à la dévaluation des actifs de dette grecque que détiennent les banques et compagnies d’assurance. On voit aussitôt quelles sont les priorités que portent les gouvernements concernés. Elles sont d’abord doctrinales : la rente plutôt que le peuple. Donc le peuple doit soutenir la stabilité de la rente. Mieux, il l’engraisse. Ne l’oublions jamais : les «marchés » se refinancent à 1% auprès de la banque centrale européenne. Tout ce qui est au-delà de 1% est pour la poche des créanciers ! Vu sous cet angle il faut regarder les évènements grecs d’un autre œil. Et si c’était tout simplement un épisode de plus dans l’extension du champ des prédations financières. Mais une affaire qui serait en train de mal tourner.
Au départ, pour les milieux d’argent, comme en Amérique latine dans les cas comparables, il s’agissait « juste » de parer le coup de l’arrivée aux affaires d’un gouvernement social démocrate. Car celui-ci avait été élu cette fois-ci, sur un programme « gauchi » par rapport aux deux précédentes élections. Le temps du blairisme semble clos. Danger pour la finance ! Pas question de laisser la mode se répandre. Et puis il y avait un coup à jouer. Le coup part d’Allemagne. La droite Merkel est alliée au FDP, parti super libéral allemand. Bientôt des élections partielles en Allemagne, dans le cœur ouvrier et industriel du pays. La coalition doit tenir. Le FDP fait la pluie et le beau temps. L’Allemagne lève donc la main protectrice qu’elle avait posée sur la Grèce. Au lieu des péremptoires déclarations précédentes la crise, selon lesquelles, en gros, « la Grèce c’est l’euro », qui valait interdiction d’attaque, le ministre des finances allemand déclare que les Grecs doivent se corriger. Madame Merkel ira jusqu'à dire qu’il se pourrait qu’ils soient expulsés de la zone euro ! Feu vert pour l’assaut ! La punition consistait à obliger les Grecs à solder d’un coup leur dette. Un rappel de l’orthodoxie après la phase de sauvetage des banques et de « facilités » budgétaires. C’est la suite du débat qui a opposé Français et Allemands sur le modèle de sortie de crise. Une ponction juteuse pour les banques récompenserait la manœuvre. Mais un emballement imprévu se produit. C’est la dynamique propre des instruments financiers qui la déclenche.
La mise sur le marché des titres d’assurance qui couvrent les emprunts « crée » une catégorie de financiers qui n’ont aucune participation aux emprunts grecs mais qui sont dès lors « intéressés » à la faillite de la Grèce puisque c’est elle qui augmente la valeur de leur titre. Plus la valeur de ces titres augmente, plus est fort le signal de risque de défaut de paiement, plus la note baisse, plus la prime de risque augmente, moins la Grèce peut payer, plus le risque augmente et ainsi de suite, la spirale est amorcée. Nous y sommes. La thérapie de choc de Papandréou, élu pour un programme de gauche et mis en demeure d’appliquer le plus féroce plan de rigueur qu’aucun libéral n’aurait osé proposer, entre en action. Ca rappelle le Venezuela juste avant Chavez, ou l’Argentine juste avant Kirchner… Papandréou déclare : « Nous sommes en état de guerre pour sauver le pays ». En guerre contre qui monsieur le président de l’internationale socialiste ? Contre les déficits déclare ce benêt qui parle comme François Hollande et Dominique Strauss Kahn réunis ! Nous on aurait dit que c’est contre les banques. J'y reviendrai.
L’Allemagne bloque l’aide à la Grèce
Note de blog « Rassemblement d’urgence pour le peuple grec et contre les banques » – 27 avril 2010
Mes amis, je vous donne rendez vous, pour l’honneur, pour les Grecs, pour la fraternité européenne, contre les banques et les gouvernements qui les protègent, mercredi 28 avril à 18h30 devant le siège de l'Association française des Banques, 18 rue Lafayette à Paris dans le 9ème.
Il s’agit de dire aux Grecs que nous sommes de leur côté, contre les banques qui les saignent ! Peu importe combien nous serons rassemblés devant le siège de la ligue des banques! Il faut agir pour que, d’une façon ou d’une autre, les Grecs sachent que nous avons compris ce qui leur arrive et que nous sommes de leur côté. Qu’ils sachent que nous ne sommes pas d’accord avec notre gouvernement pour alourdir leur dette et prélever sur leur dos 150 millions d'euros comme s’en vante le ministre des finances de notre pays.
Je voudrais bien pouvoir compter sur vous car tout cela est improvisé en dernière minute. Le déclencheur pour nous a été une lettre reçue de nos amis grecs. Dans une semaine le plan d'aide arrive au parlement français. Notre responsabilité est engagée.
Alors est tombé sur nous le sentiment d’une responsabilité particulière et nous ne supportions pas l’idée de n’avoir que des commentaires à faire. Nous nous sommes dit : "on va y aller! On va sortir devant les banques et peu importe combien on sera!" On commence le mouvement de solidarité active et on verra bien quels rebondissements il connaitra ensuite dans les jours qui viennent ! Nous irons devant le siège des banques ! Par exaspération et lassitude d’entendre le ronron médiatico-politique sur « les Grecs qui ont trop dépensé », les numéros de gros bras du gouvernement allemand, la veulerie du notre, le silence des eurolâtres « oui-ouistes » dont chaque jour qui passe montre de quel genre de marionnettes bavardes et nuisibles est fait ce camp. On ira, pour dire que – contre vents et marées – nous sommes pour l’Europe du peuple souverain contre les voyous des banques et les eurocrates de la Commission Barroso. On ira pour dire qu’on attend les susdits voyous de pieds fermes s’ils se risquent à mettre leurs grosses pattes du côté de chez nous. Faites passer.
A demain mercredi devant le 9 rue Lafayette. Surtout, faites passer la consigne. A la suite, je donne mes arguments.
Hier on a reçu au siège du Parti de Gauche une lettre de nos camarades grecs du parti « frère » (je n’ai pas trouvé d’expression pour dire « comparable » et « ami »…) SYNASPISMOS. Une lettre assez poignante d’appel au secours. Elle recoupe les échos des camarades qui passent par la Grèce ces temps et ceux des expatriés français, nos adhérents en Grèce. Chaque jour il y a des manifestations de rue dans les villes. Chaque jour les gens se débattent pour affronter la crise et les banquiers tandis que leur gouvernement, docile, courbe l’échine et livre le peuple à ses bourreaux. Voyons cela de près.
Jeudi dernier 22 avril, la Grèce a reçu un double mauvais coup : la Commission européenne l’a accusé d’avoir maquillé l’ampleur de son déficit 2009, réévalué par Eurostat de 12,7 à 13,6 % du PIB. Aussitôt cela a entraîné une nouvelle dégradation de la note grecque par les agences de notation. Et aussitôt également il y a eu une nouvelle flambée des taux de la dette grecque. Ils ont dépassé vendredi 23 avril les 8 %, pour le taux d’un emprunt à 10 ans et les 10 % pour le taux d’un emprunt à 2 ans. Ces chiffres montrent a ceux qui savent interpréter ce genre de données une impressionnante et inédite inversion des différences de taux. Dorénavant, les taux court sont plus élevés que les taux longs. Cela traduit la « défiance » encore accrue des « marchés ». Ils soupçonnent, à juste titre puisqu’ils en ont créé les conditions eux-mêmes, que la Grèce aura du mal à se financer à court terme. C’est un signal ! Prophétie auto-réalisatrice par excellence ! Ainsi le gouvernement grec est placé dans une situation critique pour gérer sa trésorerie. La Grèce doit en effet rembourser 9 milliards d’euros à échéance du 19 mai et ne pourra pas le faire sans aide, à moins de dégrader encore plus lourdement sa situation budgétaire compte tenu du niveau prohibitif des taux. Donc, vendredi 23 avril, le gouvernement grec a capitulé et fait appel au mécanisme d’aide prévu par l’UE et le FMI dont il affirmait pouvoir se passer.
Et maintenant ? L’Allemagne a bloqué l’activation de l’aide. La journée du lundi 26 avril a tourné au cauchemar pour la Grèce avec des taux à 10 ans qui ont atteint 9,4 % et des taux à 2 ans qui ont franchi la barre des 13 %. Le cours des contrats d’assurance défaut (CDS) sur la dette grecque se sont à nouveau envolés. C’est le principal moteur de la spéculation contre la Grèce puisque de gens qui n’ont pas un euro prêté aux grecs peuvent par contre posséder un titre d’assurance sur sa dette et donc avoir intérêt à ce que l’Etat grec ne puisse rembourser et toucher ainsi l’assurance ! Il faut désormais 713 000 dollars pour s’assurer sur le paiement de 10 millions de dette hellénique ! Ce niveau c’est celui des CDS de l’Argentine et du Venezuela, mauvais élèves des marchés, depuis qu’ils ont mis dehors le FMI et restructuré unilatéralement leurs dettes. Du coup, la totalité des efforts et privations du précédent plan de rigueur sont engloutis par la nouvelle élévation de la dette qui résulte de frais d’emprunt. Comprendre tout cela c’est se préparer à comprendre ce qui va arriver chez nous le cas échéant !
Un nouveau plan de rigueur ! Tel quel. Ce sera le troisième en six mois ! Cette merveille est en cours de « négociation » entre le gouvernement grec, le FMI et la Commission européenne. A l’issue de ces palabres, si la saignée est jugée suffisante il y aura le déblocage d’un prêt estimé à 45 milliards d’euros. L’Europe qui devrait prêter 30 milliards est à la table de dépeçage, en toute fraternité ! Vive l’Europe qui protège ! Le ministre grec des finances, un social démocrate docile comme un laquais, a promis de « nouvelles mesures concrètes » pour réduire « drastiquement » le déficit. On peine cependant à imaginer quelles coupes peuvent encore être envisagées ! Mais pour tabasser le peuple ces gens là ont toujours des idées. Modernes, cela va de soi ! Sauf celle de consulter le peuple grec comme le demande nos camarades de Synaspismos.
Voici la lettre de nos camarades de Synaspismos, d’Athènes en date du 23 Avril 2010. « Chers camarades, Ce matin, le Premier ministre grec a annoncé son intention d'utiliser les mécanismes de l'UE et du FMI pour répondre à la crise. Cette perspective est un choix désastreux pour la Grèce et annonce des développements négatifs pour tous les peuples en Europe. Synaspismos et le Parti de la Gauche européenne ont déjà proposé des alternatives pour faire face à la crise. Les forces dominantes en Europe, conduites par le système financier européen, la Banque centrale européenne et la chancelière allemande, Mme Angela Merkel, avec le Premier ministre grec et son gouvernement ont tout fait pour mettre en place ce choix désastreux. Il est maintenant demandé au peuple grec de payer le prix d'une crise pour laquelle il n’est absolument pas responsable. Le peuple grec est opposé à ces options. Le gouvernement de Papandreou refuse même de demander au Parlement d'approuver son choix. Synaspismos et notre coalition SYRIZA, demandent un référendum immédiatement! C'est sur les épaules des travailleurs grecs que repose maintenant la grande responsabilité de résister à ces décisions, au nom des générations futures – au nom de tous les travailleurs et des peuples européens.
Chers camarades, nous vous invitons à envoyer aux membres de votre parti, mais aussi à toute la classe ouvrière et aux citoyens, non seulement un message de soutien au peuple grec, mais aussi un message de collaboration et de coordination avec notre action, afin de développer les luttes partout en Europe, contre l'attaque subie par le peuple grec aujourd'hui et à laquelle devront faire face tout le peuple européen demain.?Nous devons résister ensemble. Changeons l'Europe ensemble et transformons-là en une Europe de paix, de démocratie et de justice. Agissons maintenant.
Alexis Tsipras, Président de Synaspismos,
Président du Groupe Parlementaire de SYRIZA »
Et maintenant voici le texte de la déclaration que nous avons rédigé hier au PG pour nous mettre en mouvement. Nous avons appelé à un « Rassemblement de solidarité avec le peuple grec victime des banques ».
« Le Parti de Gauche dénonce la punition imposée au peuple grec par les dirigeants européens, le FMI et les grandes banques mondiales, ceux-là même qui sont les vrais coupables et profiteurs du malheur des Grecs. Les comptes publics maquillés? Les banques d'affaires comme Goldman Sachs les ont préparés pour le gouvernement grec. Le poids de la dette ? Il s'alourdit chaque jour à cause de la spéculation financière et des taux d'intérêt exorbitants exigés par les banques. Le risque de faillite? Il serait conjuré si le traité de Lisbonne n'interdisait pas aux Etats emprunter auprès de la Banque Centrale européenne comme le font les banques à un taux d'1% seulement. Les sacrifices réclamés à cors et à cris ? Ce sont toujours les peuples qui doivent payer afin que la finance puisse continuer à s'empiffrer.?Face aux banques, où est donc « l'Europe qui protège » ? A peine la Grèce a-t-elle demandé à bénéficier de l'aide des autres Etats membres que la chancelière allemande s'y est refusé et a exigé de nouveaux sacrifices. En France, la ministre Lagarde annonce que l'argent prêté aux Grecs pourrait rapporter 150 millions d'euros à l'Etat, sans compter le bénéfice des banques. Décidément, derrière les belles paroles, tous cherchent à se faire de l'argent sur le dos du peuple grec !
Si les banques font plier la Grèce, elles attaqueront demain d'autres pays européens. C'est un bras de fer décisif qui s'engage entre les citoyens et les banques. Pour notre part nous affirmons le droit des européens à bénéficier des richesses qu’ils produisent. Nous défendons la souveraineté populaire face aux diktats des banques. Nous affirmons la solidarité des peuples face à la compétition du marché libre. Nous exigeons donc que l'argent prêté aux Grecs le soit sans profit pour les banques, au taux de 1% dont elles bénéficient auprès de la BCE. Nous allons contacter toutes les organisations de gauche pour constituer le cadre unitaire le plus large pour ce soutien au peuple grec victime du parasitisme bancaire."
En Europe, il y a l’Allemagne. Point barre.
Extrait de la note « Nous allons tous être des Grecs » – 28 avril 2010
Pour que ce que nous disons soit mis à sa place, partons des réalités de base. La dette totale de la Grèce, cette catastrophe colossale, c’est 300 milliards d’euros ! Dit comme ça, ça ne veut rien dire. Mais quand on sait que cela représente environ 2 % du PIB de l’Union européenne, on comprend mieux ! La dette grecque ce n’est rien. Ce qui est tout c’est le profit que les banques vont en tirer. Et la peur que les mauvais traitements subis font aux autres peuples.
Cette journée a été tragique pour l’Europe politique. DSK et Trichet étaient à Berlin toute la journée pour négocier avec l’Allemagne le contenu du plan grec. En Europe, il y a l’Allemagne. Point barre. Les deux notables français sans patrie identifiée, DSK et Trichet ont multiplié les consultations avec les importants allemands. Sarkozy devait attendre dans le vestibule. La France ? Ou est-ce ? Donc rencontre avec le ministre des finances Wolfgang Schaüble et les chefs de tous les groupes parlementaires. A l’issue d’une de ces rencontres, un député porte parole de la CDU pour les questions budgétaires, a affirmé que BCE et FMI se sont opposés à une contribution des banques au plan de sauvetage de la Grèce qui avait été suggérée par un député. Ouf ! Les banques peuvent continuer leur pillage, personne ne prétend leur faire rendre gorge !
Les taux pour la dette grecque ont franchi les 11 % à 10 ans et les 18 % à 2 ans ! C’est-à-dire que la Grèce ne peut plus se refinancer. Les banques et les assureurs vont donc pomper maintenant le jus de la déroute. Pendant ce temps le FMI de Strauss Kahn et « l’Europe qui protège » de la commission européenne exigent des coupes salariales. Mais quoi encore ? Le chétif président de l’internationale socialiste et Premier ministre grec, Papandréou, a encore gagné le premier prix de l’infamie. Incapable de résister aux banques et aux prédateurs de « l’Europe qui protège », il a trouvé plus simple d’insulter son peuple et de le mettre au pain sec. Pour complaire aux allemands il a affirmé que l’argent public et européen n’avait pas été utilisé pour le développement du pays mais pour « acheter des maisons, des voitures et vivre dans le farniente » et que « l’heure de vérité est arrivée ». Exactement le genre de nul qui fera demain tirer sur la foule qui manifeste comme en Amérique latine. Pourtant, à Athènes, le ministre grec du travail a affirmé que le gouvernement refusait la demande de coupes salariales du FMI et de la Commission européenne. Ces derniers auraient demandé au gouvernement de s’engager à supprimer les 13ème et 14ème mois qui existent dans les conventions collectives du privé et du secteur public où le 14ème mois a déjà été supprimé par Papandréou. Mais il ne pèse rien ! Et les diktats des punisseurs de peuple s’appliqueront sans faille ! La preuve c’est que Papandréou n’envisage même pas de faire voter le parlement sur ces plans de saignée. La démocratie ou la dictature des banques, le choix est fait.
Madame Merkel est la principale responsable du désastre en cours
Extrait de la note « Enfin! On a retrouvé 750 milliards qu’on n’avait pas! » – 10 mai 2010
Jusqu'à la Banque Centrale Européenne et ses mannequins en plomb, Trichet le bien nommé et les autres faces de pierre, qui commencent à faire, trop tard, ce qu’ils auraient dû faire au début et ce pourquoi on nous a bien ri au nez : acheter elle-même les obligations des Etats ! Où sont passés les super intelligents qui nous narguaient ? Les super économistes qui glosaient sur les dettes publiques excessives et le rempart de la banque centrale ? Pschitt ! Disparus ! On ne tardera pas à les revoir sur tous les plateaux de télé réciter la leçon ! Et quand je m’y trouverai, peut-être, pour expliquer les évènements autrement, surement qu’on me retaillera un plateau spécial du type Guillaume Durand avec sept personnes, sept, pour me contrer en psalmodiant comme des moulins la vulgate libérale ! Notons que dans cet épisode particulièrement misérable de la vie de l’économie de casino que défendent sans trêve ni repos toutes les élites, quelques personnages surfaits sont ramenés à leur juste proportion.
Ainsi de la Merkel et de son équipe de lourdauds. La super madame Merkel, avait été encensée par tous les commentateurs en mal de maman-qui- donne-la-fessée pour avoir refusé de financer ces fainéants de grecs ! Un mois après sa sottise rustique éclate aux yeux du commun ! Elle est la principale responsable, du point de vue de l’Europe actuelle, du désastre en cours. Tous ses atermoiements n’avaient d’autres causes que son horizon borné par la survie de sa coalition dans une élection locale. Bien sûr, maints petits malins voyaient bien, cependant, comment l’agonie grecque profitait sans le dire au modèle économique allemand tout entier fondé sur l’export en améliorant le taux de change. Un euro un chouia plus faible de quelques dollars, c’est autant de gagné en compétitivité sur le marché des marchandises libres et non faussées. Cela, bien sûr en dépit des discours de façade. Sans oublier que les grands comptes qui se retiraient de la dette grecque, espagnole et portugaise se repliaient sur les titres français et allemands générant de savoureuses économies de poche par la baisse des taux auxquels ils étaient admis ! Passons !
Tout cela « c’est de la technique » et il n’y a pas le temps de l’expliquer aux idiots que les rédactions médiatiques pensent avoir au bout de leur porte voix. Reste l’essentiel : la Merkel s’est pris une rouste ! Evidemment les griots prétendent que c’est à cause de sa faiblesse pour la Grèce. Malfaisant et égarant ces commentateurs ne quittent pas une seconde la ligne argumentaire qu’ils répètent depuis le début des évènements. Se risquent-ils à dire ce qui se serait passé, inclus dans cette élection, si la Grèce avait été mise en cessation de paiement ? Combien de banques allemande et française auraient bu la tasse ? Ouf ! C’est fini ! Elle a enfin perdu ses élections locales ! Elle consent donc à signer le bon de sortie des pompiers ! Trop tard pour sa réputation. Ce n’est pas trop grave ! Mais trop tard peut-être pour nous tous !
Extrait de la note « Le bonheur des irresponsables » – 28 mai 2010
Le G8 puis le G20 ont été dominés par une offensive conjointe de l’Allemagne, du Royaume-Uni et du Canada en faveur de la rigueur. Signe d’un nouvel axe européen entre l’Allemagne et le Royaume Uni, Merkel et Cameron ont quitté le G20 pour aller suivre ensemble le match de football Allemagne/Angleterre qui se déroulait dimanche après-midi. A quoi ça tient ! Et les Allemands ont gagné ce qui ne va pas leur rabattre le caquet ! L’administration Obama a fait part de ses inquiétudes sur un arrêt trop rapide des mesures de relance mais sans s’opposer fondamentalement à la priorité donnée à de la réduction des déficits. Normal. Tout le monde se fiche de ce qui se décide car rien n’a la moindre valeur de contrainte cela va de soi et encore heureux ! Tout ce qui compte c’est que chacun ramène à la maison le fait qu’il a été écouté chez « les grands de la terre ». La parole française est, bien sûr, devenue inaudible. D’abord Sarkozy affichait sa proximité avec Merkel depuis plusieurs semaines. C’était la phase zig. Puis il a fait mine de relayer au cours du sommet les inquiétudes américaines sur la rigueur. C’était la phase zag. Enfin il a donné finalement des gages aux partisans de la rigueur : « Il n'y a pas un seul interlocuteur autour de la table du G8 qui ait contesté la nécessité de réduire l'endettement et les déficits ». C’était la note finale. Sarkozy a même cru bon de défendre maladroitement l’Allemagne en affirmant : «Même Madame Merkel est d'accord pour faire plus de croissance!». Pauvre France !
Extrait de la note « La veille du lendemain » – 4 juin 2010
Le protectionnisme c'était le monstre ! Je pense que tout le monde se souvient des cris d’alerte entendus, il y a quelques mois, au lendemain du crash des banques américaines. Le grand mot d’ordre à l’époque c’était même de "lutter" contre le protectionnisme. Il y en avait plein les déclarations officielles du G20, des gouvernements, des institutions internationales et dans les éditoriaux des bien pensants. Ce danger était dénoncé car, nous disait-on, ce serait le risque d’un terrible recul de l’activité économique. Et tous enfonçaient le clou en nous prévenant : attention c’est comme ça qu’est venue la catastrophe après 1929. Pour ceux qui ne savent pas de quelle catastrophe il est question je rappelle la montée des fascismes et le déclenchement de la deuxième guerre mondiale. Comme la plupart des gens qui cherchent à s’informer, j’avoue n’avoir pas eu le souvenir bien précis de ce que j’avais appris à l’école sur le sujet. Et dans les stages de formation politique ont se contentait d’aller à l’essentiel en signalant la crise de 1929 comme le point de départ des évènements qui déclenchent la montée du nazisme et du fascisme. La curiosité m’a amené à aller chercher ce qui s’était passé. Quelles mesures avaient été prises alors. Histoire de savoir ce qui ne marche pas et conduit à des désastres… Surprise ! Ce ne sont pas des mesures de protectionnisme que j’ai surtout trouvé.
En fait, après 1929, ce sont les politiques d’austérité qui battaient leur plein. En France, en Allemagne, aux Etats unis, en Grande Bretagne. Partout on comprima les salaires des fonctionnaires, réduisit le budget de l’état, tout en s’accrochant bec et ongles à la défense de monnaie supposée forte et qui d’ailleurs ne le restèrent pas longtemps. Et pour bien dire je crois que c’est à peu près la même chose que ce qui se pratique aujourd’hui. Non ? Ou plus exactement, ce qui se fait aujourd’hui est juste un peu plus violent que les plans d’austérité appliqués après la crise de 1929. Heinrich Brüning, le chancelier allemand de l’époque déclare dans ses Mémoires que sa politique déflationniste ne visait qu’" à mettre l’Allemagne en mesure de résister à n’importe quelle contrainte extérieure, [à la rendre] capable de mettre à profit la crise mondiale pour exercer de son côté une pression sur les autres puissances » Décidément, madame Merkel n’innove guère ! Tous ces gouvernements avaient l’obsession de la monnaie forte !
La réunification allemande au Parlement européen
Extrait de la note « Dans l’odeur de la poudre » – 8 octobre 2010
Quelle ambiance dans ce parlement européen ! C’est de la propagande à jet continue. Mercredi, nouvelle cataracte de bons sentiments et de propagande anti communiste. Il s’agit d’un lot de résolutions bêlantes et d’une séance de vulgarité totale à propos de la réunification allemande. Madame Merkel n’est pas là. C’est dire l’intérêt que soulève la séance chez les importants. Mais on a sorti de la naphtaline Lothar De Mazière, le dernier premier ministre de l’Allemagne de l’est. Un bigot qui se réclame de son identité de « huguenot », cire les pompes du pape comme vainqueur du communisme et ainsi de suite. Un flot de bla bla prétentieux qui se garde bien d’aborder le bilan de cette réunification pour les allemands eux-mêmes. Et pour l’Europe qui l’a financée. Et sur les raisons qui conduisirent ces messieurs-dames les gouvernants allemands de l’époque à trainer plus d’un mois pour reconnaitre la frontière à l’est du nouvel état unifié. La fameuse ligne Oder-Neisse. Hésitation qui manifeste mieux que tout ce que les permanences de l’histoire veulent dire. Et après ça, voila Jacques Delors invité à nous édifier. Un compatriote. Un socialiste. Mis en place par François Mitterrand à la tête de la Commission. Mais lui ne dira pas un mot du président défunt. Il n’hésitera pourtant pas à se citer lui-même, en toute modestie bien sur, et après avoir fustigé l’ingratitude des successeurs qui ont oublié leurs devanciers. Il faut l’entendre pour le croire. Je garde pour moi ce que m’inspire la démocratie chrétienne internationale qui aujourd’hui fait la fête à ses patriarches sous prétexte d’unité allemande. A la fin de ces ondées lénifiantes on joue un prétendu hymne européen en présence d’un prétendu drapeau européen. On se lève sur nos bancs, mais on n'en pense pas moins. Et voila Gollnish député d’extrême droite qui fait l’habituel numéro de circonstance. C'est-à-dire rappeler que le drapeau et l’hymne ont été retirés du traité de Lisbonne. Cris, tumulte…Le président du groupe de droite Parti populaire européen, le français Joseph Daul vocifère et déclare que ceux qui soutiennent cette position n’ont qu’à renoncer à leur indemnité. « Profite et tais-toi », en quelque sorte ! C’est rafraichissant. Mon voisin, Jacky Henin, qui se contenait à grande peine depuis le début de ce bal de faux cul, explose de colère : « donc on a juste le droit d’être d’accord, sinon on doit rembourser ! » Moi je n’en peux plus non plus.
Vite, on fait encore une cinquantaine de votes à la chaine. On vote une résolution contre la peine de mort dans le monde en exigeant de tous les pays qui la pratiquent des comptes. Tous, sauf les Etats Unis d’Amérique, bien sûr. Et, ouf, ça y est c’est fini ! Pas un mot sur le coup d’état en équateur, bien sur ! Si le Dalaï Lama s’était fait voler une sacoche à sa mobylette le parlement européen aurait dénoncé un complot communiste. Mais un président élu qui se fait tirer dessus par des policiers qu’est ce que c’est ? Une mutinerie de la police, pas davantage. Indigne d’une délibération de notre noble rassemblement des amis des droits de l’homme !
Je résume la vision de l’histoire qui nous a été assénée cette fois ci comme les autres. L’Europe a été libérée par les américains sans l’aide de personne ni que l’URSS et ses vingt millions de morts au combat y soit pour quelque chose. Puis, l’Europe a été victime du communisme dont elle a été libérée par le pape disant aux polonais « n’ayez pas peur ». L’Allemagne a été réunifiée par enchantement et les français n’avaient rien à dire sur le sujet. Grâce à Jacques Delors au pape et à Helmut Kohl, et un peu Georges Bush l’essentiel a été réalisé sans verser une goutte de sang ce qui prouve bien le côté fondamentalement pacifique de l’ouest. Ah, la réunification ! Quel « cela-va-de-soi-tout-est-bien ». De son côté, nos camarades de Die Linke ont un autre bilan de cette bonne action fondamentale de l’ouest bienveillant à l’égard de l’Est martyrisé. En effet, le rapport annuel du gouvernement allemand sur l’état de l’unité allemande arrive à la conclusion que la réunification serait en très bonne voie. C’est une estimation erronée, selon la présidente de Die Linke, Gesine Lötzsch. Je publie donc son texte, traduit par Claudine Girod.
20 ans d’unité allemande? Un regard réaliste. « L’ « unité allemande » est évoquée et fêtée à grands renforts d’argent par le gouvernement fédéral. Mais dans les têtes et dans la vie de millions d’hommes, elle n’a pas réussi parce que tous les gouvernements fédéraux des 20 dernières années ont tout fait pour semer la discorde entre l’Est et l’Ouest. CDU/CSU, FDP, SPD et Verts ont fait de l’Allemagne de l’Est un « pays Hartz IV ». (Il s’agit d’une réforme extrêmement dure du gouvernement du socialiste Schröder qui a notamment réduit drastiquement les indemnités des chômeurs). La rénovation des centres villes, la construction d’une infrastructure de réseaux et de voies de communication sont sans doute aucun des progrès. Mais ceci ne doit pas cacher l’aspect le plus important : les personnes, en Allemagne de l’Est trouvent moins de bons emplois, les salaires et les retraites ne sont toujours pas au même niveau. Il y a un manque de places en formation pour les jeunes, et ceux-ci n’ont aucune chance de promotion. C’est pourquoi par exemple plus de la moitié des soldats qui sont engagés dans la guerre en Afghanistan viennent de l’Est.
La chancelière vient de l’Est. Mais elle non plus – comme tous les gouvernements qui l’ont précédé – n’a rien fait pour donner aux Allemands de l’Est une chance de bonne formation et de promotion dans cette société. Il n’y a aucun ministre ou secrétaire d’État, aucun directeur de chaîne publique de télévision, aucun rédacteur en chef de la presse nationale, aucun général de l’armée fédérale, aucun ne juge au tribunal constitutionnel fédéral, qui vienne de l’Est. On aurait pu parler d’une vraie unité entre Est et Ouest si au moins quelques acquis de la RDA avaient été introduits à l’Ouest, comme par exemple les crèches et les polycliniques.
Casse sociale à l’Est et à l’Ouest. Tous les gouvernements fédéraux soignent tant bien que mal l’Allemagne de l’Est, sans véritable succès. Si on mesure les résultats à l’aune des moyens investis, alors le résultat est honteux. Les gouvernements fédéraux ont porté la casse sociale à l’Ouest. Depuis la chute du mur beaucoup de gens des anciens Länder ont vu leurs conditions de vie empirer. Les salaires baissent, il y a de plus en plus d’emplois qui ne permettent pas de vivre. Pour les indemnités de chômage, il y a eu la réforme Hartz IV. Avec la perte de compétitivité du système, c’est l’économie sociale de marché elle-même qui est mise en pièces. Plus la situation sociale empire pour les citoyens de l’Est et de l’Ouest, et plus les attaques contre la RDA, disparue depuis 20 ans, ont tendance à disparaître. Die Linke a tiré les leçons des erreurs de la RDA et des 20 dernières années. Nous avons compris que le capitalisme d’aujourd’hui ne peut pas résoudre les problèmes des allemands de l’est et de l’Ouest, pour ne rien dire de ceux du monde. DIE LINKE lutte pour une société où ce ne sont ni les profits ni la peur qui gouvernent, une société qui n’exclue pas, qui n’humilie pas les hommes, une société qui mise sur la solidarité et la justice. »
L’Allemagne et la Grande-Bretagne contre Alstom
Front de libéraux pour le dumping
La France fait face à un front inédit en faveur du dumping sur les règles de sécurité. La société Eurotunnel, qui gère le tunnel et peine à se financer, lorgne sur la multiplication des redevances versées par les compagnies qui résulterait de la libéralisation. La Grande-Bretagne est par principe favorable au renforcement de la concurrence, d'autant plus qu'elle est minoritaire dans Eurostar et indifférente à l'avenir d'Alstom. Quant à l'Allemagne, elle milite activement pour la révision des régles de sécurité, qui lui permettrait de vendre encore plus de trains Siemens et même à terme de concurrencer Eurostar en faisant rouler des trains allemands dans le tunnel sous la Manche ! D'ailleurs, Eurotunnel ainsi que les gouvernements anglais et allemands ont fait cause commune le 19 octobre pour organiser le passage d'un premier train de la Deutsche Bahn dans le tunnel sous la Manche. Un passage symbolique et ridicule car faute d'être aux normes, le train Siemens a dû être tracté par une motrice française ! Cela n'a pas empêché ce train croupion d'être accueilli en grande pompe par les Britanniques à son arrivée à la gare de Saint Pancras. Et la Commission européenne est aussi en train de s'en mêler pour examiner si les règles de sécurité ne constituent pas des entraves à la concurrence libre et non faussée. On imagine sans peine que ça ne va pas plaider en faveur de la sécurité !
Main dans la main, mais avec quels Allemands ?
Extrait de Qu’ils s’en aillent tous - Novembre 2010
Les menaces de troubles aux frontières de l’Union sont visibles. Mais l’intérieur de l’Union n’en est pas exempt. Nombre viennent du fond de l’histoire et cantonnent dans les mémoires. Je veux être direct : je ne vois pas, par exemple, que les relations des Allemands avec tous leurs voisins soient définitivement apaisées. Nous-mêmes, Français, ferions bien d’admettre que la génération dirigeante de l’Allemagne réunifiée n’est plus celle que le remord raisonnait et que la division en deux Etats contenait. Aux dirigeants allemands décomplexés, devraient correspondre des dirigeants français dessillés. Avoir consenti à ce que les Allemands soient plus nombreux1 que les Français dans le Parlement européen est une faute. Cette décision est en contradiction avec l’esprit des fondateurs franco-allemands de l’Union européenne ! De Gaulle et Adenauer s’étaient exprimé sans aucune ambigüité sur ce sujet pour dire que seule l’égalité, en toutes circonstances, donnait une base solide à la relation entre nos deux pays. Mon avis est qu’on n’assure pas la paix entre nos peuples si on préfère ses illusions aux réalités. Les gargarismes sur le couple franco-allemand doivent céder la place aux réalisations concrètes. Construire des relations étroites avec les Allemands, c’est un devoir permanent de notre pays. Et chacun doit s’y atteler à la place qu’il occupe. A la mienne, je m’y suis astreint. En créant le Parti de Gauche, nous avons voulu que notre meeting de lancement se fasse la main dans la main avec notre alter-ego allemand, et notre inspirateur, Oskar Lafontaine, président de Die Linke. Un mois auparavant, nous sommes allés en délégation à sa rencontre pour solliciter son parrainage. Le dialogue ne s’est jamais interrompu depuis. A l’opposé, comme il est décevant de voir à quelles gesticulations pusillanimes est réduite la relation officielle entre Paris et Berlin ! Je le dis avec gravité et je me fiche bien de l’air habituel sur le sujet : « tout va très bien madame la marquise » ! Car l’Europe va au-devant de secousses internes. Leur onde de choc doit être maitrisée. La relation entre Français et Allemands est toujours, pour finir, le point sensible où s’infectent toutes les fièvres. La matière abonde.
Extrait de la note « Entre Cohn-Bendit et G20, pluie de mensonges dangereux » – 11 novembre 2010
Il faut bien que j’évoque la dernière énormité de Daniel Cohn-Bendit contre moi à l’occasion de son passage chez Jean-Michel Aphatie sur RTL. J’en ai les jambes coupées. Ca passera. Mais vraiment c’est lourd, pour finir. Sur la photo que vous voyez, Oskar Lafontaine et moi nous nous soutenons l’un l’autre comme sur le tableau derrière nous deux soldats blessés s’entraident. Oskar était présent au meeting de lancement du PG à Saint Ouen il y aura deux ans dans quelques jours. Cette image est ma réponse à monsieur Cohn-Bendit.
Vendredi 12 novembre Jean-Vincent Placé, secrétaire national des verts, a désavoué Cohn-Bendit et ses injures. J'en suis très heureux. A la fin de ma note vous pourrez lire le décryptage de son entretien avec Christophe Barbier à mon sujet sur LCI.
Mais quelle mouche l’a piqué ? Daniel Cohn-Bendit doit avoir du mal le matin à rassembler ses idées. Chez Aphatie, le matin du onze novembre, il s’est lancé dans une attaque spécialement basse contre moi. J’en suis d’autant plus étonné que nos rapports n’étaient pas ceux là jusqu’à ce jour. Politiquement éloignés sans aucun doute, nous parlions pourtant tranquillement, et même parfois avec de l’humour, jusqu'à ce jour. Je n’ai pas le cœur à commenter ses déclarations. Elles me donnent la nausée. Je découvre que la mode est à me comparer à Le Pen sur la base de pures affabulations. Ce que je prenais pour des « dérapages » comme disent les biens pensants est en réalité une méthode de combat. Il s’agit de me disqualifier en m’ostracisant de façon injurieuse. Au cas particulier, Martine Billard député de Paris et porte parole du Parti de gauche, sur son blog a bien exprimé la colère des camarades excédés par ces méthodes répugnantes. De son côté, notre Parti lui-même a fait un communiqué de presse que je publie. Ma stupeur c’est de voir que ce genre d’insultes est approuvé et relayé par le syndicat des belles personnes qui le valide avec les manières doucereuses qui sont le propre de cette caste. Ce qui serait en cause ce n’est pas la violence qui m’est faite mais celle que je provoquerais. Laquelle ? Où, dans ce que j’écris sur la relation franco allemande y a-t-il la moindre trace de violence, de mots violents, d’expression violente ? Quand ai-je parlé de « boches » ? Et quand ai-je parlé de « grande France » ? Le sieur Jean-Michel Aphatie est la caricature de cette méthode qui prend prétexte de ma soi disant violence pour justifier les pires insultes bien réelles contre moi et appeler à m’ostraciser. Je suis écœuré. Mes amis je me place sous la protection de ce que vous voudrez bien faire pour répliquer là où vous pouvez.
Communiqué du Parti de gauche. « Après Jean-Paul Huchon et sa comparaison ignominieuse entre Jean-Luc Mélenchon et Jean-Marie Le Pen (dans l’Express), c’est au tour de Daniel Cohn Bendit de rivaliser dans la calomnie. Interrogé sur RTL, voilà ce qu’il dit à propos de Jean-Luc Mélenchon : « Quand on voit son livre, ce qu’il dit sur l’Allemagne, quand il parle de la "grande France", ce qu’il dit sur les boches, c’est insoutenable, intolérable ». L'eurodéputé d'Europe Écologie va jusqu'à estimer que le Président du Parti de Gauche tient un discours qui « va même labourer sur les terres du Front national ».
Daniel Cohn Bendit ment : c'est lui, comme hier son frère Gaby dans le journal Libération, qui utilise le terme de « boche », ce qui est absolument inadmissible, et non Jean-Luc Mélenchon dans son livre. En effet, ce dernier, après avoir souligné le fait que l’Allemagne défend aujourd’hui ses intérêts nationaux davantage que dans l’après-guerre, ce que nul commentateur un peu sérieux ne peut contester, ajoute « construire des relations avec les allemands, c'est un devoir permanent de notre pays. Et chacun doit s'y atteler à la place qu’il occupe ». C'est ce qu'a d'ailleurs fait le Parti de Gauche dès sa création en revendiquant le parrainage de Die Linke dans une vision internationaliste de la coopération entre les peuples.
Voilà qui suffit à réduire à néant les accusations répugnantes des frères Cohn-Bendit. S'ils avaient lu le livre, ils auraient pu engager le débat sur les propositions de désarmement nucléaire, de sortie du nucléaire, de planification écologique avec relocalisation de la production pour lutter contre les émissions de gaz à effets de serre. Au lieu de cela, ils préfèrent l'insulte. Ce type de déclarations, outre qu'elles banalisent le Front National, rappellent, en pire, les attaques faites à l’encontre des partisans du Non de Gauche au TCE en 2005. L'ensemble du Parti de Gauche se sent insulté et diffamé par cette déclaration. Nous interpellons solennellement l'ensemble des militants Verts ainsi que leur direction et plus spécifiquement leur secrétaire nationale, Cécile Duflot, afin de savoir si de telles déclarations représentent la position d'Europe Ecologie/les Verts. »
Avec Oskar Lafontaine, ce camarade et frère allemand
Je suis parti vers Berlin dès vendredi soir. Mon idée était de ne pas me lever trop tôt le samedi pour les visites prévues. Peine perdue. Les amis et l’agitation du séjour m’ont cloué sur mes sept petites heures de sommeil ordinaires. J’étais invité par Die Linke, le parti frère du nôtre en Allemagne. Il s’agissait de participer à la célébration annuelle de la mémoire de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. Certaines années on y a vu jusqu'à quatre vingt mille personnes défiler du matin au soir. Je n’avais pu m’y rendre l’an passé. Les circonstances ont donné à ce déplacement un sens spécial qui m’a beaucoup remué. Vous verrez sur les photos que nous étions la main dans la main, Oskar Lafontaine et moi, au moment de déposer la gerbe du Parti de Gauche. Ce geste, et même notre présence commune pour déposer la gerbe du PG, n’avaient pas du tout été prévus. Il était question d’avancer par délégation vers le monument. J’étais donc accompagné par mon ami Lars, le président de la commission internationale du PG, organisateur méthodique de notre déplacement, dont l’allemand est la langue maternelle, et par plusieurs camarades expatriés qui nous avaient rejoints. Sur place des camarades de Die Linke, tous magnifiquement bilingues, nous entouraient, à la fois pour les heures « touristiques » du samedi et tous les aspects logistiques. Tous militants, tous bénévoles. Je ne sais qui a eu l’idée d’acheter une gerbe aussi importante et aussi lourde. Elle a été beaucoup photographiée et son message beaucoup reproduit par les journalistes qui se trouvaient là, fort nombreux, en raison d’une récente polémique avec la co-présidente du Die Linke dont je dirai un mot ensuite. On y lisait « Parti de Gauche. République française », sur un ruban rouge et « Fraternité socialiste » sur un ruban vert. Au dernier moment Oskar m’a demandé de venir à ses côtés, sur la ligne des dirigeants du parti qui portaient la gerbe de Die Linke. Et ainsi sommes-nous montés vers le monument à mi-pente du jardin où il se trouve. On marchait à très petits pas car le sol était marbré de plaques de neige gelée de grosse et glissante épaisseur. Il a fait moins vingt dans la semaine qui précédait ! Et ce fut une chose bien nouvelle pour moi de voir les plaques de glace glisser sur le fleuve là où il n’était plus gelé encore.
A l’arrivée devant le monument, Oskar s’assure que je suis bien placé derrière lui tandis que sa délégation, Gregor Gysi et les deux actuels co-présidents, un homme Klaus Ernst et une femme Gesine Lötzsch, dépose la gerbe du parti. Puis quand c’est mon tour, Oskar me montre où je dois déposer, car j’ai choisi que ce serait sur la tombe de Rosa Luxemburg. J’ai fait ce choix en pensant à tous ceux de mes camarades pour qui le nom de cette femme est un repère et dont les écrits structurent encore tant de réflexion dans notre camp.
A ce moment je lui dis : « Tu viens avec moi ? » Il dit : « Bien sûr ». On dépose ensemble, et naturellement, on se prend par la main. Rien de calculé. Alors j’ai réalisé que c’était le geste de Mitterrand et Kohl. J’en ai été très ému, vous le devinez. Car bien sûr, je savais que le même jour il y avait cette drôle de commémoration à Jarnac. En fait, tout cela, je ne l’ai pensé clairement qu'ensuite. Je me suis dit après coup : « Ils se sont disputés les cendres et moi j’ai soufflé sur la braise ». Une formule de Jean Jaurès. Mais sur le moment je n’avais la tête à rien d’autre qu’à ce que je faisais. Vous le savez, l’adage africain le dit : « Il y a bien des individus dans la personne ». Là, j’étais pris tout entier par l’instant. Le militant que je suis, depuis si longtemps, nourri de tant de lectures et de tant d’épisodes de combats internationalistes, le militant occupait toute ma personne. Le sens du contexte actuel tel que je le comprends me paraissait concentré dans ce que je faisais là. Maillon dans le temps, devant la tombe de Rosa Luxemburg, je me sens uni avec ce camarade et frère allemand. Car je m’efforce, tout comme lui, et si longtemps après elle, Rosa Luxemburg, de ne pas laisser rouler au néant le flambeau reçu des beaux combats du passé contre l’inhumanité du capitalisme. Puis on est revenus au point de départ du trajet, à petits pas tranquilles, bras-dessus bras-dessous avec Oskar. Il guettait où poser ses pieds avec une précision de chat. Il en est ainsi, m’a-t-il dit, depuis qu’un genou l’a trahi récemment. Je m’en souviens puisque cela nous priva de sa présence à une réunion en France où l’on comptait sur lui. Une fois en bas, on nous dit qu’il faut recommencer le trajet pour être avec les camarades expatriés et des jeunes de Die Linke. On recommença donc. Oskar est simple. Il se plie à tous les services qu’il se sent capable de rendre. Mais la chose me reprit à la gorge et ce deuxième trajet, où l'on déposa cette fois des œillets, me mordit de nouveau à la gorge à me mettre les larmes aux yeux.
Extrait de la note « Au-delà de la limite, il n’y a plus de bornes » – 20 janvier 2011
Je suis abasourdi d’avoir vécu de tels évènements. L’hémicycle à Strasbourg est arrivé à l’extrême caricature de ses pantalonnades qui laissent pantois. J’y ai vu Joseph Daul, le président UMP du groupe de la droite au parlement européen, rouge de plaisir, embrasser devant tous, et sous les acclamations, le premier ministre hongrois Viktor Orban qui est accuséde tous côtés d’être un crypto-fasciste attentant à la liberté de la presse, notamment. J’y ai vu Martin Schulz, président du groupe du Parti Socialiste Européen voter avec la droite pour empêcher l’examen d’une résolution sur les évènements de Tunisie et sur la liberté de la presse en Hongrie. Inouï. Jean Quatremer, zélé européolâtre contemple le double désastre qui frappe l’institution européenne qu’il défend si fort et les sociaux démocrates qu’ils aiment tant. Son titre est terrible : « l’honneur perdu des socialistes ». J’aurais juste le regret que cet observateur si aigu de mes entrées et sorties dans l’hémicycle n’ai rien dit du fait que j’ai été le seul à me joindre à la protestation des Verts Europe Ecologie en empruntant une de leurs affiches pour l’installer dans l’hémicycle sur mon pupitre.
Les socialistes se couvrirent encore davantage de honte en annonçant par une brève note sur leur site, l’exclusion du parti de Ben Ali de l’internationale socialiste dont il était membre depuis 1970. On comprend qu’il s’agissait pour Schulz, avec cette annonce, de compenser l’infamie du vote de son groupe contre la résolution sur la Tunisie. Personne naturellement ne se donne la peine de savoir comment et où cette procédure d’exclusion a été conduite. Quand la décision a-t-elle été prise et par qui ? Bien sûr Martin Schulz ne peut pas avoir inventé la chose, n’est-ce pas ? Donc on est en droit dorénavant de demander des explications sur certains autres membres de l’internationale qui n’ont pas été exclus et dont on se demande pourquoi. Je garde ce régal pour une autre fois. Mais au passage on en apprend une autre, bien bonne. Le vaillant parti de Ben Ali, le RCD, membre de l’internationale et exclu trois jours après la fuite de son dirigeant avait aussi une adhésion à droite. En effet, il avait aussi signé, en juin 2009, un accord de coopération euro-méditerranéenne avec le Parti populaire européen (PPE), le parti qui rassemble tous les conservateurs européens. Lors d'une conférence de presse au Parlement à Strasbourg, Martin Schulz a annoncé lui-même cette exclusion. Et le site de l’internationale de préciser : "Cette décision, dans des circonstances exceptionnelles, est conforme aux valeurs et principes qui définissent notre mouvement et à la position de l'Internationale sur les développements dans ce pays ». Quel héroïsme ! Quelle intransigeance sur les principes ! Très émouvant. A peine voté déjà oublié. Schulz n’a pas poussé le respect des valeurs jusqu’au point de votre la résolution sur la Tunisie !
L’Allemagne n’est pas un modèle économique et social à imiter
Le Medef a lancé depuis quelques jours une nouvelle offensive contre le coût du travail, en prétextant l'écart de compétitivité de la France face à l'Allemagne. Immédiatement relayée par le gouvernement, cette attaque vise le financement de la protection sociale en suggérant une baisse du coût du travail de 10 à 15 milliards d'euros, qui serait compensée par des hausses de CSG et de TVA. La droite fait ainsi une nouvelle tentative pour imposer la TVA sociale dont nous avions décrypté la menace dans un précédent petit courrier.
Les milliards perdus de la baisse du coût du travail
Dans ce débat, le patronat passe sous silence que les entreprises bénéficient déjà de plus de 30 milliards d'euros par an d'exonérations de cotisations sociales. L'efficacité pour l'emploi de ces exonérations a été mise en doute par de nombreux rapports, notamment de la Cour des comptes. D'autant qu'elles bénéficient principalement (pour prés de 70 % de leur coût) au secteur des services, qui est beaucoup moins exposé aux écarts de compétitivité que l'industrie.
Le patronat se tait aussi sur les 172 milliards de niches fiscales dont bénéficient les entreprises selon la Cour des comptes, dont 65 milliards rien qu'en réductions d'impôt sur les sociétés.
Des écarts de coût du travail à relativiser
Le patronat brandit le coût horaire de la main d'œuvre plus important en France qu'en Allemagne. En réalité, cette moyenne cache des disparités selon les secteurs :
L'Allemagne n'est pas un modèle économique et social à imiter
Le creusement de l'écart de compétitivité entre la France et l'Allemagne est surtout lié à des évolutions allemandes plus qu'à une dégradation de la situation française :
La politique allemande de réduction du coût du travail a comprimé sa demande intérieure. Etendue à l'ensemble de l'Union européenne, cette politique de compression des coûts (avatar de la désinflation compétitive qui avait fait la force du Mark) serait un désastre pour l'activité économique et plongerait le marché intérieur en récession.
La Grèce joue le rôle du condamné pour l’exemple
Extrait de la note « Le spectacle continue mais la vie aussi » – 19 mai 2011
Pour les banksters, la Grèce sert de cadavre exposé sur un gibet pour impressionner tous les peuples d'Europe. Pour que l'intimidation fonctionne dans la durée, le supplice doit être entretenu, spectaculaire et public. Non seulement la Grèce est donc dépecée mais on lui maintiendra coûte que coûte la tête enfouie dans la dette. Dans cette stratégie, la Grèce joue le rôle du condamné pour l'exemple. Angela Merkel a donc de nouveau mis en garde tous les pays qui ne rentreraient pas dans le rang. Comme aux premiers jours de la crise grecque, elle a ressorti les grossiers arguments contre les pays du sud qui se la coulent douce. "Il faudrait que dans des pays comme la Grèce, l'Espagne, le Portugal, on ne parte pas à la retraite plus tôt qu'en Allemagne." "Nous ne pouvons pas avoir une monnaie commune et certains avoir beaucoup de vacances et d'autres peu, à la longue cela ne va pas." Moins de retraite et moins de congés, voila le programme de l'Europe allemande. Écœurante arrogance ! Sarkozy n'y oppose pas la moindre résistance. Au contraire. Sa ministre en rajoute donc bien tranquillement. Pressée à droite de se présenter à la direction du FMI, Mme Lagarde en fait des tonnes pour montrer quelle bonne élève libérale elle est. A ceux qui suggèrent de desserrer l'étau de la dette grecque et de mettre pour cela les banques à contribution, elle répond à l'unisson de la Banque centrale européenne : "c'est hors de question, qu'il s'agisse de restructuration, de rééchelonnement ou de reprofilage de la dette".
Le PG ne sacralise aucun système monétaire
Résolution du Parti de gauche sur l’euro – 4 juin 2011
Un gouvernement déterminé peut mener cette action subversive dans l’UE : il peut cesser d’appliquer l’intégralité du traité de Lisbonne, s’affranchir des règles européennes qui imposent aux politiques un carcan néolibéral, et cela sans s’imposer les difficultés supplémentaires qu’engendrerait une sortie de l’euro. Ce coup de force politique peut naturellement susciter une très forte résistance des gouvernements les plus attachés à l’actuel fonctionnement antisocial et antidémocratique de la zone euro (notamment le gouvernement allemand). Mais dans la crise politique qui s’ouvrirait alors dans l’UE, le rapport de force est défavorable à ceux qui ont le plus à perdre à l’éclatement de la zone euro (notamment l’Allemagne) et favorable à ceux qui sont disposés à assumer cet éclatement s’il apparaît inéluctable. Nous y sommes quant à nous parfaitement disposés et préparés. Le PG ne sacralise aucun système monétaire en lui-même, il ne fait prévaloir que l’absolue nécessité de mener les politiques publiques progressistes exigées par le suffrage universel ; en conséquence, si l’alternative qui venait à se présenter était le maintien de la zone euro dans la soumission au carcan néolibéral, ou bien la sortie de l’euro pour appliquer le programme validée par le vote des citoyens, le PG opterait sans hésitation pour cette seconde solution. ?
Nous pensons toutefois que, dans l’immédiat, l’alternative réelle est différente. Un gouvernement déterminé peut faire à peu près ce qu’il veut dans la zone euro, et sa détermination a toutes les chances de faire plier des partenaires récalcitrants, mais qui ont fort à perdre dans la disparition de l’euro.
Si d’éminents économistes, y compris économistes de gauche, prennent d’emblée position en faveur d’une sortie de l’euro, c’est notamment parce qu’ils excluent la possibilité dont dispose toujours un gouvernement national : décider unilatéralement de ne plus appliquer certaines dispositions des traités européens. Leur raisonnement est pertinent dans un cadre politique donné : si un État national est censé respecter à la lettre les traités, alors il est exact que la monnaie unique est devenue insoutenable pour un gouvernement qui voudrait rompre avec les politiques néolibérales imposées par le fonctionnement actuel de l’UE et l’idéologie dominante dans les gouvernements européens. Mais pour que ce raisonnement reste cohérent, il faudrait ajouter que la sortie de la seule zone euro ne suffit pas : il faut sortir de l’UE, puisqu’il est nécessaire de s’affranchir d’autres règles européennes que celles concernant la monnaie. Il est notamment indispensable de rétablir un contrôle strict des mouvements de capitaux. Si l’on postule qu’il est impossible de s’affranchir partiellement d’un accord sans rompre intégralement cet accord, alors la question de la sortie de l’euro est indissociable de celle d’une sortie de l’UE.
Or le PG entend œuvrer à une transformation de l’UE, non à sa destruction. Il ne s’agit donc pas seulement d’abandonner l’UE à son triste sort en restaurant la seule souveraineté du peuple français, mais d’engager une épreuve de force au sein de l’UE en démontrant qu’un gouvernement déterminé à le faire peut toujours mener une autre politique. S’affranchir du carcan néolibéral de l’UE, sortir de l’application intégrale du traité de Lisbonne, sans sortir de l’UE, c’est démontrer que l’on peut préserver l’acquis de cinquante ans de construction européenne, en se débarrassant du poison néolibéral. Cette démonstration est un encouragement aux peuples européens pour qu’ils exercent à leur tour leur souveraineté en votant pour des gouvernants qui s’engagent à suivre l’exemple du peuple français. C’est ainsi que se construira un nouveau rapport de forces en faveur d’une refondation démocratique et progressiste de l’UE. Les mesures présentées ci-dessous montrent comment un pays membre de la zone euro peut mener seul une autre politique que celle qu’impose aujourd’hui le strict respect du traité de Lisbonne et les choix politiques nettement dominés par l’idéologie néolibérale et par la volonté du gouvernement allemand. Mais elles ne définissent évidemment pas l’horizon idéal de notre relation à l’UE. Elles visent plutôt à contraindre tous ceux qui ont beaucoup à perdre à l’éclatement de la zone euro (au premier chef l’Allemagne) à négocier un nouveau fonctionnement de la zone euro ; elles visent à convaincre d’autres pays (notamment du sud de l’Europe) de s’associer à la France pour promouvoir cette réforme nécessaire.
Mario Draghi, le plus allemand des Italiens
Extrait de la note « L’histoire se cherche, vous ne trouvez pas ? » – 8 juin 2011
Certes, Trichet va partir. Mais son remplaçant est, lui aussi, un illuminé libéral grand teint. C'est l'actuel gouverneur de la banque d'Italie, Mario Draghi. Ce n’est un italien que d’apparence. En réalité il s’agit d’un zombie. Un mort vivant, ressorti tout droit du cimetière de la grande crise de 2008. Car le monsieur est l'ancien vice-président pour l'Europe de la toute puissante banque américaine Goldman Sachs. Quel merveilleux curriculum ! Un type qui est fier d’être caractérisé de « plus allemand des italiens ». Dans cette spécialité on a déjà donné en Italie. Mais pourquoi changer des équipes aussi performantes ! On peut donc lui faire confiance pour continuer à penser et agir « conforme » pour la zone euro.
Il n’a pas trainé pour entonner l’hymne des dévots de l’euro fort. Adoubé par l'Allemagne, ce dernier a osé dire à Berlin le 25 mai que "le succès de l'union monétaire a dépassé nos attentes les plus optimistes". Nous voilà replongés en pleine hallucination. De quels succès parle-t-il ? Le nombre d'emplois détruits ou délocalisés ? Le nombre de chômeurs et de pauvres ? Pauvre fou ! Il a même ajouté que "l'Allemagne montre le chemin" en matière de réformes dans l'Union européenne. Malheureusement les propositions de Trichet, elles non plus, ne restent pas confinées dans le secret médical de l’asile dont elles sont dignes. Son délire du 2 juin à Aix-la-Chapelle a déjà contaminé. Sa proposition d'un "ministre des finances européen" a aussitôt été soutenue par le commissaire au marché intérieur, Michel Barnier. Ca va mal finir toutes ces sottises.
Le récit du sommet de dimanche dernier laisse un goût étrange. J’ai lu dans « Libération » une description assez effrayante sous la plume de Jean Quatremer que l’on peut retrouver ensuite sur son blog. J’en cite le début : « Le visage des mauvais jours, Nicolas Sarkozy, entouré de ses conseillers et de ses gardes du corps, traverse en trombe le hall de l’hôtel Amigo, près de la Grand-Place de Bruxelles, s’engouffre dans l’ascenseur et regagne sa suite. Il est 23 h 30, samedi, veille d’un nouveau sommet consacré à la crise de la zone euro. Quelques minutes plus tard, arrivée de la chancelière allemande. C’est une tradition, le couple partage le même hôtel, même s’ils font chambre à part. La délégation allemande loge au 4e, la française au 3e. Angela Merkel souriante, détendue, salue les quelques journalistes présents et s’installe au bar de l’hôtel où plusieurs tables lui ont été réservées. Elle commande un verre de vin blanc et entame une discussion animée avec cinq de ses conseillers. Ça rigole sec. Les deux dirigeants ne semblent pas sortir de la même réunion. » Le récit ensuite surligne cette impression de départ. S’il est vrai, alors il nous en apprend davantage que maintes analyses sur l’état des relations au sommet de l’Europe. Le comportement infatué de soi de la chancelière, son attitude ostentatoirement amusée après la réunion, sa veillée non seulement rigolarde mais très tardive au bar de l’hôtel, tout cela est tout à fait inhabituel à de tels niveaux de responsabilité. C’est fait pour montrer et faire parler. Plus loin le récit de Quatremer aggrave l’impression glauque: «Dans le hall de l’hôtel, Xavier Musca, le secrétaire général de l’Elysée, Fabien Raynaud, conseiller Europe, et Ramon Fernandez, directeur du Trésor, semblent un peu désemparés. Vers minuit, Musca va voir la chancelière et lui parle quelques minutes. Il n’est pas invité à s’asseoir. A 1 heure 15, Merkel et son entourage rigolent toujours. Paris joue l’Europeassiégée, Berlin la cool attitude. «Ils doivent rire de nous», s’inquiète un Français. ». Ah bon ! On en est là ? Mais il est vrai que Nicolas Sarkozy a ouvert le style au cours de cette réunion. Notamment en faisant publiquement des remontrances aux anglais et aux italiens. Ceux là doivent-ils dénoncer l’Europe française ?
Dans l’hémicycle à Strasbourg nous avons eu un retour assez énervé des parlementaires de droite de ces pays. Au hasard du récit de Quatremer on trouve une confidence stupéfiante attribuée à Nicolas Sarkozy : « La France colle donc à l’Allemagne depuis deux ans, de peur de la voir quitter le bateau : «Au début de la crise, la chancelière n’était absolument pas convaincue qu’il fallait sauver l’euro. Maintenant, cela ne fait plus aucun doute dans son esprit», se réjouit-on à l’Elysée. » Ainsi donc en début de partie elle était prête à lâcher l’Euro ! Est-ce que ce n’est pas là une information majeure ? Et maintenant ? Qui nous dit que tout ce qu’elle fait depuis n’est pas une mise en scène du même état d’esprit ? Quatremer va plus loin. Selon lui la chancelière n’est pas libre de ses choix. Au contraire tous sont contraints par les contraintes de politique intérieure. Si bien que les dirigeants français auraient en réalité couru derrière elle. « Il a fallu que la France avale de nombreuses couleuvres, écrit Quatremer, Berlin naviguant à vue entre une coalition gouvernementale gangrenée par l’euroscepticisme des libéraux du FDP et des juges constitutionnels souverainistes. »
Si j’ai fait ce passage par le reportage de « Libération », c’est qu’il apporte un éclairage qui me confirme dans mon intuition. Le moment de la crise mêle très intimement la géopolitique et l’économie. Peut-il en être autrement ? Les soubresauts de la crise financière atteignent les fondements de la société. La crise des sub-primes a failli emporter tout le système. Le sauvetage a été réalisé par des moyens inouïs qui sont la négation des primats du système. D’autres coups s’annoncent. Ils modifieront toute la hiérarchie des puissances. Dans la tempête chaque pays tâche de tirer son épingle du jeu. « Je suis tenue par mes fonctions d’éviter les dommages au peuple allemand, de faire ce qui est bon pour le peuple allemand. C’est ma ligne directrice dans les négociations » a déclaré madame Merkel. Avec cette façon de voir, inconnue du discours irréalistes des dirigeants français, chaque pays agit d’après la vision qu’il a de ses intérêts vitaux de long terme. Et cela quitte à faire porter par le voisin le poidsdes inconvénients de la situation. Or, sur le vieux continent, les français et les allemands sont dans des phases divergentes. Le projet européen qui les tenait joints en haleine n’est plus à la même place commune dans leur développement respectif. Ce n’est donc pas l’Europe allemande le problème, pour reprendre le titre du journal « La Tribune ».
Je comprends que, dans une négociation internationale, on soit prudent au point de concéder beaucoup et même parfois plus qu’il n’est raisonnable. Mais cela n’a de sens que si l’on sait soi même où l’on veut aller en le faisant. Ce n’est pas ce que je vois dans l’attitude du président Sarkozy. Ou va-t-il ? Que défend-il à part la fumée du bréviaire libéral ? Le problème des nations n’est jamais comptable. C’est un problème politique. Comment desserrer l’étau si l’on ne porte pas un projet alternatif, une offre différente, un axe de rassemblement différent. Et une stratégie et des alliances différentes ? Ce n’est pas seulement donc la pauvreté rustique de la vision d’Angela Merkel qui est en cause. C’est la pusillanimité de celle du président français. L’Europe n’est allemande qu’autant que prévaut le classement du meilleur élève de la classe libérale.
L’Europe à la mode allemande marche au désastre
En Europe, le gouvernement conservateur allemand fait la pluie et le beau temps. Ses recettes éculées et frileuses ne correspondent qu’à l’intérêt étroit d’une Allemagne vieillissante et rentière. Nicolas Sarkozy a été incapable de faire avancer la moindre idée ou solution nouvelle plus conforme à l’intérêt de la France et de l’Europe qui veut bouger !
Le refus de faire intervenir directement la banque centrale pour prêter aux Etats est une erreur qui coute chaque jour plus cher à la zone euro. L'effacement trop tardif de 50 % de la valeur des obligations détenues par les banques n'a fait qu'entériner que la dette grecque ne serait pas remboursée comme je le répète depuis mai 2010.
L'usine à gaz des garanties du FESF ne résoudra aucun des problèmes posés par le coup d'Etat financier à l'œuvre dans l'Union européenne. En fixant à 20 % le plafond des garanties pour les capitaux investis dans les obligations des Etats, l’Union donne un signal très ambigu aux marchés qu’elle prétend rassurer. Les 80 % restant sont donc sans garanties. La spéculation peut donc reprendre.
Faute d'un contrôle strict des mouvements de capitaux et d'une refonte complète du secteur financier, les banques et les agences de notation vont continuer à harceler les Etats.
Les gouvernants intimidé et affolés vont continuer à saigner les peuples et à faire reculer l'activité au détriment des comptes publics. Cette politique absurde mène l’Union Européenne au désastre. Je forme le vœu qu’un sursaut se produise avant qu’il ne soit trop tard. Il ne peut venir que du peuple.
Bayrou et le « modèle » allemand
Extrait de la note « Au sommet on s’embrouille » – 29 octobre 2011
Bayrou précise son programme. "Je propose un agenda 2020 comme les allemands ont fait un agenda 2010" a-t-il déclaré dans l'émission "Questions d'info" sur LCP le 12 octobre dernier. Encore le modèle allemand ! « L'agenda 2010 » ? Il est de sinistre mémoire pour la gauche allemande. C'est le programme brutal contre les droits des salariés et des chômeurs appliqué par le SPD de Gerhard Schröder. L'Agenda 2010 et la réforme Hartz IV du marché du travail sont à l'origine de la démission d'Oskar Lafontaine du SPD en 2005. Et quand on lui demande comment il compte appliquer son programme, Bayrou répond. Il veut "une majorité centrale" : "il faut une majorité centrale pour faire ce qu'on fait les Allemands avec l'agenda 2010 ou les Espagnols avec la règle d'or". La casse du droit du travail, les emplois à un euro de l'heure pour les chômeurs et la règle d'or, voilà les références de François Bayrou. Sans parler de la hausse de TVA de deux points et de la baisse des dépenses de l'Etat et de la Sécurité Sociale de 20 milliards chacun. Personne ne peut dire qu’il n’est pas prévenu. Comment oser dire, après cela, qu’il y en a qui « savent qu’ils ne sont plus de droite » ? Car si ce que dit Bayrou n’est pas un programme politique de droite, alors qu’est-ce qu’un programme de droite !
Je ne connais pas de « boche »
Extrait de la postface à l’édition de poche de Qu’ils s’en aillent tous ! – Novembre 2011
J’ai été sévèrement fustigé pour ce que j’ai dit du changement de mentalité des dirigeants allemands à propos de l’Europe. Daniel Cohn-Bendit m’accusa de parler des « Boches ». Rien de tel n’existe dans ce livre5. Il ne l’a pas lu. Je suis le frère d’un autre allemand, Oskar Lafontaine. Je ne connais pas de boche. Mais je sais quelle est la droite allemande avec laquelle les amis « Grünen » de Cohn- Bendit n’hésitent pas à s’allier. J’ai suivi comme tout le monde le feuilleton des tergiversations de madame Merkel face à la crise grecque. Vous avez vu la morgue des conservateurs allemands dans les institutions financières européennes ? Vous êtes donc maintenant fixés. Il existe un parti pris puissant en Allemagne en faveur de la reconstitution d’une zone Mark maquillée en petite zone Euro. Ce serait une erreur totale et un mauvais pas pour notre pays de laisser faire. Pourtant, les uns refusent de voir, les autres ont déjà capitulé. Pour moi, il est tout à fait détestable de voir déjà des bonnes âmes proposer leur collaboration pour ce funeste projet, sous couleur d’harmonisation fiscale et sociale aux normes de notre voisin.
Tribune publiée dans Les Echos – 4 novembre 2011
Le « modèle allemand » est la nouvelle coqueluche. Nicolas Sarkozy s'enthousiasme : « Tout mon travail, c'est de rapprocher la France d'un système qui marche, celui de l'Allemagne. » Une fascination partagée par l'entourage de François Hollande. Test : les investisseurs font-ils davantage confiance à l'Allemagne qu'à la France ? Non. La France est largement devant l'Allemagne pour les investissements directs étrangers : plus de 1 milliard de dollars en France contre 674 millions en Allemagne, selon les statistiques publiées par la Cnuced. Les Allemands sont-ils meilleurs que nous en matière de dette ? Non. En 2010, l'Allemagne avait une dette de 83,2 % du PIB contre 81,7 % pour la France, selon Eurostat. L'Allemagne est donc tout autant que la France en dehors de la limite des 60 % du PIB exigée par le Pacte de stabilité. La croissance allemande est-elle meilleure que chez nous ? Non plus. Sur la dernière décennie, elle a été inférieure à celle de la zone euro et moindre qu'en France. D'ailleurs, le « modèle allemand » n'a pas protégé ce pays de la crise : avec une chute de 4,9 % du PIB, il a subi en 2009 une récession deux fois plus importante qu'en France. L'embellie en 2010 est donc un rattrapage. Au final, par rapport à 2008, l'Allemagne marque encore un retard de croissance plus grand qu'en France.
Le taux de chômage en Allemagne est-il vraiment plus faible que chez nous ? Non. Officiellement de 6 % contre 9,9 % en France, il a été facialement dégonflé grâce à la réforme sociale-démocrate. Elle a rayé des comptes 1,5 million de sans-emploi. Cela correspond exactement à la baisse du chômage affichée depuis 2002. En septembre dernier, le journal « Die Welt » a aussi révélé que 200.000 chômeurs âgés avaient été radiés. Le ministère allemand du Travail a reconnu que 57 % des seniors chômeurs n'étaient plus comptés. Autre artifice : la généralisation du chômage partiel, invisible dans les statistiques. Ainsi, en 2010, selon Eurostat, il concernait 26,2 % des salariés allemands contre 17,8 % des salariés français.
La croissance allemande basée sur les exportations est-elle un modèle généralisable ? Non. 65 % des exportations allemandes sont destinées à la demande des autres pays européens. Si ces derniers imitaient le « modèle allemand » en contractant leurs achats, l'export made by Germany s'écroulerait. De plus, ces exportations ne révèlent pas une plus grande performance technique. Selon Eurostat, 16 % de celles-ci concernent des produits de haute technologie. En France, c'est 26 % des exportations. L'OCDE note que les Français travaillent 154 heures de plus par an que les Allemands. Et la productivité des travailleurs français est la plus élevée d'Europe. Elle a progressé sur la dernière décennie deux fois plus vite qu'en Allemagne.
Peut-on importer le « modèle allemand » ? Non. La démographie allemande est trop différente de la France. Le taux de fécondité allemand est moitié moindre qu'en France. Depuis trente ans, il y a donc davantage de décès que de naissances outre-Rhin. Le pays est donc poussé à privilégier une économie de rente. La France a un besoin vital d'activité. D'ici à 2060, la population allemande devrait passer de 82 à 65 millions d'habitants. Celle de la France devrait passer dès 2050 à 73 millions d'habitants.
On ne peut donc pas transposer le « modèle allemand » en France. D'ailleurs, est-ce souhaitable ? Les Français veulent-ils vraiment aller plus loin dans la contraction des salaires et la précarité de l'emploi ? Car c'est là l'unique secret qui distingue l'Allemagne des autres pays depuis dix ans. Ce bilan d'une décennie d'application des lois sociales-démocrates sur l'emploi est un désastre social. 20 % des salariés sont des travailleurs pauvres. 5 millions de travailleurs doivent se contenter de mini-jobs à 400 euros par mois, sans protection sociale. Faute de SMIC, 2 millions de salariés gagnent moins de 6 euros par heure, alors qu'aucun salarié ne peut gagner moins de 7,06 euros net de l'heure en France. En dix ans, l'intérim a augmenté de 130 % et les CDD de 22 %. Résultat de cette politique de compression salariale : selon l'OCDE, c'est une baisse record de la part du travail dans le PIB allemand : de 76 % à 67 % en sept ans. Neuf points de PIB pris aux travailleurs. Et un taux de pauvreté de 20 % plus élevé en Allemagne qu'en France.
Pour moi, chez nous, la priorité est au contraire de rallumer le moteur de l'activité en rendant aux salariés les 10 points de la richesse produite qu'ils ont perdus au profit du capital depuis trente ans. Le « modèle allemand » est un leurre. Etendu à l'ensemble de l'Union européenne, il mènerait tout droit à la récession. L'intérêt général nous appelle à en finir avec cette fascination morbide pour l'Allemagne. Il faut soutenir le coeur vivant et productif de notre économie.
Sarkozy fait pschitt devant Merkel
Extrait d’interview au JDD – 12 novembre 2011
La France doit-elle payer toute sa dette ?
Jean-Luc Mélenchon. Ceux qui veulent nous faire rembourser rubis sur l’ongle nous prêtent toujours plus cher. Il faut rendre les coups. Il est donc normal qu’on s’intéresse au contenu de la dette. J’appuie le mouvement qui s’interroge sur sa légitimité et demande un audit.
Les mesures prises récemment suffiront-elles à éviter à la France ce qui arrive à l’Italie ?
Jean-Luc Mélenchon. Non. Il y avait une mesure efficace : que la BCE prête directement aux Etats à 1,25% comme elle le fait aux banques privées qui, elles, prêtent ensuite à 18% à la Grèce. Coupons ce circuit ! Permettons l’emprunt direct. La spéculation serait immédiatement étouffée. Ma thèse était isolée, puis elle s’est élargie au point que le Président de la République en a présenté une version baroque : transformer le FESF en banque. Il y a eu un bras de fer entre la France et l’Allemagne. Sarkozy a capitulé. Il a fait pschitt devant Madame Merkel !
Sommet Merkel-Sarkozy-Monti : Sarkozy se couche devant le diktat de Merkel sur la BCE
Angela Merkel, Nicolas Sarkozy et Mario Monti ont annoncé aujourd'hui leur intention de réformer les traités européens. Ils donnent ainsi raison à ceux qui, comme moi et les membres du Front de gauche, ont voté « non » en 2005 puis refusé le traité de Lisbonne. Nous avions dit que cette Europe là n’était pas viable ! Il nous en est donné acte.
Mais Nicolas Sarkozy s'est prosterné une fois de plus devant la chancelière allemande. Le statut et les missions de la BCE ne seront pas modifiés alors que c'est la seule solution pour briser la spéculation. Cet acharnement aveuglé conduit l'Europe au désastre. Avec leurs hésitations et leur soumission aux dogmes libéraux Sarkozy et Merkel sont les fossoyeurs de l’Union Européenne.
Note de blog Europe – 25 novembre 2011
Et si l'Allemagne n'était pas si exemplaire". C'est le titre provocateur que le journal Le Monde avait déjà donné à un précédent article dans son édition du 20 novembre. Heureuse sortie. Je me sens moins seul à le dire ! Ma tribune sur le sujet parue dans « Les Echos » il y a quinze jours n’avait pas du tout retenu l’attention. Pas même celle de tous ceux qui me reprochent de ne « pas être assez sur le fond » et trop dans « les petites phrases ». Dans cet article, il est question de la situation budgétaire et économique de l'Allemagne. Car à y regarder de plus près, le "modèle allemand" est encore moins glorieux que ce que j’en disais. L'article du « Monde » cite Sylvain Broyer, un économiste de la banque Natixis. Que dit-il ? Que "le déficit allemand est honteusement tronqué !". Oui vous avez bien lu, "honteusement tronqué". Voila qui devrait attirer la critique de Nicolas Sarkozy contre les "fraudeurs" et autres "voleurs". En tout cas, on voit que les Grecs ne sont pas les seuls accusés d'avoir maquillé leurs comptes. L'économiste de Natixis évoque un mécanisme légal mais "peu éthique" selon Le Monde. Ce mécanisme a été utilisé après la crise de 2008 : l'Allemagne n'a pas comptabilisé dans son déficit public des dizaines de milliards d'euros d'aides ou de garanties à l'économie et aux banques. Ces sommes ont été regroupées dans un fonds spécial, "Sondervermögen" en allemand. Certes elles sont comptabilisées dans le poids de la dette allemande qui a atteint 83,2% du PIB en 2010. Mais ces aides et garanties ne sont pas comptées dans le déficit public. Cela permet à l'Allemagne d'afficher des chiffres flatteurs. Mais faux. Selon Le Monde qui reprend les chiffres de Natixis "sans cette astuce le déficit allemand en 2009 n'aurait pas été de 3,2% mais de 5,1%" du PIB.
"Maintenant l’Europe parle allemand !". C'est ce qu'a affirmé Volker Kauder, le président du groupe de la droite allemande, CDU-CSU, au Bundestag, mardi 15 novembre. Incroyable arrogance de bravache ! Les déclinistes et autres amis du « modèle allemand » ont dû gémir de plaisir ! Mais là encore, Le Monde explique que les libéraux et conservateurs allemands n'ont pas de raison d'être aussi fiers d'eux. Le quotidien rapporte des propos très sévères de Jean-Claude-Juncker, président de l'Eurogroupe : "En Allemagne, on fait souvent comme si le pays n'avait aucun problème, comme si l'Allemagne était exempte de dettes tandis que tous les autres auraient des dettes excessives. L'Allemagne a une dette plus élevée que celle de l'Espagne. Seulement personne ne veut le savoir". On sait ce que je pense du ratio habituel qui rapporte la dette sur le PIB. Mais puisque c'est celui qu'utilisent les libéraux pour faire peur, utilisons-le aussi. Que voit-on ? L'Allemagne fait moins bien que neuf Etats de la zone euro. L'Allemagne est donc dixième sur dix-sept Etats. Voila pour le "modèle allemand". Et sa dette en valeur continue de croître en 2011 de 25 milliards d'euros, malgré une croissance de 3%.
Autre argument contre le mythe du "modèle allemand". Il s'agit de l'argument démographique. C'est un élément central. Je l'ai déjà évoqué plusieurs fois, notamment dans la tribune que j'ai publiée le 4 novembre dans le journal "Les Echos". Le Monde cite un économiste allemand. Il s'agit de Henrik Enderlein, de la « Hertie School of governance » qui s’écrit en anglais mais qui est basée à Berlin. C'est un ancien de la BCE et il est diplômé de Sciences-Po Paris. Selon lui, le déclin démographique "va entraîner une baisse massive des recettes du gouvernement. Dans le même temps, le vieillissement de la population va faire exploser les coûts de la sécurité sociale et de l'assurance-maladie". Pour accréditer cette idée, le journal du soir fait aussi référence à une étude de 2010 de la Banque des règlements internationaux. Celle-ci chiffre l'explosion des dépenses de santé en Allemagne à 10% du PIB en 2035 à cause du vieillissement de la population. Le déclin démographique coûtera très cher. Et il pèse d'ores et déjà sur la vision de l'économie. Les Allemands doivent gérer leur richesse actuelle en prévision d'un avenir plus difficile. Nous, les Français, nous avons beaucoup d'enfants et notre population va croître. Il faut donc, par exemple, des enseignants pour éduquer ces enfants. Des soins adaptés, des équipements collectifs. Et assez de projets pour que chacun trouve sa place. C’est autant de postes de travail à pourvoir, d’activités dynamisées. C'est pourquoi l'austérité budgétaire est encore plus néfaste chez nous qu'ailleurs où elle fait pourtant aussi de sérieux dégâts sociaux.
Et à force d'imposer des tours de vis partout, les libéraux allemands ne martyrisent pas seulement les autres peuples. Ils se tirent aussi une balle dans le pied. Car l'austérité appliquée partout, y compris en Allemagne, contracte l'activité. Cette année, la croissance allemande devrait atteindre 3% du PIB. Sans même regarder de quoi est faite cette "croissance", les libéraux s'extasient devant ce résultat. Qu'ils en profitent. Cela ne durera pas. D'ailleurs, l'article du Monde le dit. Il cite les prévisions de la Deutsche Bank pour l'an prochain. La croissance devrait chuter à 0,9%. Au mieux.
L’obstination du gouvernement allemand tourne à l’agression contre la viabilité de l’Union Européenne
Extrait de la note « Pour qui sonne le glas en Europe ? » – 30 novembre 2011
Les heures qui passent avancent le moment des comptes définitifs en Europe. Le point de rupture s’approche. L’échec de tout ce qui a été entrepris par les dirigeants européens est total. Si leur but était d’enrayer le désastre, on peut dire qu’ils auront été particulièrement nuls. Je crois qu’ils le voulaient. Pas tous de la même manière, ni avec les mêmes arrières-pensées, c’est certain. Les arrières-pensées ont pesé lourd tout au long de cet épisode. Car, par-dessus tout, la logique qui prévaut est « l’occasion fait le larron ». Pour eux tous, la crise de l’euro est un bon outil pour un renforcement de la transformation libérale de la société européenne. Pour les allemands, le reformatage de l’Europe à leur main est en cours. L’arrière-pensée est, dans leur cas, tout à fait transparente. Le but est : ou bien de soumettre tout le monde à une logique de zone mark maquillé en petite zone euro, ou bien expulser les récalcitrants. Mais c’est une chose de vouloir profiter d’une situation et une autre d’en maîtriser les dangers. Ils ne maîtrisent plus rien. L’obstination du gouvernement allemand tourne àl’agression contre la viabilité de l’Union Européenne. Son refus de laisser la Banque Centrale Européenne financer directement les Etats-nations est un acte de non-assistance à Europe en danger.
Nous y voilà. La récession annoncée dans ces colonnes et par tous les économistes de l’autre gauche est amorcée. Au même moment l’assaut contre l’Union Européenne continue. Tous les pays sont atteints. Et bien sûr, ce qui est spectaculaire pour beaucoup c’est que l’Allemagne elle-même soit atteinte. Le fameux modèle allemand est déjà au tapis ! Le moyen qu’elle a utilisé chez elle est exactement celui qu’elle refuse au reste de l’Union Européenne. Car l’Allemagne s’est en quelque sorte achetée sa propre dette par le biais de sa banque centrale. C’est une des propositions de Jacques Généreux dans son livre « Nous on peut !» et du programme « L’Humain d’abord ». J’ironiserais volontiers si j’en avais le temps sur le fameux fond de secours dont j’avais décrit ici comment il serait lui-même coulé le moment venu. C’est fait. Je vous renvoie à la liste des émerveillés de droite et de gauche qui ont alors soutenu l’idée de cette usine à gaz ! Si la politique était une arène objective nous n’aurions pas à rougir de notre bilan en matière de propositions de solutions. Et ceux qui décident comme ceux qui les ont approuvés seraient confondus de honte. Mais il en va autrement. Je crois cependant qu’au minimum cela devrait nous valoir l’estime des gens qui réfléchissent etqui ont suivi les épisodes de cette histoire depuis des mois.
Nous ne reprochons pas à Madame Merkel d’être allemande mais d’être libérale
Extrait du discours de Toulouse – 1er décembre 2011
Quand on a excité les peuples les uns contre les autres, alors le pire est à craindre. Mes amis, mes chers compatriotes, faisons bien attention à ce point : la paix en Europe n’est pas un état de nature ; elle ne se fabrique pas toute seule ; c’est le résultat politique d’une volonté politique, celle de construire une Europe, qui est l’objectif que s’est donné le mouvement ouvrier depuis son origine, pour mettre fin aux guerres, aux compétitions, aux concurrences absurdes entre travailleurs pour se retirer le pain de la bouche. Nous voulons l’Europe, et par conséquent nous nous en donnons les moyens. Mais nous mettons en garde tous ceux qui, après nous avoir beaucoup stigmatisés, et parfois même injuriés, parlent à présent sur un ton qui ne nous convient pas. Nous ne reprochons pas à Madame Merkel d’être allemande, nous lui reprochons d’être conservatrice et libérale. Les Allemands, les Allemandes, sont unis avec nous par des intérêts communs. Ces intérêts communs sont ceux du Travail contre le Capital. En Allemagne, nos alliés sont le DGB ; en Allemagne, nos alliés sont Die Linke, et c’est nous qui faisons vivre la tradition internationaliste ! Raison pour laquelle nous n’acceptons pas qu’on parle des Allemands en les réduisant à Madame Merkel, ou en faisant comme si Madame Merkel était Hitler ou Bismarck. C’est une façon de parler qui ne crée rien de bon, et qui détourne des objectifs essentiels. Nous sommes opposés à la construction de l’Europe libérale ; nous sommes pour une Europe de la coopération. La porte qui nous permet de sortir par le haut, c’est celle qui oppose à la concurrence libre et non faussée la coopération entre les peuples, l’harmonisation sociale, l’harmonisation fiscale par le haut. Nous pouvons le faire.
Extrait de note de blog – 4 décembre 2011
Notre critique à propos de l’Allemagne, c’est d’abord la critique d’un mythe. Le mythe d’un modèle enfin trouvé de « libéralisme efficace » ! Je reviens donc sur le thème du "modèle allemand". Je note que dorénavant une série de commentateurs et même de responsables politiques prennent conscience d’un problème. Les formules à l’emporte-pièce nuisent parfois à la compréhension des enjeux. Je ne partage pas la façon de dire les choses que choisit Arnaud Montebourg. De même que je n’avais pas approuvé la comparaison avec Münich qu’avait fait le député socialiste Jean-Marie Le Guen. Car, même pour la polémique, laisser entendre qu'Angela Merkel c’est Hitler ou Bismark, deux agresseurs de notre pays, dont un raciste antisémite, ce n’est pas acceptable. Mon analyse, je l’ai donné succinctement dans le livre « Qu’ils s’en aillent tous ». Les dirigeants allemands ont changé d’état d’esprit. Mais nous ne devons pas changer de priorité dans notre relation à l’Allemagne : priorité à la coopération, quel que soit le gouvernement en place. Pour autant, il faut être lucide. Ni aveuglement nationaliste, ni angélisme, ni admiration aveuglée. C’est sur ce point qu’à cette étape je concentre mon attention. Le mythe du modèle allemand fonctionne comme un alibi. « Le libéralisme, ça marche ! Voyez l’Allemagne ! » disent les nouveaux ébahis ! La preuve par l’exotisme. Ce furent d’abord le petit dragon celtique irlandais puis le modèle espagnol, et maintenant ce serait le modèle allemand. Les déclinistes qui conchient la France à longueur de colonnes rejoignent les fascinés de l’Allemagne. Vieilleconjonction. Faire la lumière sur ce soi-disant modèle c’est mener la lutte concrète contre l’idée qu’il y aurait une austérité utile, un serrage de ceinture qui paie.
La droite reste aveuglée par la stratégie d'alignement sur l'Allemagne fixée par Sarkozy. Ce dernier n'a-t-il pas dit le 27 octobre sur TF1 et France 2 : "Tout mon travail c'est de rapprocher la France d'un système qui marche, celui de l'Allemagne."? Donnez-lui à lire ma tribune dans « Les Echos » sur le sujet. Dommage qu’elle n’ait pas eue le même écho que ma petite phrase sur le pédalo. Je souris. Plusieurs articles du Monde et du Figaro me donnent raison. Ainsi qu'une note détaillée de la banque Natixis, intitulée opportunément "démystifions l'Allemagne". Elle affirme clairement que "certaines vertus invoquées du modèle relèvent parfois de raccourcis faciles, sinon du mythe". La note a été rédigée par Sylvain Boyer, l'économiste qui était cité dans l'article du Monde sur le chiffre "honteusement tronqué" du déficit allemand. Dans la note de Natixis, il précise que "40% de la dette publique [allemande] est comptabilisée dans des fonds spéciaux, entités juridiques aux besoins de financement peu transparents, qui ont autorisé un certain maquillage des déficits publics en 2009 et 2010". Et il rappelle qu'en 2004, les agences de notation avaient menacé de retirer la note AAA de l'Allemagne.
Dans le même ordre d'idée, le 24 novembre, « Le Monde » a publié un autre article sur l'Allemagne. Il s'intitule "en Allemagne, des fondamentaux solides mais pas inébranlables". L'article évoque un événement passé relativement inaperçu sur le moment pour les chantres du "modèle allemand" qui regardaient ailleurs. Mais pas les observateurs sérieux. Mercredi 23 novembre, l'Allemagne a essuyé un revers sur les marchés financiers. Les marchés financiers ont boudé la dette allemande ! L'Allemagne voulait lever 6 milliards d'euros avec des obligations à dix ans. Elle n'a pu en lever que 3,6 milliards d'euros ! Voici donc un beau modèle qui ne parvient pas à "rassurer les marchés" pour obtenir l'argent dont il a besoin. Cette mésaventure donne l'occasion au Monde de s'intéresser de plus près à la situation allemande. L'article du Monde explique bien que le "modèle allemand" n'est pas généralisable : "Le modèle allemand, qui repose traditionnellement sur les exportations rend le pays très dépendant de ses homologues de la zone euro. Plus de la moitié de ses exportations étant destinées à l'Union européenne, on comprend que l'Allemagne n'a pas intérêt à voir la situation de ses principaux partenaires commerciaux s'effondrer". En poussant à l'austérité partout en Europe, l'Allemagne scie la branche sur laquelle elle est assise. D'ailleurs, c'est ce queconfirme le cabinet de conseil "Markit", cité par Le Monde. Dans une étude publiée le 23 novembre, il indique que les exportations allemandes sont de plus en plus affectées par la crise. Son étude fait état du plus fort ralentissement depuis deux ans et demi et prédit "que le pire reste à venir ".
C'est ce qu'expliquait aussi Le Figaro du 22 novembre. En réponse à une citation de Jean-François Copé, secrétaire général de l'UMP qui dit vouloir "s'inspirer du modèle allemand en termes de croissance économique", le journal écrit que "la croissance allemande n'est pas garantie et montre des signes de faiblesses". Et Le Figaro cite Patrick Arthus de la banque Natixis qui reprend l'argument de l'article du Monde : "La croissance de l'Allemagne ne peut venir que des exportations, dont 60% vont vers les autres pays européens. Une crise économique durable des partenaires économiques conduirait à une situation très difficile en Allemagne aussi, ce qui est le scénario le plus probable et qu'annoncent les derniers indicateurs". Au dernier trimestre 2011, le PIB allemand pourrait même reculer. Et la prévision de croissance pour 2012 vient d'être revue à la baisse. La note de Natixis va même plus loin dans l'analyse. Pour elle, le "succès à l'exportation" de l'Allemagne est le fruit d'une stratégie très particulière : "les parts de marché que l’Allemagne a gagnées ces dix dernières années dans l’UE proviennent en majorité d’activités de transit, notamment portuaire, qui ont rapidement grossi depuis la mondialisation des chaînes de production. La baisse des coûts salariaux ne joue ici qu’un rôle marginal". Cette stratégie s'applique aussi pour les produits fabriqués en République Tchèque ou en Pologne et assemblés en Allemagne. Et elle explique en partie l'attachement des allemands à un euro fort qui permet d'importer à bas coût les pièces détachées.
« Le Figaro » et « Le Monde » n'en sont pas restés là. Le 24 novembre, Le Monde a publié un deuxième article sous un titre massue : "Temps de travail : la comparaison trompeuse avec le modèle allemand". Le Monde reprend à son compte l'idée que "la durée du temps du travail n'est pas plus élevée en Allemagne qu'en France". Ce que j’ai dix fois répété partout où l’on m’a interrogé. Sans oublier les incises sur ce blog. En détail, l'article affirme que si la loi allemande sur les horaires de travail fixe une durée maximale de 8 heures par jour soit 40 heures par semaine, la durée officielle varie selon les secteurs. Une grande autonomie est accordée à la négociation entre syndicats et patronat. Ainsi, dans la métallurgie, le syndicat IG Metall a obtenu l'application des 35 heures. Surtout, l'article du Monde réaffirme une donnée que les partisans du "modèle allemand" oublient opportunément : la durée globale du travail est plus faible en Allemagne à cause du temps partiel. L'Allemagne a plus recours au temps partiel que la France : 21,7 % de sa population active étaient employés à temps partiel en 2010, contre 13,6 % en France, selon l'OCDE. Si on intègre le temps partiel dans le calcul du temps de travail, la durée annuelle moyenne s'élève pour la France à 1 559 heures, contre 1432 pour l'Allemagne, selon l'Insee. Ces chiffres sont connus depuis longtemps et j'ai eu plusieurs fois l'occasion de les évoquer. Désormais, ce n'est plus seulement moi qui le dit mais le journal « Le Monde ».
Au Figaro, la critique du modèle allemand a donné lieu à un long article dans l'édition du 22 novembre. Le titre est encore plus clair que celui du Monde : "L'Allemagne, un modèle imparfait". Sans point d'interrogation. Le Figaro propose un "tour d'horizon de quelques contre-vérités sur l'Allemagne" avec une stratégie efficace. La journaliste reprend une citation d'un admirateur du "modèle allemand" puis le compare avec la réalité des chiffres et des faits. Après Copé, le même Figaro égratigne François Fillon. Le Premier ministre défend la "convergence fiscale franco-allemande" comme si nos systèmes fiscaux étaient très différents. Le Figaro rappelle que jusqu'en 2009, l'Allemagne avait l'impôt sur les sociétés le plus élevé d'Europe à 39% contre 33% en France. Le taux a depuis été baissé mais reste proche des 30% et donc du taux français. Surtout, le journal explique que le taux moyen d'imposition sur les PME est de 15% en France contre 20% en Allemagne. Oui, selon Le Figaro,l'Allemagne, qui est censée être le "modèle" pour les PME, a un taux d'imposition plus élevé que la France pour les PME.
Puis « Le Figaro » revient sur l'idée selon laquelle "les allemands sont traumatisés par l'hyper-inflation" de l'entre-deux-guerres. Si la lutte contre l'inflation est effectivement une priorité des libéraux allemands, « Le Figaro » admet cependant que cela relève d'une toute autre raison. En effet, selon le journal, "les ménages allemands épargnent plus que les ménages français, 17,4% de leurs revenus contre 15,26%" en France. Et en Allemagne, la retraite privée par capitalisation est beaucoup plus développée qu'en France. Comme l'Allemagne est un pays vieillissant, la lutte contre l'inflation est en fait la conséquence de la priorité absolue : la protection de la rente.
« Le Figaro » était visiblement très critique ce jour-là. Car après Copé et Fillon, c'est au tour de Valérie Pécresse d'être démasquée ! Le 21 novembre, sur RTL, la ministre UMP du budget avait affirmé que "en Allemagne, tous les étudiants font un apprentissage". Ce qui est faux. Les étudiants qui choisissent l'université ne font pas d'apprentissage. Seuls deux tiers des jeunes allemands suivent la voie professionnelle et sont donc concernés par l'apprentissage. Et ce n'est pas pour autant un modèle enviable. « Le Figaro » explique que seuls 54% de ces deux tiers trouvent une place comme apprentis. Les autres reprennent des études, ou quittent le systèmescolaire. Et le journal précise que "les apprentis constituent une catégorie d'employés sous-payée : une apprentie coiffeuse gagne moins de 300 euros par mois. Le salaire moyen d'un apprenti allemand est de 600 euros par mois".
Cette précarisation et cette paupérisation ne touchent pas seulement les jeunes. « Le Figaro » reprend aussi les arguments que j'ai avancés pour expliquer le faible taux de chômage allemand qui est de 6,5%. Pour le journal de M. Dassault, "ce taux de chômage cache aussi un système qui a recours au travail à temps partiel et aux «mini-jobs». L'absence de salaire minimum dans le secteur des services permet aux employeurs de payer les travailleurs moins de 5 euros de l'heure. Selon l'institut du travail de Duisbourg, l'Allemagne compte 6,5 millions de salariés pauvres, qui touchent moins de 10 euros de l'heure. Deux millions de personnes perçoivent un salaire inférieur à 4 euros de l'heure, soit 720 euros par mois pour un emploi à temps plein". D'ailleurs, l'article du Monde abonde dans ce sens. Le journal du soir cite Odile Chagny, "auteure de nombreux travaux sur le marché du travail allemand" au sein du groupe Alpha. Que dit-elle ? Elle indique qu'en matière d'emploi, "les petits boulots représentent plus de 10 % de l'emploi salarié en Allemagne, et les chiffres de l'emploi à temps partiel explosent". Puis Le Monde, cite une étude de l'Institut de sciences économiques et sociales (WSI) d'avril dernier. Selon le journal, celle-ci "fait état d'une hausse de la proportion de travailleurs pauvres (c'est-à-dire de personnes qui, tout en occupant un emploi, ont un niveau de revenus situé sous le seuil de pauvreté) à 7 % des actifs, et prévoit un accroissement de ce chiffre à l'avenir". Natixis est encore plus clair dans sa note du 24 novembre et affirme que "la baisse des coûts du travail hors salaire provient moins de celle des cotisations que de l’abandon pur et simple du modèle social allemand avec le développement de contrats de travail précaire cautionnés par l’Etat.". Plus de précaires et plus de pauvres. Voila la réalité du "modèle allemand".
Ce n’est pas l’Allemagne qui doit décider
Vidéo Canal+ – 4 décembre 2011
Dimanche 4 décembre 2011, le candidat du Front de Gauche était l'invité de l'émission animée par Anne-Sophie Lapix sur Canal +. Jean-Luc Mélenchon a commenté l'actualité de ces derniers jours. A propos de l'Allemagne, il a invité à critiquer la politique de Angela Merkel parce qu'elle est libérale et conservatrice et non parce qu'elle est allemande.
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Pas de nouveau traité sans référendum !
Note de blog Europe – 4 décembre 2011
Ce lundi donc, Sarkozy recevait Angela Merkel à l'Elysée pour fixer des propositions de modification des traités européens. La contribution de Nicolas Sarkozy à cette réunion s'est résumée à en fournir la salle, après avoir offert le déjeuner de travail qui l'a précédée. Car sur le fond, les propositions annoncées reprennent intégralement et minutieusement les propositions défendues par Angela Merkel depuis plusieurs semaines. Les propositions soutenues par la France et d'autres Etats, comme les eurobonds ou une intervention accrue de la BCE ont au contraire été explicitement exclues. Merkel et Sarkozy ont même réaffirmé leur confiance dans la BCE et rappelé leur attachement à son indépendance absolue. D'ailleurs, Sarkozy s'est même fait fort de s'abstenir de tout avis ou commentaire sur la BCE. Les dernières statistiques récemment publiées par la BCE illustrent pourtant l'aberration du système actuel. Rien que dans la semaine écoulée, la BCE a prêté aux banques, au taux modique de 1,25 %, 256 milliards d'euros de liquidités. Au même moment nous avons appris que le total des titres de dettes publiques rachetés sur le second marché par la BCE depuis mai 2010 s'élevait à 207 milliards d'euros. La BCE fait donc plus en une semaine pour les banques qu'elle n'en a fait en plus d'un an pour la dette des Etats.
Les propositions avancées par Sarkozy et Merkel ne sont pas nouvelles. Elles reprennent des annonces déjà effectuées depuis plusieurs mois dans différents cadres : procédure du semestre européen, mécanisme européen de stabilité, pacte euro plus, etc. Des sanctions automatiques et immédiates seront mises en place pour les Etats ne respectant pas les 3% de déficit. Il faudra dorénavant une majorité qualifiée pour s'opposer à ces sanctions et non pas pour les décider. Une règle d'or renforcée et harmonisée sera imposée aux 17 Etats membres de la zone euro qui devront changer pour cela leur constitution et y fixer l'objectif de retour à l'équilibre budgétaire qui contraindra ensuite leurs budgets annuels. Depuis que tout cela a déjà été décidé, les eurocrates savent qu'il faudra modifier le Traité de Lisbonne pour faire entrer tout cela en application. L'occasion a donc fait les larrons. La dramatisation de cette rencontre est aussi une opération électorale pour les deux sortants que sont Sarkozy et Merkel, ne l'oublions jamais.
Mais la grande nouveauté est que tous ces changements seraient désormais gravés dans le marbre des Traités. Et ces modifications ont un point commun de fond : elles visent toutes à imposer aux Etats des politiques d'austérité. Comme les changements de gouvernements et les menaces politiques ne suffisent pas, ils ont décidé de passer par les Traités qui s'imposent de manière contraignante aux Etats et à leurs lois. Après avoir imposé le Traité de Lisbonne contre les peuples, ils ne se donnent même pas la peine d'en faire un bilan ou de s'excuser pour son échec. Le nouveau traité proposé devra en effet être négocié dans l'urgence et bouclé d'ici mars, toujours sans les peuples. Cela fait plus que jamais de l'élection présidentielle un référendum pour ou contre l'austérité. Pour nous, un mot d'ordre s'impose : pas de nouveau traité ou de modification des traités existants sans référendum. Après quoi vous ferez, chers lecteurs, une pause pour vous souvenir que tout cela vous le savez depuis 2005. Et depuis cette date, et la forfaiture qu'elle incarne, les deux camps du "Oui" et du "Non" ont déroulé et déroulent encore des politiques qui ne peuvent se concilier.
Angela Merkel a imposé sa vision
Extrait d’interview au Parisien-Aujourd’hui en France - 11 décembre 2011
Acceptez-vous le principe, arrêté lors du sommet de Bruxelles, des sanctions automatiques contre les pays européens qui laissent déraper leur budget?
Jean-Luc Mélenchon. Non. On n'en serait pas là si on avait décidé de tuer la spéculation en permettant à la Banque centrale européenne de prêter directement aux Etats, comme c'est le cas aux Etats-Unis ! Mais le gouvernement conservateur allemand a refusé cette solution. Angela Merkel a imposé sa vision : prendre à la gorge tous les pays et les obliger à remettre leurs comptes à l'équilibre dans une logique libérale de compression des dépenses publiques et de protection fiscale des revenus du capital. C'est un coup de massue. Les pays récalcitrants sont mis au pas. Cela produit des comportements ouvertement autoritaires, les sanctions deviennent automatiques, deux pays décident de tout. Telle est désormais l'Europe que je nomme « austéritaire » : opaque, autoritaire, inégalitaire. Elle n'est pas viable.
Le spectre de l'effondrement du triple A ne vous fait pas peur?
Jean-Luc Mélenchon. Si! Si je vois un pilote ivre dans l'avion, je suis très inquiet. Les libéraux allemands aimeraient bien recréer sous appellation euro une zone mark dont ils sortiraient tous les pays du sud de l'Europe. Leur pays vieillit. Ils ne pensent qu'à sauver leur fonds de pension de retraite. Leur industrie dépend des pièces détachées fabriquées à bas prix par les pays voisins. Leur dette est considérable. La pauvreté frappe 20% de la population active. L'Allemagne décline. Vraiment, Sarkozy a tort d'en faire un modèle!
Adresse de Jean-Luc Mélenchon et Oskar Lafontaine aux salariés européens
Vidéo et appel écrit – 14 décembre 2011
Mercredi 14 décembre, Jean-Luc Mélenchon (candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle) a rencontré Oskar Lafontaine (ancien ministre Allemand et fondateur de Die Linke) à Strasbourg. Ils ont à cette occasion rédigé ensemble une "Adresse aux salariés européens".
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Texte de l’appel :
Les dirigeants actuels de l’Union Européenne nous mènent au désastre.
Pendant des années, ils ont donné toujours plus de pouvoir à la finance. Le bilan est catastrophique. L’environnement est sacrifié. Le chômage explose. Les salariés sont pressurés et appauvris. L’économie réelle est prise en otage par les banques.
A présent, au nom de la crise qu’ils ont provoquée, les gouvernements européens veulent continuer et aggraver les politiques d’austérité. Sous la pression d’Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, ils ont décidé d’écrire un nouveau traité qui retirerait aux peuples européens le droit de décider librement de leur budget afin d’imposer partout la rigueur. Aucun d’eux n’a prévu de demander l’avis au peuple sur un texte aussi fondamental. C’est la fuite en avant dans l’Europe austéritaire. Parce que l’Europe ne peut se faire sans ni contre les peuples, nous exigeons la convocation de referendums sur ce traité dans nos pays.
Sarkozy et Merkel veulent généraliser à toute l’Europe le désastreux Agenda 2010 qui a si cruellement dégradé la situation des travailleurs allemands. Leur objectif est d’aggraver la concurrence entre les salariés européens pour niveler vers le bas les droits qui ont fait de l’Europe la région du monde la plus avancée socialement. Cette stratégie jette volontairement les peuples européens les uns contre les autres. Sarkozy et Merkel n’hésitent pas d’ailleurs à souffler sur les braises du nationalisme et de la xénophobie, au risque de rouvrir de vieilles blessures. Les amis de Merkel parlent d’obliger les Grecs à vendre leurs îles. Sarkozy traite de pilules empoisonnées les nouveaux entrants dans la zone euro. Ces propos provocateurs visent à détourner la colère des peuples des vrais responsables, les banques, la finance et les dirigeants politiques qui leur ont abandonné le pouvoir. Nous vous appelons à la résistance de toutes vos forces contre ce recul de notre civilisation européenne.
Nous vous appelons à ne pas tomber dans ce piège qui menace la paix en Europe. Tous ensemble, préservons notamment l’amitié entre nos deux peuples, les Allemands et les Français, car c’est la condition de la paix pour l’Europe toute entière.
Comment garantir la paix en Europe ? La paix ne se décrète pas. Elle se construit, par la coopération entre les peuples, au service de tous. Elle est incompatible avec la domination arrogante de deux chefs de gouvernement sur tous les autres. Elle a besoin de s’appuyer sur une politique menée au service de l’intérêt général européen. Il est temps de gouverner pour satisfaire les besoins et aspirations de la grande masse de la population et donc des salariés d’Europe : partage des richesses, défense et élargissement du droit à une retraite décente, relance des services publics, éradication de la précarité, lutte implacable contre la pauvreté et les inégalités, transition écologique.
Salariés européens, ne vous résignez pas ! La finance ne peut rien face à des peuples déterminés. Car la vraie richesse est le fruit du travail humain. En se mobilisant, les salariés européens peuvent siffler la fin des orgies financières. Et commencer sans tarder à construire un monde enfin humain.
Le 14 décembre 2011 à Strasbourg,
Jean-Luc Mélenchon, Candidat du Front de Gauche à l'élection présidentielle
Oskar Lafontaine, fondateur de Die Linke
L’espérance de vie diminue en Allemagne
Extrait de la note « “Plutôt Hitler que le Front populaire” » – 18 décembre 2011
Voici des nouvelles du "modèle allemand". Lundi 12 décembre, le gouvernement Merkel a dû reconnaître que l'espérance de vie des Allemands pauvres avait reculé. C'est Matthias Birkwald, un de nos camarades de Die Linke, qui avait interpellé le gouvernement sur le sujet. En Allemagne, les parlementaires peuvent obliger le gouvernement à fournir des chiffres précis. Et les chiffres qu'il a obtenus sont très peu flatteurs pour l'Allemagne. Des journaux aussi différents que L'Humanité et L'Expansion s'en sont fait l'écho. L'espérance de vie des Allemands les plus pauvres est passée de 77,5 ans en 2001 à 75,5 ans en 2010. Moins deux ans en une décennie ! Et la situation est encore pire dans l'ancienne Allemagne de l'Est. Là, l'espérance de vie des plus pauvres a reculé de 77,9 ans en 2001 à 74,1 ans en 2010. Moins 3,8 ans en une décennie. En 2001, l'espérance de vie des plus pauvres était supérieure en ex-RDA qu'en moyenne pour toute l'Allemagne. Dix ans plus tard, la moyenne en ex-RDA est inférieure à la moyenne allemande. Voilà un des aspects du bilan du passage au capitalisme !
Ce recul social est la conséquence directe des réformes anti-sociales votées par les sociaux-démocrates, les Verts et la droite allemande. Celles-là même dont François Hollande a déclaré « qu'elles ont trop tardé en France ». Les réformes du gouvernement SPD-Verts de Gerhard Schröder ont augmenté le nombre de travailleurs pauvres et la précarité de l'emploi. Donc les retraités ont désormais des pensions de retraites plus faibles et peuvent moins bien se faire soigner, se nourrir, se chauffer, etc. Dans le même temps, le report de l'âge de la retraite a accentué ce phénomène en augmentant le nombre de salariés qui partent à la retraite en étant au chômage, à temps-partiel, ou avec un faible salaire. Les chiffres publiés lundi indiquent en effet que seulement un quart des Allemands âgés de60 à 64 ans occupaient en mars 2011 un emploi soumis à cotisations sociales. Et moins d'un sur cinq occupait un emploi à temps complet. Notre camarade Matthias Birkwald a ainsi pu démontrer que le relèvement de l'âge de la retraite « ne représente rien d'autre qu'un grand plan de réduction des retraites qui touche avant tout les plus faibles revenus et ceux qui occupent les emplois les plus pénibles ».
Mais le report de l'âge de la retraite n'a pas seulement rendu plus difficile l'accès à une retraite décente. Il a aussi épuisé davantage les travailleurs allemands en les obligeant à travailler plus longtemps. C'est la grande leçon que nous opposons en France et en Allemagne contre le relèvement de l'âge de départ en retraite. Les libéraux expliquent qu'il faut repousser la retraite car l'espérance de vie augmente. Nous répondons que l'espérance de vie augmente car on a abaissé l'âge de la retraite. Et que le relèvement de l'âge de la retraite fera baisser l'espérance de vie. Les chiffres de Madame Merkel viennent de nous donner raison !
Bilan et programme du SPD allemand
Le 5 décembre François Hollande a participé au Congrès du parti social-démocrate allemand (SPD) avec lequel il a affirmé une forte convergence. Il y a salué le bilan du SPD en Allemagne. Pour mesurer la portée de ces déclarations, nous décryptons ici le bilan social de 11 ans de présence du SPD au pouvoir : de 1998 à 2005 avec le gouvernement Schröder puis de 2005 à 2009 en coalition avec la droite d'Angela Merkel. Nous présentons aussi les propositions du SPD en vue des élections législatives de 2013.
Le vrai bilan du SPD au pouvoir 1998-2009
"Vous avez fait des réformes importantes ici en Allemagne. En France, elles ont trop tardé". François Hollande à Berlin au congrès du SPD le 5/12/11
Dans son livre En quête de Gauche, publié en 2007, Jean-Luc Mélenchon présentait un bilan détaillé de l'échec de la social-démocratie européenne et notamment de l'action du SPD allemand. Nous présentons ici des extraits de cette analyse en les complétant et en les actualisant.
-> Agenda 2010 : le SPD détruit l'Etat social qu'il avait lui-même construit
Agenda 2010 est le nom d'un ensemble de réformes menées en Allemagne par le gouvernement Schröder (coalition SPD-Verts) entre 2003 et 2005. Les réformes portaient notamment sur le marché du travail et les assurances sociales (réformes Hartz, voir ci-après) :
- économie : allègements de cotisations salariale, baisse des impôts, programmes de crédit pour les entreprises
- impôts : 31 milliards d'euros de baisse d'impôts, notamment par la baisse de 51% à 42% du taux de la tranche maximale d'impôt sur le revenu.
- emploi : réforme du marché du travail et baisse des allocations chômage
- santé : recul de l'assurance obligatoire de 23 milliards d'euros par an pour faire baisser les cotisations, plus grande concurrence
- retraites : développement de la retraite par capitalisation
- formation : développement de l'apprentissage
En France cet agenda 2010 sert de modèle à François Bayrou : "Il faut une majorité centrale pour faire ce qu'on fait les Allemands avec l'agenda 2010" (sur LCP, 12/10/11)
-> Les réformes Hartz : lutte contre les chômeurs et les droits des salariés
Extrait de Jean-Luc Mélenchon dans En quête de gauche : "En fait, le chiffre terrifiant du chômage a plutôt été utilisé pour faire passer la potion amère des remèdes de choc du libéralisme. C'est en effet sous Gerhard Schröder que l'Allemagne a franchi le terrible cap des 5 millions de chômeurs. Schröder a prétendu y répondre avec son " Agenda 2010 ". Ce programme a signé le divorce du SPD avec son passé de parti protecteur des droits des travailleurs. Les chômeurs et les travailleurs pauvres en ont été les premières victimes. Schröder a utilisé à cette occasion les rengaines les plus lamentables de la propagande en direction des " petits blancs ", dans un registre aussi provoquant que Nicolas Sarkozy en France ou de Tony Blair en Grande-Bretagne proposant d'offrir un réveil matin à chaque chômeur anglais. Ainsi, c'est au nom de " la fin du droit à la paresse ", que le plan Harz IV, grande réforme du code du travail décidée par le gouvernement Schröder, a réduit à un an toute indemnisation du chômage. Les chômeurs sont aussi obligés d'accepter n'importe quel emploi, y compris payé un euro de l'heure, pour conserver leur allocation. Et ceci dans un pays où il n'existe pas de salaire minimum ! C'est une manière honteuse de considérer que les chômeurs sont les premiers responsables de leur situation. C'est aussi la mise en pièces d'un des systèmes d'assurance chômage les plus anciens et avancés d'Europe. Les sociaux-démocrates l'avaient perfectionné pendant plus d'un siècle."
Les réformes Hartz de Schröder Les 4 réformes du marché du travail menées par le gouvernement Schröder entre 2003 et 2005 ont pris le nom de "réformes Hartz", du nom de leur inventeur, Peter Hartz, ancien directeur des ressources humaines chez Volkswagen.
Elles visent à lutter contre le chômage considéré comme volontaire. Les plus importantes sont les lois Hartz II et Hartz IV.
Hartz II (effective à partir de 2003) :
- création des contrat "Minijobs" (contrat de travail précaire, de courte durée et moins taxé) et des contrats Midijob (salaire compris entre 400 et 800 euros par mois)
- création du dispositif Ich-AG : incitation, pour les chômeurs, à la fondation d'entreprise
Hartz IV (effective à partir de 2005, après plusieurs manifestations hebdomadaires à la fin de l'été 2004) :
- baisse de 20% de l'indemnité des chômeurs de moins de 25 ans qui vivent chez leurs parents
- réduction de la durée d'indemnisation du chômage de 32 mois à 12 mois. Au-delà, les chômeurs ont droit à une allocation d'environ 350 euros à condition d'accepter les emplois qui leur sont proposés. L'allocation est réduite de 60% en cas de deux refus la même année. Elle est supprimés au troisième refus.
- réduction des indemnités versées aux chômeurs de longue durée qui refusent des emplois en dessous de leur qualification
- création des "Jobs à 1 euro de l'heure" pour les chômeurs, même si une convention collective prévoit un salaire minimum
Les "Minijobs" ont fragilisé les salariés. Les "jobs à 1 euro" ont créé une terrible concurrence à la baisse sur les salaires entre chômeurs et salariés.
La grande coalition SPD-CDU a poursuivi cette logique de précarisation des salariés :
- la période d'essai des contrats de travail a été allongée de 6 à 24 mois comme le prévoyait en France les CPE et CNE
- Et les entreprises peuvent désormais embaucher des salariés de plus de 52 ans avec une période d'essai illimitée !
-> Retraite
Extrait de Jean-Luc Mélenchon dans En quête de gauche : "En Allemagne, dès 2001, Schröder avait réduit la part de la retraite par répartition au profit de retraites complémentaires privées par capitalisation. Depuis, la grande coalition, dont le ministre des affaires sociales est social-démocrate (SPD), a décidé en 2007 de passer l'âge de départ à 67 ans ! Encore faut-il ajouter que, pour bénéficier du taux plein, il faut avoir cotisé 45 annuités minimum ! Les sociaux-démocrates allemands font ainsi pire que la droite en France en 2003 !"
La réforme Schröder de 2001 : baisse des pensions et capitalisation
- réduire de 70 % à 64 % le taux moyen de remplacement d'ici 2030;
- encourager le développement de l'épargne-retraite privée : mise en place d'un système complémentaire de pensions privées par capitalisation avec incitations fiscales jusqu'à 4% du salaire brut.
En 2003, Schröder a durci sa réforme :
- les pensions sont indexées sur le ratio entre retraités et actifs (défavorable)
- une décote est introduite pour les départs avant 65 ans
La réforme de 2007 : la retraite à 67 ans votée par la coalition CDU-SPD
- report de l'âge de départ de 65 à 67 ans d'ici à 2029
- Seuls les salariés aux carrières longues (45 annuités !) et les handicapés pourront partir avant 67 ans.
Conséquences :
- En 2007, moins d'un tiers des nouveaux retraités avaient un emploi stable durant les trois années qui ont précédé leur départ à la retraite.
- Donc la part des personnes qui subissent une décote augmente : près de 60% en 2008, contre 12% en 2000.
-> Casse du service public : l'exemple de l'électricité
Extrait de Jean-Luc Mélenchon dans En quête de gauche : "La libéralisation des Services Publics est une constante majeure du programme commun des sociaux-démocrates au niveau européen. Les exemples abondent. Je crois qu'il est important de citer les Allemands compte tenu de la trajectoire qui les a conduits jusque dans un gouvernement sous direction de droite. A son arrivée au pouvoir en 1998, le nouveau chancelier du SPD, Gerhard Schröder décida de ne pas remettre en cause la libéralisation précoce de l'électricité qu'avait décidée le gouvernement Kohl. Ce programme était déjà très en avance sur les échéances européennes. Pourtant Schröder accéléra encore l'ouverture à la concurrence. Avec toujours le même résultat. Les prix de l'électricité pour les ménages ont cru de 25 % depuis 2002 et les investissements ont chuté de 26 % depuis 1998 ; 65 000 emplois qualifiés ont été supprimés dans le secteur. Evidemment à présent, la dégradation de la maintenance du réseau électrique se traduit par des incidents de fonctionnement de plus en plus nombreux et de plus en plus visibles. Le gel du programme nucléaire décidé sous couleur d'écologie a, en réalité, été surtout imposé à Schröder par les firmes privées. Elles sont en effet incapables de financer le renouvellement du parc nucléaire à long terme. Dès lors, les premiers incidents graves dans les centrales nucléaires ont eu lieu. Cela ne ralentit absolument pas la mise en place de la dérégulation. En effet, la grande coalition CDU/SPD vient de mettre fin, au 1er juillet 2007, à tout prix réglementé de l'électricité. La suite est écrite d'avance. Il y aura un nouveau bond des tarifs et un nouvel écroulement de l'investissement. Faudrait-il inclure tout cela dans notre programme pour nous rapprocher du " modèle social-démocrate " et " moderniser notre logiciel " ?"
-> Cadeaux fiscaux aux plus riches et les entreprises
Extrait de Jean-Luc Mélenchon dans En quête de gauche : "Schröder a aussi accompli des exploits libéraux en matière fiscale. Dès son premier gouvernement, le taux le plus élevé de l'impôt sur le revenu est passé de 51 % à 42 % et l'impôt sur les bénéfices de 40 % à 25 % ! Et encore ce n'était rien par rapport à ce que vient de faire son dauphin Peer Steinbruck comme ministre des finances de la grande coalition, qui unit les sociaux-démocrates et la droite sous l'autorité de madame Angela Merkel. Il a fait voter à la majorité CDU/SPD un plan de 30 milliards d'euros de cadeaux fiscaux aux entreprises et aux plus riches. Les revenus financiers des particuliers ne seront plus désormais soumis à l'impôt sur le revenu comme ceux des salariés. Ils bénéficient d'un prélèvement forfaitaire de 25 %. Et le taux de l'impôt sur les bénéfices a été une nouvelle fois abaissé pour passer de 25 % à 15 %. Aujourd'hui, l'Allemagne est la championne d'Europe du dumping fiscal ! Ses choix fiscaux font pression sur tous les autres Etats européens et sur les travailleurs de ces pays. C'est un internationalisme d'un genre nouveau, non ?"
"Le parallèle [avec les projets de Sarkozy] est souvent frappant. Prenons le projet de TVA dite " sociale ". […]. En fait Nicolas Sarkozy a repris cette idée à plusieurs gouvernements sociaux-démocrates. Et d'abord aux héros du modèle de " l'Europe du nord ". […]. Depuis, la même voie a été suivie par la grande coalition allemande. SPD et CDU, bras dessus bras dessous, ont augmenté la TVA de 16 % à 19 %."
Les réformes fiscales de Schröder (la plus importante date de 2000)
- 31 milliards d'euros de baisse d'impôts (ménages + entreprises)
- baisse de 51% à 42% du taux de la tranche maximale d'IR
- baisse de l'impôt sur les bénéfices de 40% à 25% pour les bénéfices réinvestis, à 30% pour les bénéfices distribués.
Dans la grande coalition, le SPD a soutenu :
- une nouvelle baisse de l'impôt sur les bénéfices
- la hausse de la TVA de 3 points en 2007.
Le programme du SPD pour 2013 (adopté en décembre 2011)
-> Propositions sur l'Europe et l'euro
Sur l'Europe le SPD avance des propositions particulièrement libérales qui aggraveraient l'austérité et la dérive autoritaire de la construction européenne.
Les nouveaux documents du SPD sur l'Europe
Le SPD a tenu son congrès fédéral du 04 au 06 février 2011 à Berlin. Il y a adopté deux résolutions sur l'Europe :
- " Un nouveau progrès pour une Europe forte " (Neuer Fortschritt für ein starkes Europa)
- " Une alliance pour le renouvellement de l'Europe " (Ein Bündnis zur Erneuerung Europas)
Le 13 décembre 2011, le SPD a présenté au parlement fédéral une résolution concernant le conseil européen qui s'est tenu le 08 et 09 décembre 2011 (Bundestagsdrucksache : 17/8135).
Une analyse libérale de la crise
- pour le SPD la crise de l'euro est due à une politique budgétaire laxiste des pays en crise1
- Les " sanctions automatiques " en cas d'infraction du pacte de stabilité et de croissance ont été décidées trop tardivement.2
- Il y aurait un " manque de compétitivité dans l'économie réelle " d'une partie de la zone euro combiné aux excédents commerciaux allemands.3
- Les marchés financiers ne sont pas assez régulés.4
- La gestion de la crise par le gouvernement allemand n'est pas parvenue à " calmer les marchés financiers " et a même " déstabilisé les marchés financiers ".5
Les solutions libérales proposées par le SPD
- " Consolidation juste : Tous les États membres de l'UE doivent prendre des mesures [...] crédibles pour consolider leurs budgets. "6
- La " règle d'or " : " Les États membres de la zone euro doivent définir la marge de manœuvre de leur endettement futur par des règles et lois contraignantes inscrites dans le droit constitutionnel. "7
- Les aides du FESF doivent être octroyées en contrepartie de " conditions strictes ".8
- Les États endettés doivent " abandonner leur souveraineté nationale en matière budgétaire ".9
- Les sanctions automatiques doivent aller au-delà " de sanctions purement financières ".10
- le SPD fait écho à la demande de priver les États endettés de leurs droits de vote au conseil.
- Les règles du " semestre européen " et du " Règlement établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro " doivent être groupées en un seul texte législatif pour amplifier le " contrôle " et les " sanctions ".11
- Il faut un programme de " rilance " pour les États fortement endettés.12
Banque Centrale Européenne (BCE) : le statu quo – A cause de " l'échec de la politique ", la BCE a dû se constituer en " acteur politique ". Sinon " l'Europe se serait retrouvée au bord de la ruine. "13
- " Elle [la BCE] continuera à exercer une responsabilité centrale. "14
- En cas " d'échec persistant du marché " il ne faut " pas exclure " le " préfinancement du FESF " par la BCE.15
- Le SPD ne fait aucune proposition supplémentaire relative au fonctionnement et aux missions de la BCE.
Extrait : le SPD prone l'abandon de la souveraineté nationale en matière budgétaire
- " La mutualisation des dettes décidée par le plan de sauvetage européen (FESF), doit nécessairement être accompagnée par plus de contrôle et d'influence directe de l'Union Européenne sur les budgets nationaux des pays en crise de la zone euro. [...] Les pays touchés par la crise doivent être prêts à abandonner une partie de leur souveraineté nationale en matière de politique de stabilité et budgétaire. [...] Les garanties financières – que ce soit sous la forme des plans de sauvetage actuels ou avec l'émission d'obligations communes – ne sont pas possibles sans un contrôle communautaire. Le SPD est prêt à entreprendre les changements des traités européens nécessaires. "16
-> Autres propositions du programme 2013 du SPD
Retraite :
- suspension du passage à la retraite à 67 ans "jusqu'à ce que plus d'emplois pour les seniors soient créés".
Salaire minimum :
- désormais le SPD est pour un salaire minimum légal
- mais il ne propose que 8,50 euros brut de l'heure (contre 9.22 euros en France actuellement). Ce qui constitue tout de même 100€ de moins par mois que le SMIC actuel français pour un temps plein.
- ce montant pourra ensuite être réévalué par "une commission d'experts indépendants" [sic].
Travail :
- limitation à 12h par semaine de la durée de travail dans le cadre des "minijobs" (emplois précaires créés par le démantèlement du marché du travail sous Schröder).
- égalité de salaires des sous-traitants et de l'entreprise qui sous-traite.
Imposition :
- ils veulent passer de 42% à 49% la tranche marginale d'imposition sur le revenu… mais en haussant le seuil de déclenchement de cette tranche de 52.885 à 100.000 €. Et ils n'ont pas tranché si la taxe exceptionnelle de 3% sur les riches doit être comprise dans le calcul ou surajoutée.
- hausser la taxation des revenus du capital de 25% à 32%.
- plus taxer les héritages.
Education :
- soutien scolaire accru pour enfants d'origines étrangères.
- suppression des frais de scolarité universitaires dans les Länder qui les appliquent
Famille :
- suppression graduelle des frais d'inscription en crèche.
- relancer la construction de crèches et d'écoles ouvertes toute la journée (vs. beaucoup d'écoles allemandes sont fermées l'après-midi, d'où sélection sociale par les activités que peuvent se payer les enfants l'après-midi, pression sur les mères pour prise en charge "familiale" …). D'ici 2020, les enfants doivent avoir le droit à une place en crèche et une place dans une école ouverte tout la journée.
Démocratie :
- autorisation du référendum national.
- Limitation à 3 mois de l'enregistrement automatique de données sur le web. Utilisation des données conditionnée à un accord expresse de juge.
- Abaissement de l'âge du droit de vote à 16 ans.
Energie :
- favorable à une sortie du nucléaire
1 Ein Bündnis zur Erneuerung Europas (Langversion), p. 3.
2 BT-Drucksache : 17/8135, p. 2.
3 Ein Bündnis zur Erneuerung Europas (Langversion), p. 3.
4 Ein Bündnis zur Erneuerung Europas (Langversion), p. 3.
5 BT-Drucksache : 17/8135, p. 1.
6 Neuer Fortschritt für ein starkes Europa, p. 1.
7 Ein Bündnis zur Erneuerung Europas (Langversion), p. 5.
8 BT-Drucksache : 17/8135, p. 3.
9 Neuer Fortschritt für ein starkes Europa, p. 2.
10 BT-Drucksache : 17/8135, p. 3.
11 BT-Drucksache : 17/8135, p. 3.
12 BT-Drucksache : 17/8135, p. 3.
13 Ein Bündnis zur Erneuerung Europas (Kurzversion), p. 1.
14 Ein Bündnis zur Erneuerung Europas (Kurzversion), p. 1.
15 BT-Drucksache : 17/8135, p. 3.
16 Ein Bündnis zur Erneuerung Europas (Langversion), p. 8.
Meeting commun avec Oskar Lafontaine
Intervention d’Oskar Lafontaine
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Intervention de Jean-Luc Mélenchon
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Il faut rejeter les traités Merkozy
Tribune dans Libération – 20 février 2012
Sommes-nous condamnés au Sarkozysme à perpétuité, même si nous chassons Nicolas Sarkozy de l’Élysée ? Sommes-nous condamnés à l’austérité même si nous votons contre ? C’est ce qui se joue ces jours-ci. Deux traités européens, embrouillés à souhait, vont arriver en catimini devant le Parlement. Dès le 21 février à l’Assemblée nationale et le 28 février au Sénat, les élus sont appelés à se prononcer sur un premier traité : le « Mécanisme européen de Stabilité ». Ce « mécanisme » étend à tous les États qui auraient besoin d’aide la méthode d’assistance cruelle qui a été imposée à la Grèce ! Les citoyens n’ont reçu aucune information sur ce texte de 48 articles et 62 pages. Pourtant, c’est non seulement un modèle économique asphyxiant qu’il s’agit d’imposer à tous mais une répudiation de la démocratie qui commence. Le sort de la Grèce qui en est le laboratoire nous enjoint un devoir absolu de résistance. Pour l’amour de l’Europe, il faut rejeter les Traités Merkozy qui veulent la soumettre aux seuls intérêts cupides des banquiers.
Dans le mécanisme européen de stabilité, la France s’engage à injecter « de manière irrévocable et inconditionnelle » une contribution immédiate de 16,3 milliards. Le traité dit que la France devra donner jusqu’à 142,7 milliards en cas de besoin. Une telle somme représenterait prés de la moitié du budget de l’État. Cette hypothèse n’a rien de théorique : il suffirait que le Mécanisme ait à secourir l’Espagne et l’Italie pour que ses capacités maximales de prêts soient atteintes.
Le mécanisme d’assistance consiste à imposer aux États en difficultés « une stricte conditionnalité (…) sous la forme notamment de programmes d’ajustement macro-économiques ». Ces termes, déjà employés pour saigner la Grèce, indiquent que toute aide financière sera assortie de plans de rigueur impératifs. Je conjure ceux qui envisagent de voter pour l’application de tels plans de bien examiner leur résultat en Grèce depuis deux ans et demi. Après 8 plans d’austérité successifs imposés en vertu de la méthode qu’il est proposé de généraliser, la dette grecque a grimpé de 25 %. L’activité s’est violemment contractée et le chômage a doublé pour atteindre plus de 20 % des actifs. La démonstration concrète est donc faite que l’austérité, en comprimant la demande, fait reculer l’activité. Cela réduit les rentrées fiscales et creuse plus vite encore les déficits. Pourquoi vouloir étendre à d’autres États ce qui a si lamentablement échoué en Grèce ?
Les États concernés seront placés sous la tutelle de la cruelle troïka Commission européenne /Banque centrale européenne / FMI. Oui, le FMI basé a Washington ! Il trône dorénavant en « coopération très étroite » à toutes les étapes du Mécanisme. On lui demande une « participation active », aussi bien pour évaluer l’attribution des aides que pour infliger des plans de rigueur et contrôler leur application. Les procédures prévues pour l’intervention de cette odieuse troïka sont aussi opaques qu’autoritaires. De plus, en contradiction avec toutes les règles de fonctionnement de l’Union européenne, le Traité donne à deux États seulement, l’Allemagne et la France un droit de véto pour l’octroi des aides. Ce traité entérine donc un directoire autoritaire de la zone euro. Il impose aussi le secret sur les mécanismes de décision et le fonctionnement du Mécanisme. La France s’expose donc financièrement jusqu’à 142,7 milliards d’euros dans un fonds auquel aucun compte ne pourra être demandé par son gouvernement ou son Parlement. Quel parlementaire est prêt à ce renoncement ?
Le cocktail « austéritaire » de ce Mécanisme est enfin renforcé par une clause qui lie étroitement son application au deuxième traité européen en cours d’adoption : l’imprononçable « Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance dans l’Union économique et monétaire ». C’est dans ce deuxième traité que Nicolas Sarkozy et Angela Merkel prévoient d’imposer la « règle d’or » de l’interdiction des déficits et des sanctions automatiques contre les Etats contrevenants. C’est ce second traité que François Hollande dit vouloir renégocier. Mais il se trompe lourdement quand il indique que « les deux textes sont déconnectés l’un de l’autre ». Car ils sont au contraire étroitement liés. Le traité sur le Mécanisme européen de stabilité indique qu’«il est convenu que l’octroi d’une assistance financière dans le cadre des nouveaux programmes en vertu du Mécanisme Européen de Stabilité sera conditionné [...] par la ratification du Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance». Ceux qui voteront pour le Mécanisme européen de Stabilité enchaineront notre pays au traité suivant. Dès lors, qui prétend vouloir renégocier demain ce second traité, doit commencer par s’y opposer aujourd’hui et donc par rejeter son préalable, « le Mécanisme européen de stabilité ».
Avec le Front de Gauche, je lance un appel solennel à tous les parlementaires : n’acceptez pas ce coup de force contre notre démocratie ! A gauche surtout ! Car aucune politique de gauche n’est possible dans le cadre de ces traités. Les parlementaires socialistes, écologistes, radicaux et chevènementistes doivent donc voter avec ceux du Front de Gauche contre ces textes. Puisque la France est engagée par la signature du Président sortant, alors une voix plus forte et sans appel doit s’exprimer sur le sujet. Celle du peuple ! Il nous faut un Référendum sur les nouveaux traités. Allez, monsieur Sarkozy, voilà un référendum qui ne vous déshonorerait pas comme le feraient ceux que vous proposez contre les chômeurs et les immigrés !
L’Union européenne n’appartient pas aux Allemands
Extrait d’interview dans Les Echos – 19 avril 2012
La France peut-elle mettre seule en oeuvre une telle politique sans se soucier de l'Europe ?
Jean-Luc Mélenchon. Quand la gauche, en 1983, a fait le constat de l'échec de la politique de relance appliquée dans un seul pays, elle a cru qu'il lui suffirait de s'inscrire dans le cadre européen. Que plus on s'intégrait dans une zone politique, plus il serait possible de réguler par la loi ou la norme. Ce fut une colossale erreur d'analyse sur l'évolution du capitalisme. La gauche n'a pas compris alors que la pente naturelle du monde était à la dérégulation. La libéralisation n'est pas le fruit des marchés mais d'une décision politique.
L'autre erreur fut de faire entrer dix pays d'un coup dans l'Union européenne. En acceptant cela, les progressistes ont capitulé devant la logique libérale.
Comment imposez-vous votre vision à des pays européens qui ne la partagent pas ?
Jean-Luc Mélenchon. On ne discute pas entre gens de bonne compagnie. La politique, c'est un rapport entre puissances. Et la France, pour imposer sa vision, ne manque pas d'atouts. Au sein de l'Europe, nous sommes un pays hautement productif, le plus grand en territoire, bientôt le plus peuplé et disposant du deuxième plus vaste territoire maritime du monde.
L'Europe ne se fera pas sans nous et encore moins contre nous. Les Allemands, eux, ont intérêt à un euro surévalué car leur population vieillit. Ils se croient protégés par leurs excédents commerciaux. Mais leur suprématie en matière de biens intermédiaires sera bientôt battue en brèche par la Chine, le Brésil et tous les pays émergents. Eux aussi sont guettés par la récession. Et il ne leur suffira de rejeter de la zone euro les pays qu'ils qualifient de manière méprisante de « club med ». Les Allemands doivent comprendre que ce n'est pas la productivité qui est le problème de l'Europe, mais le cours de l'euro.
Quant aux solutions concrètes, je réclame la mise en place de barrières douanières aux frontières de l'Europe.
Cela ne risque-t-il pas d'entraîner des représailles des autres pays ?
Jean-Luc Mélenchon. Mais bon sang, arrêtons de gémir devant la mondialisation ! L'Europe réalise 25 % du PIB mondial, la Chine 10 % seulement. Nous n'avons donc rien à craindre d'un recul du libre-échange. En revanche, nous mettrons en place des politiques de coopération. Y compris avec la Chine.
Et si l'Allemagne refuse cette restriction au libre-échange ?
Jean-Luc Mélenchon. Mais l'Allemagne acceptera ! Et pourquoi ce serait à eux de décider. Mettons-nous bien ça dans la tête. L'Allemagne est une puissance déclinante et la France une puissance ascendante. Il n'y a pas que l'Allemagne. Je sais bien qu'il y a des règles. Les règles interdisaient aussi que les gouvernements parlent avec les dirigeants de la Banque centrale européenne. Et bien quand il y a eu la crise, tout le monde a accepté de se mettre autour de la même table avec le gouverneur de la BCE.
Quelle serait la question posée dans le référendum que vous préconisez sur l'Europe ?
Jean-Luc Mélenchon. Sur le fond, la question est de savoir si les Français sont d'accord pour laisser l'Europe fonctionner sur ce mode ultralibéral. Est-ce qu'ils acceptent, oui ou non, la domination de la concurrence ? Si c'est « non », nos partenaires devront bien reconnaître et qu'il y a un problème et seront obligés de discuter. L'Union européenne n'appartient pas aux Allemands. Elle est à nous aussi. Sommes-nous une puissance ou ne sommes-nous rien ? Personnellement, je considère que nous sommes une puissance.
Lettre de Die Linke à Jean-Luc Mélenchon
Extrait de la note de blog « Après le premier tour, un moment de pause clavier » – 25 avril 2012
J’achève cette note en vous faisant connaître la lettre que j’ai reçue d’Allemagne que m’ont adressée nos amis de Die Linke. « Cher camarade Mélenchon, cher Jean-Luc, nous t’adressons nos vœux les plus cordiaux pour ton très bon résultat au premier tour des élections présidentielles en tant que candidat du Front de Gauche. Votre résultat montre que les électrices et électeurs français en ont assez d’une politique qui sert avant tout les intérêts des gens aisés et du capital financier. Toi et les militants du Front de Gauche, vous avez réussi à leur montrer des alternatives sociales et de gauche, et à les convaincre, dans des conditions difficiles, que ces alternatives sont éligibles. Ce résultat des élections montre en même temps combien vous avez eu raison de vous battre de façon offensive contre toutes les tentatives de monter les victimes de la crise les unes contre les autres, et d’exacerber la xénophobie et le nationalisme.
Ce résultat est important au-delà de la France. L’un des porte-drapeaux de la politique anti-crise européenne, antisociale a été sanctionné par les électrices et les électeurs, et sera, espérons-le, définitivement chassé du Palais de l’Elysée dans deux semaines. Le duo Merkozy serait ainsi brisé.
A l’avenir, nous espérons qu’il ne sera plus aussi facile d’imposer à toute l’Union Européenne des « mesures de lutte contre la crise » à l’allemande. Cher Jean-Luc, nous te souhaitons ainsi qu’aux camarades du Front de Gauche d’arriver à imposer l'influence sur la politique française que révèle ce résultat, et en particulier que vous réussissiez à renouveler et à renforcer votre succès aux élections législatives. La LINKE allemande, la gauche dans toute l’Europe, compte sur vous. Salutations cordiales. Klaus Ernst et Oskar Lafontaine »
Extrait de la note « Je marche, camarade ! » – 23 mai 2012
De la suite des conclusions du G8, la plupart des commentateurs français ont retenu la mise en avant de la "croissance". François Hollande a revendiqué cette mention comme sa contribution particulière. Alors qu'au même moment Angela Merkel se félicitait outre-Rhin de l'attachement du G8 à la rigueur omniprésente dans la déclaration finale sous forme d'appel à la « consolidation et responsabilité budgétaire ». Qui a raison ? Tout le monde ! Donc : personne. Car les conclusions du G8 affirment de manière pourtant totalement contradictoire la volonté de soutenir en même temps « la croissance et l'emploi » d'une part et « la consolidation et la responsabilité budgétaire » d'autre part. Alors que c'est justement l'austérité provoquée par les politiques de consolidation budgétaire qui tue la croissance et l'emploi, en particulier en Europe. Quant à la croissance elle-même, les modalités envisagées par le G8 sont si libérales qu'on ne voit pas comment elles pourraient déboucher sur la moindre amélioration sur le terrain social de l'emploi. La déclaration affirme en effet que le soutien à la croissance devra respecter « un cadre macro-économique soutenable, crédible et non inflationniste ». Le sacro-saint objectif de stabilité des prix se trouve ainsi réaffirmé au détriment de toute relance forte des salaires et de la demande. Un point de plus pour Merkel qui a ainsi mis le G8 de son côté dans sa volonté de tenir la Banque centrale européenne à l'écart du soutien à l'activité et à l'emploi. Laquelle Banquecentrale indépendante a bien vite fait entendre sa voix. Elle a rappelé qu’elle était opposée à toute remise en cause du Traité budgétaire. De quel droit ? De quel droit la BCE donne-t-elle son avis sur l’opportunité des traités internationaux qui régissent les relations entre les Etats souverains qui constituent l’Union européenne ?
Au Sommet européen la France fait de la figuration
C’est fini. Le nouveau Traité européen préparé par Merkel et Sarkozy s’imposera tel quel. François Hollande « considère que les négociations ont abouti ». C’est stupéfiant ! Mieux : « l’Europe a été réorientée comme il convient » dit-il. Le nouveau pouvoir avalise ainsi la politique européenne du précédent. Le libéralisme va s’aggraver, la souveraineté des citoyens sur leur budget est réduite à rien. Tous les diktats des libéraux ont été avalisés. Ils forment dorénavant une nouvelle construction dont la cohérence satisfait pourtant également François Hollande. Il s’en réjouit et le présentera au nom de son gouvernement devant le parlement !
Pourtant la méthode de la résistance active a fait ses preuves. La seule que François Hollande n’ait pas appliquée. Pourtant, madame Merkel s’est opposée seule contre tous, inclus le FMI et la BCE à la mutualisation de la dette des Etats et au prêts directs de la banque centrale européenne. Pourtant Rajoy et Monti ont refusé d’adopter quoi que ce soit si on ne faisait pas droit à leur demande de mesures d’urgence ! Résister et tenir bon sont la seule forme d’action qui paye dans les bras de fer en Europe. Le gouvernement français a fait de la figuration. Maintenant il fait le ravi. Plus que jamais c’est au peuple de se prononcer et non pas à une assemblée ou droite et socialistes vont voter sans discussion possible leur programme commun européen.
La stratégie de pression de François Hollande sur le gouvernement allemand s’est effondrée
Extrait de la note « La semaine du carambar » – 29 juin 2012
Le Conseil européen des 28 et 29 juin produit son lot habituel de dramatisation kitch. Comme à l’accoutumée, l’abus des grands mots a permis d’éluder l’analyse des détails. Quand on en fait des tonnes sur le sommet de la « dernière chance » pour « sauver l’euro » et ainsi de suite, il est si facile ensuite de se contenter de peu. Et davantage encore quand ces gesticulations ne servent en dernier ressort qu’à masquer ce qui se décide vraiment. Cette fois-ci de nouveau, l’agitation bavarde sur le sommet de la « dernière chance » occulte le reste. Un point essentiel de l’ordre du jour passe sous silence. Il s’agit de l’approbation des « recommandations par pays » faites par la Commission européenne le 30 mai dernier. C’est la dernière phase du Semestre européen. Ce semestre c’est l’examen de passage auquel tout gouvernement doit soumettre son budget. Il n’en est question nulle part. La comédie sur le compromis entre Allemands et Français où l’on échangerait de la croissance contre de la rigueur occupe tout l’espace médiatique et tout le temps de cerveau disponible. Ce n’est qu’une comédie. Le pacte budgétaire sera voté tel quel, sans renégociation, contrairement à ce qu’avait annoncé François Hollande. La preuve : ce document est voté tel quel par le Bundestag le vendredi alors même que se tient encore le sommet ! Pourquoi ? La stratégie de pression sur le gouvernement allemand, telle que l’on pouvait la comprendre après les déplacements spectaculaires de François Hollande pendant la campagne présidentielle auprès des socialistes allemands, s’est effondrée. Ses alliés ont capitulé. Il n’a donc plus de marge de manœuvre. Il rend les armes à son tour. Le 20 juin, le SPD a totalement embrayé sur Merkel contre la mutualisation de la dette des Etats. Les Verts allemands ont fait de même. Le SPD a lâché François Hollande sur ses projets d’Eurobonds ou, à défaut, de « fonds d’amortissement de la dette ». Merkel peut ainsi se prévaloir de l’accord de toute son opposition et donc en fait de tout le Parti socialiste européen. Que reste-t-il alors du discours du nouveau gouvernement français ? Le « pacte de croissance ». Mais qu’est-ce que c’est ? Un trompe l’œil. En vérité ce pacte est une compilation de décisions dérisoires déjà prises sous l’ère Sarkozy. Certaines sont déjà en deçà de celles que le Parlement européen avait lui-même amendées ! Mais avant d’en parler ici, il est temps, d’abord, de rafraîchir les idées en rappelant quelles « recommandations de la Commission européenne pour la France » ont été acceptées par le nouveau gouvernement.
Extrait de la note « La confiance ça ne se décrète pas, ça se constate » – 3 juillet 2012
En Espagne le chômage emporte tout. En Espagne on libéralise à tour de bras et tout va de plus en plus mal. Bien sûr, même la droite finit par avoir peur. C’est ce qui explique comment Mariano Rajoy a fini par devoir s’opposer à madame Merkel. Peu de journaux et encore moins de télés auront permis de comprendre sur quel point portait la confrontation entre les droites européennes. Mais cette confrontation est commencée. Je vois un lien entre la déclaration de l’anglais Cameron à propos d’un référendum avant 2015 et la même, du brutal ministre allemand des finances. L’un et l’autre n’évoquent pas un référendum sur l’Europe avec le même objectif, cela va de soi. L’anglais sait qu’en 2015 le marché transatlantique sera installé. Il revient dès lors à la politique traditionnelle des anglais : pas de puissance unifiée sur le continent. Et le conservateur allemand sait que le projet de purification budgétaire qui est le volant de la nouvelle politique de puissance allemande doit avoir les mains libres en Allemagne même sans courir le risque de bocage du type de celui que Die Linke met en place avec son nouveau recours contre le traité devant la cour constitutionnelle. J’y reviendrai. A cet instant je ne retiens que cela. La peur qui gagne les milieux dirigeants se combine aux aberrations du système en place pour accélérer la marche à la catastrophe.
Traité européen : François Hollande n’a rien renégocié du tout
Extrait de l’argument : « Traité européen : où est la renégociation ? » – 4 juillet 2012
François Hollande n’a rien renégocié du tout. L’affaire était entendue dès le 21 Juin, au fameux « mini-sommet de Rome ». Merkel y arrivait forte de la capitulation du SPD, principal allié de Hollande en Europe, à laquelle elle œuvre devrait depuis plusieurs semaines : ceux-ci voteraient pour le pacte budgétaire sans qu’elle ait à céder sur quelque forme de mutualisation européenne de la dette que ce soit. Comme Mario Monti, elle disposait aussi d’un moyen de pression considérable : l’Allemagne et l’Italie ont, à l’instar de la France et de l’Espagne, le droit de veto sur l’entrée en vigueur du Mécanisme européen de stabilité. Or dans le premier cas, le Bundestag devait se prononcer sur ce Mécanisme juste après le sommet, dans l’autre cas, la date du vote des députés italiens n’est pas encore fixée. Madame Merkel ne cèderait donc rien sur la mutualisation de dette sous peine de voir la CDU rejeter le MES. Mario Monti quant à lui ne lâcherait rien sur son idée de ne pas attendre que MES soit mis en place pour racheter les titres de le dette italienne (comme peut le faire le MES) et d’utiliser dès à présent le FESF à cette fin. Il compenserait ainsi le fait que la BCE ait mis son programme de rachat en sommeil depuis la mi-Mars. Mariano Rajoy devait quant à lui prévenir au plus vite le refus de la BCE de recapitaliser plus les banques espagnoles et obtenir que le FESF le fasse directement, sans venir alourdir sa dette. Tous sont parvenus à leurs fins. Et pour cela, ils se sont servis du fait qu’Hollande soit prêt à tout céder pour sortir du sommet avec un « pacte pour la croissance ».
Le modèle actuel en Europe coïncide avec un intérêt national particulier, celui de l'Allemagne
Extrait d’interview dans Libération – 12 septembre 2012
Défendez-vous un non fédéraliste, comme celui d'Eva Joly ?
En Europe, les mots sont piégés tant l'enfumage est devenu la règle. Le fédéralisme actuel est ultralibéral et autoritaire, alors que mon non est européen, social et républicain. Ce n'est pas un non nationaliste, un non de capitulation face à l'Allemagne, comme celui de Marine Le Pen. Mais la question de la souveraineté populaire et celle de l'indépendance nationale commencent à se recouper. Nous entrons dans des zones que je déplore, mais après l'adoption d'un traité comme celui-ci, on ne pourra plus dire que la France est une nation indépendante. Ses comptes publics, la gestion de ses emprunts, le vote de son budget seront soumis à des autorisations préalables. Et la France pourra être punie par un organisme de contrôle non élu.
L'Allemagne et la France peuvent-elles encore tirer dans le même sens ?
Le modèle actuel en Europe coïncide avec un intérêt national particulier, celui de l'Allemagne. Et l'Allemagne a des caractéristiques démographiques et productives telles que, pour elle, il n'y a pas d'autre politique possible d'un point de vue conservateur. Son attitude n'a rien à voir avec la peur du spectre de la République de Weimar. La vérité, c'est que la stabilité de la rente est la condition même du pacte social allemand. Cela introduit la dimension de la conflictualité entre les nations, jusque-là masquée par la lâcheté des dirigeants français.
Le paquet croissance arraché par Hollande à l'Allemagne n'est-il pas un progrès ?
Il n'a rien arraché du tout : zéro ! Nous sommes pourtant la deuxième puissance économique de l'UE, nous serons dans trente ans la première population et nous sommes le premier territoire. Quand on est la France et qu'on vient d'avoir un vote mettant en déroute monsieur Sarkozy, on ne peut se contenter de si peu. Quand Ayrault dit que Hollande a fait bouger les lignes du traité «Merkozy», il ment. Pas une virgule n'a été modifiée, ils ont juste ajouté un petit avenant avec soi-disant 120 milliards pour la croissance, essentiellement des fonds déjà prévus. Quel gâchis : on devrait profiter de la période pour faire un bond civilisationnel, en basculant massivement dans l'écoproduction. Ce serait aussi un énorme moteur de la relance.
Madame Merkel veut un nouveau traité
Extrait de la note « Et maintenant, c’est la fête ! » – 14 septembre 2012
Il y a eu le discours sur l’état de l’union prononcé par Manuel Barroso à l’occasion de cette session. Il marque selon moi une étape dans le processus de désagrégation du pilotage européen. Barroso s’est en effet longuement épanché sur les objectifs du futur selon le mode verbeux qui est le sien. Mais cette fois-ci, cet homme dont on dit qu’il parle huit langues pour ne rien dire avait quelque chose à dire. Il a évoqué l’horizon de 2014 et les élections européennes : il y aurait à cette occasion une proposition de nouveau traité. Il a évoqué l’idée d’une fédération d’Etats nations. Je ne crois pas un mot de cela. Je pense qu’il accompagne une situation de fait. Madame Merkel veut un nouveau traité. Et tous les autres protagonistes doivent en tenir compte du point de vue de leur propre position ou de la place de l’institution qu’il représente. Le président de la Commission, Manuel Barroso, ne veut pas laisser l’initiative au Conseil ni, d’une manière ou d’une autre, aux Etats. C’est sa fonction qui veut ça. Ensuite, il y a une autre raison. Il connaît, comme nous tous, ce que voudra madame Merkel : le renforcement de « l’ordo liberalis », c’est-à-dire davantage de chaînes institutionnelles qui contiennent toute décision politique en matière économique. Cela c’est la hantise des « petits pays » et celle des dirigeants qui voient le désastre s’avancer. Mais c’est aussi une façon pour l’Allemagne de s’approprier l’Europe. D’où l’importance de bâtir descontre-feux « démocratiques », c’est-à-dire des moyens de combattre cette main mise qui s’exerce sous couleur d’orthodoxie budgétaire. En ce sens le discours de Barroso est un indicateur du niveau de tension que le gouvernement allemand a créé en Europe.
Vous n’avez pas dû remarquer l’information, sans doute. Moi, elle m’a percuté rudement. Une fusion est envisagée entre le géant franco-allemand de l’aéronautique EADS et le britannique BAE, héritier de British Aerospace. Ici où là, quand quelqu’un en parle dans les médias, l’information n’est abordée que sous son angle commercial et financier. Jamais dans sa dimension stratégique et politique. Il a d’ailleurs été annoncé dans l’indifférence du gouvernement. Pas un mot de commentaire.Pourtant l’Etat français est un des principaux actionnaires d’EADS. Ce projet est la première initiative d’envergure du nouveau président d’EADS, l’allemand Thomas Enders, qui a remplacé le français Louis Gallois depuis juin dernier. Alors que Gallois était un défenseur de l’industrie attaché au rôle de l’Etat dans l’économie, Enders est un libéral qui a longtemps milité au sein de la CSU, l’aile ultraconservatrice de la majorité de Mme Merkel. Ce monsieur préside le club patronal allemand qui œuvre au rapprochement transatlantique, l’Atlantik Brücke e.V. C’est donc un artisan actif et ardent du grand marché transatlantique, le fameux GMT, dont il est impossible d’entendre parler en France alors qu’il est censé se mettre en place en 2015. Le souhait de ce Thomas Enders de se rapprocher du groupe britannique d’aéronautique et de défense n’est donc pas limité à l’aspect commercial et financier. En rompant l’axe franco-allemand qui a porté Airbus et EADS, cette fusion rendrait possible un nouvel axe germano-britannique à la tête du nouveau groupe. Avec un tropisme beaucoup plus transatlantique qu’européen. Car le britannique BAE est d’ores et déjà un groupe fortement intégré au complexe militaro-industriel états-unien. Il possède des filiales aux USA. Et il participe directement au développement du nouvel avion de combat des USA, le F35, qui a vocation à remplacer le F16, l’avion militaire le plus vendu de l’histoire. Cela isolerait un peu plus le programme français Rafale en Europe. En matière d’industrie de défense, cette fusion enterrerait donc toute velléité d’indépendance européenne face aux USA. Quant à l’aéronautique civile, BAE n’y a pas laissé de bons souvenirs. Lors de la constitution d’EADS en 1998, BAE avait en effet fait l’acquisition de 20% dans Airbus après avoir renoncé à intégrer EADS en tant que tel. Avant de se débarrasser de cette participation en 2006, contribuant directement aux difficultés financières d’Airbus. Ici je résume autant que je le peux pour ne pas surcharger de considérations techniques et historiques cette information. Mais je crois avoir fait sentir l’essentiel. Je suis scandalisé de voir que le gouvernement ne dit et ne fait rien. L’atlantisme historique et aveuglé de Jean-Marc Ayrault et François Hollande coupe ces deux hommes d’une compréhension vraiment informée des exigences qu’impose le souci d’indépendance et de souveraineté face aux Etats-Unis. Les allemands, habitués à vivre sous parapluie nucléaire et militaire des nord-américains depuis la partition de l’Allemagne, ne sentent pas les choses comme nous. J’estime qu’il faut s’opposer à cette opération. Je pense que le gouvernement qui a déjà accepté à Washington le prétendu « bouclier anti-missiles » est en train de laisser volontairement se mettre en place une conception de la défense qui mériterait au moins d’être assumée pour pouvoir être discuté. La plus grande méfiance est donc de mise face à ce projet de fusion, tant pourl’indépendance de notre défense que pour l’avenir d’Airbus.
L’Allemagne aussi sera victime de la crise
Interview au journal argentin Pagina12 – Octobre 2012
Vous avez été candidat au premier tour de l'élection présidentielle, et au second tour, vous avez appelé à voter pour le socialiste François Hollande.
Pour nous débarrasser de Nicolas Sarkozy. Et nous nous en sommes débarrassés. Notre nouveau président est un social-démocrate qui n'a en réalité pas grand-chose à voir ni avec la social-démocratie, ni avec l'Etat social, qu'il a l'intention de démanteler. C'est un social-libéral. Hollande poursuivra le travail de sape de notre modèle social car il continue à retirer de l'argent de l'économie nationale. Il fermera des hôpitaux, des écoles…
Que proposez-vous pour mettre un frein à ce processus ?
L'action populaire. J'ai tout essayé avant. J'ai été membre du Parti socialiste pendant 30 ans, dirigeant politique pendant 15 ans, et Ministre de l'Education de Lionel Jospin. Malheureusement, force est de constater que la social-démocratie au sens premier du terme a disparu, comme a disparu avant elle le communisme d'Etat. Le premier ministre grec, Georges Papandréou, est le président de l'Internationale socialiste. Mais quand les marchés financiers ont attaqué son pays, il n'a même pas résisté une heure. Pas plus que José Luis Rodriguez Zapatero en Espagne. Aujourd'hui, nous payons le prix de leur capitulation. Si les gouvernants avaient résisté, nous n'aurions pas assisté à cette vague de spéculation qui finira aussi par atteindre l'Allemagne, bien qu'elle se croie intouchable.
L'Allemagne aussi ?
Bien sûr. C'est un tigre de papier à la population vieillissante, qui fait de moins en moins d'enfants. Elle croit qu'elle est la seule à pouvoir produire ce qu'elle produit. Mais ne pensez-vous pas que les Chinois ou les Indiens en seront un jour capables ? Ses principaux clients sont les Espagnols, les Français, les Portugais. Plus de 80 % du commerce des pays européens s'effectue à l'intérieur des frontières de l'Europe. Si la récession se poursuit, elle finira par atteindre l'Allemagne. On continuera à tailler dans le budget, puis on constatera que la récession est là et que les recettes diminuent, et les agences de notation reverront la note du pays à la baisse. C'est un cercle vicieux.
L’Allemagne prise à son propre piège
Extrait de la note « On n’attendait rien, mais surtout pas ça » – 7 novembre 2012
Le "prix" du travail n'est pas la cause des difficultés de l'économie française. Il n'y a pas de problème de "coût" du travail contrairement à ce que disent les porte-parole des actionnaires patrons. Que disent les chiffres ? Selon une enquête de l'INSEE publié au printemps 2012, une heure de travail industriel en général coûtait 33,37 euros en Allemagne et 33,16 euros en France. L'heure de travail coûte donc un peu moins cher en France qu'en Allemagne. Et la France est aussi moins chère que la Belgique, le Danemark et la Suède. Je le mentionne parce que Jean-Marc Ayrault a vanté les "pays scandinaves" dans son intervention de mardi. L'écart est encore plus frappant si on regarde uniquement l'industrie automobile, qui est souvent utilisée pour comparer la France et l'Allemagne. Toujours selon l'INSEE, « dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29% à celui observé en France ». Il est de 43,14 euros en Allemagne contre 33,38 euros en France.
(…)
Quand il leur faut trouver une référence pour leur politique, Hollande et Ayrault finissent dorénavant par se réclamer du soi-disant "modèle allemand". Un mantra efficace pour se gagner l’affection des médiacrâtes sans imagination qui règnent sur le tout Paris médiatique. Leur jubilation faisait plaisir à voir à l’annonce du plan Gallois dans son emballage communicationnel de « pacte » je ne sais quoi. Pourtant, le modèle allemand, quelle pantalonnade ! Qui va se charger de dire à Hollande et Ayrault que la ligne Maginot et la ligne Siegfried sont deux erreurs parallèles ?
Fin septembre, dans l'émission « Des paroles et des actes » sur France 2, Jean-Marc Ayrault s'était même vanté d'aller « plus vite que Schröder ». Plus vite dans le mur ? Et François Hollande, dans un lourd clin d’œil de communicant en panne avait parlé de son « agenda 2014 » pour faire écho à « l’agenda 2010 » du cher Gerhard. La plupart des téléspectateurs n’ont pas dû mesurer quelle décadence morale et intellectuelle un tel projet représente dans le mouvement socialiste français. La ligne « Blair-Schröder », du nom des deux grands liquidateurs de la social-démocratie européenne, a été pendant au moins une décennie ce dont le socialisme français se tenait publiquement à distance et dont il voulait incarner la négation positive. Mais j’admets que cet aspect du drame politique que nous sommes en train de vivre ne puisse intéresser que ceux qui connaissent le prix dans l’histoire des grands glissements de terrain idéologique. Ici je vais donc en rester à des considérations concrètes, il en faut pour soutenir un point de vue engagé qui veut faire appel à la raison de ceux qu’il veut convaincre.
Il suffit de faire le bilan social de la situation allemande pour comprendre qu'une politique de gauche n'a rien à voir avec ce qui a été entrepris là-bas quand bien même c’est le chancelier « social-démocrate » Gerhard Schröder qui l’a mise en place. En Allemagne, la situation des travailleurs et des chômeurs est pire qu'en France. Les réformes des sociaux-libéraux, poursuivies par les libéraux de Merkel ont précarisé l'ensemble des classes populaires. C'est ce que dit le Bureau international du travail. Dans ce rapport, le Bureau international du travail explique clairement les données du problème posé : « Le gouvernement Schröder a engagé une série de réformes du marché du travail à compter de 2003. [...] Cependant, la plupart des réformes ont principalement entraîné une déflation salariale dans les secteurs des services, où de nouveaux emplois, pour la plupart à bas salaires, sont apparus. Ces politiques de déflation salariale ont non seulement eu des conséquences sur la consommation des ménages, qui est restée à la traîne par rapport aux autres pays de la zone euro [...] mais elles ont aussi provoqué une accentuation des inégalités de revenu, à un rythme jamais vu. Au niveau européen, les autres pays membres estiment de plus en plus que seules des politiques de déflation salariale encore plus strictes résoudront leur problème de compétitivité, ce qui est d’autant plus décourageant qu’on voit mal dans quelle mesure ces politiques de déflation salariale en Allemagne ont contribué à une hausse de l’emploi, qui était à peine plus élevé en 2006 qu’en 1991 ».
Tel est, au-delà des mots d’allégresse et des recommandations des médiacrates, la réalité du modèle proposé en exemple et le bilan social de l’Allemagne. Pourquoi n’est-il jamais évoqué ? Si le témoignage du BIT peut être déclaré suspect dans la mesure où son nom pourrait suggérer une tendresse excessive pour les salariés, voyons chez les libéraux eux-mêmes. Il s’agit de la fondation IFRAP. Très libérale. Que dit-elle ? « En mars 2012, près de 7,29 millions de personnes bénéficiaient d’un contrat à salaire modéré (« mini-job »). Parmi eux, seuls 4,76 millions n’avaient pas d’autre salaire que ce mini-job. Près d’un million de jeunes vivent avec ce revenu, qui est généralement majoré de l’allocation « Hartz IV » de 375 euros. En Allemagne, la libéralisation du marché du travail s’est faite au détriment du bas salaire individuel et des parents isolés. En effet, les statistiques de l’Union européenne sur le revenu et le niveau de vie (EU-SILC) le montrent très clairement : le risque de pauvreté des travailleurs seuls allemands est de 14% et de près de 30% pour des parents isolés. Il l’est de 40% si on y inclut les chômeurs. Ces chiffres sont nettement inférieurs en France. » Je précise que sur les 5 millions de mini-jobbers, 3,5 millions sont des femmes. Evidemment.
Au-delà du coût social, cette politique est un désastre économique. Le Bureau international du travail insiste aussi sur le fait que les "réformes" allemandes ne peuvent pas être généralisées à toute l'Europe. Il explique que l'Allemagne est même en grande partie responsable de la crise actuelle dans la zone euro ! « Comme les coûts unitaires de main-d’oeuvre en Allemagne ont baissé par rapport à ceux des concurrents durant la décennie écoulée, il en est résulté des pressions sur la croissance dans ces économies, avec des conséquences néfastes pour la viabilité des finances publiques. Et, surtout, les pays en crise ne pouvaient pas recourir aux exportations pour pallier l’insuffisance de la demande intérieure car leur secteur manufacturier ne pouvait pas bénéficier de la hausse de la demande globale en Allemagne ».
La « stratégie allemande » arrive à sa limite. Ces dernières années, l'Allemagne s'est comportée comme le passager clandestin de l'Union européenne. Elle profitait de la demande de ses voisins pour exporter. Et pour leur faire la leçon. Mais pendant ce temps la contraction des salaires allemands empêchaient les autres pays de faire de même. La farce s’épuise. L’Allemagne s'est prise à son propre piège. A force de vouloir imposer l'austérité salariale et budgétaire à toute l'Europe, elle a scié la branche sur laquelle elle est assise. L'austérité généralisée plonge l'Europe dans la récession. L'austérité française, italienne, grecque, espagnole ou portugaise prive les entreprises allemandes de clients. Et comme les salaires allemands sont trop bas pour compenser, l'Allemagne s'enfonce à son tour dans le marasme économique. Le mois dernier, le chômage a progressé en Allemagne pour le septième mois consécutifs. La hausse du nombre de chômeurs a même été deux fois plus forte que ce qu'attendaient les principaux économistes. Quelqu’un a prévenu Ayrault ? Et Hollande ?
Le mirage du modèle allemand commence à se disperser. Même dans le sacro-saint registre financier où parait-il rien n’est plus sûr et fiable que le coupon allemand ! Mais oui : ces derniers mois, l'Allemagne a aussi rencontré des difficultés sur les marchés financiers. Le 5 septembre dernier, l'Etat allemand a cherché à placer 5 milliards d'euros de titres de dette. A longue échéance : septembre 2022. Il n'a pas trouvé preneur pour la totalité. Il n'a reçu des offres qu'à hauteur de 3,93 milliards d'euros. Ainsi donc à horizon de dix ans, l'Allemagne inquiète les financiers ! C'est normal, elle vieillit et repose sur un modèle archaïque. Quelqu’un prévient Hollande et Ayrault que la ligne Maginot et la ligne Siegfried sont dépassées ?
Merkhollande est né en grande pompe
Extrait de note de blog – 16 novembre 2012
Bien sûr que cette conférence de presse est davantage un aveu qu’un tournant. Pas en raison de son contenu. Il était dans le programme de la campagne électorale de Hollande. Bien sûr, tout ce social libéralisme était dissimulé derrière les simagrées du discours du Bourget destiné exclusivement à mystifier les nôtres. Mais la mise en scène fonctionnait comme un message solennel. Dorénavant il assume ! Et le faisant, il « proclame ». Après Merkozy voici Merkhollande. Et comme l’a démontré Ayrault qui parle allemand, dans la langue de Merkel, à une lettre près on passe du « fécond » à « l’effroyable » ! En attendant l’odieux est servi : le catéchisme libéral dans la bouche d’un président élu par la gauche, assorti de propos de comptoir sur les dépenses excessives de l’Etat !
La capitulation sans condition est enrobée de bobards
Je vais revenir sur la conférence de presse de François Hollande mardi. J'ai dit dans plusieurs médias ma consternation de voir le Président de la République revendiquer l'austérité avec le sourire. Je veux dire ma gène devant le nombre des bobards qu’il a accumulés pour justifier sa conversion pleine et entière à la doctrine économique et sociale de madame Merkel.
Sur l'Europe, nous avons eu droit à la répétition des refrains récités depuis le mois de juin dernier. Répétition ne vaut pas démonstration. « La nouvelle orientation » et « la nouvelle donne » dont Hollande nous rebat les oreilles n’est démontrée d’aucune façon et c’est même le contraire qui est prouvé. Toutes les décisions importantes prises par le Conseil européen depuis juin sont dans la continuité parfaite avec les orientations fixées depuis 2010 sous l'égide de Merkel, Sarkozy et Barroso. Cela n'a pas empêché François Hollande de revendiquer à nouveau de soi-disant « victoires ». Il a évoqué son fameux et imaginaire "Pacte de croissance" financé avec des lignes budgétaires déjà existantes. Mais cette fois-ci il a carrément revendiqué de surcroît comme acquis du Conseil européen des 28-29 juin « la mise en place du mécanisme européen de stabilité ». Aucun démenti dans la presse nulle part ! Les désintoxiqueurs professionnels par leur silence complice cirent les pompes en cadence. Car il s’agit d’un pur énorme mensonge. En effet le MES a été décidé et voté plusieurs mois auparavant. La France a ratifié le Traité sur le MES le 21 février à l'Assemblée nationale et le 28 février au Sénat, à l'initiative de Nicolas Sarkozy. Comment Hollande a-t-il pu l’oublier ? Les socialistes s’étaient majoritairement abstenus, contre son avis !
Le bidonnage a ensuite continué de plus belle quand Hollande a affirmé : « J'ai pu faire adopter par onze pays européens la taxe sur les transactions financières ». Comme ce n’est pas la première fois qu’il fait ce numéro sans être démenti par les désintoxiqueurs de presse, il s’est senti autorisé à refaire le numéro dans le cadre solennel du palais de l’Elysée. Pourtant je rappelle que l'accord politique en faveur de cette taxe a été réalisé en février 2012 à l’initiative de Merkel et Sarkozy. Les 9 Etats nécessaires à la mise en place de la taxe avaient alors affirmé leur décision commune d'engager une coopération renforcée en la matière (France, Allemagne, Italie, Belgique, Autriche, Espagne, Finlande, Grèce, Portugal). Ils ont été rejoints depuis par la Slovaquie, l'Estonie et la Slovénie, tandis que la Finlande s'est retirée. François Hollande n'est strictement pour rien dans cette affaire !
Cette tirade sur la réorientation de l'Europe s'est terminée en forme de vœux pieux : « Je me suis fixé l'objectif de régler les questions lancinantes posées à la zone euro, d'ici la fin de l'année. » Avec une chute en forme d'injonction paradoxale : « C'est par la solidarité et non par une austérité sans fin que seront atteints les objectifs impérieux de réduction des déficits. » Paroles verbales, bobard de fin de banquet. Car d’ici la fin de l’année tous les Etats doivent avoir fini de transposer la règle d'or budgétaire qui installe l'austérité dans la durée.
L’Allemagne, c’est le problème
Extrait de la note « Le moment Moody’s et Copé » – 22 novembre 2012
Dans cette partie je mets au clair mes idées à propos de la politique du gouvernement allemand actuel. Donc de l’Allemagne. C’est un résumé. Dans mon livre « Qu’ils s’en aillent tous ! » je suis déjà venu sur ce point. Très rapidement. Mais je l’ai fait. Je m’oppose à « l’irrealpolitik » qui consiste pour des dirigeants français hors du réel à ne pas être capable de voir la volonté de puissance quand elle se manifeste. Que ce que l’on nomme « la crise » ne cesse jamais d’être le cadre d’action d’une stratégie du capital contre le travail pour l’appropriation de la richesse ne doit pas faire oublier que les événements prennent toujours leur place dans des cadres qui leur préexistent : les nations, entendues comme espaces de normes, de règles et de culture politique, autant que les classes sociales. A la fin de cette partie, je publie une déclaration commune que nous avons rédigée, Oskar Lafontaine et moi, mardi de cette semaine à Sarrebruck où j’ai fait un saut depuis Strasbourg où je siège au Parlement européen cette semaine.
Il y a une semaine, après une matinée à Hénin-Beaumont, je suis allé à Bruxelles où madame Merkel devait parler devant la conférence des présidents qui avait ouvert ses portes à tous les députés. J’avais été suffoqué par l’arrogance du ton et le caractère dominateur de son propos. Sa façon de parler des Grecs et des Portugais m’avait scandalisé. Cette semaine je suis allé faire le point avec Oskar Lafontaine à Sarrebruck, comme je le fais à intervalle régulier. Nous avons rédigé une déclaration pour conclure notre soirée d’échange dans son bureau au Land de Sarre, puis au restaurant français des lieux. Oskar a une bonne fourchette et le bec fin, croyez moi. Mais surtout il pense vite. Oskar est conscient des dégâts que provoque madame Merkel, pas seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan de la perception négative que les autres peuples se font de son pays. Il pense qu’elle n’a pas de culture européenne, qu’elle est très marquée par son origine enfermée dans l’ancienne RDA. Cela me ramène à une réflexion plus générale sur l’Allemagne telle qu’elle est aujourd’hui et le problème qu’elle pose à toute l’Europe et à ce que l’on appelait il y a peu la construction européenne.
L’Allemagne c’est le problème en Europe. C’est sans doute même le problème fondateur. C’est pour contenir une propension allemande à toujours vouloir pousser les murs que les politiques européennes ont été construites. La première union européenne, n’en déplaise à la légende dorée, n’a pas d’autres but que d’empêcher une retour de l’antagonisme franco-allemand inacceptable dans le cadre de la confrontation avec le glacis soviétique dont la point avancée sur l’ouest était… l’autre Allemagne. Quand la réunification s’est faite, on a su immédiatement que l’histoire ne s’était pas effacée autant qu’on le croyait. Comme les Français l’exigeait, le gouvernement allemand mit un mois à reconnaitre la ligne Oder-Neisse comme frontière intangible à l’est. Mais il reconnut. Ce ne fut pas la même musique quand, sans attendre les garanties que les Français avaient demandées sur les droits de minorités, Berlin reconnu l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie en quarante-huit heures, aggravant le sentiment d’impunité des dirigeants Croates d’alors. Ces souvenirs nous font rappel au réel. L’Allemagne est une puissance politique en premier lieu. Souvent les dirigeants français pratiquent un angélisme très bêta à ce sujet. Comme ils sont travaillés à mort par le déclinisme ambiant et très intrusif de la bonne presse des élites françaises, ils commettent deux erreurs. La première est de croire que les dirigeants allemands sont complexés comme eux. La seconde d’oublier que l’esprit de capitulation est une tradition des élites françaises. Comment oublier l’ampleur de la collaboration de celles-ci pendant l’occupation nazie ? Ni combien et quels journaux durent être confisqués à la Libération.
La réunification de l’Allemagne avait donné lieu à une première tension. L’ouest établit une parité de un pour un entre les marks des deux côtés. Une folie que Oskar Lafontaine à l’époque avait été un des rares à dénoncer. La droite douta de son patriotisme ! Cette accusation fonctionnait comme un aveu, en quelque sorte. Car alors on voyait bien qu’un tel taux de change aberrant ne pouvait avoir qu’un but : finir d’un coup la réunification. Dit autrement : empêcher que l’unification ne prenne du temps et de ce fait même soit contrariée ou utilisée par d’autres dans la durée. Un peu de temps, il est vrai, aurait permis à une classe politique de se reformer à l’est, de défendre une identité spécifique collective et ainsi de suite. La volonté de puissance est donc présente dans cette précipitation. Au plan économique, elle engendra une surchauffe liée à la mobilisation de milliards de marks pour remettre l’est aux normes productive de l’ouest. Les taux d’intérêts s’envolèrent pour contenir le risque de l’inflation. Toute l’Europe fut obligée de suivre. Il s’agissait d’éviter de se faire siphonner toute l’épargne par le mark. Et il fallait respecter le système de parité fixe entre monnaies européennes nommée à l’époque « serpent monétaire européen ». Cela fut fait au prix de taux d’intérêts grotesquement élevés. La croissance fut déjà mise en panne partout. Mais l’Allemagne avait le dernier mot. En ce sens nous avons tous payé pour la réunification. Seuls les naïfs jetaient de petits sanglots d’émotion sans tenir aucun compte du géant qui venait de surgir comme première conséquence peu favorable de la fin du bloc de l’Est. On échangea tant de bonne volonté contre la mise en place de l’euro. Je me souviens de l’argument du président Mitterrand aux jeunes sceptiques de mon acabit. En substance : « Nous allons clouer la main des allemands sur la table et la finance ne pourra plus spéculer contre la monnaie de nos gouvernements ». Comme on avait connu quatre dévaluations, un contrôle des changes et un emprunt forcé après notre victoire de 1981, ce genre d’arguments ne laissait pas insensible. Je fus convaincu. Je votai donc le traité de Maastricht. On connaît la suite.
Depuis, c’est l’Allemagne qui nous a cloué les mains sur la table et ce sont ses médiacrates, ses hommes de paille type Schroeder et les déclinistes de la cinquième colonne en France qui complotent contre nous comme l’a montré la séquence qui a précédé la parution du torchon anglais « The Economist ». Préparation d’artillerie magnifiquement synchrone avec la dégradation de la note française par une des agences voyous. A présent l’Allemagne s’est installée sans trop d’efforts au poste de commande. Nous vivons l’Europe allemande ! C’est-à-dire une Europe conforme aux intérêts des seuls rentiers allemands, retraités ou en passe de l’être, qui ont choisi la retraite par capitalisation. Il s’agit là de 15% de la population, la plus aisée, installée aux postes de commande et servant de caution aux intérêts parallèles des mêmes rentiers dans toute l’Europe qui aiment l’euro fort et les cours de bourse stables ou en hausse dont dépendent leur revenus présents ou futurs.
Pour l’instant qui est gagnant ? On nous le rabâche assez. L’Allemagne. Toute ses gesticulations austéritaires et sa propagande, dans et hors le pays, payent, au sens littéral. Elles compensent dans l’imaginaire débile des salles de marché et des transactions électroniques automatiques, les faiblesses de sa situation réelle. Car la situation de l’Allemagne n’est pas brillante. Le vieillissement de sa population n’est pas réversible, à court ni moyen terme, et il engendre une dépendance sociale que nous ne faisons que commencer à constater. Le modèle productif est exclusivement fondé sur l’export. Il fonctionne par niches. Il est donc presque exclusivement dépendant de la demande extérieure alors même que sa politique contribue à déprimer sévèrement. Sur le marché intérieur allemand, la consommation est frappée de plein fouet par la pauvreté croissante. Les engagements financiers du pays dans les systèmes de garanties financières européennes sont très lourds. Tout cela doit nous aider à évaluer correctement le rapport de force avec l’Allemagne au lieu de nous traîner à la remorque de la chancelière, des retraités et des trouillards.
Car une partie du tableau se dérobe. L’agitation du moment ne doit pas nous faire perdre de vue le sens général de la tendance. Tout le monde sait que la Grèce ne paiera pas. Tout le monde sait que la contagion de la récession par les politiques d’austérité va frapper à mort le système européen en le plongeant dans le cercle vicieux de la hausse du chômage, de l’aggravation des déficits, et donc de la hausse de la dette. Ne méprisons pas nos adversaires. Ils savent comme nous que le brasier est allumé. Donc ils anticipent. Quoi ? Le tableau du jour d’après. Le tableau conforme à la volonté de puissance des conservateurs allemands et de leurs auxiliaires est le suivant. L’Europe du sud expulsée de l’euro. La France au tapis politique. L’ancienne zone mark rétablie sous appellation d’euro maintenu. Mais, bien sûr, ce n’est qu’un scénario. Rien de plus. Le futur est si profondément probabiliste. En tous cas, je sais que si j’avais à en connaître, je placerais ce scénario comme une des grilles d’explications de comportements sinon inexplicables. Et plutôt que de m’y retrouver conduit par naïveté je me tiendrais à distance de tout ce qui pourrait y conduire, même par mégarde.
Pour éviter le fractionnement et l’explosion de la zone monétaire il faut éteindre la crise de la dette. Pour cela il faut éponger tous les titres de dette d’état qui traînent, quelle qu’en soit la forme, et les jeter au frigo de la BCE. Celle-ci doit être autorisée à assurer le financement direct des Etats par la Banque centrale et accepter une solide et entraînante dévaluation de l’euro qui ré-ouvre le marché mondial aux marchandises européennes. Naturellement ils ne feront rien de tout cela avant que le système craque. C’est-à-dire avant qu’un pays fasse défaut. Ou que l’Allemagne passe, elle aussi, dans la zone rouge. Si un pays fait défaut, soit la contagion disloque tous le système bancaire et donc tous les systèmes politiques, soit l’Allemagne parvient à se tirer de la fournaise et on arrive au scénario évoqué précédemment. Avant cela notre carte peut être jouée sans complexe. En ce qui concerne l’alternative de gauche que nous voulons incarner, le moment est à bien comprendre, bien mobiliser, bien se préparer, bien construire une force cohérente et qui sera notre point d’appui le moment venu. Dans ce registre il n’y a pas de petits progrès ni de petites tâches.
Déclaration Oskar Lafontaine et Jean Luc Mélenchon.
A Sarrebruck, le 20 novembre 2012.
« Nous constatons avec consternation l’usage qui est fait de l’Union Européenne comme outil d’une politique d’austérité généralisée. Elle ne mène nulle part sinon à un désastre auquel aucun pays ne pourra échapper. Cette politique discrédite l’idéal européen en conduisant nos peuples dans l’impasse de la destruction de l’Etat social, la récession économique et l’indifférence écologique. Nous mettons solennellement en garde contre l’incitation aux égoïsmes nationalistes que cette politique cruelle provoque. Nous savons qu’en brutalisant partout les procédures parlementaires pour imposer aux peuples des plans d’ajustement structurels néolibéraux la démocratie elle-même est mise en cause. Imprégnés des leçons de l’histoire de notre vieux continent, nous voulons alerter les consciences en rappelant que la misère sociale, la récession et la compétition généralisée entre les peuples sont toujours des terreaux de guerre et de violence. Cette menace commence en Europe !
Nous déplorons que la social-démocratie européenne n’oppose plus aucune résistance aux injonctions du capital financier, ses agences de notation, et ses marchés. Nous avons vu Georges Papandréou en Grèce, Zapatero et Socrates en Espagne et au Portugal capituler sans condition. Puis nous avons été stupéfaits de voir le nouveau gouvernement français s’aligner purement et simplement sur les directives du traité rédigé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Dans ces conditions, pour affronter la destruction sociale de l’Europe et garantir la paix, les salariés doivent construire de nouvelles majorités politiques de gauche et augmenter leur capacité d’initiative citoyenne. Nous connaissons bien la difficulté de mobilisation dans un tel contexte ou la peur du lendemain et la pression du chômage et de la misère paralysent tant de forces ! Nous voyons l’extrême droite progresser partout en Europe. Mais nous voyons aussi nos forces émerger avec vigueur jusqu’au seuil du pouvoir comme en Grèce avec SYRISA. Nous affirmons notre certitude que la chaine austéritaire qui enserre les peuples européens va craquer quelque part dans l’un des pays aujourd’hui martyrisé, comme ce fut le cas après la décennie d’ajustement structurel en Amérique du sud. Une révolution citoyenne s’inscrit comme nécessité en Europe. Le peuple doit pouvoir fixer librement la politique qu’il pense bonne pour lui, sans être soumis à des procédures de contrôle préalable non démocratiques et des punitions, comme ceux qu’imposent les nouveaux traités européens. Cette exigence se vérifie dans bien des endroits dans le monde. Elle a donné lieu a des changements profonds en Amérique du sud et au Maghreb. Nulle part ils n’ont pris leur forme définitive. Mais partout ils expriment une puissante aspiration pour la démocratie sociale et politique. C’est pourquoi nous avons décidé d’unir notre action personnelle pour construire, avec les progressistes qui le veulent sur les cinq continents, un cadre commun de rencontre et de propositions, un Forum Mondial de la révolution citoyenne. Nous voyons avec espoir la Confédération Européenne des Syndicats (CES) organiser l’action de résistance des salariés. Nous saluons le travail du Parti de La Gauche européenne pour soutenir la coopération active des partis de la nouvelle gauche européenne dans la lutte des peuples. Nous affirmons notre confiance dans notre capacité, le moment venu à diriger les nouveaux gouvernements progressistes qui sont nécessaires pour changer le cours de l’histoire et éviter la catastrophe ! Nous appelons toutes les consciences progressistes à entrer dans ce combat. »
Merkel tient le guidon, Hollande pédale
Extrait d’interview dans Métro – 23 janvier 2013
On a célébré, mardi, les cinquante ans de la réconciliation franco-allemande. Que pensez-vous du couple Hollande-Merkel ?
Pour l'instant, dans le tandem, il y en a une qui tient le guidon, la main sur le frein, et l'autre qui pédale. Hollande, il pédale. C'est tout ce qu'il a le droit de faire. Aujourd'hui, la relation franco-allemande est déséquilibrée.
Angela Merkel soutient le Grand Marché transatlantique
Angela Merkel s'est prononcée ce vendredi 1er février pour "avancer dans les négociations sur un accord de libre-échange entre l'Union européenne et les Etats-Unis d'Amérique".
Ce projet de Grand Marché Transatlantique avance depuis des années dans le dos des peuples. Angela Merkel assume enfin ce projet ultralibéral et atlantiste.
Un tel accord constituerait une étape de plus dans la faillite libre-échangiste de l'Union européenne. Il sonnerait aussi l'arrimage définitif de l'UE aux Etats-Unis.
Depuis l'élection européenne de 2009, je m'oppose à ce projet porté par les eurocrates libéraux et protégé par le silence des élites.
Qu'en pense François Hollande ? Le Président de la République française doit sortir de son silence complice sur le sujet. Il doit s'opposer à ce funeste projet.
Hollande veut être le meilleur élève de la classe de Merkel
Extrait d’interview dans Le Parisien – 24 février 2013
Vu l'ampleur de son déficit, la France a-t-elle d'autre choix que l'austérité?
Sa responsabilité, c'est d'organiser une relance maîtrisée de l'activité économique. Hollande bat des records d'hypocrisie en faisant des discours sur la relance alors qu'il organise l'austérité. En fait, il veut être le meilleur élève de la classe de Mme Merkel, qui a décidé de mettre tout le monde à la corvée!
Le modèle allemand dans le mur
Extrait d’argument – 1er mars 2013
La catastrophe annoncée se réalise
La Grèce illustre de manière extrême le bilan de l’austérité, appliquée ici grâce à 9 plans successifs des sociaux-démocrates et des libéraux appuyés par l’UE et le FMI : une récession de 6 % en 2012, le tiers de la richesse du pays détruit en 4 ans, le chômage qui touche officiellement 27 % de la population et plus de 60 % des jeunes. La France n’en est pas encore là. Mais elle en prend le chemin sous l’effet des 4 plans d’austérité qu’elle a déjà subis : 2 plans d’austérité Fillon-Sarkozy pour 19 milliards de coupes, un premier plan de Hollande dans le budget 2013 pour 37 milliards de coupes et un 2ème plan dit de compétitivité appliqué à partir de 2014 et qui doit porter à 60 milliards les coupes dans les dépenses publiques d’ici 2017. 3 fois plus fort que ce qu’avaient prévu Sarkozy et Fillon ! Avec des résultats eux aussi démultipliés : une croissance pour 2013 passée de 1,2 % à 0,8 % puis 0,1 %. Et un chômage qui devrait non seulement continuer à augmenter en 2013, en touchant un demi-million de travailleurs supplémentaires, mais aussi en 2014.
Quant à l’Allemagne, chef d’orchestre des politiques d’austérité en Europe, elle est aussi touchée de plein fouet. Au dernier trimestre 2012, son économie s’est ainsi contractée deux fois plus fort que celle de la France. Et ses sacro-saintes exportations reculent. C’est la conséquence logique de l’austérité généralisée : les commandes s’effondrent en Europe avec les revenus des travailleurs et les dépenses publiques. Cela n’empêche pas les conservateurs allemands de redoubler d’arrogance contre le reste de l’Europe. A l’image du vice-président du groupe CDU au Bundestag qui vient de qualifier la France d’ « enfant à problèmes de l’Europe ». Un vocabulaire qui rappelle tristement celui employé outre-rhin avant les deux guerres mondiales. La brutale accélération de la récession crée ainsi les conditions pour que la crise économique et sociale se mue très rapidement en crise politique et géopolitique en Europe.
La question allemande et l’impasse de l’Europe
Extrait de la note « Ça va mieux en le disant » – 15 mars 2013
Dans cette note je viens sur un sujet que je veux signaler d’entrée : la question allemande en Europe. Elle prend une signification singulière la semaine où le budget européen est rejeté avec les voix des socialistes et des Verts qui soutiennent le gouvernement qui a pourtant approuvé le dit budget. Elle prend aussi un relief singulier la semaine où le parlement européen a décidé la mise sous contrôle de tous les budgets nationaux dans le cadre du Two pack et que les socialistes et EELV l’ont voté à l’exception d’une abstention socialiste. Tout ceci représente une masse de travail d’explication que j’ai réparti entre mes deux blogs. J’invite donc mes lecteurs à faire un saut sur mon blog Europe. Beaucoup le découvriront quoi qu’il soit joignable depuis toujours depuis celui-ci. Mais surtout beaucoup vont pouvoir vérifier l’effort de vulgarisation que nous faisons au moment où l’Union européenne est devenue plus absconse et impénétrable que jamais.
La question allemande et l’impasse de l’Europe.
Marginalisée pendant des décennies du fait de sa défaite et de sa division, autant que du poids de la honte des crimes nazis, l’Allemagne fédérale s’est, du coup, reconstruite et réunifiée en pesant chaque pas comme une étape vers son rétablissement en puissance. Pendant ce temps, hors de la parenthèse gaulliste et des vigilances de François Mitterrand, les Français ont été endormis. Ils l’ont été par les sociaux-démocrates et les démocrates-chrétiens, alliés dans le projet européen à la sauce Jean Monnet. Ils se sont laissés porter par une situation de force qui semblait aller de soi pour toujours. D’un côté des calculateurs forcés, de l’autre des dilettantes frivoles. L’Allemagne a donc marqué ses points en s’occupant d’elle comme du sujet de l’histoire. Sa domination actuelle met en danger l’économie de chaque nation et la construction européenne elle-même. En plongeant l’Union entière dans la récession, l’Allemagne de Merkel menace l’économie générale du monde.
Je me suis déjà exprimé à de nombreuses occasions sur la question que pose la nouvelle Allemagne aux Français. Ce point n’a jamais retenu l’attention de mes commentateurs. C’est pourtant pour moi une question cruciale qui donne son sens à de nombreux aspects de ce que je crois utile de faire dans notre pays. La cécité volontaire de bon nombre de commentateurs a une racine dans la pensée dominante médiatiquement acceptée. Car, malheureusement, l’influence des déclinistes et la démission des élites politico-médiatiques a amplement désarmé la conscience des risques inadmissibles qui résultent mécaniquement d’une domination allemande sur l’Europe. Quel risque ? Celui que fait peser la subordination de tous aux besoins étroits de quelques-uns surtout quand ces intérêts sont peu représentatifs de la condition générale des autres nations. Aujourd’hui, la politique européenne est exclusivement calculée pour répondre aux intérêts de la population vieillissante de l’Allemagne. Cette population qui dépend des fonds de pensions pour ses retraites est donc fascinée par les cours de bourse soutenus et l’existence d’un euro très fort. Le système qui y correspond est dorénavant construit. Il place l’Allemagne au centre d’un ensemble productif où les pays voisins du nord, qui étaient autrefois dans la mouvance du Mark, le sont tout autant autour de l’euro fort à la sauce berlinoise. Cet ensemble reçoit dorénavant le renfort stupide d’une tradition bien française defascination et de capitulation des élites devant l’outre-Rhin. Celle-ci se nourrit à présent des recommandations du modèle libéral. La parole officielle est donc captive des figures imposées de l’adulation pour le « modèle » allemand. Ses faiblesses semblent invisibles vu du balcon de nos grands commentateurs.
Mais les allemands, eux, sont plus lucides. Ils savent que leur transition démographique en cours peut les conduire au chaos. Leur chance actuelle sur ce plan : leur besoin vital d’immigration les voit se nourrir de la déconfiture des pays européens qui contraignent leur jeunesse à s’expatrier pour fuir le désastre que la politique allemande impose à tous ses partenaires. Mais cela ne règle rien, sur le fond : la décroissance de la population allemande déforme aux deux extrêmes d’âge la solidité du système productif, pour ne parler que de cela. D’un côté, moins de jeunes égale moins de main d’œuvre formée aux nouvelles qualifications alors que le système d’enseignement allemand, centré sur l’apprentissage, ralentit déjà l’intégration des nouveaux savoirs de pointe. D’un autre côté, davantage de personnes âgées alourdit les dépenses sociales, par exemple pour la santé, et fragilise le système de financement de retraite. Oui de retraite. Car la retraite par capitalisation est, elle aussi, sensible à la démographie, cela va de soi. C’est d’ailleurs pourquoi s’élèvent déjà des voix en Allemagne pour réclamer un passage de la retraite à soixante-dix ans ! Vous avez bien lu : à soixante-dix ans ! Le soi-disant modèle allemand sera à terre bien avant qu’on ne le croit. Car il n’est pas loin du tout le moment où se croiseront les effets d’âge avec larécession en Europe et la concurrence des pays émergents sur les segments actuellement exportateurs de l’Allemagne. « Cinq ans » dit une huile allemande (Le Figaro 12 mars) !
J’ai dénoncé et montré tant de fois ici le rôle désastreux de l’euro fort ! A présent maintes voix s’élèvent pour dire de même que les analystes du Front de Gauche ! Le dernier pic de croissance connu en Europe eu lieu en l’an 2000. Il a correspondu à un euro valant 0,90 dollars. L’euro vaut aujourd’hui 1,35 ! Il est même monté jusqu’à 1,60 ! Un désastre économique ! Plus l’euro est cher, plus les marchandises se vendent difficilement sur le marché mondial où elles rencontrent d’autres marchandises libellées dans des monnaies plus faibles mais adossées à des économies puissantes comme celle des Etats-Unis ou du Japon et même des Anglais ! Tous les efforts les plus intenses de productivité, effectués au prix des larmes, sont annulés par le niveau de la monnaie. Les Allemands s’en moquent, en partie, car leurs produits sont destinés à des niches où ils ont peu de concurrents et où se positionne une clientèle riche. Ainsi suis-je stupéfait de voir reprocher aux constructeurs automobiles français de ne pas avoir « fait comme les allemands » ? Qu’ont-ils fait ? En tous cas pas mieux que les ouvriers français qui travaillent mieux et produisent davantage. Non, les Allemands sont forts pour produire des voitures qu’achètent les riches, lesquels ne sont pas influencés dans leur décision d’abord par le prix d’achat, comme c’est le cas dans le segment des classes moyennes et populaires. En résumé, on comprend sans difficulté que dans des économies où l’on pratique de l’austérité, la vente à l’étranger est le cœur du modèle d’enrichissement. Ce n’est pas seulement anti-écologique ! C’est une prime donnée aux producteurs pour riches. Ça non plus ce n’est pas écologique ! Car cela pousse aux consommations ostentatoires et gaspilleuses. Et surtout cela détourne les objectifs de la production de la population à laquelle elle devrait d’abord s’intéresser : le grand nombre. Et c’est une incitation à faire baisser le cours des monnaies pour donner un avantage comparatif sans gain de productivité. Le contraire de ce que veulent nos chers Allemands qui nous infligent donc un absurde euro fort.
L’examen de la position allemande est souvent présenté d’une façon totalement biaisée. Tout se passe comme si l’Allemagne vertueuse exportait d’abord sur le marché mondial. En ce sens elle serait plus « agile » et « compétitive » sur le « marché monde » que nous pauvres lambins de Français. Cette analyse est fausse. L’Allemagne n’exporte sur le marché mondial qu’une petite partie de sa production. Et cela, comme tout le monde peut le vérifier, dans des segments étroits de la production ou pour mieux dire dans des « niches », telles que les machines-outils ou les engins de transport. Mais le gros de l’export se fait en direction du marché intérieur de l’Union européenne. C’est bien pourquoi l’Allemagne va payer elle-même cher le ralentissement de l’activité que provoque sa politique rigide de bureaucrate libérale sur le mode dogmatique est-allemand qui est le style et l’histoire personnelle de madame Merkel. Puisque les clients ont été étranglés, le fournisseur le sera en même temps. Et parcontagion le monde entier, car il faut rappeler que l’Union européenne représente le quart du PIB mondial.
Donc l’Allemagne réalise l’essentiel de ses performances dans le marché commun européen. On ne saurait mieux dire qu’en réalité elle y parvient sur le dos des autres et de nous Français en particulier grâce à un avantage compétitif indu qui est le dumping social. Le dumping social c’est payer son monde moins cher que le voisin. Que cette différence s’évalue en temps de travail réel ou en salaires rapportés à la productivité. C’est ce que font les allemands. C’est l’équivalent invisible d’une dévaluation compétitive. Voilà ce que l’Allemagne inflige à ses voisins. Le système est très bien organisé grâce à l’Union européenne. D’abord est maintenu un niveau de salaire très bas dans l’est de l’Europe pour payer une main d’œuvre très qualifiée. Ceci est obtenu grâce à l’interdiction d’harmonisation fiscale ou sociale que contient le Traité de Lisbonne. Ces pays fournissent des pièces détachées à très bon marché qui sont ensuite assemblées en Allemagne. Là sévit, depuis Schroeder, une discipline salariale maintenue par un système de contrainte des chômeurs particulièrement cruel. De même le coût des retraites est en bonne partie basculé sur le système par capitalisation qui, par définition, ne se finance pas à la source du travail et donc ne « pèse » pas sur lui, en apparence. De plus il n’apparaît dans aucun compte de l’Etat. L’ensemble permet des productions à bas prix, et un affichage de faible chômage du fait du vieillissement de la population et du travail forcé sous-payé des demandeurs d’emploi. Tel est le miracle allemand. Le problème qu’il pose c’est que, pour fonctionner, tout le reste de l’Europe doit se contenir et se soumettre à des diktats de plus en plus violents. Avec le nouveau mécanisme de surveillance européen, dont relèvent dorénavant la totalité des états européens sauf l’Allemagne, celle-ci a réussi à imposer ses normes de gestion de la dépense publique à toute l’Europe et le droit d’intervenir directement dans la confection des budgets nationaux. L’Europe se présente ainsi comme un système colonial. Il contraint tous ses membres au financement de la rente financière par le biais d’une police politique et budgétaire qui maintien un ordre favorable au développement d’un pays et même d’un seul.
L’Europe est allemande. Et ceux qui s’y soumettent ne peuvent y survivre qu’en le devenant eux-mêmes à leur tour, sans trop y croire. Les moulins à prières habituels s’abstiendront de m’infliger les dénonciations si grossièrement convenues sur mon « mépris » pour les autres peuples ou je ne sais quelle accusation de nationalisme qui ne font jamais que m’informer sur le niveau de mauvaise foi qui nous entoure. De toute façon je n’écris pas pour mes adversaire, ni pour les petites cervelles pavloviennes, mais pour ceux d’entre-vous qui font l’effort, comme moi, d’entrer dans la difficulté des problèmes que nous affrontons, non pour y réciter des mantras, mais pour essayer de trouver des issues jouables. Pour moi, le vote du Two Pack et du « six pack » sont des seuils franchis dans la soumission de notre pays et du peuple qui le constitue. La perspective du Grand marché transatlantique est dorénavant officielle, ce qui est encore un franchissement de seuil. Le tout fait système. Une nouvelle page se tourne dans mon esprit à propos de ce qu’est en réalité cette Union. J’y reviendrai au congrès du Parti de Gauche.
À propos du blocus financier de Chypre
Communiqué et déclaration d’Alexis Tsipras – 20 mars 2013
La décision du banquier central Mario Draghi de ne plus alimenter Chypre en euros jusqu’à ce que Chypre capitule intervient pourtant après un vote souverain du parlement national.
C’est un acte d’agression inacceptable. Il montre que l’euro est non seulement un luxe Merkelien coûteux mais aussi un dangereux moyen d’action contre la souveraineté d’un peuple. Il s’agit d’un abus de pouvoir, certes mais aussi d’une alarme qui doit être entendue.
La France ne peut cautionner cette violence sauf à l’autoriser contre elle-même le cas échéant. S’il faut désormais choisir entre la souveraineté du peuple et celle de l’euro, la France doit choisir le peuple.
La décision du banquier central est un tournant dans l’histoire de l’union européenne. Elle impose un choix : soit changer le statut de la banque centrale et donc celui de l’euro pour sécuriser la souveraineté des peuples, soit renoncer à l’euro Merkel.
Déclaration d’Alexis Tsipras, Président du groupe parlementaire SYRIZA-USF
Traduction : Marin Aury (pôle traduction du Parti de Gauche)
Athènes, le 19/03/2013.
Il est à présent clair que les dirigeants européens sont désormais engagés sur une voie ouvertement orientée contre les peuples d’Europe. La stratégie du gouvernement allemand, soutenue en Europe par le capital financier spéculatif, est une stratégie de colonisation de l’Europe du Sud en général, et de la Grèce et de Chypre en particulier.
Elle s’appuie principalement sur une forme d’extorsion dont la dette est le levier. Si la dette n’existait pas, ils l’auraient inventé pour pouvoir arriver à leurs fins. Qui plus est, la décision prise vendredi dernier par l’Eurogroupe met en danger la stabilité du système financier dans l’ensemble de la zone Euro.
Il s’agit d’une bombe à retardement menaçant les fondements du système bancaire, non seulement à Chypre, mais partout en Europe. Cette décision doit être annulée, avant qu’elle ne cause des dommages irréversibles.
Le gouvernement grec, représenté par MM. Stournaras et Samaras, n’a pas hésité, quant à lui, a apporté son soutient à des mesures inacceptables, véritables provocations, consistant à ponctionner directement les dépôts des citoyens chypriotes, créant un précédent dangereux pour tous les pays de la zone Euro dont la situation financière est précaire.
Il s’agit bien d’un tournant historique, que le gouvernement grec s’est permis de prendre dans le plus grand secret, sans tenir informé ni le peuple grec, ni même son parlement.
C’est pourquoi j’ai demandé hier, dans une lettre au Président du parlement, que le gouvernement vienne s’expliquer immédiatement devant l’assemblée nationale de sa position lors de la réunion de l’Eurogroupe vendredi dernier. Malheureusement sans succès, et sans que le gouvernement ne daigne motiver sérieusement son refus. Pourtant, le gouvernement grec n’a aucune légitimité à engager le pays dans la voie de la désintégration du système financier chypriote, mettant le système financier de la Grèce lui-même en danger, sans en référer au parlement.
Nous demandons au Premier ministre, qui est le principal responsable de cette situation, de convoquer de sa propre initiative, et dès demain, une session extraordinaire du parlement, comme il en a le droit, et surtout le devoir. Pour nous, il est évident que le but ultime du choix politique acté par l’Eurogroupe n’est pas le sauvetage de l’économie chypriote, mais la mise en place d’une domination économique absolue dans une région géopolitiquement sensible.
Il s’agit clairement de mettre la main sur les ressources énergétiques de la République, à commencer par les hydrocarbures. Et le Gouvernement grec a une responsabilité écrasante dans la décision qui a été prise. En effet, le Premier ministre grec a enfermé le pays dans le carcan voulu par Mme Merkel, après avoir ruiné l’opportunité d’obtenir des avancées offerte après les dernières élections, oubliant toutes ses promesses de renégociation, et allant jusqu’à affirmer que « tout le monde a quelque chose à se reprocher » ; et il ne s’est pas arrêter en si bon chemin, qualifiant la zone d’influence économique de la Grèce d’ « européenne », avant d’accepter, sinon d’appeler de ses vœux, la mise sous tutelle de la République de Chypre.
Une fois encore, il ignore et méprise la nécessité de mettre en œuvre une politique étrangère multidimensionnelle, en même temps que la nécessité de l’implication populaire dans les affaires de la Grèce comme de Chypre. Mais la patience des peuples a ses limites. C’est pourquoi nous exhortons le gouvernement :
- A revenir sur une décision qui consiste à acter la colonisation de Chypre et à détruire son économie.
- A demander la convocation immédiate d’un sommet extraordinaire de l’UE, où la Grèce pourra exposer clairement son refus d’entériner une telle option.
La décision du Parlement chypriote, qu’elle advienne dans quelques heures ou dans les prochains jours, sera déterminante non seulement pour l’avenir de Chypre, mais sans doute aussi pour celui de l’ensemble de la zone Euro. Un NON fier et fort du parlement chypriote à la volonté de dissoudre la République de Chypre serait en même temps un NON de tous les peuples d’Europe à l’impasse mortifère dans laquelle l’Union s’engouffre. Il signalerait aussi que la résistance et la négociation ont leur place dans les moments même les plus difficiles. D’autant plus que ces trois derniers jours, la simple perspective d’un tel refus a déjà entraîné un premier recul des dirigeants européens. Que ceux qui pensent pouvoir sans cesse recourir au chantage et n’en finissent pas de jouer avec le feu, prennent désormais la mesure de leurs responsabilités.
Et qu’ils prennent conscience, surtout, qu’au-delà des gouvernements qui se laissent docilement contrôler, à l’instar des gouvernements grecs de ces dernières années, il y a des peuples qui ne sont pas prêts à se déclarer vaincus sans même s’être battus. Les peuples d’Europe n’ont pas dit leur dernier mot. Les peuples grec et chypriote seront à l’origine d’une réaction de l’ensemble des peuples d’Europe contre les projets destructeurs des dirigeants européens, ouvrant la voie à une autre Europe : une Europe démocratique ; une Europe de la solidarité et de la cohésion sociale.
Il faut rééquilibrer la relation franco-allemande
Extrait d’interview dans L’Humanité – 22 mars 2013
Quelles mesures sont à prendre de façon urgente ?
Jean-Luc Mélenchon. Au centre de tout : partager les richesses en faveur du travail, opérer la transition écologique du système de production. Pour cela, il faut frapper le coeur des problèmes, l'Europe. Marquer une rupture sur trois points. D'abord, la relation franco-allemande : totalement déséquilibrée, elle fonctionne à l'avantage exclusif du capitalisme allemand. Ensuite, l'euro. Nous avons toujours défendu l'idée que la monnaie unique pouvait être un point d'appui pour une politique progressiste, mais nous arrivons au point où ce discours devient inopérant du fait de l'obstination des dirigeants européens. Enfin, l'arc méditerranéen. Le moment n'est-il pas venu de nous apercevoir que nous avons un autre centre de gravité que l'Allemagne, du côté de la Méditerranée ?
Répondre à la domination allemande
Extrait d’interview dans Sud Ouest – 23 mars 2013
Un autre enjeu vient de surgir avec l'affaire chypriote. D'ici à dimanche, nous devons penser autrement notre rapport à l'Europe et à l'euro. Une page est en train de se tourner. Pis : à l'heure où nous parlons, nous ne savons pas si le système bancaire européen ne va pas s'effondrer dans les quarante-huit heures.
Cette crise majeure à quelques jours du congrès du Parti de gauche, c'est un signe ?
Oui : l'histoire s'accélère. Pour préparer ce congrès, je suis allé dans les pays du Maghreb. Le « Qu'ils s'en aillent tous ! » a déjà gagné l'Espagne et l'Italie, et arrivera inévitablement en France. L'épicentre de la révolution citoyenne et de la réponse à la domination allemande qui s'annoncent se trouve en Europe du Sud, où se concentre la crise. Le fait que le banquier central ait été capable, malgré le rejet du plan d'austérité par un Parlement, de décider tout seul de couper le robinet de l'euro à Chypre change tout le paysage politique de l'Europe. Nous sommes bien avec une fédération d'États-nations sans gouvernement démocratique et avec un autocrate absolu qui, de sa banque, peut décider de couper la gorge d'un peuple. Pour moi, c'est un franchissement de seuil. L'euro est devenu le garrot avec lequel on étrangle les peuples. Cela n'était pas prévu, mais cette question s'impose évidemment dans le congrès.
Vous allez prôner la sortie de l'euro ?
Le dire reviendrait à capituler et à clamer la victoire de Mme Merkel. Mais, s'il faut choisir entre la souveraineté des Français et l'euro allemand, nous n'aurons pas peur de choisir la souveraineté. Les Français sont des naïfs. Le couple franco-allemand avait été constitué par de Gaulle et Adenauer sur le principe de l'égalité pure et parfaite. À l'époque, l'Allemagne était moins peuplée que la France, dévastée, coupable de crimes contre l'humanité et coupée en deux. Pourtant, nous avions traité à égalité.
La situation de déséquilibre, conjuguée à la pleutrerie de nos gouvernants face à Mme Merkel, est en train de nous conduire à un très grand désastre en Europe. Seule la puissance de la France peut obliger les gouvernements allemands à bouger pour repenser l'Europe. L'essentiel tient en un point : la Banque centrale doit prêter directement aux États pour les mettre à l'abri de la spéculation internationale.
En route vers l’Europe allemande
L’essentiel pour moi c’est l’accélération de l’histoire qui se produit en ce moment avec l’épisode Chypriote. Le titre du « Monde » résume l’épisode géopolitique et financier : « Le FMI et Berlin imposent leur loi à Chypre ». Berlin ! C’est officiel, la carte de la puissance a changé en Europe ! Et pendant ce temps la France est tétanisée par des chefs sans consistance qui se rêvent en « bon élève de la classe européenne ».
(…)
Chypre soumise à l'Europe allemande
Confusion. Finalement, à Chypre, l'ouverture de tous les établissements a été repoussée à jeudi ! Et encore : si tout va bien d'ici là ! Car le plan arrêté dimanche à Bruxelles est certain d'aggraver les problèmes au lieu de les régler. La confusion est aussi dans les responsabilités. Qu’a fait Moscovici au nom de la France ? Chypre, cahier de brouillon des sorciers du libéralisme ! Chypre cahier de brouillon de la marche à la petite Europe allemande d’où le sud serait expulsé après avoir été saccagé.
Si l’on en croit Harlem Désir, Moscovici aurait été mis en minorité dans l’Euro-groupe. Une nouvelle stupéfiante. Personne ne l’a commentée. Trop de honte peut-être ? Pourtant en sortant il s’était réjoui : « L’euro groupe a fait son travail ». Puis il s‘est félicité aussi du nouveau plan qui formellement corrige le précèdent. Mais il a approuvé le mémorandum des mesures d’hyper austérité qui va s’appliquer en plus des mesures bancaires. En quoi consiste la politique de la France ? A dire amen à Madame Merkel, bien sûr. Sarkozy au moins le faisait par convictions libérales. Ceux-là sont juste des petits garçons. Le parlement chypriote ne se prononcera pas sur le plan acté dimanche soir à Bruxelles. Par contre, le parlement allemand votera lui. Car son aval est nécessaire pour que le Mécanisme européen de stabilité puisse prêter l'argent à Chypre. L'Europe austéritaire est ainsi faite : le pays concerné est dépossédé de sa souveraineté tandis que Madame Merkel peut tout bloquer. C’est ça l’Europe allemande concrète.
Sur le fond, l'Union européenne continue de jouer les pyromanes. Lundi, le hollandais Jeroen Dijsselbloem a aggravé la panique. Il est le président de l'Euro-groupe, la réunion des ministres des finances de la zone euro. Il a déclaré que le plan appliqué à Chypre était un "modèle" pour les futurs plans dans toute la zone euro. C’est exactement ce que j’ai dit au congrès du Parti de Gauche : Chypre est le cahier de brouillon de ce qui va s’appliquer ensuite à toute l’Europe. Selon lui, le fait de mettre à contribution les déposants et les actionnaires dans les plans de renflouement des banques doit devenir une constante dans tous les plans de l'UE. On imagine la confiance que les déposants et les actionnaires peuvent avoir dans les banques après cette annonce. Or le système bancaire est très fragile. Il repose par principe sur la confiance qu'ont les gens dans les banques, et les banques entre elles. C'est encore plus vrai dans une période de crise comme aujourd'hui, et alors qu'on sait que les banques sont remplies de titres financiers plus douteux les uns que les autres. La déclaration du président de l'Euro-groupe était donc très dangereuse. Il a d'ailleurs fini par revenir sur ces propos très vite. Mais il a ainsi fait la preuve de sa totale légèreté.
Le plan acté dimanche n'est pas acceptable. Il prévoit toujours un prêt de 10 milliards d'euros de l'Union européenne à l'Etat chypriote. Ce plan est soumis à plusieurs conditions. La première condition est la dissolution de la deuxième banque du pays, Laiki. Le gouvernement chypriote doit créer une structure nouvelle adossée à la première banque du pays, la Banque de Chypre. Cette structure devra recueillir les comptes des clients de Laiki dans la limite de 100 000 euros par compte. Au-delà de cette somme, et sauf s'ils disposent d'une garantie particulière, les clients perdront leur argent. La viabilité de ce montage est tellement incertaine que son principal maître d'œuvre, le président de la Banque de Chypre, Andreas Artemis, a démissionné après avoir constaté le contenu du plan.
La structure nouvelle, une "good bank" devra aussi reprendre la dette de Laiki à l'égard de la Banque centrale européenne. Cette dette se monte à 9 milliards d'euros. Les dirigeants européens refusent d'annuler cette dette au motif que cela reviendrait à financer la faillite d'une banque à la place de l'Etat chypriote, donc à financer indirectement l'Etat chypriote. On est en plein délire. Les dirigeants européens préfèrent faire couler une banque plutôt que de rompre avec leur dogmatise libéral.
Toute la crise chypriote vient de là. Si la BCE avait pu prêter à la Grèce, la Grèce n'aurait jamais eu besoin d'annuler une partie de sa dette. Or c'est l'annulation de cette dette qui a porté le coup de grâce au système bancaire chypriote. Bien sûr, le système financier chypriote était déjà hypertrophié. Mais la goutte d'eau qui menace aujourd'hui d'envoyer les banques chypriotes par terre a été leurs pertes dans l'annulation partielle de la dette grecque.
De même, si la BCE pouvait prêter aujourd'hui à l'Etat chypriote, on n'en serait pas là. La dette publique chypriote représente à peine 0,2% du PIB européen. Si le gouvernement de Chypre en est réduit à dissoudre une banque et taxer les déposants, c'est parce que le FMI et l'Union européenne refusent de lui prêter plus de dix milliards d'euros. Or cette somme ne suffit pas à faire face aux besoins de capitaux pour éviter l'effondrement du système financier de l'île. Pourquoi le FMI et l'UE ne veulent-ils pas prêter plus ? Parce que la dette chypriote deviendrait selon eux "insoutenable". Pourquoi serait-elle "insoutenable" ? Parce que les marchés financiers refuseraient de prêter ou exigeraient des taux d'intérêts très élevés. On voit donc que tout le problème vient de l'impossibilité faite à l'Etat chypriote de financer sa dette ailleurs que sur les marchés financiers, en s'adressant directement à la Banque centrale européenne. Les règles absurdes de l'Europe libérale nous empêchent de régler un problème de la taille d'un confetti.
Chypre est pris à la gorge par ses banques et l'UE refuse la voie de secours la plus simple et la moins coûteuse. Dès lors, l'UE exige un plan qui va détruire le pays. Je m'explique. Premièrement, les sommes supérieures à 100 000 euros déposées sur les comptes bancaires des deux plus grandes banques du pays vont être mises à contribution. Les sommes placées dans la première banque du pays seront transformées en actions de la banque pour éviter sa faillite. Le prélèvement devrait toucher entre 30% et 40% des sommes. Quant à celles placées dans la deuxième banque, elles devraient disparaître pour l'essentiel. Cette mesure frappera très durement les entreprises chypriotes qui ont placé leur trésorerie dans ces banques. Déjà, la fermeture temporaire des banques a complètement bloqué l'économie du pays. Le plan va transformer cette situation temporaire en effondrement durable.
Le plan va entraîner une sévère réduction du secteur financier qui pèse pour la moitié dans la production du pays. Cela pourrait être une bonne chose si cela s'accompagnait d'un plan de diversification de l'économie de l'île et de développement d'autres activités. Mais il n'en est rien. Le plan prévoit aussi des mesures d'austérité, des hausses d'impôts et des privatisations. Cet aspect est peu présent dans les commentaires. Mais il est bien réel. Chypre subira le même sort que la Grèce, le Portugal, l'Espagne, l'Italie etc. C'est d'autant plus vrai que la nouvelle version du prélèvement sur les dépôts ne devrait par rapporter tout l'argent nécessaire.
L'économie de Chypre va s'effondrer avec l'application de ce plan. Il va produire un cocktail explosif : un choc d'austérité, un choc de contraction du crédit car les banques survivantes ne voudront plus prêter, un choc d'incertitude car les citoyens et les entreprises n'auront plus confiance en rien ni personne, et d'autres chocs négatifs encore. Déjà la récession devrait atteindre 10% de la richesse du pays en 2013. Des économistes sérieux tablent sur un recul d'un quart de la richesse du pays dans les prochaines années. Comme en Grèce, le budget du gouvernement chypriote ne sera probablement pas suffisamment doté pour soutenir les programmes sociaux permettant de lutter contre les effets du chômage. La spirale infernale se met en place. Et elle ne repoussera la faillite de Chypre que de quelques semaines ou de quelques mois. Voila où mène l'aveuglement des dirigeants européens.
Ils veulent cacher cette réalité. Pour cela, les eurocrates ont recours à une forte dose d'hypocrisie et de mensonges comme l'a montré mon camarade François Delapierre sur son blog. Ainsi, on nous explique que ce plan va faire payer les oligarques russes qui ont placé leur argent à Chypre. Mais personne ne dit rien sur les dizaines de millionnaires russes résidant à Londres à qui le gouvernement du Royaume-Uni offre un "visa première classe" en échange d'investissement dans le pays. Ni sur les exilés fiscaux anglais qui pullulent à Chypre.
Et si le but est de faire payer les oligarques russes, pourquoi l'UE ne limite-t-elle pas sa garantie aux seuls comptes des résidants européens ? Ainsi, les oligarques russes perdraient tout, et le peuple chypriote ne perdrait rien ou presque. C'est ce qu'on fait les Islandais en refusant de payer les clients étrangers de leurs banques comme le dit si bien Frédéric Lordon à « Marianne » : « C'est bien ce qu'ont fait les Islandais qui n'ont pas hésité à refuser d'indemniser les clients britanniques et hollandais de leurs banques quand celles-ci étaient sur le point de s'écrouler. On ne sache pas d'ailleurs que ces pauvres clients non-résidents des banques islandaises aient eu quoi que ce soit à se reprocher, sinon d'avoir été victimes des promesses de la mondialisation financière et de s'être laisser tourner la tête par des promesses de rémunération accrue… mais sans se préoccuper de la sécurité de leurs avoirs dans des institutions situées hors de leur propre espace juridique – mais il n'est probablement pas d'autre moyen que ces déconvenues cuisantes pour venir à bout de l'esprit de cupidité; on peut d'ailleurs parier que tous ces infortunés déposants resteront maintenant tranquillement chez eux plutôt que d'aller courir la banque en ligne mondialisée pour gratter quelques points de taux d'intérêt en plus. »
Hypocrisie quand les dirigeants européens critiquent Chypre pour être un "paradis fiscal". C'est vrai. Mais pourquoi ne disent-ils rien au sujet du Luxembourg, principal paradis fiscal dans la zone euro ? C'est pourtant un luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, qui présidait la zone euro jusqu'à il y a quelques mois.
Hypocrisie encore quand ce plan est présenté comme punissant les évadés fiscaux. Car ce plan exonère les filiales chypriotes des banques européennes de toute taxe et leurs clients de toute perte. Les principales banques concernées sont deux françaises, la BNP et la Société générale, et deux allemandes, la Commerzbank et la Deutsche Bank. Pourquoi ces banques ont-elles des filiales dans un "paradis fiscal" ? Qui sont les clients de leurs filiales à Chypre ? Pourquoi ne participent-ils pas à "l'effort" demandé aux chypriotes ?
Hypocrisie toujours quand les dirigeants européens refusent de voir dans la crise chypriote une conséquence directe de leur gestion dramatique de la crise grecque. C'est pourtant ce que dit Mario Skandalis, un haut dirigeant de la première banque chypriote dans la presse luxembourgeoise : « Malheureusement, nous avons pris la mauvaise décision d'accepter (en 2012) la décote » des titres publics grecs et « nous avons perdu 4,5 milliards d'euros », soit le quart du PIB annuel chypriote, alors que « nous répondions à une demande de l'Union européenne »".
Hypocrisie enfin quand toutes ces remarques n'ont jamais été faites au moment de l'entrée de Chypre dans la zone euro en 2008. Pas plus que l'harmonisation fiscale n'a été proposée dans le traité de Lisbonne qui l'interdit. C'est pourtant le plus sûr moyen d'éradiquer les "paradis fiscaux" dans l'Union européenne.
Je le redis. Ce qu'il fallait faire, c'est mobiliser la Banque centrale européenne pour écarter tout risque de faillite. Cela aurait immédiatement mis fin à la panique. Et cela aurait permis d'engager une réforme du système bancaire et une diversification de l'économie chypriote de façon plus réfléchie. L'autre option, qui est complémentaire, était de restructurer la dette chypriote, qu'ils s'agisse de la dette de l'Etat ou de la dette des banques. Il était par exemple possible de négocier un étalement de cette dette sur une plus longue période que celle actuellement fixée. Cela aurait rendu plus supportable le remboursement en réduisant les montants à rembourser ou en allongeant les délais. Cela aurait été un défaut "soft" par opposition à une annulation brutale de dette. La garantie du remboursement aurait pu être assise sur les futurs revenus gaziers de l'île ou sur les propriétés foncières et immobilières de l'Eglise orthodoxe de Chypre, premier propriétaire du pays.
Bien sûr, cela aurait préservé aussi les oligarques. Mais là encore, Frédéric Lordon dit les choses crûment : « Dans une situation pourrie, la rationalité est de choisir entre deux maux le moindre. Rien ne surpassant le risque de la panique bancaire, la seule ligne de conduite raisonnable consistait à l'éviter à tout prix – quitte à devoir sauver au passage quelques crapules ». Nous nous serions occupés d'eux ensuite.
Au lieu de ça, l'Union européenne s'enfonce dans une fuite en avant. Le contrôle des capitaux prévus à la réouverture des banques chypriotes risque de ne pas être vraiment effectif ni efficace. Seuls les Chypriotes risquent d'être réellement impactés. L'Etat chypriote risque donc de ne pas ponctionner autant d'argent qu'il le pense. Et nous reviendrons alors à la case départ : celle du risque de défaut de paiement de l'Etat chypriote ou de la banque qui aura survécu. Tant de brutalités anti-sociales et anti-démocratiques pour un résultat probablement minable ! Sauf si le but est d’avancer dans la construction de cette Europe allemande dont les pays du sud de l’Europe seraient exclus, une fois ruinés l’un après l’autre.
L’Europe devient une Europe allemande
Extrait d’interview dans Direct Matin – 28 mars 2013
L’axe franco-méditerranéen que vous prônez est-il une alternative à l’Europe ?
L’Europe devient une Europe allemande, qui fonctionne au rythme de Mme Merkel. Il faut prendre acte de cette situation qui résulte de la lâcheté des dirigeants français. Cela me conduit à procéder à une réévaluation de la position de notre pays dans la construction européenne ; la France sera plus forte si elle assume sa position méditerranéenne et forme une ligue avec les pays du Sud, mis en cause par l’Allemagne avec ceux de la façade magrébine.
Aller jusqu’au bout du débat sur l’Allemagne
Je me réjouis de voir que des socialistes ont enfin admis le problème posé par le rôle néfaste du gouvernement d'Angela Merkel dans la destruction de l’Union Européenne.
Je leur dis bienvenue dans nos horizons d’analyses et de prospectives.
Je forme le vœu qu’il ne s’agisse pas d’une ruse de communication. J’espère que le PS n’a pas l’intention de dénoncer madame Merkel pour mieux se dédouaner d’appliquer sa politique en France sans en prendre la responsabilité.
A cette occasion, je veux contribuer aux débats en offrant en partage mes propres contributions sur ce sujet, telles que je les ai défendues depuis deux ans sans relâche sous forme de tribunes, de livres ou sur mon blog. J’ai donc constitué un recueil de mes thèses a partir de ces documents.
J’y démontre que le modèle économique allemand n’en est pas un, que la politique austéritaire imposée à l’Europe ne sert qu’une vision étroite des intérêts de la seule Allemagne des nantis, et que depuis l’unification des Allemagnes, la pratique française est caractérisée par une « iréal-politik » bien plus dangereuse que le cynisme de l’ancienne « réalpolitik ». Je montre que la nouvelle Allemagne est conduite a une forme de domination sur l’Europe spécialement agressive vis-à-vis de l’Europe du sud.
Je forme le vœu que ce débat soit mené jusqu'au bout ! Il s’agit de permettre à la France d'ouvrir un nouveau chemin en Europe. De tourner le dos à l'austérité et de commencer un chapitre de la relation franco-allemande débarrassée de l’esprit de domination que le gouvernement allemand y fait régner et de soumission auquel les gouvernements français se résignent.
Allemagne : le débat impossible
Extrait de la note « Il fera bon et beau peuple dimanche » – 2 mai 2013
Les membres du PS devaient discuter de l'Europe. Ils organisent une convention sur le sujet le 16 juin. Le texte-unique officiel est très fade. Il a été bien purgé. Une version provisoire avait fuité dans Le Monde de vendredi 26 avril. Ce premier texte avait été écrit par Jean-Christophe Cambadélis. Il critiquait "l'intransigeance égoïste" d'Angela Merkel, décrite en "chancelière de l'austérité". Ces critiques étaient parfaitement fondées. On a cru un instant que le PS nous rejoignait dans la critique du prétendu modèle allemand et de l'impasse dans laquelle Mme Merkel conduit toute l'Europe. J'en profite pour dire que ceux qui sont intéressés par le sujet peuvent retrouver l'ensemble de mes textes sur ce thème puisque je les ai regroupés en un seul document.
C'était d'autant plus vrai que ce texte arrivait deux jours après la sortie du président PS de l'Assemblée nationale Claude Bartolone contre la droite allemande. Déjà dans « Le Monde », il avait appelé à une "confrontation" avec la droite allemande. On pouvait se demander si les lignes n'avaient pas un peu bougé. Patratas ! Sitôt le document provisoire connu, les solfériniens sont montés en ligne pour servir de bouclier à Mme Merkel et à son gouvernement conservateur. Michel Sapin a tiré le premier : "Le terme de confrontation, qui a été utilisé ces derniers jours, est un terme totalement inapproprié, inadapté. C'est-même un contre-sens dans la relation. Si on veut le débat, il faut éviter les mots qui blessent". Il a été suivi par Pierre Moscovici : "L'idée qu'il faudrait une confrontation avec l'Allemagne est fausse et totalement contre-productive. (…) Ce n'est pas en entrant dans une logique de dénonciation, de stigmatisation ou de rupture que l'on peut espérer faire avancer les choses." Enfin Manuel Valls a été le plus ridicule. Il a dénoncé "des propos irresponsables, démagogiques et nocifs. Il ne peut pas y avoir de recherche d'un bouc émissaire qui aurait le visage d'Angela Merkel. Si elle gagnait les élections en septembre, que ferions-nous ? Nous déclarerions la guerre à l'Allemagne ?". Oui c’est ça, Manuel Valls, tu as bien compris : Claude Bartelone veut déclarer la guerre à l’Allemagne ! Comme il est subtil et modéré ce Valls ! Ce n’est pas lui qui oserait parler de « balai » ou d’une « outrance » de cette sorte ! Jean-Marc Ayrault voulait probablement dire la même chose en vantant "l'amitié franco-allemande" dans deux tweets en français et en allemand. Comme si le débat sur la politique économique en Europe était une question d'amitié entre les peuples !
Les solfériniens veulent tuer le débat. Dès le samedi, Jean-Christophe Cambadélis a rétropédalé. Il a fait retirer du texte toutes les références contre Angela Merkel. Moins de 72 heures après avoir fait semblant de crier très fort, le PS est rentré dans le rang. Peut-être craignait-il qu'on lui fasse remarquer en Allemagne comme en France qu'il applique en France une politique très proche de celle d'Angela Merkel.
Les Allemands ne sont pas en état de nous dire non
Extrait d’interview dans Metro – 3 mai 2013
Si vous étiez aujourd'hui à la place de François Hollande, dans les négociations avec l'Allemagne, comment pouvez-être certain que vous feriez mieux ?
Ce qui est certain, c'est qu'on ne gagne jamais une bataille qu'on ne mène pas. Et Hollande ne s'est pas battu. Il ne comprend rien à la façon dont fonctionne la tête d'un dirigeant de la CDU. Madame Merkel, je la mets en cause parce qu'elle est à la tête d'un grand pays de 80 millions d'habitants, qui se sent absolument tranquille parce que, quoi qu'il dise, tous les autres sont d'accord, fascinés qu'ils sont par le matraquage idéologique qui fait de l'Allemagne un soi-disant modèle.
Comment faire ? Je tiens à rappeler que nous ne sommes pas un petit peuple, nous ne sommes pas des bons à rien comme l'écrivent constamment les déclinistes dans les grands journaux. La France est une grande Nation, très forte, très puissante dans les domaines intellectuels. Nous allons être le peuple le plus nombreux d'Europe d'ici 15 à 20 ans. Nous sommes un peuple jeune, avec des besoins de jeunes. Nous sommes la Nation stratégique d'Europe.
La question est de savoir quels sont les intérêts des peuples, des Allemands et des Français. Et là, on discute, on voit comment on peut s'accorder ensemble. Les Allemands ne sont pas en état de nous dire non sans y regarder à deux fois. Nous sommes en état de fédérer les pays de l'Europe du Sud, tous ruinés et pris à la gorge.
Enrico Letta, chef du gouvernement italien, est justement opposé à une union des pays du sud contre l'Allemagne ?
Qui ça ? Ça ne compte pas, Letta n'est rien du tout. Sa légitimité politique est égale à zéro. Il n'a pas été élu pour faire un gouvernement d'union nationale. D'ailleurs il n'a été élu par personne puisque ce n'est pas lui qui dirigeait le Parti démocrate. C'est l'une des marionnettes de la troïka. Il fait de la com'. Il se rapproche de François Hollande, qui est un autre ectoplasme de la même tribu, pour, finalement, se rallier à Mme Merkel.
Ce n’est pas un colloque scientifique qui va convaincre Madame Merkel
Extrait d’interview à Politis – 3 mai 2013
Le sentiment qu’on va dans le mur se répand. On commence à voir sous des plumes inattendues, notamment d'économistes libéraux, des critiques de la BCE et de notre système européen. Va-t-on vers un tournant forcé imposé à Hollande par la situation ?
Parmi les intellectuels, la conscience que l'austérité n'est pas la réponse à la crise est grandissante. Le rapport de force idéologique s’améliore et nous nous sentons moins seuls. Mais il ne suffit pas d’indiquer les réponses qui seraient nécessaires. Il faut mettre en place le rapport de forces qui convient pour les faire advenir. Ceux qui croient qu’un colloque scientifique va convaincre Mme Merkel, les banques allemandes et le banquier central, se trompent sur la nature réelle du monde. Ce n'est pas seulement une affaire de bonnes relations et de souplesse diplomatique. Cela passe par une réorganisation profonde de l'Union européenne et de son projet. Qui propose une stratégie de changement ? Est-ce qu'elle est praticable ? C'est la caractéristique du Front gauche et des partis du Parti de la gauche européenne de mettre en avant les programmes et la méthode qui va avec, l'implication populaire. La légitimité des politiques d'austérité est dorénavant totalement minée, mais les mécanismes de conservation et de permanence des politiques néo-libérales sont intacts. Ils ne peuvent être vaincus que par la force des mobilisations sociales et politiques.
Récession : Hollande et son gouvernement tétanisés par la peur de Merkel
La France entre en récession. Le chômage va donc exploser. Le désastre social est assuré.
L'obstination de François Hollande et de son gouvernement, tétanisés par la peur de Mme Merkel et des bureaucrates de la Commission européenne met notre pays en grand danger.
Président, changez de cap pendant qu'il en est encore temps !
Extrait de la note « le lendemain du jour ou Clément l’anti fa a été assassiné » – 6 juin 2013
Après l’ère Merkozy, voici celle du Merkhollande. Ce n’est pas seulement l’abaissement permanent des présidents français qui doit être retenu. C’est surtout que l'alliance entre les sociaux-libéraux et la droite en Europe franchit un nouveau cap. Le vote commun de l'UMP et du PS sur les traités européens en 2005, 2008 et en septembre dernier affichait déjà le programme. La conférence de presse de François Hollande le 16 mai puis la "contribution commune" Hollande-Merkel du 30 mai ont marqué un alignement définitif officiellement inscrit dans la durée. Pour les socialistes français c’est une capitulation d’autant plus misérable qu’elle se produit au moment même où est censée avoir lieu une discussion et même un vote sur le sujet dans leurs rangs.
Hollande se rallie à la Merkelisation de l'Europe. "L'offensive européenne" en quatre points qu’il a présentée pompeusement le 16 mai est en réalité une simple copie de Merkozy. L’emballage ne fera illusion qu’auprès des journalistes complaisants ou ignorants, ce qui est souvent la même chose. Ainsi de l’artifice sur « l'emploi des jeunes ». Sur ce point encore une fois, la proposition Hollande-Merkel reprend du vieux pour faire du neuf comme ce fut le cas déjà pour le pseudo plan de croissance. En effet cela n'annonce rien d'autre que l'utilisation en 2014 et 2015 des fonds prévus dans le budget européen pour 2014-2020. Bien sûr, Hollande et Merkel font comme si ce budget était voté, ce qui n’est pourtant pas encore le cas puisqu'il a été rejeté par le Parlement européen. Ces deux-là ne s’encombrent pas des apparences car ils savent bien qui, pour finir, décide. Ils oublient aussi de préciser que dépenser en deux ans une somme d'argent prévue pour six ans ne fait pas dépenser plus d'argent au total. Ils ne précisent pas non plus comment ils comptent financer après 2015 les programmes européens pour l'emploi des jeunes si tout l'argent prévu à déjà été dépensé. De toute façon, Hollande vient faire tapisserie dans cette histoire. Car les Allemands se sont déjà attelés à cette distribution d’argent déjà existant depuis quelque temps déjà. C’est ainsi que les ministres allemand et portugais des finances, Wolfgang Schäuble et Vítor Gaspar, ont déjà conclu un accord le 22 mai dernier « afin de lutter contre le chômage des jeunes dans l’État d’Europe méridionale qui croule sous les dettes ». Et Berlin a aussi signé un accord similaire avec l’Espagne le mois dernier ! Si Hollande veut savoir que penser de cette comédie, il peut écouter ses amis sociaux-démocrates allemands encore dans l’opposition ! Ils qualifient cette opération de « tentative tardive en vue de restaurer l’image de l’Allemagne en Europe méridionale ». Mais aux français, les solfériniens et leurs griots médiatiques font croire qu’il s’agit d’une initiative de leur glorieux chef élyséen…
Quoi qu’il en soit, le cœur de "l'offensive" est ailleurs. Hollande se rallie donc à l'idée du "gouvernement économique" européen. Que cela soit présenté comme son idée et même le cœur de son « offensive » en dit long sur l’ignorance des commentateurs qui se sont prêtés à ce numéro de cirage de pompes ! Le 16 mai, péremptoire, il a déclaré solennellement vouloir "instaurer avec les pays de la zone euro un gouvernement économique". Hollande a cinq ans de retard. L'idée d'un "gouvernement économique clairement identifié" pour la zone euro était déjà avancée par Nicolas Sarkozy en octobre 2008. Pour être précis, voici ce que François Hollande propose pour ce "gouvernement économique" : il "se réunirait, tous les mois, autour d’un véritable Président nommé pour une durée longue et qui serait affecté à cette seule tâche. Ce gouvernement économique débattrait des principales décisions de politique économique à prendre par les États membres, harmoniserait la fiscalité, commencerait à faire acte de convergence sur le plan social par le haut et engagerait un plan de lutte contre la fraude fiscale". La "contribution commune" Hollande-Merkel reprend l'idée d'"un Président à plein temps de l’Eurogroupe des ministres des Finances disposant de moyens renforcés".
On se pince quand on connaît la réalité déjà existante. Mais Hollande la connaît-il ? C’est à se le demander. Sur le fonctionnement d'abord. Les ministres des finances de la zone euro se réunissent déjà tous les mois au sein du conseil des ministres de l'Eurogroupe. L'Eurogroupe a déjà un président désigné pour deux ans et demi. Actuellement, c'est le néerlandais Jeroen Dijsselbloem qui est président. Avant lui, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker avait été reconduit pour trois mandats soit six ans et demi. N'est-ce pas une durée longue ? La seule chose nouvelle que proposent Hollande et Merkel est que le président de l'Eurogroupe ne soit plus en même temps le ministre des finances de son pays. Qu'est-ce que ça changerait si c'est pour mettre à la place une bûche du style de la baronne Ashton ou d’Herman Van Rompuy ? Offrir une place à Moscovici après son prochain départ de Bercy ? Tout ça pour ça ?
Hollande comprend-il ce qu’il dit ? Comment peut-il attendre une politique d'harmonisation fiscale et sociale sous la houlette de ce « gouvernement économique » ? Elle est interdite par le traité de Lisbonne ! François Hollande est censé le savoir. Il a voté pour ce traité le 7 février 2008 à l'Assemblée. Et quand bien même ! De toute façon, où a lieu l'essentiel du dumping social et fiscal dans l'Union européenne ? Précisément dans les pays qui ne sont pas non membres de la zone euro : essentiellement à l'Est de l'Europe. Donc l'Eurogroupe n'est pas l'instance efficace pour cela. Enfin notons qu’il est peu crédible de vouloir lutter contre le dumping social et fiscal dans la zone euro, tout en refusant la "confrontation" avec l'Allemagne que proposait Claude Bartolone ! En effet c'est d'abord en Allemagne qu'on trouve des wagons de travailleurs précaires surexploités. Et c’est aussi d'abord l'Allemagne qui a abaissé son impôt sur les sociétés à 15% pour en faire l'un des plus bas de toute l'Union européenne !
Merkel a donc gagné sur toute la ligne. Pour faire plaisir à Hollande, elle a accepté l'idée de ce ""président à temps plein" pour l'Eurogroupe. Je viens de dire quel petit moins que rien c’est là. Par contre, en échange, Hollande s'est rallié à une des idées les plus violentes défendue par Merkel depuis plusieurs mois. Je prie mon lecteur de m’excuser à partir de cet instant pour la lourdeur de mon exposé. Je suis contraint pour la sincérité de mon récit de faire des citations. Comme on le sait la prose européenne est une des plus pesantes langues de bois du monde. Elle sert autant a désigner les choses qu’a obscurcir leur objet. Ici s’y ajoute la dose de mystification permanente qui est le propre du style du président français. Car ici encore, une fois de plus, c’est à coup de petites phrases calibrées comme un collier de perles que c’est fait le ralliement du si mou président français. Le 16 mai, le quatrième point de "l'offensive européenne" de Hollande consistait en "une nouvelle étape de l'intégration européenne". Officiellement, il s'agissait d'"une nouvelle étape de l'intégration européenne avec une capacité budgétaire qui serait attribuée à la zone euro et la possibilité, progressivement, de lever l'emprunt". C’est mal dit et mal écrit mais en lisant deux fois on comprend. Puis le 30 mai suivant à Paris, la déclaration commune Hollande-Merkel a été plus claire, du moins dans le vocabulaire de la novlangue des libéraux. C’est ainsi que les deux bons apôtres proposent la création d'"arrangements contractuels pour la compétitivité et la croissance". Ces "contrats de compétitivité" sont défendus par Merkel depuis des mois. Elle en avait en particulier fait la proposition le 7 novembre 2012 devant le Parlement européen. Cette idée a depuis été reprise dans les conclusions du Conseil européen de décembre 2012. Ce n'est donc pas une nouveauté. Mais la "contribution commune" Hollande-Merkel appellent à "mieux définir" ce "concept". Et elle propose en effet une définition de ces contrats : "Les Etats membres et le niveau européen entreront dans des engagements contractuels. Les deux parties s’engageront à mettre en œuvre les mesures décidées dans le cadre de ces arrangements contractuels. Les Etats non membres de la zone euro sont invités à participer sur une base volontaire. Il conviendrait d’élaborer des mécanismes de solidarité dans ce cadre. Un nouveau système d’incitations financières limitées et conditionnelles spécifique à la zone euro sera mis en place afin de soutenir conjointement les efforts entrepris par les Etats membres concluant des arrangements contractuels dans le cadre d’un ensemble global de dispositions comportant des incitations non financières. La création d’un fonds spécifique pour la zone euro sera utile dans ce contexte.".
Derrière ce langage abscons, c'est le FMI a domicile, qui se profile. Les « contrats de compétitivité », ce n’est rien d’autre que l'institutionnalisation des "plans d'ajustement structurel" du FMI et de la Troika. Le FMI et la Troika exigent des engagements de réformes brutales en échange d'argent. Mais jusqu’à présent ce chantage odieux ne s’appliquait que dans les pays qui leur demandait de l'argent et pour la période du prêt. La proposition Hollande-Merkel reviendrait en fait à créer un mécanisme permanent et universel. Il s'appliquerait aux Etats de la zone euro sans même le prétexte qu'ils aient besoin "d'aide". Chaque pays devrait signer un contrat et s'engager sur des réformes structurelles rien que pour pouvoir accéder à des fonds européens ordinaires. Ces "contrats de compétitivité" reviendraient à réserver une partie des fonds européens aux bons élèves du libéralisme et de l’austérité. Et pour les autres ? Rien !
Cette "nouvelle étape de l'intégration européenne" présenté comme une géniale vision du leader minimo est donc en réalité un ralliement de Hollande à l'exigence répétée par Merkel depuis 2011. En effet en novembre 2011, Angela Merkel avait dit très clairement sur le ton du nouveau propriétaire des lieux: "une avancée vers une nouvelle Europe ne pourra se faire que si nous sommes prêts à changer nos traités. Cela peut se limiter aux pays membre de la zone euro. Mais les Etats Membres doivent se préparer à se lier de manière contraignante à la communauté". Quelques mois plus tard, elle en a remis une couche. En juin 2012, voila ce qu'elle déclarait : "Il n’y aura pas de bonne union économique et monétaire sans union politique, synonyme d’abandon de souveraineté. Je ne peux pas vouloir des euro-obligations et me voir refuser tout contrôle sur les budgets nationaux". Enfin, l'apothéose a eu lieu le 18 octobre 2012 au Bundestag. Angela Merkel s'est prononcé pour un "droit d'ingérence" et un "droit de véto" de la Commission européenne sur les budgets nationaux. Le président de la République française est au courant de ces propositions. Quelle est sa position sur cette question ? Il ne l'a jamais dit. Il s’est contenté d’essayer de faire croire que ce serait là sa propre idée ! Lamentable !
Merkel est à l'offensive. Elle avait fait cette déclaration dominatrice à peine une semaine après que le Parlement français a ratifié le traité budgétaire Merkozy non renégocié. On voit que sitôt une étape franchie, Merkel passe à la suivante. Elle vient de faire la même chose. Le 30 mai, Hollande avale définitivement les "contrats de compétitivité". Le 3 juin, dans Der Spiegel, Merkel raccourcit encore la laisse. Dorénavant, elle ne souhaite plus que ce soit la Commission qui voit ses pouvoirs de contrôle renforcés. Elle veut que les Etats se contrôlent mutuellement sous couvert de "coordination". Dit autrement, elle veut se charger elle-même du contrôle ! Voici ce qu'elle a déclaré : "Je ne vois pas dans l'immédiat la nécessité de transférer dans les années à venir encore plus de prérogatives vers la Commission à Bruxelles. François Hollande et moi sommes beaucoup plus favorables à une meilleure coordination des domaines politiques qui ont un rôle décisif dans le renforcement de notre compétitivité. Nous pensons par exemple aux politiques de l'emploi et des retraites, mais aussi aux politiques fiscales et sociales". Les naïfs et les libéraux n'ont insisté que sur la première phrase. Oubliant la deuxième et ignorant ce que François Hollande venait d'accepter.
De toute façon, Hollande a capitulé. Sans condition. C'est une capitulation géopolitique de la France. Et une capitulation idéologique des sociaux-libéraux. Dans sa conférence de presse du 16 mai, François Hollande a reconnu explicitement ce ralliement à l'Europe Merkel. Il est même allé jusqu'à nier la nécessité d'un débat politique sur l'Europe. Voila ce qu'il a dit et que personne n'a relevé : "L’idée européenne exige le mouvement. Si l’Europe n’avance pas, elle tombe ou plutôt elle s’efface ; elle s’efface de la carte du monde, elle s’efface même de l’imaginaire des peuples. Il est donc plus que temps de porter cette nouvelle ambition. L’Allemagne, plusieurs fois, a dit qu’elle était prête à une Union politique, à une nouvelle étape d’intégration. La France est également disposée à donner un contenu à cette Union politique. Deux ans pour y parvenir. Deux ans, quels que soient les gouvernements qui seront en place. Ce n’est plus une affaire de sensibilité politique, c’est une affaire d’urgence européenne". Le rêve de Merkhollande, c'est la fin du débat sur l'Europe. Nous sommes donc leur cauchemar.
La ligne de fracture à propos du rôle de l’Allemagne recoupe celle sur les politiques d’austérité
De bonnes nouvelles viennent du parti socialiste en pleine décomposition. Un bon point pour les socialistes du rang. Ils parviennent à desserrer l’étau de François Hollande sur la question de l’Allemagne et de l’Europe en général. Le groupe « la gauche populaire », pourtant composé d’une majorité d’anciens Strauss-Kahniens, fortifié par l’appui de Claude Bartolone et Arnaud Montebourg, a remis sur le devant de la scène la question de l’alignement du gouvernement Ayrault sur la politique des conservateurs allemands. Peu importe que leurs « quatre propositions clé » soient très molles et quasi inefficientes compte tenu du fait que les traités qui les rendent inapplicables ne sont pas mis en cause. Il n’en reste pas moins que rien ne fait davantage de bien à notre argumentaire que cette prise à revers du dispositif officialiste venue des rangs même du parti de la rue de Solférino. Comme l’ambiance a changé ! Il y a trois ans, j’ai publié mon livre « Qu’ils s’en aillent tous » et j’y évoquais l’impasse dans laquelle Angela Merkel conduisait la France et l’Europe. Aussitôt, Cohn-Bendit et sa bande avaient aboyé contre ma prétendue mise en cause des « boches ». L’habituel chœur des indignés et des « déçuuuus » avait jeté des grosses larmes sans même aller s’assurer de ce que j’avais réellement écrit où il n’était nullement question de « boches », évidemment, mais bien de l’émergence de l’hégémonie de la droite allemande en Europe. A l’époque l’angélisme régnait. « L’iréalpolitique », triomphait. Aveuglé par la propagande doucereuse d’Outre-Rhin, saoulés de certitudes libérales en acier chromé, ivres d’argumentaires iréniques, tous les Jeannot-lapins de la politique gambadaient dans les prairies hallucinogènes où vivent les Bisounours. De son côté, le Parti de Gauche, de réunion en congrès a progressivement fait sienne d’une façon détaillée et argumentée la dénonciation de l’hégémonie de la droite allemande sur la construction européenne. J’ai publié une suite de notes que j’ai réunies en un recueil ordonné de textes et celui-ci a déjà été traduit au moins dans une revue espagnole, du fait de l’appétit pour ce type de décryptage partout en Europe ! Nous avons mis à nu le cœur du moteur libéral de cette politique et fait un inventaire soigneux de ses conséquences néfastes pour les Allemands eux-mêmes. Autour de nous l’ambiance est devenue plus perméable à nos thèses. Ainsi, même le journal « Le Monde », au moment où Marine Le Pen a repris elle aussi cet argumentaire, s’est lui aussi fendu d’un titre barrant toute une page pour mettre en cause « l’Europe allemande ». En fait, la ligne de fracture à propos du rôle de l’Allemagne recoupe celle sur les politiques d’austérité. Mettre en cause le gouvernement allemand et mettre en cause les politiques d’austérité, ce sont deux façons de dire la même chose. C’est pourquoi tout ce qui disloque le dispositif européen de madame Merkel est bon à prendre. A condition de ne pas se laisser embarquer dans le nationalisme où vont bientôt tomber les convertis de la dernière heure. Autrement dit l’hostilité à la politique allemande n’a de sens que vue et pensée depuis le point de vue anti-austéritaire qui permet le trait d’union entre nos peuples.
Le cœur du dispositif de madame Merkel est à Paris. Tout l’espace qu’elle peut occuper repose sur la soumission de la France. Tant que la France consent, aucun autre pays ne peut résister. Du coup cela explique pourquoi nous devons nous attacher à aider de toutes les façons possibles ceux qui minent de l’intérieur, quelles que soient leur motivations, la construction politique qui permet a François Hollande et aux solfériniens de tenir son pacte néo-libéral avec les Allemands de la CDU CSU et du SPD héritier de Gerhard Schröder. Savourons donc le vote qui vient d’avoir lieu au PS la semaine passée.
Cesser d’être à la remorque du gouvernement allemand
Extrait d’interview dans La Libre Belgique – 15 juin 2013
On ne voit toujours pas le bout du tunnel de l’actuelle crise économique. Pourquoi dites-vous que le président Hollande joue un rôle dans cet enlisement ?
Cette crise va s’aggraver à cause des politiques de contraction de la dépense publique et des salaires. En bref, on produit n’importe quoi, n’importe comment et au plus bas coût possible, et cela fait que les moteurs de la consommation populaire s’éteignent. L’Allemagne impose cette politique à tous les autres pays européens, car son gouvernement dépend entièrement des rentiers allemands. 15% de cette population dépend de retraites par capitalisation, il lui faut un euro fort et des dividendes élevés. L’Allemagne joue donc un rôle particulièrement néfaste en Europe… Mais la France, qui est 2ème économie, propose aussi cette politique d’austérité qui mène à davantage de désastres économiques, toujours plus de pauvreté, ainsi qu’une montée de la droite extrémiste. François Hollande a une responsabilité aggravée dans cette situation, car il a été élu – avec 4 millions de voix provenant du Front de gauche – pour une politique annoncée comme exactement inverse à celle qu’il pratique. Après la stupeur et la sidération, les classes populaires sont entrées dans une phase de résignation… ce qui aggrave la situation.
Vous êtes souvent taxé – comme cette semaine – d’ainsi faire de l’anti-germanisme.
Le fait de dénoncer la politique du gouvernement de droite de Merkel et son impact sur les individus et la paupérisation de la population allemande n’a rien à voir avec de l’anti-germanisme. Pourquoi m’insulter ainsi ? Le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone (PS) a appelé à avoir une "confrontation tout court" avec l’Allemagne… L'accuse-t-on de vouloir la guerre ?
Si vous étiez à la manœuvre, quelles seraient vos mesures prioritaires ?
La première décision à prendre, c’est de cesser d’être la remorque du gouvernement allemand. Il faut ensuite relancer l’économie en stimulant la demande : augmenter les salaires et rassurer la population en régularisant la masse des travailleurs et fonctionnaires précaires. Du fait de leur précarité, ils s’interdisent de consommer. Enfin, il faut donner un nouveau souffle à notre économie, qui doit passer par une extension de notre économie maritime. Savez-vous que la France a le 2ème domaine maritime au monde ? Nous avons là un potentiel pour entrer dans l’économie de la mer. Cette planification écologique serait plus efficace que d’attendre bêtement que surgisse spontanément je ne sais quel miracle de la loi du marché et de la politique de l'offre.
L’Allemagne n’est pas exemplaire
Interview dans Die Welt – 15 juin 2013
Dans 100 jours, les Allemands voteront un nouveau parlement. Que craignez-vous ou espérez-vous de cette élection ?
J’espère que cette élection permettra un changement de cap dans la conduite de la politique allemande en Europe, car le gouvernement de droite actuel impose à tout le reste de l’Europe une ligne économique qui débouche sur la récession généralisée. Au bout du compte les Allemands seront autant victime que tous les autres dans la mesure ou l’Allemagne fait la majorité de son commerce avec ses voisins. Et si nous rentrions tous en récession il va de soi que l’Allemagne, qui est d'ores et déjà à la limite de la récession, y plongera a son tour. Je suis très inquiet de la situation en Europe et j’attribue une très grande responsabilité à l’actuel gouvernement allemand. Donc, évidemment mon choix irait vers un changement de politique en Allemagne, mais je ne suis pas citoyen allemand.
Les décisions en Europe ont été prises par tous les partenaires réunis. Avec plus au moins de soutien français. Pourquoi vous dites que cette politique est « imposée » par l’Allemagne ?
Je pense que l’équipe de droite au pouvoir en Allemagne a réussi à conquérir un leadership sur les autres gouvernements de droite en Europe. C'est de cette façon que le président Sarkozy a été complètement fasciné par le personnage de Madame Merkel. Il a fini à sa remorque. Il n’avait pas de capacité de résistance dans la mesure ou il était politiquement d’accord avec elle. C’est normal, ils sont de la même famille politique en Europe. Ils étaient d’accord sur l’essentiel. C’est elle qui a pris le dessus, le leadership. C’est un phénomène humain, ça. Ensuite, quand le président Hollande est arrivé, vous avez raison de dire, il a aussi signé tout ce qu’on lui a donné a signer. Il a fait le fanfaron en France – il prétend avoir renégocié le traité, et avoir obtenu un plan de croissance.Récemment encore il a dit qu’il a réussi à imposer un gouvernement économique et que grâce à lui il y aurait en Europe une politique pour la jeunesse. Mais les gens informés savent que tout ça n’est pas vrai, et que Madame Merkel elle même avait déjà décidé tout ça.
Ce que François Hollande appelle le « gouvernement économique » correspond à ce que Mme Merkel avait déjà mis sur la table. Et même sur l’emploi des jeunes, c’est elle qui a commencé des discussions bilatérales avec les responsables de l’Europe du sud. François Hollande n’a rien ajouté à tout ça et le fameux plan de croissance n’existe pas. Tout le monde le sait en France. Au parlement européen M. Joseph Daul, qui est un Français mais préside le PPE, a interpellé de manière assez ironique le président Hollande en lui demandant où il se trouvait, son fameux plan de croissance. Je crois que M. Hollande ne comprend pas non plus du tout comment fonctionne Madame Merkel. Il n’est pas habitué à une discussion franche, carrée, directe. Et je pense que Madame Merkel est une femme qui apprécie ce genre de contact et non pas les manières sinueuses et tortueuses que les dirigeants français lui opposent. Donc, je pense qu’elle doit beaucoup s’amuser de voir défiler ces Français qui font beaucoup de bruit avec leur bouche mais qui ne posent aucun acte concret sur la table tandis que elle-même est très concrète.
Dans votre interview sur France Inter, vous avez dit que « l’Allemagne est un modèle pour ceux qui ne s’intéressent pas à la vie » Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? Est-ce parce que nous travaillons trop et ne faisons pas assez d’enfants ?
(Il rit) Comme vous savez, j’aime les expressions qui sont un peu choquantes, qui créent du débat, n’est-ce pas ? Pour moi c’est une méthode politique dans des sociétés qui sont habituées à ronronner. En France on ne cesse de nous dire que l’Allemagne serait un modèle. Moi, je ne considère pas que la manière dont est gouvernée l’Allemagne soit un modèle. D’ailleurs nombre de mes amis allemands disent la même chose. En tout cas Oskar Lafontaine ne m’a jamais recommandé d’appliquer le modèle allemand. Il l’a plutôt critiqué lui même. Ce que je voulais dire, c’est d’abord qu’il n’est pas vrai que la situation allemande soit florissante. Un certain nombre des indicateurs qui ont une grande importance à mes yeux sont très défavorables : L’espérance de vie en bonne santé qui recule en Allemagne, l’espérance de vie qui recule en Allemagne de l’est. Ensuite que la natalité soit extraordinairement faible, je trouve que ce n’est pas un signe de grande confiance en l’avenir.
Quand on n’a pas envie de faire des enfants ou qu'on ne se trouve pas en mesure de les faire, ce sont des signaux que j’appelle civilisationnels et qui sont au rouge. Quant à la situation sociale, le plan Hart IV et les ravages sociaux de la politique de M. Schröder sont bien connus, c’est pourquoi je considère que ce n’est pas un modèle. Ce n’est pas un pays ou un peuple si nombreux que le sont les allemands, qui a aussi une contribution importante à la vie intellectuelle de la vielle Europe, qui peut être réduit à quelques indicateurs économiques, disons positifs, qui en réalité n’intéressent que quelques agents de bourse et quelques agences de notations. Oui, ceux qui s'intéressent seulement à des statistiques boursières sont ceux qui ne s'intéressent pas à la vie. Et ceux qui s’intéressent à la vie n’ont aucune raison de se satisfaire de ce qui se passe en Allemagne. Pas plus d’ailleurs de ce qui se passe dans d’autres pays en Europe. Le libéralisme n’est pas une particularité allemande.
Ce que je voulais surtout provoquer, c’est une interpellation, une réflexion devant cette espèce de foi quasi magique :il y aurait en Allemagne un modèle à imiter qui ferait le bonheur de tout le monde. Je crois que c’est le contraire. De plus la perception du gouvernement allemand est très négative en Europe du sud – parce qu’il est interprété comme une brutalité indifférente à la vie des gens. Il n’y a que voir dans quel état est la Grèce, et je ne crois pas que ça soit la faute des Grecs. Je crois que c’est la faute d’une politique de droite allemande aberrante.
Ne croyez vous pas que cela soit aussi d’une partie du à un certain populisme qui cherche à blâmer la politique allemande pour tout ce qui se passent économiquement en Europe ? Il y avaient quand même quelques problèmes qui étaient là avant que l’Allemagne ait imposé sa politique.
Populisme n'est pas un mot adéquat. Je pense qu’il y a un populisme libéral qui consiste à toujours trouver très beau ce qu’il y a chez les autres et très laid ce qu’il y a chez nous. Surtout en France, nous avons une tradition très puissante du déclinisme, c’est à dire des gens qui consacrent des très longs articles et des émissions à dire du mal du pays. Si nous les croyons, l’Allemagne est un pur paradis et nous devrions l' imiter. Ça, je considère que c’est est une forme de populisme qui consiste à flatter l'instinct de défaite, de déroute, au profit d’un rêve qui n’existe pas. A moins que vous me disiez que vous vivez dans un paradis, j’aimerais bien de le voir de mes propres yeux.
Je n’irais pas si loin. Je vous assure qu’on s’intéresse quand même à la vie, mais ce n’est pas encore le paradis. On y travaille.
Vous avez des enfants, vous trouvez peut-être mes propos injustes.
Non, pas encore. Je fais partie du problème.
Ah. Alors, soyez plus entreprenant !
Imaginons que vous soyez nommé ministre des finances par le prochain ministre allemand. Que feriez vous ?
Une politique immédiate de relance de l’activité en Europe. Je pense que l’Europe a la force, les 27 pays de l’union et en particulier les 17 pays membres de l’euro constituent la première puissance économique du monde. L’Europe fait 25 % du PIB du monde. Donc il n’est pas vrai que nous ne soyons pas capable d’absorber une quantité aussi ridiculement basse de dette que celle que représente la dette publique de tout les pays de l’Europe. La dette publique est tout à fait résiduelle, puisque l’Europe produit chaque année 14000 milliards d’Euro. Ce que nous devons au total aurait été épongé d’une manière tout à fait rapide et efficace si on avait par exemple monétarisé la dette grecque. Et ce que je vous suis en train de dire ce n’est pas du tout un discours d’extrême gauche, C’est ce que font les EU avec leur dette publique qui est autrement plus considérable que celle de l’Europe. Chaque année il rachètent eux même leur dette, ils ont un peu d’inflation, mais ils la compense par une vigoureuse activité économique.
La question qui se pose est : comment des gens si intelligent que les Allemands, aussi travailleurs qu’eux, peuvent être d’accord avec une politique si stupide. Celle qui consiste à contacter l’activité dans tout le continent. Il y a une raison objective à ça: C’est que Mme Merkel et la CDU/CSU sont le parti politique d’une petite catégorie de la population, essentiellement celle qui dépendent de retraites de capitalisation, qui ont donc besoin qu’il ait de gras dividendes à distribuer aux actionnaires pour payer leur retraite et un euro fort de manière à garantir la stabilité de leurs retraites et leur pouvoir d’achat. Donc, c’est une politique qui est faite pour une petite minorité en Allemagne et sans doute ailleurs en Europe aussi, mais la majeure partie de l’Europe n’a absolument rien à voir avec la démographie déclinante de l’Allemagne ou la spécialisation industrielle qui est autant la force que la faiblesse de l’économie allemande.
Comment expliquez vous alors la popularité relative d’Angela Merkel en Allemagne. Il semble que les travailleurs allemands au moins aient une certaine difficulté de suivre les idées de la Gauche dans les autres pays européens ?
Vous avez raison de le dire ! D'autant que les partis sociaux-démocrates ont une politique qui ne se distingue pas vraiment de la politique de Madame Merkel. Madame Merkel ne fait que de continuer et amplifier la politique de Monsieur Schröder. Et M. Hollande en France fait une politique dont il dit que c’est la politique de Schröder, mais en réalité il n’y aucune différence à la politique qui préconise Mme. Merkel. C’est une politique de l’offre. Comme les politiques sont identiques, figurez vous, que ce n’est pas tellement simple de prendre conscience qu’une autre politique est possible. On dit au gens, « c’est comme ça et pas autrement ». À chaque peuple on fait peur avec le voisin. Aux Allemands on dit, si vous ne faites pas ce qu’on vous dit de faire, vous finirez comme les Grecs. Et aux Français on dit ça aussi. Beaucoup des gens sont convaincus par cette propagande là. Mais je vais vous dire une autre chose. L’enjeu de la politique, c’est des idées. Ce n’est pas d'aujourd’hui que des travailleurs votent à droite. La difficulté pour nous, les gens de gauche, c’est de les convaincre qu’un autre monde est possible.
Comment expliquez-vous que la Grèce martyrisée continue à voter pour la droite ou le PS qui les condamnent à des supplices sans fin. C’est encore plus spectaculaire que la situation des Allemands, parce que après tout, on peut dire, « bon, les Allemands, ils ont du travail, ils gagnent de l’argent » – c’est ce qu’on nous dit : que vous allez tous très bien – alors on peut peut-être comprendre. Mais les Grecs ? Pourquoi continuent-ils à voter pour ceux qui les martyrisent ? Ça, c’est le paradoxe des sociétés qui s’enfoncent dans les crises.
L’inefficace politique d’austérité de Merkel
Extrait de la note « C’est plus crédible en roman qu’en vrai » – 3 juillet 2013
Une fois de plus au Conseil européen, François Hollande, qui se flatte de vouloir être le « bon élève » de la classe, aura plutôt été le ravi de la crèche ! Il a signé tout ce qu’on lui a demandé de signer. C’est le tango Barroso de la France solferinienne. Des coups de menton avant les génuflexions. Après avoir pris la pose de guerre et avoir menti sur le fait que la Commission n’avait « pas le droit de dire à la France ce qu’elle doit faire », il a bien fallu qu’il admette le contraire, une fois sur place. Et il a signé sans faire d’histoires le document de la Commission concernant la France. Fini le bravache ! Madame Merkel n’a même pas eu besoin de lui faire les gros yeux. Pas un mot d’ailleurs sur le bilan désastreux de la politique de celle-ci et de l’effondrement en cours de l’économie européenne dans la récession. Il aura fallu que ce soit ce néant ambulant de Peer Steinbruck, grand chef du SPD allemand, qui pose la question le premier sur une scène politique institutionnelle. Ce n’est pourtant pas un foudre de guerre, ce Steinbruck, car il a été le ministre des finances de madame Merkel dans le cadre du gouvernement de grande coalition. Mais le 27 juin dernier, au Bundestag, il a dit tout haut et très clairement ce que François Hollande n’a pas osé dire en notre nom, tétanisé qu’il est par les rites et injonctions de son surmoi bisounours sur le « couple franco-allemand » et la misérable auto-censure que ce concept creux impose aux eurobéats français. « Le chômage des jeunes, dont vous parlez ici et le taux élevé de chômage en général, madame la chancelière, a donc dit Peer Steinbuck, sont une conséquence directe de la politique que vous mettez en œuvre en Europe et qui n'est basée que sur l'austérité ». Après quoi, comme s’il lisait un discours d’un orateur du Front de Gauche, il a dénoncé le "cercle vicieux" de l’austérité : " Au lieu de diminuer, comme vous en aviez l'intention, les dettes ont augmenté de 500 milliards d'euros en 2012 dans les pays européens, Les mesures d'austérité que vous avez défendues ont provoqué une augmentation du nombre de chômeurs à 26 millions. Le chômage des jeunes de moins de 25 ans a, lui, augmenté à 6 millions ». Personne ne l’a traité de germanophobe. Voilà bien le fin mot de la politique de madame Merkel : les dettes publiques ont augmenté de 500 milliards dans l’Union européenne. Imaginez la masse juteuse des intérêts que cette politique tire des poches des peuples pour les donner aux banques ! Je n’y viens pas. Mon propos est juste de souligner l’écart entre le soi-disant sérieux de cette politique et la réalité de son résultat. Mais je veux détailler le tableau de ces exploits avec les chiffres de la hausse de la dette en 2012 dans l’union comme nous les donne Eurostat. La dette a augmenté de 148 milliards d’euros cette année en Espagne, en France de 118 milliards d’euros, en Italie de 81 milliards d’euros ! Et même en Allemagne, ce pays de rêve et de réussite éblouissante, la dette, oui, la dette publique, ce chancre caractéristique de l’incontinence budgétaire de l’Europe du sud, la dette a augmenté de 81 milliards d’euros !
Allemagne : un vote d’égoïsme national
Note de blog – 23 septembre 2013
Le résultat de l’élection allemande est un évènement dont l’onde va traverser toute l’Union européenne. La politique libérale la plus dure est encouragée. Elle va donc s’amplifier. Ses conséquences sociales aussi. Les salariés allemands doivent admettre que la retraite à 70 ans c’est raisonnable, qu'un euro pour une heure de job c’est peut-être trop, et ainsi de suite. Dans toute l’Europe de l’Est où se fabriquent les pièces que les Allemands assemblent en bout de parcours, chacun se le tient pour dit : travaille et tais-toi. On n’a donc pas fini d’entendre les perroquets médiatiques nous répéter la chanson du « modèle allemand ». De leur côté les Grecs peuvent se préparer à vendre la mer qui les entoure et les Portugais l’air qu’ils respirent. Quant aux Français, depuis deux mandats présidentiels, ils ont déjà une poupée en plastique sur leur hayon, qui hoche du bonnet à chaque secousse : madame n’a qu’à ordonner, elle sera obéie.
Après tout, si le peuple l’a voulu que dire de plus ? Ceci : cette politique prépare un désastre dans la civilisation européenne. Il encourage les Allemands à croire que les millions d’Européens déjà soumis au talon de fer de la politique imposée par leur pays vont continuer à subir leurs mauvais traitements et leurs insultes avec gratitude et reconnaissance. Il est même possible que beaucoup d’Allemands croient que leur vote est celui de l’Europe tout entière. Telle n’est pourtant pas la situation, et il faudrait bien que quelqu’un le leur dise. Madame Merkel et ses groupies du troisième âge ne sont un modèle pour personne. Le vote nous fait connaître la décision d’une majorité vieillissante, apeurée, sans vision ni goût du futur, puisque sans jeunesse dont il lui faudrait se préoccuper. C’est un vote égoïste. Le « modèle allemand » de madame Merkel, par définition, n’est pas généralisable puisqu’il repose sur le dumping social et l’exportation de produits qui éliminent la production des autres. Le « modèle allemand » consiste ainsi à pressurer tous les peuples d’Europe, en sorte que la finance collecte les gros dividendes pour payer les retraites par capitalisation des vieux Allemands de la classe moyenne supérieure. Le vote de ce dimanche n’est donc pas un vote bon pour l’Europe. D’abord parce qu’il encourage une politique nationale qui nuit profondément aux peuples qui la constituent, au seul profit d’un seul d’entre eux. Ensuite parce qu’il encourage l’arrogance nationale de gouvernants persuadés qu’ils sont un modèle pour les autres et détiennent une vérité que les autres doivent admettre ou bien être fessés. Les chefs allemands de la droite, qui parlaient déjà fort mal aux Européens, ne vont plus se retenir. Enfin, parce que cette politique conduit l’Union européenne à l’explosion sociale et politique et, d’ici peu, à une vague nationaliste. Ou à nous.
Mais peut-on être Allemand sans Merkel ? Où est passée l’opposition ? Que dit-elle ? C’est l’autre visage du résultat. Le grand SPD et ses « solutions modernes » sont devenus une annexe pleurnichante et socialement compassionnelle de la grande famille libérale. On se souvient que ce parti avait pris la suite de l’inepte parti travailliste anglais pour piloter la mutation de la social-démocratie mondiale en Parti démocrate. Après Blair, Gerhard Schröder était devenu « l’ami des patrons ». En Europe, il publiait les « manifestes » politiques « modernistes » les uns derrière les autres avec son ami Tony, et tous les autres syndics de faillite de la social-démocratie, comme l’ectoplasme italien post-communiste D’Allema et même le minable Papandréou du PASOK. Sa politique férocement néolibérale lui valut le départ d’Oskar Lafontaine du SPD et la fondation de Die Linke. Les chiens de garde médiatique plaidèrent le conflit de personne avant de mitrailler « le leader populiste ». Les électeurs dirent le fin mot : le SPD passa de 41 % à 34. Ce fut alors la grande coalition entre la droite et le SPD car le SPD refusa une coalition avec Die Linke. Résultat: aux élections suivantes le SPD est tombé à 23 %. Aujourd’hui il vient de remonter à 25 % après quatre ans « d’opposition ». C’est son deuxième plus mauvais score depuis la fin de la guerre. Le SPD est un astre mort. Il ira dans une grande coalition, à moins que les Verts allemands ne lui chipent la gamelle.
Car telle est le deuxième signal négatif de cette élection allemande. Sur le papier il y a une majorité de sièges à la chambre pour une majorité entre les Verts, le SPD, et Die linke. Mais qui y pense ? Pourtant il y a une majorité absolue de députés SPD-Verts-Die Linke au Bundestag, et il y a une majorité SPD-Verts-Die Linke au Bundesrat (la deuxième chambre, composée de délégués des gouvernements des Länder) et il y a des coalitions régionales entre SPD et Die Linke, comme actuellement dans le Land du Brandebourg, le plus grand Land d'ex Allemagne de l'Est. Pourtant il n’y aura pas de coalition. Imaginez qu’en France, le soir du premier tour de la présidentielle, je n’aie pas appelé à voter Hollande pour chasser Sarkozy ? En Allemagne, Hollande et ses amis préfère Merkel à une alliance avec nous ! Pourtant Die Linke tend la main. Je l’approuve. Car en fait c’est davantage comme une démonstration de l’esprit d’alternative qui l’anime que comme une perspective qu’il penserait réalisable aujourd’hui. En réalité le contenu politique de la plateforme des Verts et du SPD n’est pas une ruse de communication pour rassurer le bourgeois ! C’est bel et bien le résumé de ce qu’ils sont devenus. Ni l’un ni l’autre de ces deux partis n’envisage ni le dépassement du capitalisme ni même celui des fondamentaux du libéralisme ! Leur matrice même les met dans la main de madame Merkel. Ce n’est donc pas que le SPD « n’est pas capable d’unir la gauche allemande » : c’est qu’il ne peut que la diviser. Ou bien n’être même plus écouté. Les plus pauvres en Allemagne ont bien moins voté que la moyenne. Et cela fait partie du projet néolibéral qu’aggravent les sociaux libéraux par leurs pratiques.
Ainsi on ne peut dissocier la force de la droite en Allemagne de ce qu’est devenu le parti social-démocrate. Le résultat n’est pas seulement acquis par la « déception » de je ne sais quelle gauche virtuelle à l’égard des sociaux-démocrates et des Verts. Le fond de l’affaire est que le comportement, les paroles, le programme, la doctrine du SPD font reculer les idées de gauche en Allemagne. Car qu’est-ce que la gauche quand c’est juste une variante compassionnelle de la politique de droite ? Nous commençons à en voir les effets en France avec la rigueur « juste » des Ayrault et Hollande, leurs calinettes avec le MEDEF et ainsi de suite. Pas étonnant que François Hollande soit allé faire l’apologie de Gerhard Schröder pendant la campagne électorale allemande. Comment une conscience de gauche peut-elle se construire dans un tel environnement ? Le SPD divise et détruit la gauche en se détruisant lui-même. Dès lors, notre thèse est que la conscience de gauche doit être reconstruite par une offre politique pédagogique clairement alternative. Elle-même, pour être crédible, doit être adossée à une fonction tribunicienne clairement assumée, « crue et drue ».
Je devine toute la difficulté de la campagne de Die Linke. Il me suffit de voir que même si Die Linke passe devant les libéraux et reste devant les Verts, il a été chassé des infographies des résultats dans les médias allemands le soir des résultats. Dans la campagne, la discrimination médiatique a été féroce : « Die Linke » a eu droit à 7 fois moins d'interviews dans les médias que le SPD, qui était pourtant seulement 2 fois plus fort que lui à l’élection précédente en 2009. Il en a eu 6 fois moins que les Verts et 5 fois moins que les libéraux, qui sont pourtant d'un poids équivalent ou inférieur dans les urnes. Cela ne rend pas le message si perceptible que cela. D’un autre côté, on doit se demander si l’idée de Die Linke de nommer huit personnes pour la proposition de poste de chancelier ne sacrifie pas à des préoccupations internes incompréhensibles par le grand nombre. Pour ma part, je pense que cela décrédibilise la démarche car les citoyens vont voter dans une réalité institutionnelle et pour peser sur elle. Dans cette réalité il y a un(e) chancelier. Huit, c’est autant dire personne ! Donc c’est annoncer qu’on ne croit pas la victoire possible. Et s’y résigner d’avance.
L’évènement allemand de ce weekend end est une très mauvaise nouvelle pour les salariés en Europe. C’est aussi une mauvaise nouvelle pour la France, dorénavant dominée par un voisin arrogant dont l’égoïsme national est devenu la rente électorale de ses dirigeants. C’est une mauvaise nouvelle pour la gauche, qui est une fois de plus crucifiée dans l’impuissance par les enfumages du social-libéralisme. Les gens vont souffrir davantage. Pour rien. Car rien de tout cela ne va ailleurs que dans le mur. C’est pourquoi le résultat allemand m’encourage dans la ligne d’action que nous avons choisie : la radicalité concrète, le refus des arrangements politiciens, le rassemblement argumenté et conscient de la part de notre population, qui pourra ensuite entraîner la majorité dans le programme de la révolution citoyenne.
Madame Merkel fait la politique des Allemands qui ont des retraites par capitalisation
Vidéo France 2 – 24 septembre 2013
Le mardi 24 septembre 2013, Jean-Luc Mélenchon était l'invité de l'émission « Les 4 vérités » sur France 2. Interrogé sur la politique du gouvernement, il a fustigé les coupes budgétaires qui vont à nouveau être réalisées dans les services publics et a préconisé, au contraire, de mieux répartir l'impôt et de lancer de grands projets écologiquement responsables autour de l'économie de la mer. Invité à se positionner sur le budget 2014, Jean-Luc Mélenchon a appelé à voter contre et à construire une majorité alternative à gauche. Concernant la visite de François Hollande à Florange, il a demandé à ce qu'il ne s'agisse pas d'une opération de communication et à ce que des propositions concrètes soient faites. Enfin, questionné sur les élections législatives en Allemagne, il a parlé d'un « vote d'égoïsme national » visant principalement à défendre le système allemand de retraites par capitalisation.
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L’Allemagne, un modèle à imiter ? – Débat avec Alain Minc
Vidéo Europe 1 – 3 octobre 2013
Le 3 octobre 2013 sur Europe 1, Jean-Luc Mélenchon et Alain Minc débattaient sur le thème : « L'Allemagne, un modèle à imiter ? ».
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Assez de timidité face à Mme Merkel
Extrait d’interview dans La Libre Belgique – 4 octobre 2013
Quelles sont les mesures que devrait prendre le gouvernement français pour relancer l’Economie ?
Il faut abaisser le coût du capital et améliorer la condition du travail. Rallumer les feux de la consommation – responsable et écologiquement soutenable –par une amélioration du pouvoir d’achat. Redonner au peuple français le goût du futur. Aujourd’hui, c’est sinistrose à tous les étages. Le seul projet national, c’est de payer la dette. C’est stupide et c’est un contre-sens économique. Assez de timidité face à Mme Merkel. Nous, Français, savons faire des tas de chose. A nous d’être à l’avant-garde, en matière technique, technologique, énergétique, écologique et devenir des leaders dans le développement de l’économie de la mer. Il faut que nous nous donnions un horizon autre que payer la dette. La dette, c’est juste un effet d’écriture, ça n’existe pas.
Présidence de la commission européenne : Le PS français a-t-il honte de son candidat ?
Un journal luxembourgeois, citant un communiqué du dirigeant solférinien Alain Fontanel, nous apprend que « sur proposition d'Harlem Désir, premier secrétaire du Parti socialiste, le bureau national (l'exécutif) a décidé que le PS apporte au sein du PSE son soutien à la candidature de Martin Schulz au poste de président de la Commission européenne ».
Pourquoi ce communiqué est-il introuvable sur le site internet du PS ?
Pourquoi le PS n’a-t-il pas communiqué plus fortement sur ce choix décisif ?
Pourquoi le premier secrétaire Harlem Désir n’a-t-il pas annoncé lui-même la nouvelle ?
Le PS français a-t-il honte de son nouveau leader ?
Il aurait raison.
Martin Schulz est le symbole de l'alliance permanente entre la droite et les sociaux-démocrates dans l’Union européenne.
Le PS attend peut-être de savoir si Martin Schulz, membre du SPD allemand, choisit plutôt de devenir ministre des Affaires étrangères d’Angela Merkel dans un gouvernement de grande coalition.
En le soutenant, le PS français s’aligne une nouvelle fois sur les sociaux-démocrates allemands, fossoyeurs de la gauche d’outre-Rhin.
Le PS choisit Schulz ! Quel aveu
Extrait de la note « Avant de partir à Rodez » – 15 octobre 2013
Un journal luxembourgeois, citant un communiqué du dirigeant solférinien Alain Fontanel, nous apprend que « sur proposition d'Harlem Désir, premier secrétaire du Parti socialiste, le bureau national (l'exécutif) a décidé que le PS apporte au sein du PSE son soutien à la candidature de Martin Schulz au poste de président de la Commission européenne ». Quelle nouvelle enthousiasmante ! Mais pourquoi le premiersecrétaire Harlem Désir n’a-t-il pas annoncé lui-même cette décision européenne si stimulante ? Pourquoi ce communiqué, cité au Luxembourg, est-il introuvable sur le site internet du PS ? Pourquoi cette discrétion ? Quel a été l’avis du groupe des députés français au Parlement européen ? Le PS français a-t-il honte de son nouveau leader ? Je crois que oui.
En effet, Martin Schulz n’a pas fini d’encombrer le PS. Vous trouverez dans ce blog, au fil des semaines, le récit qui vous permettra de vous faire une idée du personnage. Martin Schulz est l’actuel président du Parlement européen. Il est membre du SPD allemand. Par un accord de cogestion scrupuleusement respecté, Schulz a succédé à mi-mandat au président de droite élu juste après les élections européennes de 2009. Passe-moi le sel, je te passe le poivre ! L’alternance choisie et voulue. Les uns votent pour les autres dans la plus grande confusion des genres et l’unité des votes. Schulz, ainsi élu président du Parlement européen, est le symbole de l'alliance permanente et de la collusion qui interdit tout changement de politique en Europe. Ce système tient l’Union par la peau du dos et, vaille que vaille, quels que soient les votes des peuples, quelles que soient les saisons et les problèmes, ce sont toujours ces deux-là qui se chargent de maintenir le cap libéral dans l’Union.
Mais le ridicule attend peut-être au tournant le PS français. Il se susurre en effet dans les milieux bien informés que Martin Schulz, membre du SPD allemand, préférerait choisir plutôt de devenir ministre des Affaires étrangères d’Angela Merkel dans un gouvernement de grande coalition. En attendant, le président du Parlement européen a commencé sa campagne. Il est allé inviter le pape à venir nous haranguer à Strasbourg pour, parait-il, y « faire passer sonmessage de "solidarité" » ! Quelle hypocrisie. Mieux vaudrait qu’il aille voir la Commission ou le Conseil des gouvernements. Surtout que, si l’on en croit la dépêche AFP, cette invitation a été présentée lors d'un entretien largement consacré au drame de Lampedusa. Le pape comme remède à la persécution de l’immigration, il fallait y penser. Les bigots sont tous les mêmes : le péché d’abord, les pieuses pensées ensuite ; la réparation est toujours reportée dans l’autre monde.
Mais en fait, Schulz n’était pas là pour ça. L’Europe est une construction politique dans la main des démocrates-chrétiens et des sociaux-démocrates depuis l’origine, et la papauté a toujours été présente et active à chaque étape. Schulz a rendu hommage à cette intrusion : « Depuis la naissance de l'Union européenne, l'attitude pro-européenne de l'Eglise catholique a offert non seulement un soutien, mais aussi une analyse critique et sa vision de l'avenir du projet européen », s’est-il félicité. En fait, Schulz est venu faire allégeance. Dans une tribune inédite au quotidien du Vatican, l'Osservatore Romano, Il s’est même senti obligé de rappeler comment « il y a 25 ans exactement, le pape Jean Paul II avait prononcé à Strasbourg un discours inspirant », rappelant aux députés leurs devoirs à l'égard de « l'autre-Europe », l'Europe de l'Est, un an avant la chute du Mur de Berlin. « Son appel a été suivi d'effets et notre continent s'est trouvé réunifié ! Mais la tâche n'est pas achevée », a-t-il conclu servilement.
En se prononçant pour Schulz, le PS fait son « coming-out » européen : il assume le système de l’alliance permanente et généralisée avec la droite en Europe, que ses députés ont toujours fait mine de refuser. Tel est le sens de cette décision. On verra bientôt comment la déclinaison se fera en France. Car si cette collusion parait étrange à unFrançais qui continue à croire que le PS et l’UMP sont deux formations opposées, en Europe, elle est tout simplement banale ! C’est même la règle dominante ! Les « socialistes » gouvernent dans seize pays de l’Union sur vingt-huit. C’est-à-dire dans une large majorité des cas. Dans cinq de ces pays, ils gouvernent seuls. Dans les onze autres cas, ils gouvernent avec la droite, et même sous la tutelle d’un premier ministre de droite dans six d’entre eux !
La grande coalition qui se dessine en Allemagne sera la cerise sur le gâteau. Alors, que Martin Schulz soit ou pas ministre de madame Merkel, son parti appartiendra donc à la coalition gouvernementale de droite en Allemagne ! Ainsi donc, la proposition du PS français consiste à renforcer le pouvoir du gouvernement allemand en Europe. Elle consiste à proposer le poste clef de l’architecture de l’Union européenne à quelqu’un directement lié à la politique du gouvernement Merkel. Voilà la cause de la discrétion des solfériniens à propos de Martin Schulz ! Les malheureux se figurent que cela ne se verra pas ? Ils espèrent aussi que personne ne fera la liste des allemands placés aux postes de commande des rouages de l’Union européenne, en contravention totale avec l’esprit d’égalité et de partage qui devrait prévaloir entre Français et Allemands. Ce ne sont pas des apprentis sorciers. Juste des ignorants sans conscience claire de l’histoire et des soins qu’il faut y apporter.
Déclaration du 10 novembre 2013
À la veille du centenaire du déclenchement de la première guerre mondiale, il faut que la commémoration du 11 novembre 1918 soit un temps utile à la réflexion de chaque citoyen.
La victoire de 1918 et l’extraordinaire résistance des populations aux malheurs ne doivent pas servir de prétexte pour effacer la principale leçon tirée alors : plus jamais ça ! Qu’a-t-il été fait de cette espérance après que tant de guerres coloniales, ou impérialistes, tant d’expéditions désastreuses aient eu lieu de nouveau ?
Il ne serait donc pas acceptable que tout soit ramené aujourd’hui à une apologie de l’unité nationale qui est précisément l’éteignoir de toute réflexion. Il ne serait pas acceptable que soient effacés les sujets qui font débats à propos de mémoire. Par exemple à propos des « fusillés pour l’exemple ». Héroïques résistants à la tuerie industrielle que fut cette guerre, ils doivent être pleinement et entièrement réhabilités pour l’honneur du pays et de leur famille, comme exemples et sujet de réflexion. Ainsi le pays devra se demander pourquoi cette guerre a éclaté, et admettre qu’aucun intérêt général n’y était engagé. Que tous les mécanismes de compétition capitaliste à l’œuvre à l’époque puis à la suivante guerre mondiale sont encore pleinement actifs. Que les conditions des tensions dans et entre les peuples sont considérablement aggravées à l’heure actuelle par le fonctionnement de l’Union européenne sous l’empire du traité désastreux qui l’organise. Que la politique du gouvernement de droite allemand servilement imitée en France met tout le vieux continent en danger d’une nouvelle catastrophe politique. Que l’entrée des socialistes allemands au gouvernement de Madame Merkel est un blanc-seing donné par tous les socialistes à cette politique dangereuse comme le prouve leur soutien unanime à la candidature du socialiste allemand Martin Schultz à la tête de la Commission européenne ! Non : commémorer ne doit pas être une anesthésie pour infliger une amnésie !
A l’heure de la commémoration, par respect pour les immenses sacrifices et souffrances endurées, nous célébrons la mémoire du député Jean Jaurès. Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? Il fut assassiné par l’extrême droite parce qu’il s’arc-boutait contre la guerre et dénonçait cru et dru ses causes. Il fut en quelque sorte le premier fusillé pour l’exemple. Nous continuons à partager son diagnostic : « le capitalisme porte la guerre comme la nuée porte l’orage ! ». Et nous n’oublions pas que le premier refus populaire de la guerre vint de la révolution russe d’octobre 1917.
Sommet des croque-morts de l’idéal européen
François Hollande vient de réunir à l'Elysée les principaux responsables du cauchemar européen : Merkel, Barroso, Van Rompuy, Schultz.
Leur mine sinistre était le principal message envoyé aux jeunes et aux chômeurs.
Rien de bon pour l'emploi ne peut venir de ceux qui ont plongé l'Europe dans la récession et le chômage. Leur agitation protocolaire est inversement proportionnelle à leurs résultats.
En renvoyant aux moyens "déjà" existants du budget européen d'austérité, Hollande a signifié que ses annonces resteraient sans lendemain. Une impuissance de l'UE qu'Angela Merkel a résumé en déclarant que "la politique ne crée pas d'emploi".
Quant à Martin Schulz, il a annoncé, avant même que les députés en aient discuté, que le Parlement européen voterait la semaine prochaine les budgets d'austérité de l'UE pour 2014. Le candidat du PSE à la présidence de la commission européenne est ainsi l'artisan d'un nouveau coup de force austéritaire.
Après cette nouvelle mascarade, il est temps pour les peuples d'abréger nos souffrances en balayant ces croque-morts de l'idéal européen.
Vote du Cadre de Financement pluri-annuel : le coup de force austéritaire de Martin Schulz
Martin Schulz est-il encore président du Parlement européen ? Ou déjà ministre d’Angela Merkel ? En violation de sa mission il tente en effet d’imposer l’adoption sans amendement au Parlement européen des budgets européens d’austérité voulus par Angela Merkel pour les 7 années à venir (2014-2020).
Martin Schulz avait déjà annoncé mardi dernier en présence d’Angela Merkel et François Hollande que le Parlement européen voterait le budget 2014-2020 décidé par le Conseil, et cela avant même que les députés en aient discuté.
Aujourd’hui il va encore plus loin pour empêcher le Parlement d’exercer ses pouvoirs. Il utilise l'article 20 du règlement intérieur, qui lui attribue "tous les pouvoirs pour présider aux délibérations du Parlement" pour empêcher les députés d’amender ce cadre budgétaire d’austérité durable.
Je m'oppose à ce nouveau coup de force austéritaire. Et je tiens à souligner qu'il est porté par Martin Schulz, le candidat du Parti socialiste français à la présidence de la Commission européenne.
Les nouveaux caniches de Merkel
Le SPD s'est vendu à Merkel. Il préfère l'alliance de droite plutôt qu'un accord de gauche.
La social-démocratie ne sert plus qu'à épauler l'ordre libéral. Et le PS vient de donner son appui à la candidature de Martin Schulz du SPD allié à Merkel pour la présidence de la Commission européenne.
De Merkel à Hollande, c'est la ligne directe ! En France comme en Allemagne, les sociaux-démocrates sont la camisole de force des peuples. Ce monde-là n'est pas le nôtre.
L'opposition de gauche en France doit être la relève.
Ukraine : la concurrence entre Allemands et Nord-Américains
Extrait de la note « De Nantes à Florange, le temps des dégoûts » – 25 février 2014
Ukraine. Cette fois ci c’est un putsch ! Et une nouvelle fois, la propagande tourne à plein régime et c’est bien normal. L’enjeu géopolitique est énorme. L’offensive contre la Russie que mènent les Nord-américains,en compétition avec les allemands, bat son plein. Comme d’habitude dorénavant, la France n’a pas de politique indépendante, sauf d’ineptes gesticulations « pour la paix et le dialogue » opportunément dosées pour servir toujours le même camp : celui choisi par les Allemands ou les Nord-américains. Il faut se demander si Fabius n’est pas parti si vite de Kiev parce qu’il s’attendait au putsch. Car le fait est que ses bonnes paroles et celle de son collègue allemand peuvent être considérées comme des appoints de la préparation du putsch. Soi-disant venu pour trouver « une conciliation », les deux enfumeurs ont surtout réussi à faire admettre que le pouvoir n’était pas légitime et devait passer devant les urnes. Le lendemain, le coup d’Etat avait donc l’air d’une formalité, d’une anticipation. Le « Journal du Dimanche » pousse l’audace jusqu’à titrer et illustrer sa une avec la corrompue Ioulia Timochenko, icône de la presse occidentale, affairiste pourrie jusqu’à la moelle. La voici dorénavant auréolée d’un « Ioulia, la voix de la liberté ». C’est incroyable ! Un peu comme si les Balkany étaient à l’Elysée après une nuit d’émeute de l’extrême droite. L’ampleur d'une telle manipulation souligne la force des enjeux.
Il faut en finir avec l’Europe de Hollande et Merkel
Le 7 avril 2014, Jean-Luc Mélenchon était l'invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFMTV. Il a déclaré que l'austérité imposait des souffrances aux Français dont François Hollande n'avait pas conscience. Le coprésident du Parti de Gauche a ensuite expliqué que le pacte de responsabilité était une aberration et a affirmé que le Front de Gauche ne voterait pas la confiance au gouvernement Valls. Jean-Luc Mélenchon a ensuite appelé à en finir avec l'Europe d'Hollande et Merkel. Il a également dénoncé le temps de parole important accordé au Front national dans les médias. Enfin, interrogé sur le Venezuela, il a appelé les journalistes à ne pas répéter seulement ce qui se dit dans des agences de presse elles-mêmes sous influence.
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L’euro « Merkel » et les retraités allemands
Extrait d’interview dans Marianne – 18 avril 2014
JMS : Comment comptez-vous affronter l’échéance européenne?
JLM : Pour le Front de Gauche, le socle du « non » (au traité constitutionnel NDLR) a fourni une architecture intellectuelle assez évidente. Après, il y a des nuances. Par exemple, l’euro. Certains, dans nos rangs, pensent qu’il faut en sortir. Moi, j’ai une position plus « tactique ». Je n’ai jamais admis l’euro « Merkel ». L’euro que nous avons actuellement est un euro bâti contre l’inflation. Pourquoi ? Pour que la rente des retraités par capitalisation (le cœur de l’électorat de Mme Merkel) ne fonde pas. Et alors ? Notre pays ne doit pas e doit pas renoncer à sa puissance. Sur l’Euro les intérêts de la France convergent avec ceux du grand nombre en Europe. Si je gouvernais, je ne commencerais pas par dire « il faut sortir de l’euro ». J’exigerai le changement des « missions et méthodes de la Banque Centrale ». Qu’elle ait l’obligation de gérer la monnaie non pas contre l’inflation mais en fonction de l’emploi et d’un développement écologiquement responsable. Si je ne trouvais pas une majorité des gouvernements en Europe pour approuver cette proposition, eh bien, oui je consulterais le peuple français pour savoir s’il veut continuer d’obéir aux règles qu’impose la conception allemande de l’euro. J’ai bien conscience de l’impact de cette décision. Si la France sort de l’euro, l’euro meurt, mais une zone mark élargie émerge aussi. C’est un autre contexte géopolitique. Je sais qu’il est « tendance » de l’ignorer, mais la géopolitique détermine la politique.
Les Allemands fixent le cap politique pour toute l’Europe
Interview sur France 3 – 11 mai 2014
Le 11 mai 2013, Jean-Luc Mélenchon était l'invité du 12/13 de France 3. Il a évoqué les relations franco-allemandes et la politique économique de François Hollande qui "se tait avec une prudence de tortue" concernant le Grand Marché Transatlantique. Le coprésident du Parti de Gauche a ensuite exposé son programme : planification écologique, écosocialisme et relance de l'activité en investissant dans l'économie de la mer. Jean-Luc Mélenchon a ensuite parlé de la situation d'Alstom et des problèmes dont est réellement victime l'entreprise : coût du capital, manque d'investissement, austérité… Enfin, le coprésident du Parti de Gauche a parlé des européennes et de la majorité alternative qu'il espère construire avec le NPA, le MRC et les Verts à l'issue du scrutin.
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La relation franco-allemande a cessé d’être égalitaire
Extrait de la note « Le toc du président » – 12 mai 2014
Le canotage de François Hollande et Angela Merkel, dictamous européens, m’a amusé. J’ai vu notre normal national muet sur l’enjeu européen et, sinon, disant un maximum d’énormités qui attestent son incompréhension des traditions géopolitiques françaises et de leurs raisons profondes. Muet sur l’Europe mais bavard sur le dernier stupéfiant bricolage de sa boite à outils institutionnels : Hollande vient d’inventer la réforme permanente. Il réforme ce qu’il a lui-même fait réformer, même si ça n’a pas encore eu le temps de s’appliquer. Le Lego de l’organisation administrative des collectivités locales est devenu compulsif ! C’est le TOC du président. Une maladie. Mais je l’aime mieux dans ce rôle que dans celui tellement absurde et belliciste qui lui fait dire devant Jean-Jacques Bourdin sur BFM qu’il souhaitait l’intervention armée en Syrie même sans mandat de l’ONU ! Ou jetant du feu sur le brasier Ukrainien pour le compte des nazis qui la dirigent et de l’OTAN qui les arme et leur envoie des mercenaires. Ici, en cours de semaine, au fil de mes allées et venues en train, je complèterai.
Merkel et Hollande nous mènent en bateau
Ce n’est pas la première fois que Merkel mène un président français en bateau. Interrogé sur l’effet de la séance de canotage, j’ai dit que l’image était belle. C’est une leçon politique. Je me suis gardé de dire ce que je pensais de l’exercice un huit mai. Je le fais maintenant. Nous avons brisé les reins des nazis, pas des Allemands. Le distinguo ne vaut que de façon abstraite, en quelque sorte, pour la génération impliquée mais cette abstraction est à notre honneur. Notre honneur d’êtres humains capable de surmonter le dégout, l’horreur et la méfiance inépuisable qu’ont inspirés les organisateurs et les agents du saccage de l’Europe, de l’euthanasie des handicapés, du génocide des tziganes, du meurtre de masse des homosexuels, de la boucherie de la gauche et par-dessus tout de l’entreprise d’assassinat total d’une population entière jusqu’aux nourrissons du fait de sa religion de naissance, ce que nous nommons la Shoah.
Si nous avons besoin d’un seul point d’appui mental pour ne pas confondre nazis et Allemands, quand bien même c’était la même chose alors, qu’on se souvienne que dans toutes les catégories que je viens de nommer, juifs inclus, une quantité considérable étaient eux-mêmes Allemands. Et que parmi la masse des salauds et collaborateurs de toutes ces entreprises criminelles, un nombre tout à fait considérable n’étaient pas allemands, comme les collabos français, les SS lettons et ukrainiens, qui furent parmi les plus sauvages assassins. J’imagine le dégoût de ceux qui ont entendu ce gouverneur ukrainien célébrer Hitler comme un libérateur et la peur qui doit les saisir de tomber sous la mains des héritiers des pires criminels de l’histoire politique de l’Ukraine. Au demeurant, la sauvagerie du crime d’Odessa en est un rappel abominable. Ainsi, de toutes les dates qui parlent immédiatement à notre conscience morale la plus actuelle, la victoire totale sur les nazis est la plus brûlante. Le 8 mai, le 9 mai sont des jours terribles. Ils auraient pu être à l’inverse. Dès lors, quoique l’on pense du régime soviétique, sans le sacrifice des Russes et leur combativité hors norme, jamais la victoire n’eut été acquise. Les Russes sont les artisans numéro un de la victoire ! Ca n’enlève rien au mérite des autres, et notamment de tous ceux qui sont venus se faire faucher sur les plages de Normandie. Mais ça n’aide rien ni personne de faire comme si tout cela n’avait pas eu lieu. Et nous Français, qui habitons sur place, et qui avons été envahis trois fois au cours du siècle passé, n’avons rien à gagner à oublier comme nous sommes le mieux défendus contre les tentations d’invasions.
Certains d’entre vous ont dû manquer cette émission sur le 12/13 de France 3. Je reprends donc ce qui fut mon mot de la fin et le restera ici aussi pour le moment sur ce sujet. "C'est une image sympathique des relations entre les Français et les Allemands mais c'est une tromperie, nos relations ont cessé d'être égalitaires. Le général de Gaulle comme M. (Konrad) Adenauer avaient posé comme base qu'il n'y avait de bonne entente possible entre Français et Allemands que sur la base de la stricte égalité. Actuellement ce n'est pas la situation (…). " "Les Allemands sont plus nombreux que nous au Parlement européen, les Allemands fixent le cap politique pour toute l'Europe, les Allemands ont regroupé dans un même gouvernement le Parti social-démocrate et la droite, et comme ils dirigent en même temps les deux grands partis européens, ce sont eux qui en toute chose font une politique qui est conforme aux intérêts de l'Allemagne". Cependant, "notre préoccupation constante doit être d'entretenir la relation la mieux construite avec l'Allemagne. Parce que nous sommes les deux peuples les plus nombreux, et puis que nous avons été envahis trois fois par les Allemands, c'est une raison suffisante pour penser que, souvent, il arrive que ce soit sur les vieilles cicatrices que se rouvrent les vieilles blessures. Il faut donc y mettre beaucoup de soin. En ce sens, la photo est belle, elle nous rappelle à nos devoirs".
"Néanmoins, nous ne devons pas faire de « l'irrealpolitik ». La realpolitik, c'est le cynisme (…), l'irrealpolitik est une sorte d'angélisme bêlant où on ne tient compte d'aucun rapport de force et on fait comme si ils n'existaient pas". M. Hollande fait donc de l'irrealpolitik ? "C'est conforme à sa faiblesse personnelle. Nicolas Sarkozy était en harmonie politique avec Mme Merkel en tant qu'homme de droite. M. Hollande est en harmonie avec la politique de Mme Merkel en tant que libéral, si bien que Mme Merkel est en réalité la dame qui commande en Europe et les autres sont des petits garçons".
Hollande, Merkel, symboles d’une collusion
Bien sûr, on peut évoquer aussi d’autres aspects que suggère l’image bucolique. Par exemple, celui du symbole de l’ordre politique actuel sur le vieux continent. Le PS et la droite gouvernent ensemble l’Europe. Ils gouvernent 16 pays sur 28, dont l’Allemagne. Et quoi qu’en dise le pétaradant Manuel Valls a la télévision, ça ne change absolument rien de voter Schultz ou Junker, social-démocrate ou conservateur. Rien ! C’est la même chose et c’est eux qui le disent eux-mêmes, ce qu’aucun assistant de manuel Valls n’a dû relever. De même, le vote à ce sujet n’a aucune valeur particulière. En effet, de toute façon, le parti dont Jean Christophe Cambadélis est le vice-président, le PSE, a décidé de rencontrer le parti de Junker et celui des libéraux sitôt l’élection achevée pour proposer un candidat en commun à la tête de la Commission. A supposer que les socialistes français n’en soit pas d’accord, cela n’a non plus aucune importance. La dernière fois ils avaient déjà fait le sketch « voter PS contre Barroso ». Résultat ? Seuls les socialistes français votèrent contre lui et tous les autres socialistes de toute l’Europe votèrent pour lui. Le parti de Hollande étant la risée du continent, on ne voit pas que son influence lui permette de faire mieux que de se ridiculiser une nouvelle fois. Et après tout cela en toute hypothèse tout ce petit monde a déjà un programme commun en Europe : GMT (Tafta) et austérité.
Si Hollande avait voulu profiter de la séance de canotage il aurait pu s’intéresser publiquement au Grand Marché Transatlantique. Sujet dont il n’a dit mot ni miette que ce soit. Sauf dans des journaux comme « Le Monde », dans une tribune signée avec le président des Etats-Unis. Telle est la nouvelle démocratie. L’entre-soi se parle à lui-même dans son journal. Le peuple ? Du terreau de populisme. Sans entrer sur le fond, juste se souvenant qu’il préside la deuxième population et économie du continent, il aurait dit un mot. Juste un mot sur la méthode. On se réveille François ! Pendant que madame Merkel te fait admirer les remous, les mauvais coups continuent : la Commission, par les intrigues du commissaire chargé du dossier, veut empêcher que le GMT soit soumis à la ratification de chaque parlement national. Alors ? Il en pense quoi le président de la République française ? Sans doute rien. Ou, comme il l’a dit, qu'« aller vite n’est pas un problème, c’est la solution ! » Sinon, dit-il, les gens vont avoir des peurs, et ainsi de suite. Pour Hollande, ce qui fait souci, c’est que les gens se fassent des peurs.
Martin Schulz est l’incarnation de la cohabitation entre les socialistes et la droite européenne
Extrait d’interview dans Direct Matin – 16 mai 2014
Le FN est donné en tête. Croyez-vous à sa victoire ?
Aux yeux du monde, une victoire de l’extrême droite en France serait un signal terrifiant. Mais quels que soient les résultats, je persiste et signe en face de Marine Le Pen : non, le problème, ce n’est pas l’immigré, c’est le financier. Et la meilleure manière de défendre la France, ce n’est pas d’abandonner l’euro à Angela Merkel.
(…)
Pour la première fois, les élections européennes vont influer sur le choix du président de la Commission. Pour vous, Martin Schulz, soutenu après le PS, est un mauvais candidat ?
Martin Schulz est l’incarnation de la cohabitation entre les socialistes et la droite européenne. Actuellement président du Parlement européen par tourniquet avec la droite, son parti est membre du gouvernement de Angela Merkel. Je ne comprends pas quelle aberration a conduit les socialistes à présenter ce personnage comme emblème du combat qu’ils prétendent mener contre l’austérité et pour un changement de l’Europe. Martin Schulz incarne cette continuité de l’Europe qui étrangle les peuples.
Schulz, l’attrape-nigaud du PS
Extrait de la note « Une dernière pelletée pour la route » – 23 mai 2014
C’est la bouée de sauvetage à laquelle s’accroche le PS. Le PS répète matin, midi et soir que les élections européennes vont désigner le prochain Président de la Commission européenne et qu’il faudrait choisir entre un candidat de droite, le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker et un candidat social-démocrate, l’Allemand Martin Schulz. C’est un mensonge juridique : les traités européens n’obligent à rien de semblable ! C’est le conseil des chefs d’Etats et de gouvernements (et lui seul) qui choisit de proposer un nom (et un seul) qui est ensuite soumis au vote du parlement européen ! Et ce nom n’est même pas obligatoirement un de ceux des candidats déclarés ! Quant au prétendu « choix » politique entre Juncker et Martin Schulz, c’est un attrape-nigaud politique. Il n’y a pas de différence entre eux. Et ce sont eux-mêmes qui le disent. D’ailleurs, le PS et la droite ont décidé de proposer ensemble un nom (et un seul) au vote du Parlement après les élections ! Toute la campagne des socialistes est donc fondée sur un mensonge et sur une escroquerie.
Un mensonge répété plusieurs fois ne devient pas une vérité. François Hollande et Manuel Valls peuvent donc dire partout que le vote de dimanche décidera du nom du prochain président de la Commission : c’est faux. Pourtant François Hollande a écrit dans sa tribune du 9 mai dans Le Monde : « pour la première fois, les électeurs, par leur vote, désigneront le futur président de la Commission européenne ». Un pur bobard. Démonstration. Le traité de Lisbonne est très clair. La procédure est prévue à l’article 17, alinéa 7. Que dit-il ? Exactement ceci, « en tenant compte des élections au Parlement européen, et après avoir procédé aux consultations appropriées, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose au Parlement européen un candidat à la fonction de président de la Commission. Ce candidat est élu par le Parlement européen à la majorité des membres qui le composent. Si ce candidat ne recueille pas la majorité, le Conseil européen, statuant à la majorité qualifiée, propose, dans un délai d'un mois, un nouveau candidat, qui est élu par le Parlement européen selon la même procédure ».
C’est donc très clair : c’est le Conseil des chefs d’Etat et de gouvernement qui décidera. Le Parlement européen ne pourra qu’approuver ou rejeter la proposition. Hollande et Valls et le PS mentent. La seule nouveauté du traité de Lisbonne est l’ajout de la mention « en tenant compte des élections au parlement européen ». Mais « tenir compte » pour dire comment et à partir de quoi le choix du conseil des chefs d’Etat et de gouvernement fait sa proposition de nom de candidat. Ainsi, la chancelière allemande Angela Merkel a déjà indiqué sans ambages que les chefs d’Etats pouvaient choisir « qui ils voulaient ». Pour elle, choisir le futur président parmi les cinq candidats déclarés n’est que « facultatif ». Elle a juridiquement raison. Et politiquement aussi. Car « tenir compte » veut dire « choisir n’importe qui du moment qu’il est capable d’avoir une majorité » ! Le seul socialiste qui aura un pouvoir réel dans le choix du prochain président de la Commission européenne, c’est François Hollande, à la table du Conseil des chefs d’Etat. Hollande acceptera-t-il de proposer un président de la Commission européenne de droite ? Voilà la seule question qui est juridiquement fondée !
L’arnaque est évidemment politique. Le plus grand enfumeur a été Manuel Valls lors de son passage à TF1 le 11 mai dernier. Il a osé affirmé que « au fond, il y a un débat qui s’installe en Europe entre la gauche, représentée par Martin Schulz qui est le président actuel du Parlement européen, et la droite, qui est représentée par le conservateur Jean-Claude Juncker qui est l’ancien Premier ministre luxembourgeois. Et là il y a un choix décisif ». Il y a quasiment un mensonge par ligne ! D’abord il n’y a pas que deux candidats déclarés mais cinq. Outre Juncker et Schulz, il y a aussi notre candidat, notre camarade grec Alexis Tsipras. Il y a aussi le candidat des amis de Monsieur Bayrou, le libéral belge Guy Verhofstadt. Et il y a la candidate des Verts, l’allemand Ska Keller. Initialement désignée en binôme avec José Bové. Finalement les Verts européens ont décidé que c’est elle qu’ils mettraient en avant dans les débats télévisés européens, écartant José Bové, du fait de ses positions sans doute.
Surtout, il n’y a pas de choix politique entre Martin Schulz et Juncker. Ce n’est pas moi qui le dis. Ce sont Schulz et Juncker eux-mêmes ! Vous savez que j’ai lu les citations de ces deux messieurs dans tous mes meetings. Pas un PS ne s’est donné le mal de démentir. Je me répète donc. Voici ce que répond le social-démocrate Martin Schulz à propos de son « concurrent » Jean-Claude Juncker : « Je ne sais pas ce qui nous distingue ». C’était le 9 avril dernier, dans un débat télévisé sur la chaine France24. Et que dit Jean-Claude Juncker du candidat de François Hollande ? Il dit ceci : « Martin Schulz, le champion des socialistes, n'est pas un ennemi. C'est un concurrent. Je ne pense pas que la campagne consiste à dire du mal de l'adversaire et pointer des différences là où il n'y en a pas. Nous sommes sur la même ligne ». Il a déclaré cela au site internet Luxembourgeois L’essentiel, le 16 avril dernier. Tous ceux qui s’intéressent à l’élection le savent. Ça n’empêche pas les socialistes de faire semblant ! Une tromperie délibérée, froidement mise en scène, et rabâchée jusque sur le plateau de « Des paroles et des actes » !
Schulz et Juncker sont effectivement les deux faces d’une même médaille. Martin Schulz incarne jusqu’à la caricature l’alliance du Parti socialiste européen avec la droite. Il est membre du SPD allemand qui gouverne l’Allemagne avec Angela Merkel ! C’est même lui qui a écrit la partie européenne de l’accord de coalition. Ça n’a pas dû être trop difficile vu que le SPD avait toujours soutenu Angela Merkel au Parlement allemand sur les enjeux européens. Le SPD a voté pour le traité budgétaire Merkel-Sarkozy le 29 juin 2012. Le SPD a voté pour le Mécanisme européen de stabilité le même jour. Le SPD a approuvé les plans « d’aides » à la Grèce et à Chypre lorsque le Parlement allemand a été saisi. C’est-à-dire qu’il a approuvé les mesures d’austérité exigées du gouvernement grec en échange du « soutien » européen. L’Allemagne n’est pas une exception. Les sociaux-démocrates gouvernent avec la droite dans 16 pays européens sur 28 ! Cette Europe-là c’est celle que nous combattons chaque jour ! C’est la leur, celle de la coalition permanente et générale de la droite et de l’UMP
Schulz incarne de plus personnellement cette alliance avec la droite. Il a été élu président du Parlement européen avec les voix de la droite en vertu d’un accord de partage des places entre le PS et la droite. A mi-mandat, la droite a laissé la présidence à Schulz. Le PS et la droite co-gérent l’Union européenne depuis des années. Depuis 2004, le Parti socialiste européen est l’allié permanent, docile, de Jose Manuel Barroso. Sans le PSE, il n'y aurait jamais eu de présidence Barroso : en 2004, Barroso est devenu président de la Commission grâce à un accord entre la droite et le Parti Socialiste Européen. Le PSE comptait 6 commissaires dans la 1ère commission Barroso, entre 2004 et 2009. En 2009, la reconduction de Barroso à la tête de la Commission a été soutenue par 7 gouvernements du Parti socialiste européen. La quasi-totalité des députés européens du PSE a voté « pour » l’investiture de Barroso pour un 2e mandat le 9 février 2010 avec la droite. D’ailleurs, la Commission sortante compte 7 commissaires socialistes ou sociaux-démocrates dont 3 Vice-présidents de la Commission. Savez-vous par exemple que la baronne Ashton qui s’affiche avec les néo-nazis ukrainiens est membre du Parti Socialiste Européen ? Elle est la première vice-présidente de la Commission, Haut représentante pour les Affaires Etrangères. Savez-vous que le commissaire européen à la Concurrence, qui pourchasse les aides publiques aux entreprises, est membre du Parti Socialiste Européen ? Il s’agit de l’Espagnol Joaquin Almunia. Savez-vous que le PASOK grec a aussi une commissaire en la personne de Maria Damanaki ? Savez-vous que Lazlo Andor, le commissaire à l’emploi, responsable du record historique de chômeurs, est membre du PSE ?
Le PS et la droite ont déjà prévu de se mettre d’accord sitôt les élections passées pour continuer cette cogestion. Le PSE et la droite auront un candidat commun pour présider la commission européenne. J’ai dénoncé cette combinaison politicienne dès le 7 avril dernier. De quoi s’agit-il ? Les groupes du PS, des conservateurs et des libéraux au Parlement européen l’ont dit explicitement dans une déclaration commune du 3 avril. Ils annoncent clairement : « nous soumettrons conjointement une proposition au Conseil européen » des chefs d’Etats et de gouvernement. Le « choix décisif » dont parle Valls a fait pschitt : il n’y aura qu’un candidat à la fin. Au lieu de chercher des différences qui n’existent pas entre la droite et le PS en Europe, demandez-vous plutôt pourquoi le PS n’a pas proposé au groupe des Verts et à notre groupe de la Gauche Unie Européenne de faire une « proposition conjointe » ? Pourquoi un tel sectarisme à notre égard ? Où sont passés les donneurs de leçon « d’unitééééé » dont le PS regorge pour faire taire tout le monde et camoufler ses turpitudes ?
La réalité est claire. Pour faire une « proposition conjointe », il faudrait un programme commun. Ce programme commun existe entre la droite et le PS en Europe. Il se résume en quelques mots. Ils sont d’accord pour le Grand Marché Transatlantique avec les Etats-Unis. Ils sont d’accord pour appliquer les politiques d’austérité qu’ils mènent à tour de rôle depuis 2011 en Espagne, Portugal, Italie. D’ailleurs, ils les mènent ensemble comme en Grèce, Italie ou Irlande. Ils sont aussi d’accord pour laisser continuer le dumping social comme l’a prouvé leur vote commun pour la poursuite du système des travailleurs détachés en avril. Autre exemple : le PS et la droite sont d’accord pour poursuivre la libéralisation des services publics comme l’a montré leur vote commun pour le 4e paquet ferroviaire en février dernier. Votez pour le PS et pour Schulz, c’est voter pour ce programme commun de la droite et du PS en Europe dont chacun a le résultat sous les yeux. Pour que cette co-gestion cesse, aidez-nous ! Socialistes de base, rompez les rangs ! N’aidez pas à cette mauvaise action de tromperie !
Penser la France : l’anti-modèle des Länders allemands
Extrait de la note « De l’Histoire au présent » – 7 juin 2014
Je crois que l’Histoire de France n’était pas enseignée, ni sa connaissance vérifiée, pour la promotion Voltaire à laquelle appartiennent ceux qui commandent dans notre pays à cette heure. C’est pourquoi l’équipe de bons amis qui tient tous les leviers de l’État pense qu’il est possible de traiter la carte de France comme un plan de table dans le beau monde. Pris dans leurs jeux, absorbés par leurs bonnes et mauvaises raisons, obsédés par leurs complots ou leurs projets de pantouflage, les importants ont consterné tout le pays. Même les pires dévots du régionalisme ne se retrouvent pas dans le pâté confus qui leur est servi. Tous les autres, ceux qui aiment notre pays, quel que soit leur bord politique, tous ceux qui connaissent son Histoire, tous ceux qui savent comment les structures de l’État et de la République sont un vin longuement muri venu d’une vigne bien longtemps travaillée, tous ceux-là commencent par tourner le regard de honte et de peine.
Comment avons-nous pu élire une telle bande de bons à rien ! Depuis Charles VI, a-t-on jamais vu un monarque aussi absent de sa tête ? Le premier était un fou que l’on plaignait quand « le mal » lui revenait. Il admit ce que l’occupant voulait : que le roi de France était dorénavant Anglais. L’actuel veut faire l’Allemand. La France des Länder ! Qui lui apprendra que les Länder sont le résultat de l’impuissance séculaire des élites politiques allemandes à se construire en Nation ? Qu’ils restent un casse-tête institutionnel pour la gestion du pays dans les domaines aussi sensibles que l’éducation par exemple ? Que ces Länder furent récrés après-guerre, sur la base de la carte d’ancien régime, pour mieux contrôler les tentations hégémonistes qui pourraient resurgir ? Qui explique à ces petits marquis désinvoltes que le sud de l’Europe, c’est-à-dire l’intérieur des frontières de l’Empire romain, est fait de cités et de citoyens quand l’au-delà des « limes » est fait de hordes et de tribus ? Qui va leur expliquer pourquoi nous notons sur nos bâtiments publics « Liberté-Égalité-Fraternité », message universaliste ouvert à tout être humain, et que les réunificateurs de l’Allemagne contemporaines firent graver sur le Bundestag : « au peuple allemand » ?
Supprimer les communes, c’est araser la base de la démocratie réelle et historique, celle du temps long où se construisit la conscience collective de nos peuples. C’est de l’addition des cités qu’est venue l’idée d’un ensemble plus vaste qui nécessite des droits égaux pour être viable. L’édit de Caracala étendant la citoyenneté romaine à tout l’Empire a mille ans d’avance sur la sauvagerie confuse des hordes qui n’avait pas l’ombre d’une idée sur ce que le mot « universel » veut dire. L’État démocratique est l’enfant de la cité civique. De là au département, il n’y a qu’un pas de logique politique. La nécessité d’ensemble plus vaste que la cité ne se discute pas sérieusement. La réponse révolutionnaire des républicains est le département. C’est la proximité et l’anomie ethnique qui rend possible cet échelon en le rendant acceptable par tous. Je ne rappelle tout cela que comme introduction à des débats qui vont dorénavant structurer l’esprit public. Bien sûr : ce qu’ils ont entrepris est odieux. Bien sûr que c’est dans toute l’Europe que les froids bureaucrates de la Commission exigent cette destruction des échelons de base de la démocratie. Bien sûr que tout va de mal en pis avec ces élites politiques et sociales du type « promotion Voltaire » sans conscience historique ni même nationale.
Pour autant, la lutte est nécessaire et elle est aussi une opportunité. Ne vous en désolez pas, vous qui me lisez. La cohérence du projet libéral exige de briser tout ce qui unit pour mettre en scène une compétition généralisée. Cette compréhension, à mesure qu’elle avancera, nous permettra de construire une conscience collective affinée et argumentée. Jamais nous ne pourrions avoir ce débat « à froid ». L’odieux projet de Hollande est une occasion de rétablir dans le grand nombre l’idéal universaliste de la République une et indivisible. Nous allons pouvoir transformer en un ridicule archaïsme la sale petite musique des néo-modernes pour qui la différence prime sur l’universel, le local prime sur le global, la racine tournée dans l’ombre confuse des humus prime sur le feuillage tourné vers la lumière de la lune et du soleil. Le débat ne sera nullement abstrait. Pour l’instant, ce qui se voit se discute entre gens qui comprennent ce qui est en jeu. Mais cette compréhension va s’étendre et percoler en profondeur quand les citoyens vont réaliser que la structure des administrations et de l’État va devoir se disloquer pour correspondre à ce bricolage. Ce n’est pas seulement la mise en compétition des territoires mais la destruction de l’État qui est engagée. Dès lors, la nature de nos tâches et de notre programme en est modifiée. C’est à l’échelle du problème politique, constitutionnel, républicain et national posé que doivent être formulées les questions en débat et les réponses proposées.
Pourquoi 14 régions et non plus 22 ? Et pourquoi pas 13 ? Ou 15 ? Peu importe. C’est d’avoir l’air allemand qui compte. François Hollande explique dans sa tribune que les régions « seront ainsi de taille européenne et capables de bâtir des stratégies territoriales ». Des stratégies territoriales ! Quel jargon pour habiller le féodalisme ! Mais les 22 régions françaises sont déjà plus grandes que les Länder allemands idéalisés par les perroquets médiatiques ! Elles font en moyenne 25 000 km2; contre 21 000 km2 ; pour les Länder d’Outre Rhin. Mais pour finir, que valent ces prétendus arguments quand on les compare aux faits qui sont censés en être déduits ? Si François Hollande considère la taille d’une région comme déterminante, pourquoi va-t-il laisser le Nord Pas-de-Calais dans ses limites actuelles ? C’est pourtant, par la taille, l’une des régions les plus petites du pays. Elle s’étend sur 14 000 km2 près de 7 fois moins que la nouvelle méga-région Poitou-Charente–Limousin– Centre ! De même, pourquoi laisser la Bretagne d’un côté et les Pays-de-la-Loire de l’autre au lieu de créer une de ces prétendues « région de taille européenne » en fusionnant les deux ? Et que dire des péroraisons sur le « mille-feuille » français ! Où est l’aberration sinon dans les ajouts baroques et post féodaux de l’aménagement du territoire à la sauce néolibérale qui organisent le désert français avec ses métropoles, et autres bidouillages féodaux ? Communes, départements et régions peuvent former une construction harmonieuse si l’on ne s’acharne pas à y ajouter des structures qui les neutralisent, les doublonnent, les enchevêtrent !
Coup de force contre le résultat des élections européennes. Le social-libéral Martin Schulz vient d'être réélu président du Parlement européen. En dépit du désaveu populaire, les mêmes sont reconduits pour mener la même politique.
Cette élection résulte d'un accord passé entre la droite et les sociaux-démocrates en échange du soutien à la candidature de Juncker à la présidence de la Commission. C'est le symptôme de la cogestion à l'oeuvre en Europe, à l'instar de l'Allemagne où le SPD gouverne avec la CDU.
Malgré la candidature de Pablo Iglesias, symbole de la résistance populaire et démocratique en Europe, la dictature de l'austérité va pouvoir continuer.
L’insupportable braderie de notre souveraineté continue
François Hollande et son gouvernement viennent de décider un nouvel abandon de souveraineté.
Après Alcatel, EADS, Alstom, c’est cette fois le cœur de l’industrie d’armement qui est attaqué.
La fusion de l’entreprise Nexter (ex GIAT industries) avec l’entreprise allemande KMW est une double faute.
Une faute contre la France qui perd ainsi le contrôle à 100% de l’un des ses principaux fournisseurs de matériel militaire, fabriquant en particulier le char Leclerc et employant 2700 salariés.
Une faute contre la paix puisque cette fusion abandonne 50% du capital à des intérêts privés.
L’installation aux Pays-Bas du siège social de l’entreprise fusionnée signe l’absurdité de cette insupportable décision.
L’Europe de la Défense confirme son véritable objectif : défaire la souveraineté de la France sur ses armes.
Le Parlement sera saisi de cette privatisation : il doit s’y opposer.
Manuel Valls capitule sans condition à Berlin
Extrait de la note « Entre chiens et loups » – 28 septembre 2014
On ne doit pas croire (…) qu’en s’affaiblissant le pouvoir laisse un vide. Tout le contraire. Il recule ? L’adversaire avance. Seule la sottise des poulets d’élevage leur fait croire que les renards sont des chiens comme les autres. Hollande et Valls se croient très malins de penser détourner la force de leurs adversaires en leur faisant des simagrées d’amitié. « J’aime les entreprise », « j’aime l’Allemagne ». Mais ceux-là n’ont pas d’affect, juste des intérêts qui avancent où reculent au gré des rapports de force. Ce lundi 22 septembre, le voyage à Berlin de Manuel Valls fut un désastre. On avait l’impression qu’il venait rendre compte à sa supérieure. Ou qu’il était dans le rôle de l’élève venu réciter sa leçon dans le bureau du directeur. Tout frais recalé de la séance à l’Assemblée, ce dont le gouvernement allemand est parfaitement informé, Manuel Valls a piteusement expliqué avoir « besoin aussi de la confiance du peuple allemand ». Il a donc multiplié les signes serviles pour se faire bien voir. « On comprend, dit-il, les doutes et les interrogations du peuple allemand, des représentants, de la presse allemande parfois, qui se disent au fond : nous, nous avons su faire les réformes et les Français n’en sont pas capables. Et, s’ils ne les font pas, ce n’est pas bon pour l’Allemagne ». Triste capitulation sans condition devant un impératif économique qui n’est pas le nôtre.
Manuel Valls a donc fait allégeance devant Madame Merkel. Il affirmé : « je veux dire aux Allemands que les réformes, nous allons les faire ». Il ensuite récité le catéchisme libéral habituel. Il a ainsi détaillé les projets en cours pour obéir à la Commission européenne et faire plaisir à la droite allemande. Premièrement, la réforme territoriale contre la démocratie locale et les services publics de proximité. Deuxièmement, l’attaque contre les « seuils sociaux », c’est-à-dire la mise en cause des droits des salariés à élire des représentants du personnel ou à bénéficier d’un Comité d’entreprise. Troisièmement, l’élargissement du travail du dimanche contre le droit au repos et à une vie sociale non marchande. Quatrièmement, la poursuite de l’austérité aveugle avec le plan de 50 milliards d’euros de coupes budgétaires. Depuis Berlin !
Le reste a prouvé jusqu’où l’abaissement pouvait aller. Manuel Valls n’a pas défendu l’honneur du pays face à une partie de la presse allemande qui nous insulte. Les européistes bêlants qui me montrent du doigt oublient en général d’en parler. Hier, elle insultait les Grecs traités de fainéants. Désormais, c’est la France qui est insultée par le quotidien Bildt. Il appelle désormais notre pays « Krankreich » au lieu de Frankreich. En Allemand, « krank » signifie « malade ». « Krankreich » signifie donc littéralement « l’Empire malade ». Le titre complet était « Krankreich flop. Deustchland top ». Il n’y a pas besoin de traduire. Manuel Valls a mollement répondu que « la France n’est pas l’homme malade de l’Europe ». C’est tout. Mais son ministre banquier, le pimpant Macron, dit froidement que « la France est malade ». Il laisse notre pays se faire insulter par la presse allemande sans mesurer la gravité historique de ce fait.
Sur la forme, Angela Merkel a encouragé le petit Manuel Valls. Elle s’est ébahie avec conviction devant le programme de réforme « très ambitieux » et même « impressionnant » de son commensal. Elle a particulièrement approuvé les cadeaux aux actionnaires et la destruction des droits sociaux. Elle a ainsi affirmé que « ces réformes seront mises en œuvre dans les domaines les plus pertinents, à savoir pour relancer la compétitivité de la France ». Mais sur le fond, Angela Merkel n’a rien cédé. Non, l’Allemagne ne dépensera pas un centime de plus pour relancer l’activité en Europe. Angela Merkel l’a répété clairement : il existe « beaucoup de possibilités de créer de la croissance sans argent supplémentaire ». Elle a même enfoncé le clou : « l'Allemagne a montré qu'on pouvait à la fois consolider ses finances et créer de la croissance ». Mais le gouvernement français obtiendra-t-il un nouveau délai de la Commission européenne pour réduire son déficit budgétaire comme a pleurniché Valls ? Angela Merkel a botté en touche : c’est la Commission européenne qui le dira. Les courbettes de Manuel Valls n’ont donc servi à rien. Juste à dégrader le rapport de force et à encourager l’arrogance du gouvernement Merkel.
La bêtise du « modèle allemand »
Extrait de la note « Entre chiens et loups » – 28 septembre 2014
Le « modèle allemand » étale sa stupidité sans que ces messieurs-dames les très intelligents ne daignent s’en apercevoir. Qui dira à Valls combien ce qui est « bon pour l’Allemagne » n’est pas bon pour la France ? Ce qui est bon pour une population vieillissante accrochée à ses retraites par capitalisation, et par conséquent à l’exigence d’une grasse rémunération du capital, n’est pas bon pour un pays en voie de rajeunissement demandeur d’emploi et d’investissements. Pierre Briançon dans « Le Monde » en montre au moins une conséquence très concrète : « Si la France avait le même niveau d’investissement public que l’Allemagne, elle n’aurait pas de mal à respecter la limite du 3% pour son déficit ». Il citait sur ce point l’économiste britannique Simon Tilford.
Le gouvernement allemand se pavane avec son déficit zéro cette année. Tous les comptables du dimanche de la caste s’ébahissent. C’est pourtant une idée absurde qu’un budget sans déficit quand un État peut s’endetter à des taux négatifs comme c’est le cas aujourd’hui. L’Allemagne gagnerait de l’argent si elle empruntait pour investir, et cela relancerait l’activité économique, notamment celle de la France, son premier partenaire commercial. Dans le domaine privé, cela ne vaut pas mieux. Le capital allemand se tourne vers les fusions-acquisition aux USA ! Il vient d’acheter pour 45 milliards d’action là-bas. C’est quand même cinq milliards de plus que tout le plan français de cadeaux au CAC 40 français ! Si cette somme avait été investie en Europe, elle aurait produit un effet de dynamisation économique évident. Mais tout cela, il ne faut pas le dire.
Tout est parfait en Allemagne, c’est bien connu. Personne ne demande dans quel état sont les équipements publics de ce pays. Ni ce qui se passera quand l’Allemagne devra vraiment passer à la prise en charge de la population vieillissante. Ni ce qu’il lui faudra affronter quand elle devra faire face à l’impact dans la longue durée sur le plan sanitaire et psychologique de tout ce qui résulte de la pauvreté et même l’extrême pauvreté en Allemagne. Le même Pierre Briançon donne une information que les larbins du « modèle allemand » devraient méditer. Olaf Gersemann, rédacteur du service finances de « Die Welt », titrait un long article sur le sujet : « le dernier hourra de l’Allemagne arrogante ». « La plus grande puissance économique européenne est déjà entrée dans son déclin économique », estimait l’auteur. » Les raisons sont celles que je viens d’évoquer. A quoi s’ajoute le fait que les réformes Schroeder de baisse drastique du coût du travail ne sont un avantage comparatif que dans la période où les autres n’en font pas autant. Exactement comme une dévaluation monétaire. Mais quand toute l’Europe fait manger du pain noir à ses travailleurs, l’avantage de ceux qui sont passé de la brioche au pain blanc est fini.
L’économie allemande s’enfonce
Extrait de la note « Macron, le nouveau vizir en vue » – 13 octobre 2014
Tout devrait aller beaucoup plus mal partout en Europe. C’est une bonne nouvelle pour ce qui est de rabaisser la morgue de Merkel, de mettre en déconfiture les admirateurs du « modèle allemand » et de ridiculiser ses caniches français au pouvoir ! C’est une nouvelle victoire intellectuelle pour nous qui avons dénoncé, souvent seuls, ce prétendu « modèle ». Une pensée amicale pour Bruno Odent, journaliste à l’Humanité qui tient la chronique de ce refrain de la propagande du système. Son livre « Modèle Allemand, une imposture » aura donc été, comme plus modestement mes textes dans ce blog, un utile vaccin pour les libres penseurs en économie. Mais le désastre social européen va s’approfondir. En France surtout puisque nous sommes la deuxième économie du continent et directement synchrone avec l’Outre-Rhin. Rien n’était davantage prévisible que cet épisode allemand. Une fois les « sanctions économiques » prises contre la Russie, tous les autres clients étant mis en panne par la politique d’austérité imposé par l’Europe Allemande, comment Merkel et son équipe de névrosés de l’équilibre budgétaire pensaient-ils faire tourner l’activité ?
Les prochains mois vont donc être spécialement cruels. Même si Merkel changeait de pied, il faudrait au moins un an pour inverser la pente prise et qu’une politique de relance diffuse ses effets. Mais elle ne changera pas d’attitude. Et ses robots non plus. Ainsi le président de l’Eurogroupe, un androïde néerlandais. Son pays est déjà sous le choc de la récession pour cause d’austérité. Mais comme les autres, ce bonhomme n’a plus de pays : il est européen, c’est-à-dire allemand, c’est-à-dire au service des fonds de pension qui paient les retraites par capitalisation des électeurs de la CDU et de la masse des autres retraités de ce type en Europe. Le monsieur se permet de faire des injonctions au gouvernement français qui jappe misérablement en se cachant de peur sous le canapé. À son coup de sifflet, les dogues des agences de notation montrent les crocs. Tout ça pour aggraver la crise. Car le monsieur demande d’aggraver la cause du mal et de faire davantage d’austérité. C’est à peine croyable, mais c’est comme ça. Le désastre est donc assuré en Europe.
Rapport franco-allemand 100% PS
Extrait de la note « La semaine qui chauffe » – 1er décembre 2014
C’était la fête chez les ennemis du peuple à la lecture jouissive du « rapport franco-allemand » pour détruire les acquis sociaux, « privilèges » des salariés. L’enfumage ne doit pas vous laisser aller à croire que ce soit là une étude scientifique. Juste un manifeste de plus de l’adhésion des militants du PS au dogme libéral. En effet, les auteurs du rapport ne sont pas de simples « économistes ». Jean Pisani-Ferri et Henrik Enderlein sont d’abord des militants politiques très liés aux sociaux-démocrates. Henrik Enderlein est même membre du SPD allemand qui gouverne actuellement avec Angela Merkel. Jean Pisani-Ferry a travaillé pour Dominique Strauss-Kahn. Et il occupe actuellement le poste de commissaire général à la prospective auprès du gouvernement Valls. Il y a été nommé par François Hollande en mai 2013. Les deux économistes ont une longue carrière dans les institutions libérales. Jean Pisani-Ferry a travaillé pour le FMI et la Commission européenne. Son collègue allemand représentait la Banque centrale européenne dans la Convention Giscard qui a rédigé le projet de Constitution européenne. Le Français a aussi fait un passage chez Goldmann Sachs et la banque Rothschild, comme le ministre Emmanuel Macron. L’Allemand a été le conseiller de l’actuel ministre de l’Economie d’Angela Merkel, le social-démocrate Sigmar Gabriel. Autrement dit, ces « économistes » travaillent sur commande pour les dirigeants sociaux-libéraux européens. Ils sont seulement là pour lâcher des ballons d’essai et préparer les esprits aux prochains mauvais coups.
Ils prennent leur tâche très au sérieux. Leur rapport est un appel à la violence sociale. Jean Pisani-Ferry a ainsi appelé le gouvernement français à « passer un cap » dans les réformes favorables au patronat. Pour lui, malgré tout ce qui a déjà été donné par Hollande au MEDEF, on est seulement à « la mi-chemin » ! La rengaine est toujours la même. Le premier axe des « économistes » est l’assouplissement du marché du travail. Comprenez : la baisse des droits des salariés. Comment ? La proposition est de faire reculer l’emprise de la loi au profit de « plus d’autonomie à la négociation de branche et d’entreprise ». Le but est de permettre des « accords de compétitivité offensifs ». Les « accords de compétitivité » sont ces dispositifs par lesquels un employeur peut obtenir des salariés qu’ils renoncent à certains droits, y compris une partie de leur salaire, en échange de promesses creuses. Ce type d’accord a été généralisé par François Hollande à travers la loi « made in Medef » voté au printemps 2013 suite à l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le sujet. Mais jusqu’ici, seuls des accords « défensifs » sont autorisés. C’est-à-dire que l’entreprise doit avoir des problèmes de compétitivité pour pouvoir en profiter. Et ces accords ne s’appliquent que pendant deux ans. C’est déjà inadmissible. Mais ce n’est jamais assez pour le MEDEF. La proposition Pisani-Ferry/Enderlein veut donc rendre ce type d’accord plus facile et plus durable.
C’est-à-dire ouvrir la voie à un chantage patronal encore plus grand. C’est écrit noir sur blanc dans le rapport. Le but est d’« élargir le champ des dérogations possibles aux dispositions légales dans les conventions collectives de branche, y compris lorsque ces accords comportent des dispositions qui ne sont pas bénéfiques pour les employés ». Le ministre français de l’économie, Emmanuel Macron, a dit son accord pour aller dans ce sens. Il s’est dit « à l’aise avec ce programme », parlant « d’agenda de convergence » et même de « programme commun ». Macron a répété ce qu’il a dit il y a quelques jours à l’Assemblée à propos des 35 heures : leur démantèlement continuera mais en cachette. Il propose de « dédramatiser » ces reculs sociaux, en « déconcentrant » le débat « dans les branches professionnelles et les entreprises » pour « faire un pas vers la culture allemande ». Il reprend ainsi un point central du programme du MEDEF, l’hypocrisie en plus !
L’autre offensive frappe les salaires. Pour préparer les esprits, la presse allemande avait fait fuiter l’idée d’un gel des salaires pendant trois ans en France. Il lui reste à apprendre que le gouvernement français n’a pas le pouvoir de geler les salaires dans les entreprises privées, et que le salaire des fonctionnaires est déjà gelé depuis 2010 ! Mais c’est bien l’esprit du rapport. Il propose ni plus ni moins de supprimer les négociations annuelles obligatoires sur les salaires ! Et de les remplacer par des négociations triennales, c’est-à-dire une fois tous les trois ans seulement.
L’autre proposition pour geler ou contenir les salaires concerne le SMIC. Le rapport propose de revoir le mode de calcul du salaire minimum pour freiner encore sa hausse déjà quasi-nulle. Il s’agirait de ne plus prendre en compte dans le calcul du SMIC la hausse moyenne du salaire ouvrier mais de remplacer ce critère par une prise en compte de l’évolution de la productivité. En gros, le SMIC augmenterait moins vite que les autres salaires. Un gel déguisé en somme. Le ministre Macron a précisé qu’il n’était « pas prévu » de modifier le mode de calcul. Et pour cause, il n’en a pas besoin pour geler le SMIC ! Son collègue François Rebsamen a déjà annoncé il y a quelques jours qu’il n’y aurait pas de coup de pouce sur le SMIC au 1er janvier prochain. Et comme les statistiques disent que les prix n’augmentent pas, il y a fort à parier que le SMIC sera gelé au 1er janvier, sans même avoir besoin de changer son mode de calcul.
Le troisième étage de la fusée est d’une banalité aussi affligeante que les deux premiers. Que proposent ces « économistes » ? De l’austérité ! Bien sûr, ils versent des larmes de crocodiles sur l’absence d’investissement. Dans un éclair de lucidité, ils estiment que le plan européen d’investissement bidon de Juncker est « insuffisant ». Mais c’est pour mieux appeler à encore plus d’austérité en France ! Dans leur rapport, ils proposent de réduire la dépense publique à 50% du PIB contre 55%. Cela revient à couper 100 milliards d’euros dans les services publics, les prestations sociales ou dans l’investissement de l’État ou des collectivités locales ! Valls a déjà prévu d’en faire la moitié d’ici 2017. Macron a laissé entendre que les 50 autres milliards d’euros seraient à trouver entre 2017 et 2022, c’est-à-dire dans le mandat du successeur de François Hollande. L’austérité à perpétuité pour le peuple, voilà le programme de ces gens-là !
Faire payer les Français pour l’Allemagne ?
Extrait d’interview dans La Provence – 2 décembre 2014
Alors que le chômage continue à monter, un rapport franco-allemand propose une répartition des efforts. Plus d’investissements en Allemagne. Des réformes en France. Vous l‘approuvez ?
Faire payer les Français pour l’Allemagne ? C’est une provocation dangereuse. Mme Merkel est en train d’asphyxier toute l’Europe, même son propre pays ! L’Allemagne a en effet besoin d’investissement. Mais la France aussi ! Le chômage augmente parce que Hollande réduit les dépenses publiques et le pouvoir d’achat. Il faut faire tout l’inverse.
Maul zu, Frau #Merkel ! Frankreich ist frei. Occupez-vous de vos pauvres et de vos équipements en ruines !
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) 7 Décembre 2014
La condition de la paix, c’est la stricte égalité entre Français et Allemands
Extrait d’interview dans Le Monde – 11 décembre 2014
Pensez-vous réconcilier les citoyens avec la politique en usant de formules à l’emporte-pièce, comme vous l’avez fait dimanche 7 décembre contre Mme Merkel ou le lendemain contre une eurodéputée CDU ?
Mille fois oui ! En parlant comme ça, je défoule la France, j’incarne son humiliation et j’adresse un message aux gouvernants allemands. N’oubliez jamais : c’est sur les vieilles cicatrices que se rouvrent les nouvelles blessures. La condition de la paix, c’est la stricte égalité entre Français et Allemands. En laissant libre court à l’arrogance de Merkel, Hollande l’encourage. L’Europe ne doit pas être le nouvel empire des rentiers allemands. L’Allemagne vieillissante, ses pauvres et ses équipements publics en ruine, n’est pas un modèle pour nous.
Fais-nous mal, Angela ! Fais-nous mal !
(Attention, buzzers précoces ! Il s’agit d’une allusion à la chanson fétiche de Boris Vian).
Les Français plébiscitent Merkel. Si ! Le JDD le prouve par un sondage ! Une sobre présentation préside à cette révélation étalée sur toute la une ! Mais l’événement fondateur c’est moi ! En personne ! Ce qu’il nomme (comme il se doit à propos d’un homme qui ne saurait avoir de cerveau mais seulement des tripes) mon « coup de sang contre Merkel » devient ensuite un « coup de gueule » dans la titraille interne de l’article. Il était urgent de savoir de quel côté penchaient les Français ! Evidemment « les Français » plébiscitent madame Merkel ! Il ne manquerait plus qu’ils me plébiscitent moi ! A quoi servirait le JDD dans ce cas ? Evidemment, si on lit le résultat de cette grande enquête scientifique, on s’aperçoit vite qu’en dépit des questions biaisées jusqu’au ridicule, les sondés, et non « les Français », majoritairement de droite, approuvent plutôt le personnage (qu’ils connaissent bien, comme chacun le sait) davantage que sa politique. Mais quelle différence une fois qu’on a lu le titre et vu la photo ? La collaboration avec Merkel n’est-elle pas la pierre de touche du bon goût ? Chacun sait que je l’ai insultée « grossièrement ». Et même d’une manière « nauséabonde » selon le député De Rugy. « Ferme là » est une insulte quand je le prononce. Quand Cohn Bendit dit « ta gueule » à son compatriote Martin Schultz, c’est une joyeuse facétie post-pubère. Oui mais, attention ! De Rugy admet qu’il faut avoir, si besoin, des « relations fermes » avec le gouvernement allemand. Mais évidemment pas « comme Mélenchon ». Bon. Quelqu’un se rappelle-t-il avoir lu quelque chose de « ferme » du député De Rugy à propos du gouvernement de madame Merkel pour que je puisse m’en servir comme modèle pour la suite ? Non ! Il n’y a rien. Avant que j’en parle et avant qu’il soit sifflé pour remplir sa fonction en me calomniant, De Rugy n’a jamais rien dit sur ce sujet. Rien.
D’une façon générale ce fut un festival d’indignation à la commande. Et autant pour la deuxième couche. Poirette sur RTL, sans aucun rapport avec le sujet du débat avec Zemmour, me demande à l’impromptu si je « regrette d’avoir insulté » madame Merkel. Je lui réponds que je ne l’ai pas insultée mais que je me demande pourquoi je regretterai des propos réfléchis même si j’ai cru que « Maul zu » voulait dire « shut up ! ». Réplique du journaliste « ça aurait pu vous échapper ! » Inouï ! Mais c’est bon pour le buzz ça coco ! Aussitôt « le Lab » titre que « Mélenchon ne regrette pas d’avoir insulté » la madame. Ce qui est une façon de suggérer que je suis d’accord avec l’idée que je l’ai insultée. « Tu verras coco, le mot Mélenchon plus le mot “insulte” va produire des clics supplémentaires ! » Et ainsi de suite. Le régal, ce fut de crucifier ma mauvaise manière pour avoir prétendument utilisé le terme « boche ». La manipulation odieuse qui fut faite alors me révulsa d’abord, moi qui en aie pourtant déjà tant subi. Puis elle m’amusa beaucoup. Car je vis réagir aussitôt une faune d’indignés de service dont j’aime dorénavant les aigreurs et acrimonies comme j’aimais faire aboyer le chien du voisin quand j’étais gamin juste pour embêter son propriétaire. Le plus comique fut ce néo-stalinien qui s’indigna bruyamment de mon « propos xénophobe » pour l’usage de ce mot. Il exigea une mise au point de Pierre Laurent. Il publia son indignation sur le site des « amis de l’Huma » qui l’afficha sans broncher.
Autant d’ignorants, et oublieux de ces unes de l’Huma de l’été 1944 qui titraient chaque jour, des formules telles que « À chaque Parisien son Boche », ou « frapper plus fort le Boche », « pas un Boche ne doit sortir vivant » j’en passe et des meilleures. Apparemment, à cette époque, pas de différence entre « boches » et « nazis ». Et les unes de l’Huma ne parlent pas « d’Allemands ». Juste des « boches ». Pas plus que la très officielle et intéressante exposition actuelle du musée Carnavalet sur la Libération de Paris ne nomme « nazie » l’occupation de la capitale mais bel et bien « Allemande ». Je m’empresse de dire que je n’ai rien contre cette exposition. Au contraire. Elle lave les yeux de l’horrible affiche dans la même rue avec le portrait du traitre Pétain qui invite à aller voir l’exposition aux archives de France sur la collaboration. Beuark ! Au Carnavalet au contraire on peut voir des images très intéressantes sur la barbarie de l’armée d’un peuple voisin, que les nôtres ont vaincu et fait défiler les mains sur la tête. J’en profite pour dire qu’il y a plus savoureux encore dans cette magnifique exposition. De façon très primaire, comme l’est toute critique des États-Unis cela va de soi, elle fait son coup de sang pour rappeler que l’armée américaine voulu « blanchir » les troupes entrant dans la ville. Ainsi furent mis de côté, par eux, nos frères sénégalais qui combattaient les nazis avec nous. Cette même exposition pousse aussi un coup de gueule incroyablement grossier ! En effet, elle souligne quel paradoxe était le fait que les USA viennent en France en prétendant combattre un régime raciste alors qu’eux même pratiquaient encore la ségrégation raciale des noirs ! Incroyable, non ? Ce musée Carnavalet, propriété de la ville de Paris, serait- il un nid de mélenchonistes « nauséabonds » « insultant les Américains » et ragnagna ?
N’allez pas croire que je m’appuie sur d’autres pour justifier l’usage du mot « boche » pour désigner les Allemands. Au contraire. Je n’ai jamais été d’accord avec ça. Ça devrait se savoir. Car parmi ceux qui m’entendent parler, nombreux sont ceux qui lisent d’autres choses que des albums à colorier et qui par-dessus le marché comprennent le français écrit. Ceux-là savent à quoi s’en tenir. Quand je dénonce dans cette député allemande présentée sur le plateau de « France 2 » le fait qu’elle « ressemble à une caricature de boche de bande dessinée » il est clair je mets à distance le concept de « boche » pour décrire un Allemand. Mais si les petites cervelles ont besoin de comprendre avec des images ce que parler veut dire et en quoi consiste une « caricature de boche », je les renvoie à ce qu’ils connaissent le mieux et savourent toujours avec le même moignon de cerveau auquel ce spectacle fait appel : une série américaine ! Vous connaissez « Papa Schultz » les petits nenfants ? Allez jeter un œil, si vous avez oublié ! Voulez-vous des citations de films ? Des dessins d’époque et contemporains ? Un petit extrait de la « Grande vadrouille » ?
Ceci posé, je répète mon point de vue sur le fond. Rien ne peut faire oublier que les Allemands ont envahi trois fois notre pays et confisqué à deux reprises des départements français pour les annexer. Cela ne doit pas grand-chose à l’ethnie mais beaucoup à la géographie et aux structures de dominations géopolitiques des époques concernées. Il va de soi que la période contemporaine est bien différente. Je ne dis donc pas qu’ils s’apprêtent à nous envahir. Je ne dis pas qu’ils sont des envahisseurs nés. Et ainsi de suite pour qu’aucun buzzer précoce n’aille se perdre en épectase. Pour autant, connaître l’Histoire, mesurer ses permanences, c’est la meilleure position de départ pour éviter ses répétitions. La nouvelle génération de dirigeants allemands n’est plus retenue ni par le remord des crimes de ses parents, ni par la partition des peuples allemands. Le ton et le style qu’ils adoptent pour imposer à toute l’Europe une politique stupide qui ruine toutes nos sociétés et nous précipitent dans un nouvel accident de la civilisation européenne est insupportable. Aucune des raisons qu’ils affichent pour exiger qu’on leur obéisse n’est fondée en raison. C’est donc une pure brutalisation. Le petit jeu du rayon paralysant pour empêcher toute critique ou toute polémique sur « le couple franco-allemand » est uniquement au service d’un leurre dans une politique internationale de notre pays qui en est déjà si largement farcie avec la prétendue « communauté de valeurs » avec les Etats Unis.
Il est impossible de ne pas connaître mon point de vue argumenté sur ces questions. En effet j’ai publié et maintenu à la « une » de ce blog, comme en ce moment, durant de longues semaines le recueil des textes sur l’Allemagne que j’ai publié soit sur mon blog, soit dans mes livres soit dans des interviews. Ils représentent un ensemble d’analyses et de prises de positions argumenté que mes détracteurs n’ont jamais mentionné. Mais ce n’était pas le sujet des aboyeurs de la dernière période. Leur sujet est le buzz. Non pas tant « donner de l’information » mais en produire. Je conclus donc cette séquence, où le chien de mon voisin a bien aboyé, par un extrait de mon interview dans le journal « le Monde » paru la semaine passée. Le Monde : « Pensez-vous réconcilier les citoyens avec la politique en usant de formules à l'emporte-pièce, comme vous l'avez fait dimanche 7 décembre contre Mme Merkel ou le lendemain contre une eurodéputé CDU ? » Réponse : « Mille fois oui ! En parlant comme ça, je défoule la France, j’incarne son humiliation et j’adresse un message aux gouvernants allemands. N’oubliez jamais: c'est sur les vieilles cicatrices que se rouvrent les nouvelles blessures. La condition de la paix c’est la stricte égalité entre Français et Allemands. En laissant libre court à l’arrogance de Merkel, Hollande l’encourage. L’Europe ne doit pas être le nouvel empire des rentiers allemands. L’Allemagne vieillissante, ses pauvres et ses équipements publics en ruine, n’est pas un modèle pour nous. »
Tenir tête à madame Merkel ne comporte qu’un risque : pour les Allemands.
Extrait de la note « Hélas, il a parlé » – 5 janvier 2015
Quant à la Grèce, le propos de François Hollande est en dessous de la ligne de flottaison. « Les Grecs sont libres de décider souverainement de leurs gouvernants », pérore-t-il, sans se rendre compte comment il insinue ainsi que le contraire serait possible. Et d’ailleurs la suite sonne déjà comme une menace : les gouvernements grecs « auront à respecter les engagements qui ont été pris par leur pays ». Et dans le cas contraire ? Aucun journaliste n’ayant pas pensé à le lui demander. Ce détail n’a donc pas été commenté. D’ailleurs qu’aurait-il pu dire ? Tout a été fait déjà, rappelons-le : destitution de gouvernement en 48 heures parce qu’il voulait organiser un référendum, grande coalition et ainsi de suite. Tout sauf le coup d’état militaire ou la guerre avec la Turquie. Personne n’a pensé non plus à lui demander ce qu’il pensait de l’échec absolu de la politique appliquée dans ce pays sur ordre de madame Merkel et avec son appui. Personne n’ayant non plus songé à lui demander si la France continuerait à toucher des dividendes sur la Grèce, cet autre détail a donc également été laissé de côté. Bref un bavardage sans intérêt. « Quant à l'appartenance de la Grèce à la zone euro, c'est à la Grèce seule d'en décider » conclut notre bonnet de nuit présidentiel. Madame Merkel va faire les gros yeux ! Mais comme c’est une évidence, la brouille ne durera pas. Personne ne peut exclure personne. On l’a assez répété ! Une autre chose qui mérite d’être répétée : il n’existe aucun mécanisme de sortie de l’euro dans les traités, non plus. Tenir tête à madame Merkel ne comporte qu’un risque : pour les Allemands. Bonne année !
Dette : l’Allemagne doit payer
Extrait de la note « L’effet domino, vite ! » – 26 janvier 2015
La dette ? Quelle dette ?
Avant d’examiner les questions techniques, il faut bien réfléchir à la philosophie de cette affaire. Les puristes disent « une dette est un accord entre deux parties, il faut le respecter » : donc il faut la payer. C’est ce qu’a répété en Grèce Pierre Moscovici, le commissaire européen du PS, ces jours derniers : « Une dette n’est pas faite pour être effacée, elle existe, elle doit être remboursée ».
Il va de soi que la vie en société repose sur le respect des conventions signées. Car annuler unilatéralement un accord c’est s’exposer à ce que les parties adverses en fassent autant sur d’autres accords et il n’est pas certains que le bilan final soit positif pour celui qui prend l’initiative de la chaîne des ruptures. Mais un premier débat porterait évidemment sur la légitimité de l’accord conclu. Un bon accord suppose l’égalité des parties et donc la liberté d’agir de chacune d’entre elles. Exemple : une signature donnée sous la contrainte n’entre pas dans cette catégorie. Ensuite, on distinguera ce qui est dû au titre du capital et ce qui est dû au titre des intérêts. Le capital peut être considéré comme une propriété, même si dans le cas du prêt bancaire sa valeur n’existe pas puisque la banque n’a pas dans ses coffres l’argent qu’elle prête. Au moment de la discussion sur la dette, on pourrait vérifier si la valeur du capital emprunté a été ou non remboursée. La surprise, ce sera de constater que dans la plupart des cas, le capital initial est largement remboursé. Ainsi quand on entend dire « il faut rembourser la dette » la phrase est souvent un mensonge. Il faudrait dire « il faut payer les intérêts ». On comprend pourquoi cela n’est pas dit de cettefaçon… Car tout le monde serait tenté de s’interroger sur le taux d’intérêt payé et sur sa justification. Ce fait banal touche aussi au cœur de la doctrine financière. Car les taux d’intérêt usuraires sont imposés au nom du « risque de défaut », non ? Bien sûr, ces taux augmentent le risque de défaut, c’est bien pourquoi ce système est absurde. Mais ce n’est pas le plus important ! Le plus important, c’est que si l’on fait payer un risque c’est donc qu’il est prévu aussi qu’il puisse se réaliser. Ceux qui ont saigné la Grèce au nom du risque ne peuvent protester quand il se concrétise !
Une fois posé ceci en général, voyons les cas concrets. Car en sens inverse, il arrive que les prêteurs soient conscients du fait que leurs exigences sont insoutenables et que, s’ils les maintiennent, tout le système qui les contient eux-mêmes pourrait s’effondrer. C’est ce qui s’est produit au lendemain de la seconde guerre mondiale à propos de l’Allemagne vaincue. Sa dette à l’égard des autres pays fut effacée en quasi-totalité. Il s’agissait d’empêcher que le martyr du remboursement des immenses dégâts et carnages dus aux armées allemandes dans toute l’Europe pousse les citoyens dans les bras des communistes et de l’Allemagne de l’est. Le 27 Février 1953, la Conférence de Londres aboutit à l’annulation de près des deux tiers de la dette allemande (62,6%) par ses créanciers étrangers ! La dette d’avant-guerre, qui avait été une des causes directes de la victoire des nazis fut radicalement réduite de 22,6 milliards à 7,5 milliards de Marks. La dette d’après-guerre est réduite de 16,2 milliards à 7 milliards de Marks. Ce sont des effacements considérables. L’accord fut signé entre la toute nouvelle RFA et pas moins de 22 pays créanciers. Parmi les 22 créanciers, on trouve les États-Unis, la Grande Bretagne, la France, mais aussi la Grèce elle-même ! Cet exemple montre comment parfois on peut décider d’une annulation radicale pour sauver l’équilibre d’un système !
J’ai un exemple de ce que je viens d’énoncer que je juge encore plus parlant. C’est celui de la dette… de l’Irak. Après la deuxième guerre du Golfe, celle que ne firent ni la France, ni l’Allemagne, ni le Canada et ainsi de suite, les États-Unis dénoncèrent la dette contractée par le régime de Saddam Hussein. Bush fils la nomma « dette odieuse », reprenant un terme que seuls utilisaient déjà les altermondialistes. Ces derniers l’avaient eux-mêmes emprunté à une doctrine du 19e siècle. Elle est apparue lors du conflit opposant l’Espagne et les États-Unis en 1898. A cette date, Cuba, jusque-là colonie espagnole, passe sous le protectorat musclé des États-Unis. L’Espagne exige alors des États-Unis le remboursement la dette de Cuba auprès d’elle. Les USA refusent. Ils déclarent cette dette « odieuse », c’est-à-dire contractée par un régime despotique pour mener des politiques contraires aux intérêts des citoyens. « Ce qui est important, c’est que cette déclaration, finalement reconnue par l’Espagne, est inscrite dans un traité international, le Traité de Paris, qui fait donc jurisprudence. » note Eric Toussaint à qui j’emprunte ce savoir.
Peu importe à cette heure les démêlées sur le sujet de cette dette en particulier. En suivant le lien mes lecteurs en apprendront davantage et je leur demande de le faire pour fortifier leurs arguments quand ils devront les porter dans leur environnement. Au final, la dette irakienne fut annulée à 80% ! Cela représentait 120 milliards de dollars ! Retenez ce chiffre. C’est plus du tiers du montant de la dette grecque au début de la crise ! Suivez le raisonnement. Chacun s’accorde à dire que les comptes publics étaient maquillés par les gouvernements de droite sur la base des conseils donnés dans ce sens par Goldman-Sachs ! On peut donc qualifier cette dette de « dette odieuse » dans le sens que Bush lui donnait à propos de l’Irak !
L'Allemagne doit payer
Mais pour l’instant, faisons comme si nous acceptions la thèse du remboursement obligatoire indépendamment de toutes circonstances. Dans ce cas, si la Grèce doit payer la dette, ne doit-on pas lui rembourser d’abord celle qu’elle détient auprès des autres, de façon à lui permettre de payer la sienne ? C’est exactement ce que dit Tsipras. Les Allemands ont occupé la Grèce au cours de la seconde guerre mondiale et ils se sont livrés dans ce pays à plusieurs massacres de masse en plus des destructions habituelles. Le comble du cynisme, c’est qu’ils ont fait payer à la Grèce les « frais d’occupation ». Cela représente 168 milliards d’euros actuels. Tsipras a donc prévu de les réclamer à l’Allemagne. « Dès que notre gouvernement sera en fonction, cette question fera l’objet d’une demande officielle » a-t-il déclaré. C’est en effet l’équivalent de la moitié du montant de la dette actuelle. Est-il légitime de réclamer cette somme ? Tenons compte du fait que l’Allemagne actuelle se sent assez comptable des exactions de l’Allemagne nazi pour servir des rentes aux survivants de la Shoah et même pour avoir fait des dons conséquents à Israël, non pour réparer ce qui restera à jamais irréparable, mais comme reconnaissance de sa culpabilité. Cette culpabilité ne peut être ignorée en Grèce et la responsabilité de l’Allemagne dans l’extorsion de fonds violente en Grèce, bien signalée par le terme de « frais d’occupation », ne peut être abrogée. Peut-être dira-t-on que c’est de l’histoire ancienne et qu’il faut savoir tourner la page. Soit. Mais alors la règle doit s’appliquer dans tous les cas.
Ce n’est pas ce qu’a fait la France quand elle a réclamé au nouveau pouvoir russe de monsieur Poutine le paiement des emprunts russes contractés à la fin du dix-neuvième siècle par les Tsars de Russie. Cette dette avait été annulée par le gouvernement des bolchevicks. Cette question des emprunts russes a été réglée par un accord signé en 1997 entre la France et la Russie. Il a consisté en un versement par la Russie à la France 400 millions de dollars ! Les Russes ont donc payé à la fin du vingtième siècle pour une dette dont les premiers titres datent de 1898 ! Mais l’affaire n’est pas close pour autant. Des arrêts du Conseil d'État, déclarent que cet accord entre États n'éteint pas les droits des porteurs privés vis-à-vis de leur débiteur (Conseil d'État n° 226490 à 236070 séance du 12 mars 2003, et Conseil d'État n° 229040 séance du 7 janvier 2004). Peu avant son élection Nicolas Sarkozy avait confirmé cette position. Il l’a fait par écrit. Il s’agit d’une lettre signée le 19 mars 2007 adressée aux porteurs privés réunis en association. En voici le passage clef : « L'accord franco-russe signé le 27 mai 1997 a eu pour effet la renonciation mutuelle des réclamations respectives des gouvernements français et russe. Néanmoins, il n'a pas pour autant éteint les droits de créance des ressortissants français sur le gouvernement russe. La situation n'est donc pas figée ». On ne peut être plus clair. Dès lors, ce qui est vrai face aux Russes cent vingt ans plus tard cesse-t-il d’être vrai face aux Allemands soixante-cinq ans après les faits ? Doit-on rappeler que les crimes des nazis sont imprescriptibles ?
Tout ce qui précède est destiné à donner l’environnement historique et culturel de la question de la dette grecque, qui est présentée comme une sorte de fait indiscutable avec la dose de terrorisme intellectuel habituelle dans ce type de situation. Voici ce qui me frappe le plus : on considère comme un fait d’évidence qu’il y aurait une sorte de « responsabilité collective » des Grecs vis-à-vis de la dette. Pourquoi imputer à tout un peuple les pillages de quelques-uns ? Surtout quand ce petit nombre maquillait les comptes publics pour cacher ses turpitudes. Et cela avec l’aide d’une banque, Goldman-Sachs, que nul n’a inquiétée depuis pour ces faits ? Et pourquoi imputer aux Grecs cette responsabilité collective vis-à-vis d’une telle question alors que l’on se refuse à juste titre à établir une responsabilité collective du peuple allemand dans les crimes du nazisme, alors même que ceux-ci furent commis avec une participation individuelle assez massive, que les moindres images d’archives rappellent sans contestation possible.
Le gouvernement allemand est le problème posé à l’Europe
Extrait de la note « Contre les coups de force, la sixième République » – 20 février 2015
On me reproche parfois de focaliser sur lui. Mais la géopolitique commande la politique. Le dire, ce n’est pas céder à un quelconque ethnicisme. C’est seulement comprendre que les arrière-plans, effets de structures, dispositifs de classes, systèmes de domination, ne se déploient pas comme des abstractions surplombant le réel qui se contenterait d’en illustrer les contenus ! Ils se déploient à partir des conditions matérielles réelles et des circonstances concrètes. Le nombre de ceux qui m’objectent que « le problème ce n’est pas l’Allemagne c’est le capitalisme » me consterne. Revoilà la caverne de Platon de retour où les catégories idéelles précédent le réel ! Pour quelle raison l’Allemagne est-elle aujourd’hui collée à l’intérêt du capital transnational en Europe dont elle est le chien de garde zélé ? Pour les raisons liées à sa démographie, à ses rapports de domination de ses voisins de l’est, et à sa dépendance aux USA depuis 1945. L’existence détermine la conscience collective. En Allemagne, la conscience collective comme partout ailleurs se construit autour du modèle et des préférences du noyau central qui domine la société : les vieux retraités par capitalisation et les suivants de la classe moyenne et moyenne supérieure. C’est eux qu’il faut convaincre ou contraindre.
En atteste ce qui vient de se passer depuis quelques jours face à la Grèce. Je veux le récapituler pour que chacun s’en saisisse. Encore une fois, c’est pour nous la meilleure préparation. Les discussions entre la Grèce et les autres membres de la zone euro sont présentées comme un « dialogue de sourds ». La réalité est que les discussions butent sur l’intransigeance totale des « Européens », comme les nomment les commentateurs, sans se rendre compte de l’exclusion qu’ils prononcent ainsi à l’égard des Grecs. En fait ces « Européens » sont complètement sous tutelle de la droite allemande.
Depuis la victoire électorale de Syriza, les autres Européens n’ont fait aucun pas en direction du nouveau gouvernement grec. Les deux réunions de l’Eurogroupe, la réunion des ministres des Finances de la zone euro, en ont été de parfaites illustrations. Ainsi, mercredi 11 février, les 18 autres pays de l’Eurogroupe ont proposé au gouvernement grec un document proposant une « extension » du programme actuel au-delà du 28 février. Or, l’extension de ce programme est catégoriquement rejetée par Alexis Tsipras ! Peut-il en être autrement ? Cela reviendrait pour lui à accepter la poursuite du « mémorandum » de réformes imposant l’austérité. Et donc d’exiger que Tsipras endosse la politique du précédent gouvernement de droite grec alors qu’il a été élu pour changer de politique.
La seule concession des autres européens aura été de ne plus utiliser le mot « Troïka ». Le symbole est important. Mais croire que cela suffirait, c’est croire que Tsipras se paye de mots. Changer les mots sans changer les choses est une ruse qui marche peut-être avec d’autres, mais pas avec le nouveau gouvernement grec. Le summum de l’arrogance au cours de cette réunion est revenu sans aucun doute au ministre allemand des Finances Wolfgang Schaüble, parti avant la fin de la réunion, pendant que le ministre grec des Finances téléphonait à son Premier ministre Tsipras pour valider la position de son pays. Le but de Schaüble est d’humilier ses interlocuteurs dans la tradition germanique la plus grossière et la plus haïssable.
Le lendemain, jeudi 12 février, au conseil des chefs d’État et de gouvernement, le dialogue a pu être rétabli. Aucune déclaration commune n’a été faite sur la Grèce et il n’y a pas eu de véritables discussions sur la dette ni sur le contenu du futur programme pour la Grèce. Pourtant, et c’est très important, il y a eu un accord pour engager des discussions techniques pendant le week-end sur le contenu d’un futur programme accepté par tous. Il s’agissait alors de préparer la réunion suivante, celle de l’Eurogroupe prévue pour lundi 16.
Pendant tout le weekend, les représentants du gouvernement grec ont ainsi travaillé avec les autres fonctionnaires pour essayer de rapprocher les points de vue. Le dimanche, c’est Alexis Tsipras lui-même qui a appelé le président de la Commission européenne Jean-Claude Junker pour avancer. Le gouvernement grec a ainsi discuté d’un projet d’accord avec le Commissaire européen Pierre Moscovici. Un document d’une page, en anglais, que le journaliste du Guardian, Paul Mason, a obtenu et publié sur sa page Facebook. On en était donc là. Arrivent les Allemands et tout s’écroule. Les faucons de l’austérité ont tout mis par terre. Toute la table a été renversée. Au point que, ce lundi 16 février, à l’Eurogroupe, Moscovici n’a jamais présenté le document travaillé pendant le weekend avec les Grecs. À la place, le président de l’Eurogroupe, le néerlandais Jeroen Dijsselbloem, une marionnette de Schaüble, a présenté un autre document. Un texte encore plus dur que celui rejeté la semaine précédente. Telle est la vérité ! Pendant que le gouvernement grec discutait et montrait sa volonté de conclure un accord honnête, l’Eurogroupe durcissait en secret sa position sur ordre de Berlin. Dans son texte, l’Eurogroupe exigeait purement et simplement du gouvernement qu’il demande l’extension du programme actuel. Retour au point de départ, comme une semaine auparavant, l’arrogance et le mépris pour les discussions du week-end en plus. Le ministre grec Varoufakis a évidemment refusé une nouvelle fois. L’Eurogroupe a ainsi adressé un véritable ultimatum à la Grèce, exigeant que la Grèce capitule avant d’envisager une nouvelle réunion. Alors que le gouvernement grec avait montré sa volonté de négocier et que les autres Européens n’avaient pas bougé d’un pouce, le président de l’Eurogroupe a ainsi eu le toupet d’exiger que « le prochain pas doit venir de la Grèce ».
C’est la ligne dure du ministre allemand qui l’a emporté. Les propos rapportés par la presse montrent que les proches de François Hollande n’ont pas joué le rôle de facilitateur qu’ils prétendent assumer. Le Commissaire européen Pierre Moscovici comme le ministre des Finances Michel Sapin ont répété en cadence ce que disait Wolfgang Schaüble. Comme l’a dit Michel Sapin : « Il y a seulement un chemin raisonnable, c’est une extension technique [du programme actuel] avec de la flexibilité. Si les autorités grecques veulent prendre ce chemin, une réunion aura lieu vendredi pour confirmer leur décision ». Ne pas comprendre le rôle agressif néfaste du gouvernement allemand c’est de l’iréalpolitique la plus puérile. Tout céder aux Allemands pour satisfaire au mythe du « couple franco-allemand » c’est enfiler soi-même la camisole de force qui ficelle l’action des Français.
Le problème en Europe, c’est l’Allemagne de Merkel
Note de blog – 25 février 2015
Maintenant nous entrons dans une bataille de propagande contre la Grèce de Tsipras. Une troupe composite de droitiers écumant de rage, de gauchistes toujours prompts à excommunier qui ne se plie pas à leur mantras abstraites, et d’ancien gauchistes pour qui l’échec des autres doit justifier leur propre mutation libéralo-libertaire, se coalisent pour chanter sur tous les tons la « capitulation de Tsipras ». Que dis-je : « la première capitulation » comme titre « Médiapart ». Car bien-sûr, il y en aura d’autres ! C’est acquis d’avance ! Il est temps de se démoraliser promptement ! Il est juste de rentrer à la maison, de ranger les banderoles pour en faire des mouchoirs, d’éteindre les lampions et de se couvrir la tête de cendres froides. Jean Michel Aphatie a immédiatement posé le diagnostic : Tsipras a promis n’importe quoi, et maintenant, comme tous les autres, il doit « s’incliner devant les réalités ». Les réalités c’est la politique des intérêts allemands avec lesquels nous sommes appelés à collaborer dans notre propre intérêt ! Cette vision de la réalité n’est pas conforme aux faits. Elle est seulement une pièce dans le jeu de nos ennemis. Le but de notre lutte est la victoire. La partie se joue dans un délai qui n’est pas de huit jours. Deux rythmes sont à concilier. D’abord celui de l’opinion grecque parce qu’il engage la survie du gouvernement de Syriza. Ensuite celui des élections en Europe dans les pays où la brèche peut s’élargir : Espagne, Irlande et nous, aux régionales françaises de fin 2015. Imagine-t-on cette séquence ouverte par l'effondrement d’un pays qui est censé commencer notre cycle en Europe ?
L’Allemagne a joué un rôle hideux en créant une crise avec la Grèce. L’atrabilaire Schäuble a été si odieux avec les Grecs que le ministre Varafoukis a été mis dans l’impossibilité de traiter directement avec ce fanatique dominateur et insultant. La baudruche sociale-démocrate, Sigmar Gabriel, vice chancelier de Merkel, s’il vous plait, a confirmé que seule la capitulation serait acceptée par le gouvernement de droite et du PS d’Allemagne. Du coup « El País », le quotidien espagnol proche du PSOE titre fièrement « l’Allemagne impose sa loi ». Célébrer l’Allemagne avec ces mots, c'est politiquement correct ! Sans oublier la presse allemande qui adresse à la une des « danke ! Herr Schäuble », « merci, monsieur Schäuble » avec des trémolos dans la voix comme seuls les larbins « éthiques et indépendants » savent le faire quand il s’agit d’argent. Que tout cela soit la démonstration de ce que j’affirme sur l’arrogance du parti allemand en Europe est évidemment indifférent aux rédacteurs enthousiastes de ces coups de mentons. Le parti Merkel n’a pas besoin de se soucier des formes. Leurs petits amis français regardent ailleurs. Il veille, le parti bisounours pro-n’importe quoi du moment, que cela porte le tampon « Europe » et « économie de marché » ! Critiquer l’Allemagne est considéré ici comme du racisme selon Cohn-Bendit et ses répétiteurs de la meute des libéralo-libertaires. Qu’un Allemand défende l’Allemagne est toujours sympathique, n’est-ce pas, Jean-Patou ? Qu’un Français défende son pays et les peuples qui souffrent, à commencer par les douze millions d’Allemands pauvres c’est du chauvinisme, n’est-ce pas Marie-Syphilde ? On connaît. Parce qu’on a déjà connu.
Donc, pour l’essentiel il s’agit d’une bataille de communication et de propagande dont l’enjeu est la capacité de contagion de la rupture grecque ! Une bataille. Le but des eurocrates politiques et médiatiques, une fois passé le temps de la rage et de l’injure, passé leur déception de ne pas avoir vu l’extrême droite être au niveau qui permet le chantage au vote utile de tous les moutons affolés, c’est d’isoler la Grèce de Tsipras. L’isoler diplomatiquement et l’isoler dans le peuple en déconsidérant l’alternative Tsipras pour dissuader les autres pions du domino. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que le numéro du gros quotidien espagnol « El País » qui encense la « victoire » de l’Allemagne sur la Grèce soit également largement consacré à une série de calomnies et d’insinuations fielleuses contre Podemos, sur la même une. Avec reprise sur deux pages entières à l’intérieur, dont un ténébreux titre sur « la face occulte de Pablo Iglésias ». Quoique beaucoup plus vendu que « Le Monde », qui se confidentialise, « el Pais » est bien son homologue en Espagne. Evidemment, Podemos étant un danger électoral plus élevé que nous et « El Pais » n’ayant pas d’extrême droite à valoriser comme son homologue français, le « bashing » de Podemos occupe une place beaucoup plus large que le dénigrement du Front de Gauche dans le journal de Plantu et des publi-reportages lepénistes.
Voyons plutôt à présent où nous en sommes réellement. Une assemblée d’organisateurs de la fraude fiscale en Europe, hier encore présidée par un homme qui en avait fait une spécialité dans son pays, Monsieur Junker, se réjouit du plan grec et se sent « notamment encouragée par l'engagement fort à combattre l'évasion fiscale et la corruption ». Ha ! Ha ! À ces mots, on devine la comédie qui se joue. Ce qu’ils ont dû céder, ils veulent donner l’impression de l’organiser. L’idée est d’humilier la Grèce et de présenter son gouvernement comme traître à son peuple. Que le traité d’armistice ne soit pas à notre goût, cela va de soi. Pour autant, faut-il aboyer avec la meute et nous transformer en procureurs ? Faut-il ne tenir pour rien qu’en pleine Europe de l’austérité et dans un pays martyr une liste de « réformes progressistes » soit maintenue ? Car outre la lutte contre l'évasion fiscale et contre la corruption, la liste de réformes comprend, selon un aperçu fourni par le gouvernement grec, une série de mesures en faveur des plus démunis, conformément au programme électoral de Syriza. Il s’agit notamment de la fourniture d'électricité gratuite à des familles dans le besoin, d'accès gratuit aux services de soins, de distribution de coupons d'aide alimentaire et de transport pour les plus dépouillés. Sans oublier les quatre mois de gagnés pour préparer le round suivant !
Aucun des aboyeurs contre Tsipras n’ayant dénoncé la manœuvre de la Banque centrale européenne pour étrangler la Grèce en la privant de liquidités, aucun ne pouvait donc rendre compte du fait que toute la négociation s’est faite sous la contrainte. Avec un délai. Le gouvernement grec ne pouvait « tenir » que jusqu’à ce mardi, compte tenu du niveau des retraits de fonds opérés par les Grecs à l’annonce de la manœuvre de la banque centrale pour les spolier de leurs avoirs. Mon précédent post explique comment fonctionne cette mécanique. Gagner du temps sans renoncer à rien, c’était l’objectif. Il a mobilisé tous les amis du gouvernement grec actuel par tous les moyens dont chacun disposait. C’était aussi le sens du rapport de force qu’essaient de construire nos manifestations de soutien dans les rues. Désigner le gouvernement allemand comme responsable de l’étranglement de la Grèce est non seulement conforme à la réalité mais nécessaire pour la préparation idéologique des étapes suivantes de notre lutte. Voyons lesquelles.
Commençons par la Grèce. Tsipras ne doit pas perdre le soutien populaire. Il doit l’élargir. Syriza a gagné avec 36 % des voix. Une large majorité continue à croire aux « bienfaits de l’Europe » ou aux menaces de la propagande libérale sur le sujet. Il est impossible d’infliger un effondrement du système bancaire moins d’un mois après avoir gagné une élection. Nous, Français, nous le savons, qui avons subi quatre dévaluations, un contrôle des changes et un emprunt forcé dans les premiers mois du gouvernement du Programme Commun à partir de 1981. Il faut que le peuple grec comprenne dans sa profondeur la responsabilité de l’Allemagne, la responsabilité du gouvernement Merkel pour expulser la Grèce de la zone euro pour que, dans le cas ou tout ceci finirait par avoir lieu, l’actuelle majorité ne se voie pas imputer la responsabilité des aspects désagréables qui en résulteraient. Le bras de fer, les négociations à rebondissements, sont un élément de la pédagogie de masse d’un pouvoir populaire. Il doit devenir clair pour tous que le problème de l’Europe, c’est l’Allemagne qui le concentre. Evidemment, le jeu de l’adversaire est de proclamer une défaite quand les mesures de violences n’ont pas eu raison du courage des Grecs.
Voyons la ligne de brèche en Europe. Imagine-t-on ce que seraient des élections en Espagne, Irlande, chez nous et ailleurs si le bilan du changement en Grèce était l’effondrement en un mois ! Je n’en dis pas davantage. Mon intention est seulement de faire comprendre qu’une partie comme celle-là ne se joue pas sur le mode gentillet d’une alternance à la papa. Le continent européen entre en ébullition ! La guerre gronde à la frontière de l’est en Ukraine, dans les mains d’irresponsables provocateurs néo-nazis et d’agents Nord-Américains. Les pays récemment annexés par l’union européenne ou ceux qui entrent dans la catégorie des candidats à l’entrée dans l’Union connaissent tous de violentes secousses sociales qui remettent en cause tous les équilibres et petits calculs. Plus de 50 000 personnes du micro prétendu État croupion du Kosovo quittent leur pays pour aller essayer de travailler en Allemagne, sur la base d’une simple rumeur de visa facile. On voit que rien ne tient par soi-même des constructions absurdes de cette « Europe » qui protège. Quand plus de la moitié des immigrations en Europe viennent des pays européens eux-mêmes, le chaos s’avance. Quand, dans une vision étroitement marchande de type post-colonial, le gouvernement allemand pense compenser le vieillissement accéléré de la population par des vagues géantes de migration, il joue avec le feu qui est déjà allumé dans un pays dont les remugles ethnicistes sont en pleine résurrection.
Dans ce contexte européen, le gouvernement de Tsipras obtient une victoire. Cela parce que le rapport de force lui était totalement défavorable. Alexis Tsipras est Premier ministre depuis moins d’un mois. Il a dû mener cette négociation en même temps que l’installation de son nouveau gouvernement et avec un pays au bord de l’asphyxie financière. Il était seul à la table de négociations, sans alliés, avec seulement quelques États jouant un rôle de médiateurs. Il dirige un pays d’à peine 11 millions d’habitants sur les 334 millions d’habitants de la zone euro. La Grèce représente à peine 2% de la production annuelle européenne. Que tous les docteurs en sciences révolutionnaires méditent ce que veut dire un rapport de force national !
Le gouvernement grec a négocié avec le pistolet sur la tempe. L’accord est intervenu 8 jours avant la fin du plan de « sauvetage » actuel, alors que l’Union européenne et le FMI doivent verser 7,2 milliards d’euros. Surtout, la Grèce avait sous la gorge le couteau de la BCE. On sait que depuis le 4 février, la BCE a coupé le canal essentiel de refinancement des banques grecques. Elle ne renouvelle l’autre canal de refinancement que par périodes de 15 jours selon la méthode d’un chantage permanent. Dans ce contexte, les retraits aux guichets des banques grecques s’envolaient ces derniers jours. Certaines sources indiquent que le gouvernement grec aurait été obligé de limiter les montants retirés dès ce mardi, voire que certaines banques n’auraient pas pu ouvrir. Dans ce contexte, combien de gouvernements auraient passés par-dessus bord tous leurs engagements ? Pas Tsipras.
L’accord prévoit le prolongement du financement européen pour 4 mois, jusqu’à fin juin. Cela inclut le versement de 7,2 milliards d’euros : 1,6 milliard d’euros de la part du Fonds européen de stabilité financière, 1,6 milliards d’euros de la BCE qui reversera les intérêts perçus sur la dette grecque, et 3,6 milliards d’euros du FMI. Le gouvernement grec a aussi obtenu une prolongation du fonds destinés à la stabilisation du système bancaire. Certes, il n’a pas obtenu de pouvoir récupérer les 11 milliards d’euros concernés pour le budget grec. Mais l’Allemand Schäuble n’a pas obtenu non plus que ce fonds soit dissout et que les 18 autres pays récupèrent cet argent comme il le réclamait.
Le gouvernement grec a obtenu plusieurs choses. Tout d’abord, donc, un financement pour 4 mois qui lui permettra de rembourser 1,4 milliards d’euros au FMI en mars et de faire face aux rentrées fiscales jusqu’ici moins importantes que prévues par le précédent gouvernement. Ce versement ainsi que le temps gagné vont permettre au gouvernement de commencer à appliquer son programme. Ce prolongement n’est pas une fin en soi comme l’exigeait l’Allemagne puisque le communiqué de l’Eurogroupe indique clairement que « cette extension comblera également le temps nécessaire pour les discussions sur un éventuel accord de suivi entre l'Eurogroupe, les institutions et la Grèce ». À mes yeux, la perspective d’une période de transition est une nette victoire des Grecs.
Tsipras a obtenu plus que cela. Il a obtenu de ne pas augmenter la TVA, ni durcir les conditions de départ à la retraite, ni baisser les pensions de retraites comme l’exigeait la Troïka et comme le prévoyait l’ancien gouvernement de droite. Il a également obtenu une levée partielle de la tutelle sur son pays. L’accord prévoit en effet que c’est le gouvernement grec qui proposera désormais des réformes et que « les institutions », c’est-à-dire la BCE, le FMI, la Commission européenne et les autres États de la zone euro devront les accepter, en partie dès ce mardi 24 février, en partie d’ici fin avril. Comme l’a dit le ministre Varoufakis, la Grèce cesse d’être un élève soumis à la Troïka pour proposer « son propre script ». C’est ainsi que le gouvernement grec a fait savoir que les réformes du droit du travail relevaient de la « souveraineté nationale ». Il a donc maintenu sa promesse de rétablir les conventions collectives protégeant les salariés.
Le gouvernement grec s’engage en contrepartie à payer ses créanciers ? Rien d’autre que ce que Tsipras avait dit dans sa campagne électorale. Le gouvernement grec s’est aussi engagé à ne pas prendre de mesures unilatérales ayant « un impact négatif sur les objectifs budgétaires, la reprise économique, la stabilité financière ». Le gouvernement Tsipras a toujours dit qu’il ne souhaitait pas remettre en cause l’équilibre budgétaire ni procéder par des annonces unilatérales. Il est décisif pour lui de montrer que s’il a été contraint à des annonces unilatérales ces derniers jours, c’est en réponse à l’agression unilatérale de la Banque centrale européenne le 4 février et à l’arrogance du ministre allemand tout au long de la négociation. La liste des « réformes » qu’a proposée le gouvernement grec a été adoptée. Si elle avait été rejetée, le ministre Varoufakis a déjà fait savoir qu’il considérerait l’accord de vendredi comme « nul et non avenu ». Cette liste de réformes que propose le gouvernement prouve sa détermination. Il entend utiliser les quatre mois qui viennent pour commencer à appliquer son programme. L’essentiel, on l’a dit, a habilement porté sur la lutte contre la corruption et la fraude fiscale. Que pouvaient objecter les eurocrates qui sont ici sur leur point faible ! Et il y a aussi une réforme fiscale pour « que les impôts soient réparties de manière plus juste socialement ». On voit bien ici que le simple mot de « réforme » ne veut rien dire. Qu’y a-t-il de commun entre exiger une hausse de la TVA, impôt injuste, et lutter contre la fraude fiscale des oligarques grecs ? Rien sinon le mot « réforme » et, éventuellement, la recette fiscale qu’on peut en attendre. Il est d’ailleurs stupéfiant de voir que le communiqué de l’Eurogroupe reconnaît qu’en la matière, « les priorités politiques grecques peuvent contribuer à un renforcement et une meilleure mise en œuvre de l'arrangement actuel ». La zone euro découvre ainsi que Syriza est mieux armé pour lutter contre la corruption que les partis corrompus qui dirigeaient la Grèce jusqu’ici ! C’est sans doute l’hommage du vice à la vertu.
Voila où nous en sommes. Si Schäuble refuse les réformes grecques, il portera la responsabilité de la rupture. Il en va de même pour le Bundestag, le Parlement allemand, qui doit se prononcer sur l’accord, comme les Parlements néerlandais, estonien et finlandais. Si tout se passe sans encombre, la bataille va se poursuivre. Celle visant bien sûr à « préciser et valider » la liste des réformes pour valider les versements d’ici fin avril. Mais surtout, la discussion de fond d’ici fin juin sur la renégociation de la dette grecque. Comme l’a dit Tsipras, la Grèce tourne le dos à l’austérité mais des difficultés restent à venir. La bataille se poursuit. Elle sera rude. Les menaces et le chantage risquent de reprendre au fur et à mesure qu’on se rapprochera de la fin juin. Tsipras a donc 4 mois pour faire grandir la capacité du peuple grec à tenir le choc et pour trouver des alliés, y compris hors de l’Union européenne. Pour notre part, nous avons 4 mois pour faire grandir la solidarité avec le peuple et le gouvernement grecs.
Je conclus ce chapitre par un extrait du discours de Tsipras du samedi 21 février. J’estime que sa parole a davantage d’importance et de crédibilité que celle d’une poignée de commentateurs intéressés à sa défaite. Le gouvernement grec n’a pas l’intention de céder. Le discours d’Alexis Tsipras, samedi 21, le dit clairement. Je vous en livre quelques extraits pour que vous notiez la tonalité combative et la place de la bataille pour la souveraineté dans son combat. « Nous avons franchi une étape décisive, laissant l’austérité, le mémorandum et la Troïka derrière nous. Une étape décisive qui autorisera le changement dans la zone euro. [Vendredi] n’était pas la fin des négociations. Nous allons entrer dans une nouvelle étape, plus substantielle, dans nos négociations jusqu’à atteindre un accord final pour la transition des politiques catastrophiques du mémorandum vers des politiques centrées sur le développement, l’emploi et la cohésion sociale. Certes, nous allons faire face à des défis. Mais le gouvernement grec s’est engagé à aborder les négociations qui auront lieu entre maintenant et juin avec encore plus de détermination. Nous nous engageons à la restauration de notre souveraineté nationale et populaire. Ensemble, avec le soutien du peuple grec, qui sera le juge ultime de nos actions. Comme partisan et participant actif, le peuple grec nous aidera dans nos efforts pour parvenir à un changement politique. Notre lutte commune continue. »
Le gouvernement allemand répand le poison de l’austérité
Interview RMC-BFMTV – 20 mars 2015
Le 20 mars 2015, Jean-Luc Mélenchon était l'invité de Jean-Jacques Bourdin sur RMC et BFMTV. Il a appelé à soutenir la Tunisie, « phare de la liberté de conscience », en déclarant un moratoire sur la dette de ce pays après les attentats survenus place du Bardo. Jean-Luc Mélenchon a également appelé à reprendre les relations diplomatiques avec la Syrie. Sur le plan européen, il a dénoncé l'étranglement de la Grèce par l'Union européenne et le comportement du gouvernement allemand qui « répand le poison de l'austérité » et a « annexé économiquement » l'Europe. Enfin, Jean-Luc Mélenchon a démenti tout lien d'amitié avec Patrick Buisson.
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Le conseil des ministres franco-allemand demain sera un moment œcuménique à la gloire de l’amitié franco-allemande.
Pendant ce temps, l’Allemagne fait la pluie et le beau temps en Europe. Son intransigeance égoïste est lourde de danger.
Elle est à la manœuvre pour asphyxier la Grèce. Elle a voulu en faire un laboratoire économique, elle veut en faire un laboratoire politique.
Elle impose l’austérité qui étouffe l'activité et accroît le chômage.
Le « modèle allemand » plonge l’économie européenne dans la déflation.
Même la Commission européenne a ouvert une enquête pour « déséquilibres excessifs » contre les excédents commerciaux prédateurs.
L’ordolibéralisme allemand annexe l’Europe.
La France devrait proposer un autre chemin. Encore faut-il que ses dirigeants le proposent !
Madame Merkel est en train de faire une Europe allemande
Le 31 mars 2015, Jean-Luc Mélenchon était l'invité de RTL. Il a appelé à relancer l'activité économique plutôt que d'appliquer l'austérité qui aggrave la situation. Refusant d'être « embauché dans le tripartisme », Jean-Luc Mélenchon a proposé une nouvelle alliance « lisible » avec EELV, Nouvelle Donne et les Socialistes affligés. Il a enfin parlé du rôle néfaste et de l'attitude arrogante de l'Allemagne de Mme Merkel.
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Extrait de la note « bon pont » – 4 avril 2015
Vous ne le savez pas mais il y a un débat sur la place de l’Allemagne dans l’Europe actuelle. En effet, l’épisode grec ne peut pas être effacé du paysage des gens sérieux. C’est trop, c’est trop gros. Mais en France, la tendance dominante reste à l’adulation sans nuance. J’en dis un mot à propos de quelques déclarations germanolâtres de Bernard Henri Levy (BHL).
(…)
Obscène germanolâtrie
Certes, Chypre a déjà pu être étranglée à main nue par la BCE (Banque Centrale Européenne) aux applaudissements de tous les importants dont Pierre Moscovici alors ministre de Hollande ! Mais cette fois ci, l’Allemagne s’est beaucoup avancée sur la ligne de front. Le débat feutré qui avançait souterrainement affleure dorénavant à la surface. Arnaud Le Parmentier pour « Le Monde » a écrit déjà deux éditoriaux très fouillés et parfois angoissés sur le thème. A présent voici l’indépassable Bernard Henri Levy qui entre en scène dans une chronique à la gloire de madame Merkel. D’abord une couche d’amalgame à propos de la « germanophobie » en Europe : « Sans parler de la France où, de l'extrême droite (Mme Le Pen mettant en garde la chancelière contre les "souffrances" qu'elle impose aux peuples d'Europe) à l'extrême gauche (M. Mélenchon tonnant contre sa politique "austéritaire" et lui demandant de "la fermer"), c'est à qui ira le plus loin dans la dénonciation populiste du nouvel et haïssable "empire allemand". » Puis vient le temps de la réplique. On connait Bernard Henri Levy et on devine que cette séquence sera légère… « Alors, écrit-il, le problème de cette germanophobie ce n'est pas seulement qu'elle est stupide. Ce n'est pas qu'elle est un symptôme de plus de la décomposition, sous nos yeux, du beau projet européen. C'est qu'elle est, contrairement à ce que nous racontent les apprentis sorciers qui la nourrissent, le signe, non de leur opposition, mais de leur adhésion, pour ne pas dire de leur contribution au vrai fascisme qui vient. ». La suite de son vomi est prévisible.
Devinez ? Oui devinez. La germanophobie c’est une forme d’antisémitisme ! Il fallait oser. L’ambiance est ainsi créée. Quiconque se risque à une critique de l’Allemagne a droit au déferlement : « vous voulez la guerre » (Manuel Valls à Jean Christophe Cambadélis) « Quand Mélenchon parle des Allemands c’est du racisme. » (Cohn Bendit) et ainsi de suite. En 2011, quand Montebourg s’était risqué à critiquer l’Allemagne, la giclée avait été du même niveau de violence aveuglée. Cohn Bendit avait postillonné sa rage : « Montebourg sombre dans le nationalisme au clairon qui ne sert qu’à raviver des sentiments qu’on croyait définitivement derrière nous. C’est du mauvais cocorico. Il fait du Front national à gauche ». Pour « Libération », Jean Quatremer à Bruxelles, sentinelle vigilante du vaudou européiste accusait Montebourg d’avoir « clairement dépassé la ligne rouge de l’ignominie » et de « cracher sa haine à coup de clichés nationalistes qui montrent que la réconciliation franco-allemande, qui date de 1950, n’a toujours pas réussi à pénétrer certains intellects ».
L’obscénité de la germanolâtrie, pourtant, ne pose de problème à aucun de ces grands esprits. L’idée d’un bilan lucide et d’une vision plus réaliste de l’hégémonisme allemand, la compréhension du rôle de son gouvernement dans l’imposition à toute l’Europe de sa doctrine de l’"ordolibéralisme" et de son prétendu modèle économique ne les effleure pas. En fait elle leur convient. Leur adulation pour l’Allemagne est une autre manière de mépriser la France. Ainsi quand Cohn Bendit crache que « dire que la France est un grand pays, ce n’est pas la vérité ». D’ailleurs, aucun de ces chien de garde ne sort aboyer quand un footballeur comme Emmanuel Petit, ancien international français de football dénonce en 2014 la France comme « hypocrite et lâche » et les Français comme « un peuple arrogant, suffisant, menteur et hypocrite ». Le dévot se laisse aller ensuite à rêver à haute voix : «Parfois, je me dis qu’en ayant été envahis par les Allemands, on serait mieux dirigés aujourd’hui ». Beark ! Heureusement que le monde du football compte assez de patriotes vigilants et qu'ils ont su mettre les points sur les « i ». Petit précisa donc, croyant bien faire : « l'Allemagne que j'aime c'est celle d'aujourd'hui, bien meilleure que nous politiquement, économiquement et sportivement ». Mais cette mise au point change-t-elle quelque chose quant au fond du propos ?
Ces temps derniers on lit des apologies étranges de Bismarck sous le prétexte du centenaire de sa mort. Dans les élites de droite outre Rhin, la figure du commandant en chef de l’invasion de la France en 1870 est considéré comme compatible avec une adulation raisonnable de la volonté de puissance. Qu’il ait fait couronner le Kaiser au château de Versailles pour célébrer la victoire de l’absolutisme sur la France issue de la grande Révolution ne parait pas un symbole répugnant aux psalmistes de sa gloire retrouvée. Mais pourquoi des Français devraient-ils s’en réjouir et ne pas comprendre le message qui leur est adressé de cette façon ? Parce que certains parmi eux, commentateurs, essayistes, éditorialistes, demandent que l’Allemagne « assume » au plan politique et diplomatique sa puissance. Pour n’en citer qu’un, Alain Minc, dans son livre « vive l’Allemagne ». Aujourd’hui comme autrefois la domination d’une forme de capitalisme passe par des rapports de force qui s’incarnent dans des politiques nationales et des États qui en sont les agents pour des raisons d’intérêt national. Le dire, ce n’est pas nier que « le problème ce n’est pas l’Allemagne c’est le capitalisme ». C’est donner une figure concrète et réelle à ce que l’on dénonce.
La Grèce étranglée par l’Allemagne
Extrait de la note « bon pont » – 4 avril 2015
La stratégie de Tsipras vise à essayer d’avancer en milieu hostile avec le but de « réussir à avoir une stabilité des finances publiques pour renverser le climat négatif, réduire les pressions sur les liquidités et promouvoir la croissance » pour réduire le chômage et la pauvreté. Le 18 mars, il a ainsi fait adopter sa première loi au Parlement. C’est la loi de lutte contre la pauvreté et la « crise humanitaire » : donner de l’électricité et à manger à ceux qui ne peuvent plus payer. Même ça, c’était trop pour la Commission européenne. Jusqu’à la veille du vote du Parlement grec, elle a essayé d’empêcher le gouvernement grec de faire voter cette loi. Le représentant de la Commission pour la Grèce, Declan Costello, a transmis au gouvernement Tsipras une lettre arrogante et menaçante comme l’a révélé le journaliste du « Guardian » Paul Mason sur son blog. Entre l’Union européenne et la démocratie, la force reste, pour l’instant et en dépit de tous les obstacles, du côté de la démocratie. Alexis Tsipras agit du mieux qu’il peut jour après jour, cherchant à éviter les pièges et les provocations. Mais si les menaces contre la Grèce devaient avoir raison du vote des Grecs, ce serait évidemment une rupture historique pour l’Union européenne. De notre côté, nous ne devons pas baisser la garde de notre solidarité. Ni être frivole et nous désintéresser de ce qui se passe là-bas parce que c’est trop technique ou parce que des journaux à la mode disent que de toutes façons le nouveau gouvernement grec a déjà « capitulé ». Avez-vous vu aussi comment Bourdin m’a interrogé sur le sujet de cette « capitulation » ? Il ne savait pas ce qu’il y avait dans la liste des réformes mais il répétait ce que disait la communication de l’Allemagne et des agences de presse hostiles au nouveau gouvernement.
Donc, le gouvernement grec d’Alexis Tsipras a proposé aux 18 autres gouvernements de la zone euro un paquet de réformes lundi dernier, le 30 mars. Une nouvelle fois depuis le début, le gouvernement Tsipras tient parole, propose, discute, négocie, sans rien lâcher des lignes rouges fixées par le vote du peuple grec le 25 janvier. Il est bien le seul à assumer le dialogue. En face, derrière les sourires mielleux, la Banque centrale continue son étranglement et le gouvernement allemand serre le garrot. La poigne allemande sur cette discussion est si visible ! Tsipras a passé six heures de discussion avec Angela Merkel. Six heures. Sans doute a-t-elle compris qu’elle se démasquait trop puisqu’elle s’est sentie obligée de préciser « ce n’est pas un conflit avec l’Allemagne mais avec les dix-huit autres pays de la zone euro ». Naturellement ce n’est pas vrai. L’Allemagne décide, les autres suivent. Parce qu’ils n’ont pas le choix.
La liste de ce que propose le gouvernement grec n’est pas encore complètement connue. Mais on sait déjà ce qui n’y figure pas. Le gouvernement grec a d’ores et déjà annoncé que les mesures « ne seront en aucun cas le produit d'une réduction des salaires ou des retraites ». C’était pourtant l’une des principales exigences de la Troïka avant la victoire de Syriza ! Pour le reste, on sait notamment que le gouvernement grec propose une série de « réformes » pour augmenter les recettes de l’Etat grec de 3 milliards d’euros cette année. Par quelles mesures ? Des hausses d’impôts pour les plus riches. Et aussi une lutte acharnée contre la fraude fiscale et la corruption. Et aussi en faisant appliquer la loi obligeant les chaines de télévision à payer une licence pour pouvoir émettre ! Ces réformes n’ont rien à voir avec les « réformes structurelles » exigées par l’Union européenne, Angela Merkel, le FMI etc. Le mot « réformes » est trompeur. Mais le contenu non. Certains l’ont bien compris, notamment les Allemands et la Banque centrale européenne.
La Banque centrale européenne serre chaque jour un peu plus son nœud coulant autour du cou de la Grèce. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le journaliste Romaric Godin du journal économique en ligne latribune.fr. La BCE mène une guerre ouverte au gouvernement Tsipras. Son but est clair : asphyxier financièrement et monétairement le gouvernement et les banques grecs pour obliger Tsipras à capituler et à renier ses engagements électoraux. C’est la méthode testée contre Chypre en mars 2013. Pour cela, la BCE ne renonce à aucune barbouzerie contre la Grèce. Bien sûr, elle est obligée de le faire progressivement. D’abord parce que chercher à empêcher un gouvernement nouvellement élu d’appliquer sa politique s’apparente à un coup d’Etat financier et n’est pas bon pour l’image de « l’Europe démocratique qui protège ». Ensuite, parce que la BCE agit en contradiction avec son objectif premier. Elle est censée veiller à la stabilité de la monnaie. Or, si la Grèce ne cède pas, les agressions de la BCE contre elle peuvent conduire à l’éclatement de la zone euro et à une instabilité monétaire généralisée. C’est pour cela que la BCE a choisi la technique du nœud coulant plutôt que le putsch pur et simple comme contre Chypre.
Ce nœud coulant prend des formes techniques. Je les résume sans trop entrer dans les détails pour ne pas assommer mon lecteur. Le 4 février, la BCE a annoncé qu’elle coupait l’accès des banques grecques au principal canal de refinancement. C’est-à-dire qu’elle oblige les banques grecques qui ont besoin d’argent frais pour leur activité à s’adresser à un mécanisme spécial. Ce mécanisme d’urgence s’appelle ELA, anagramme anglais de Emergency liquidty assistance (aide de liquidités d’urgence). J’ai déjà expliqué que ce mécanisme était plus cher et plus contraignant pour les banques grecques. Je sais c’est très technique. Mais il faut apprendre pour comprendre ce à quoi nous sommes nous-mêmes exposés. En agissant de cette façon, le cynisme est total. Je récapitule : ce sont les banques grecques qui prennent le risque et si la BCE réussit à étrangler la Grèce, c’est elles qui recevront le choc de la faillite. Et comme c’est prévisible, la BCE peut à tout moment interdire aux banques grecques elles-mêmes d’accepter d’acheter des titres de l’Etat grec. Vous suivez ? La BCE garde le manche tout le temps. C’est elle qui relève le plafond de ces prêts d’urgence autorisés pour les banques grecques tous les 15 jours. Elle le fait au compte-goutte. Comme le tortionnaire qui simule plusieurs de fois de suite la noyade pour faire parler sa victime.
Ici, dans un précédent post, j’ai détaillé le mécanisme bancaire qui permet à la BCE de faire tous ces coups bas. Puis, après l’accord du 20 février, on pensait que la BCE desserrerait l’étau. C’était logique puisque les gouvernements avaient accepté de le faire. Mais la BCE a refusé de laisser respirer la Grèce. Exemple : en vertu du programme d’assistance, la BCE doit reverser à la Grèce les intérêts qu’elle perçoit sur ses prêts à ce pays. Car dans cette histoire de fous, la BCE n’a pas le droit de prêter directement à la Grèce mais elle reçoit des intérêts des titres de la dette grecques qu’elle a rachetés aux banques privées pour les soulager de la possession de « papier pourri »! La BCE doit actuellement reverser 1,8 milliards d’euros à la Grèce ! Mais elle refuse de le faire tant que la revue générale du programme n’est pas achevée. Alors que le gouvernement Tsipras avait fait un pas en acceptant le compromis du 20 février, et alors que la situation budgétaire de la Grèce est dans le rouge, la BCE refuse de remplir sa part du contrat. Il ne s’agit pourtant pas d’un nouveau prêt à accorder. Il s’agit seulement de rendre à la Grèce ce qui lui revient de droit en vertu des textes existants ! Pour refuser, la BCE s’abrite derrière l’Eurogroupe, réunion des ministres des Finances, où l’Allemagne fait la pluie et le beau temps et où la France de Hollande accepte de compter pour du beurre. Ce même Eurogroupe qui a aussi refusé de rendre à la Grèce 1,2 milliards d’euros de trop perçu sur le remboursement d’un autre prêt destiné à alimenter le fonds hellénique de stabilité financière. Et qui refuse toujours de verser la tranche de 7,2 milliards d’euros promise depuis des mois et toujours repoussés en guise de chantage aux « réformes ».
Depuis quelques jours, les menaces de la BCE se font plus fortes. Mardi 25 mars, la BCE a décidé de franchir une étape. Cette fois-ci, elle assume clairement qu’à travers les banques, c’est le gouvernement grec qu’elle vise. Par une lettre, la BCE a exigé des banques grecques qu’elles arrêtent d’acheter des titres de dettes publiques à court terme émis par l’État grec. Ces achats sont pourtant la seule manière pour le gouvernement grec de se financer sans passer par les prêts européens ni ponctionner la sécurité sociale grecque. Il s’agit donc d’une stratégie d’étranglement très précisément pensée. Pour l’appliquer, la BCE a allègrement mélangé ses deux casquettes. Elle a utilisé à des fins politiques les nouveaux pouvoirs de supervision des banques que l’UE lui a confié l’an dernier. C’est en effet au nom d’une prétendue trop grande exposition des banques grecques au risque d’un défaut de l’État grec que la BCE a pris cette décision. Mais qui fait courir le risque sinon la BCE en n'assumant pas son rôle de prêteur en dernier ressort à la Grèce ? Et la BCE n’est donc pas juge et partie ?
Je n’exagère pas. Vendredi 27 mars, le président de la Bundesbank, la banque centrale allemande, a posé ses exigences. Jens Weidmann s’est exprimé dans le magazine Focus. Qu’a-t-il demandé ? Qu’on arrête de simuler la noyade et qu’on noie la Grèce pour de bon. En langage monétaire, ça se traduit par « je suis contre une augmentation des crédits d'urgence ». Cela reviendrait à faire s’effondrer le système monétaire grec, laissant au gouvernement grec le seul choix entre sortir de l’euro ou accepter toutes les exigences néolibérales de la BCE et de la Commission européenne. Jens Weidmann le sait. Il le dit : « si un État membre de la zone euro décide de ne plus remplir ses obligations et cesse d'honorer les paiements à ses créanciers, alors une faillite désordonnée est inévitable ». La semaine dernière, son institution a fait figurer dans son rapport annuel l’exigence de se préparer à une « faillite » d’un des États membres de la zone euro. On voit à quel point l’Allemagne joue un rôle particulièrement violent et déstabilisateur dans ce processus. Que ce soit par ses représentants comme l’arrogant et intransigeant ministre des Finances Wolfgang Schaüble ou ce monsieur Weidmann. Ou que ce soit par les institutions de l’Union européenne façonnées à sa main.
Le but est simple. La nouvelle doctrine de l’Union européenne, et donc de la BCE est énoncée clairement désormais : « Il ne peut y avoir de choix démocratiques contre les traités européens » comme l’a dit le président de la Commission Jean-Claude Juncker au Figaro fin janvier. On pourrait préciser l’esprit : il ne peut y avoir de choix démocratiques contre la volonté du gouvernement allemand et de la finance, les deux formant les deux faces d’une même pièce. Je ne suis pas le seul à le penser. C’est ce que dit aussi la une de l’hebdomadaire allemand de référence Der Spiegel en date du 21 mars. Son titre : « La domination allemande ». L’illustration est encore plus claire : une incrustation d’une photo d’Angela Merkel au milieu d’une photo d’officiers allemands au pied de l’acropole à Athènes pendant la Deuxième Guerre mondiale. Le titre du dossier est du même acabit : « das vierte Reich » : le quatrième Reich. C’est dit en allemand, par des Allemands, dans un journal allemand.
Alexis Tsipras a bien cerné le danger comme le montre son discours au Parlement grec le 18 mars : « la Grèce a servi pendant cinq ans de cobaye à des expérimentations économiques. Certains désirent l’utiliser maintenant comme cobaye politique afin de couper court au grand changement politique qui est en train de naître dans d’autres pays européens et afin de continuer à appliquer le modèle néolibéral de l’austérité à toute l’Europe, et ce parce que ce modèle profite à certains – les peuples souffrent mais quelques-uns y gagnent –, en construisant une société européenne sans droits, sans sécurité, sans aucun contrôle social ». Il a également dénoncé « les puissances qui représentent des intérêts précis et qui souhaitent la rupture ».
Face à cette situation, le gouvernement grec est dans une situation très difficile. Il est isolé et son économie a été ravagée par l’austérité. Il est au milieu d’un jeu géopolitique complexe : membre de l’OTAN, ce qui lui assure la paix avec son voisin turc mais désireux de liens étroits avec la Russie où Alexis Tsipras se rendra le 8 avril. Dès lors, le gouvernement Tsipras cherche d’abord à ne pas se faire étouffer. Et à faire porter la responsabilité d’une éventuelle rupture avec l’UE sur ceux qui dirigent l’UE eux-mêmes. C’est une stratégie de pédagogie de masse. A destination du peuple grec d’abord, qui a voté en janvier pour le programme de Syriza qui prévoyait de refuser l’austérité mais pas de sortir de l’euro. Cette pédagogie vaut aussi pour tous les Européens : elle nous en apprend beaucoup sur l’agressivité de la BCE et de l’Allemagne. Nous n’avons plus le droit de nourrir des illusions sur ce que cette forme de l’Union européenne peut produire depuis que le traité budgétaire l’a verrouillée dans l’ordolibéralisme, la doctrine d’outre Rhin.
Si nous voulons refonder l’Europe, il faudra rompre avec ses traités. Et en toute hypothèse, nous devons nous préparer à toutes les éventualités. En France, la situation est paradoxalement plus avancée qu’en Grèce, car le peuple Français a déjà dit « non » à cette Union européenne en 2005. Sans compter que la puissance économique, politique et démographique de notre pays nous donnerait des atouts bien plus grands qu’aux Grecs à cette heure.
Les sanctions anti-Russes sont illégales
Extrait de la note : « La reprise, c’est la re-crise » – 11 avril 2015
Je parle des sanctions contre la Russie. Elles sont illégales. Je dis pourquoi. Plusieurs pays demandent qu’elles cessent. Mais personne ne le mentionne. Car ce que veut le gouvernement allemand est considéré comme la décision de tous. Et qui s’en écarte quitte la famille elle-même. Ainsi un journal aussi sérieux que « Les Echos » peut-il disserter sur les mésaventures de la Grèce face « aux Européens », comme si la Grèce n’était pas un pays de l’Union européenne…
Pendant que le lacet se serre toujours davantage autour du cou grec, la volatilité du monde de la finance serait-elle capable d’encaisser le choc du trouble que connaîtrait l’Euro si la Grèce en était soudain exclue ou si elle venait à être mise en faillite ? Le gouvernement allemand ferait bien d’y réfléchir avant de continuer son jeu mortel de punition exemplaire du peuple grec ! Qu’il n’écoute pas ses banquiers. Car ce sont les plus mauvais et les plus fragiles d’Europe. 80% des établissements bancaires allemands sont hors contrôle du système d’union bancaire européen. Quant aux autres, ce sont des nuls sans habileté. En effet, dans la crise des subprimes, les banques allemandes ont subi 40% de toutes les pertes des banques dans la zone euro. Car voici qu'une nouvelle crise globale s’avance.
(…)
Les sanctions anti-Russes sont illégales
Les sanctions prises par l'UE à l'encontre de la Russie sont maintenues. Pourquoi ? Pour s’assurer du respect de l’accord de Minsk, dit-on. Pourtant, les inquiétudes sur le respect de ces accords ne viennent pas de la Russie mais du gouvernement de Kiev, comme s’en est plaint la France très officiellement auprès des autorités ukrainiennes quand elles refusaient de retirer les armes lourdes de la zone démilitarisée. Et, par contre, l’aide à l’Ukraine n’est pas remise en cause ; au contraire, elle est accélérée. Mais quand bien même ! Ces sanctions mises en œuvre « par l’Europe » le sont en réalité contre le droit européen. En effet, des mesures de cette nature relèvent d’une décision prise au sein du Conseil des gouvernements, là où les nations sont représentées en tant que telles. C’est l’instance souveraine en dernier ressort dans l’Union européenne sur ce type de sujet. Les décisions doivent y être prises à l’unanimité. Or il n’y a pas d’unanimité pour ces sanctions. Ne serait-ce que parce que la Grèce y siège et qu’elle y est opposée, ce qu’a répété Alexis Tsipras. Mais ce n’est pas tout.
Plusieurs pays considèrent qu’elles ont des effets désastreux sur l'économie européenne dans la mesure où la Russie est conduite à changer de fournisseurs dans de nombreux domaines au profit notamment de pays de l’Amérique du sud et de l’Asie. Certains pays membres de l'UE ont donc demandé la levée de ces sanctions. En effet ils en souffrent davantage que n’en souffrira jamais la Russie. Le ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Garcia-Margallo, a rappelé à ses collègues au cours d’une réunion des chefs de diplomatie des pays membres de l'UE à Bruxelles que les mesures punitives contre la Russie avaient déjà coûté 21 milliards d'euros à l'UE. D’autres se sont également exprimés. Il s’agit de l'Italie, de la Hongrie, de l'Espagne, de l'Autriche, de la Slovaquie et de Chypre. Le chef de la diplomatie italienne, M.Gentiloni, estime que la levée partielle des sanctions imposées à l'encontre de Moscou est nécessaire. En effet l'Italie figure parmi les pays les plus touchés par l'embargo russe sur les produits alimentaires. L'Autriche aussi s'inquiète. En décembre 2014, le chancelier fédéral autrichien Werner Faymann déclarait que « l'Union européenne n’est pas intéressée par la construction d'un mur entre l'UE et la Russie, et devrait être prête à lever les sanctions ». Dès mars 2014, Le chef du gouvernement Bulgare Plamen Orecharski avait souligné la réticence de son pays à sanctionner la Russie, déclarant « Avec quelques autres pays de l'Union européenne (UE), nous sommes parmi les moins intéressés par des sanctions ». En aout 2014, le Premier ministre slovaque, Robert Fico qualifiait les nouvelles sanctions de l’Union européenne contre la Russie d’« absurdes et contreproductives ». La Hongrie est, elle aussi, hostile aux sanctions contre la Russie. Le sulfureux Premier ministre crypto fasciste hongrois, Victor Orban, que l’UMP Joseph Daul, alors président du groupe de la droite au Parlement européen serrait sur son cœur sous les applaudissements des députés de la majorité, n’est pas en reste. « Les sanctions imposées par l'Occident, c'est à dire par nous-mêmes, dont le résultat inévitable était (les sanctions) russes, nous portent davantage préjudice qu'à la Russie », ajoutant : « En politique, cela s'appelle se tirer une balle dans le pied ». Chypre aussi s'oppose à cette politique. En août 2014, lors de la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères des pays membres de l'Union européenne, le ministre des Affaires étrangères de la République de Chypre Ioannis Kasoulides s'était déjà opposé à toute nouvelle sanction contre la Russie.
Le bilan est net. On est loin, très loin de l’unanimité au conseil des gouvernements. Par conséquent, en ce sens, les sanctions contre la Russie sont illégales du point de vue européen. Mais en juin prochain, la discussion reprend sur la levée des sanctions ou leur alourdissement. On peut donc pronostiquer une provocation armée avant la date de cette réunion, pour rallumer le brasier de la haine anti-Russe et de la main-mise sur ce qu’il faut bien appeler le nouveau protectorat ukrainien.
Mais, bien sûr, tous ces pays ne comptent pas dès que l’Allemagne a dit son mot. Surtout si les Français laissent faire, par peur de se faire gronder. Or, le gouvernement de madame Merkel est très intéressé par la mise en orbite de l’Ukraine autour de l’Europe. Une Ukraine débarrassée de l’influence des circuits productifs et commerciaux russes. Une Ukraine débarrassée de la combativité populaire et travaillant pour le système du made in Germany. C’est à dire à bas coûts salariaux. Actuellement, le salaire minimum Ukrainien est de cent euros mensuels. C’est-à-dire 30% moins cher qu’un salarié chinois. Une aubaine. Plusieurs millions de personnes travaillant à bas coût aux portes des usines d’assemblage allemandes, voilà la politique constante des gouvernements allemands depuis la décennie qui a suivi la chute du mur de Berlin. Ces gouvernements ont d’ailleurs expérimenté leurs méthodes en absorbant l’Allemagne de l’est. Toute l’Europe regardait soigneusement ailleurs pendant que s’effectuait l’annexion et le pillage. Vingt-cinq ans après, le salaire d’un Allemand de l’est n’est toujours pas celui d'un Allemand de l’ouest. Mais les machines qu’ils font fonctionner et les produits qu’ils réalisent sont de même niveau et parfois meilleur car les investissements sont plus récents. Dans cette veine, selon l’économiste Jacques Sapir, la mise sous tutelle de l’Ukraine représente dix à vingt ans de réserves humaines et de profits pour l’Allemagne vieillissante, asphyxiée par la baisse de sa population active et les exigences de ses retraités par capitalisation. L’Ukraine est donc soumise à l’application de la stratégie du choc.
Sous la surveillance du gouvernement Merkel est appliqué à ce pays la méthode qui a permis à Helmut Kohl d’annexer l’Allemagne de l’est comme la plus juteuse opération financière pour le capitalisme ouest-allemand depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale. Mais il faut beaucoup d’application pour que « la thérapie » soit appliquée avec succès. Surtout pour un pays comme l’Ukraine, si intimement lié à l’économie dominante du voisin. Et surtout pour un pays traversé par une révolution populaire. Car souvenons-nous qu’au point de départ la révolution place Maïdan est un mouvement populaire tourné contre les oligarques, la corruption et la vie chère. C’est un mouvement très marqué à gauche par son contenu social. Ce mouvement a été détourné pour devenir un coup d’État des ultra-nationalistes et des nazis locaux qui n’avaient au départ aucune légitimité dans le processus sinon la force armée qu’ils y ont introduite et l’usage qu’ils en ont fait, y compris contre diverses composantes du mouvement insurrectionnel. Toute proportion gardée, c’est un phénomène comparable à celui que l’on observe en France. Là aussi, un peuple agité par les grandes grèves de 1995 pour les retraites, le vote « non » pour le référendum sur la Constitution libérale européenne, se retrouve embarqué dans la querelle sur la viande hallal, le financement des mosquées et ainsi de suite, en même temps que lui est appliquée une politique de violence sociale. Jusqu’à ce que le Front national domine la scène et que la question sociale soit entièrement remplacée par la bouillie glauque de l’ethnicisme.
En Ukraine, tout le travail de base de la thérapie du choc est déjà opéré. Les violences ethniques ont saccagé le pays et semé une haine dans les populations qui a brisé tous les ressorts d’action sociale collective du peuple. Des pans larges et profonds de la société sont à la limite de la survie dans un cadre de « catastrophe humanitaire » comme disent les Grecs. En interdisant le Parti communiste, un signal a également été donné comme lors du massacre impuni d’une quarantaine de syndicalistes brulés vifs. La scène politique n’offre donc plus aucun débouché alternatif au libéralisme et à l’extrémisme ethnique. L’État de choc peut entrer dans une nouvelle phase.
La rupture avec la Russie est insupportable par l‘économie ukrainienne actuelle. Elle vit donc sous perfusion de « l’aide internationale » qui est en réalité une machine à enclencher l’annexion de l’économie locale. On connaît. Le FMI est déjà sur place pour ça. Un mémorandum est signé comme avec la Grèce d’autrefois. Y sont prévues les mesures habituelles pour placer la population sous état de choc avec toutes sortes de privations qui mettent les gens en état de lutte permanente pour la survie individuelle. Mais évidemment, la cueillette des beaux morceaux est également dans le contrat. C’est ainsi que sont prévues des mesures de pillage légal sous forme de « privatisations » et ainsi de suite. La mise à l’écart récente de quelques oligarques qui avaient pris pied en profondeur dans le régime atteste d’une redistribution des prébendes en cours. Il va de soi que la place des bienfaiteurs internationaux devrait bouger. Avec une ministre des finances ukrainienne qui était, vingt-quatre heures avant sa nomination, une citoyenne des USA, on devine que la discussion doit être saine. De son côté, l’Union européenne accorde elle aussi des prêts sans que l’on entende les habituelles pleurnicheries et cris de rage de monsieur Schäuble, le ministre de l’économie allemand. Et pour cause. L’annexion est commencée.
L’aide européenne institue un droit de regard politique sur le gouvernement local. Déjà, deux votes dans ce sens sont intervenus au Parlement européen. Chacun mentionne l’exigence d’une vigoureuse lutte contre la corruption et diverses braves considérations de cet ordre. Mais la rapporteur de la motion avouait elle-même qu’aucun progrès n’avait été observé et que d’une façon générale, aucun contrôle n’ayant été effectué, tout cela restait purement déclaratif. On pense que dans les prochains mois, l’asphyxie de l’Ukraine devrait franchir plusieurs paliers. Le risque d’explosion populaire n’est pas exclu, cela va de soi. Mais l’encadrement idéologique a été renforcé. L’emprise des néo-nazis s’est étendue avec l’arrivée d’un de leurs plus éminents dirigeants à la tête de l’administration du ministère de la Défense. On peut donc penser qu’en cas de durcissement des conflits internes au pays, l’exutoire nationaliste anti-Russe sera le ressort activé sans relâche.
Dans ce contexte, évidemment la politique de stigmatisation de la Russie joue un rôle clef. Il s’agit bien de délimiter un « eux et nous », méthode de l’inclusion/exclusion assez banale. Mais il ne s’agit pas que d’une manœuvre symbolique ou seulement d’un exutoire. Il s’agit pour finir de réorganiser tous les circuits commerciaux et productifs de ce pays vers l’Union européenne, et principalement évidemment vers l’Allemagne. On sait bien que l’Allemagne ne veut pas d’une guerre avec la Russie. Qui pourrait vouloir d’un tel crime contre l’humanité ? Elle intervient donc chaque fois que nécessaire pour empêcher que les choses n’aille trop loin. Mais elle reste la première bénéficiaire dans l’Union européenne de l’état de tension actuel. Et sans doute est-elle la seule dans cet ensemble.
J’alerte. La volonté de paix est une ligne politique globale. Elle ne peut reposer sur la seule habileté de quelques négociateurs surgissant à l’improviste au cours d’une escalade comme ce fut le cas lorsque Hollande et Merkel se rendirent auprès de Poutine. Rien dans le paysage n’annonce une baisse des raisons de fond de la tension dans cette région. Les opinions publiques dans l’Union européenne sont conditionnées d’une manière irresponsable. J’ai lu un discours de l’ambassadeur russe en France, monsieur Orlov, devant l’association des anciens diplômés de Harvard (sic). J’en retiens un passage qui permet de regarder la scène telle qu’on la voit depuis le point de vue russe. Je pense qu’il y a de l’intérêt à connaître cet angle de vue pour comprendre les motivations de ceux qui sont montrés du doigt en ce moment d’une manière aussi peu conforme à nos intérêts bien compris.
« On me raconte que plus de six mille personnes civiles ont péri dans le conflit du Sud-Est de l'Ukraine. Mais on oublie de préciser que ces gens ont été tués par l'armée ukrainienne. On me raconte que ce conflit a fait des centaines de milliers de réfugiés. Ce que l'on ne dit pas c'est que la majorité écrasante d'entre eux se sont réfugiés en Russie. On me raconte que mon pays va d'ici au lendemain envahir la Pologne et les Républiques baltes pour ne s'arrêter, comme l'a prédit un général britannique, qu'au Portugal…C'est quoi ? Du délire paranoïaque ? Non. Cela s'appelle la guerre de l'information. Exalter la haine de la Russie. Créer l'image d'un ennemi. (…)
La coïncidence ne paraît-t-elle pas bizarre, que les premiers à accuser la Russie de tous les torts sont les États qui, eux, n'arrêtaient pas ces dernières années de piétiner le droit international ? Ceux qui ont soutenu les séparatistes du Kosovo, qui ont bombardé Belgrade et amputé la Serbie de 20% de son territoire, et ceci, notons-le au passage, sans aucun référendum. Ceux qui ont inventé un faux prétexte pour envahir et puis pousser dans le bourbier de la guerre civile l'Irak. Ceux qui ont pactisé avec les islamistes radicaux, d'Al-Qaïda à l'Etat Islamique, pour leur faire la guerre après. Ceux qui ont aidé les "insurgés" à démembrer la Libye, désormais en proie du chaos et de la guerre civile. Ceux qui livrent des armes aux "insurgés" syriens, prétendant qui si le régime du Damas tombe, la démocratie s'installera à sa place, quoi qu'ils comprennent bien que ce ne sera pas la démocratie, mais le Daech. Et à part ça les prisons secrètes, les tortures, la surveillance globale…
Bref, "qui sont ces juges" ? La question reste rhétorique. Nous vivons dans un monde cynique. Depuis longtemps déjà les "deux poids deux mesures" sont devenu un trait inaliénable de la politique extérieure des États-Unis et de leurs satellites. La diabolisation de la Russie en Occident atteint une limite dangereuse. Les historiens font déjà des parallèles avec le début de la Première Guerre Mondiale, parlent d'une ambiance "d'avant-guerre". Vraiment, on a l'impression que quelqu'un est en train de préparer l'opinion publique à la guerre contre la Russie, comme avant on la préparait à l'agression en Serbie, en Irak, en Libye… Mais c'est la perte complète du sentiment de réalité. L'oubli total des leçons de l'Histoire.
Je ne cherche à effrayer personne, mais la guerre contre la Russie ce serait la fin de l'humanité. Et au nom de quoi ? Peut-être pour les nationalistes ukrainiens qui ont pris le pouvoir à Kiev, qui terrorisent la population russe et glorifient les collabos nazis, qui ont ruiné l'économie ukrainienne et vivent sous perfusion financière européenne ? Peut-être qu'il est temps de se raviser ? D'arrêter cette "spirale de la folie" comme l'a appelé Jean-Pierre Chevènement, avant qu'il ne soit trop tard ? »
Une députée allemande Die Linke démonte la politique de Merkel
Vidéo de la Télé de Gauche – 13 avril 2015
Discours de la députée allemande Sahra Wagenknecht, vice-présidente de Die Linke, au Bundestag, le 19 mars 2015. Elle y critique la politique étrangère de Madame Merkel à l'égard de la Russie et son alignement sur les intérêts de l'OTAN et des États-Unis d'Amérique. Sahra Wagenknecht critique également les négociations sur le Grand Marché Transatlantique, contraire à la démocratie, et critique fortement la politique économique de Madame Merkel. Enfin, elle explique que le gouvernement d'Alexis Tsipras ne peut être jugé responsable de la dette grecque. Elle montre enfin que l'oligarchie a profité de la crise grecque pour s'enrichir davantage.
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L’odieux Schäuble doit demander pardon aux Français
Les propos du ministre allemand Wolfgang Schäuble, numéro deux de madame Merkel, illustrent la nouvelle arrogance allemande à l’heure où elle domine l’Europe qu’elle met en coupe réglée.
L’odieux personnage, responsable de douze millions de pauvres en Allemagne, d’une économie minée par le vieillissement d’une population sans appétit d’avenir, le recul de l’espérance de vie et le délabrement général des équipements publics prétend donner des leçons à la France.
Encouragé par les pleurnicheries des ministres français qui se plaignent auprès de lui de leurs propres compatriotes, le bourreau de la Grèce et de l’Espagne voudrait étendre à la France ses remèdes mortels. Voilà à quel abaissement nous mène la faiblesse et le suivisme. L’Allemagne n’est en aucun cas un modèle. Et encore moins un maitre, même si François Hollande prétend que la France doit être le bon élève de l’Europe.
Je félicite Jean-Christophe Cambadélis d’avoir dénoncé « la francophobie » de ce petit Bismarck de bal masqué. Et j’attends de Daniel Cohn-Bendit, qui avait insulté mes précédentes dénonciations de la nouvelle arrogance allemande qu’il prenne la défense de la France dont il a été député et dont il demande la carte d’identité.
Wolfgang Schäuble n’aime ni la France ni la démocratie mais il leur doit désormais des réparations. Il doit présenter des excuses au peuple français et reconnaitre que la démocratie ne doit pas être forcée.
Espionnage : l’Allemagne complice de la NSA
Le gouvernement Merkel vient de reconnaître que les services secrets allemands ont agi en sous-traitants des espions américains de la NSA. Les aveux ont été faits par un porte-parole d’Angela Merkel et révélés par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel.
La France, ses entreprises et ses ressortissants figureraient parmi les principales victimes de cet espionnage américano-allemand. On savait que la NSA avait espionné Alcatel. On apprend que les services allemands ont espionné l’entreprise EADS. Auraient aussi été visés plusieurs responsables politiques et des hauts fonctionnaires européens, « notamment Français ».
Cet espionnage est inadmissible. Le parti de gauche allemand Die Linke demande l’ouverture d’une enquête pour « trahison ». Une enquête doit aussi être ouverte en France. La complaisance à l’égard des États-Unis et du gouvernement allemand a assez duré !
Un pamphlet contre la légende du prétendu « modèle allemand »
La semaine prochaine sort mon livre « Le Hareng de Bismarck » sous-titre : le poison allemand. Il s’agit d’un pamphlet contre la légende du prétendu « modèle allemand » dont toute une cohorte de déclinistes et de grands esprits libéraux nous rebattent les oreilles. Le modèle, en fait, ne marche pas et la situation allemande est non seulement effroyable aujourd’hui pour douze millions de pauvres et des millions de travailleurs, mais assez noire dans un futur assez immédiat. Je vais plus loin que la seule dénonciation de l’imposture sociale et humaine à ce sujet. Je montre la cohérence du projet que contient le « modèle » en lien avec la doctrine de l’ordolibéralisme. Cette version aboutie d’un libéralisme en acier chromé sépare l’économie, vécue comme un ensemble de lois naturelles, et le politique, domaine de la frivolité et des passions changeantes. Je montre que l’hégémonie allemande vise à imposer de gré ou de force ce système partout en Europe à son seul profit. C’est-à-dire au profit du capitalisme financier embusqué derrière la petite couche de retraités par capitalisation qui est le cœur de l’électorat CDU CSU.
Cette mise en cohérence, je la prolonge en montrant comment tout a commencé avec ce qui s’apparente à une annexion : l’absorption de l’Allemagne de l’est suivant une méthode qui a dévasté tout le modèle du capitalisme rhénan. Et je montre aussi comment cela s’articule avec une « politique du choc » à l’est de l’Europe, les fourgons de l’OTAN et les faveurs aux églises chrétiennes. Un bon concours de circonstances créé un environnement pour que le thème entre en débat. Les propos haineux de Schaüble contre la France, la révélation de l’espionnage fait sous le contrôle de Merkel pour le compte des services allemands et des USA, les brutalités répétées contre la Grèce ont fini par faire dresser les oreilles. BHL a publié une vibrante défense de madame Merkel, mais L’Humanité a sorti un super dossier sous la houlette d’un des meilleurs spécialistes de la question, Bruno Odent, à qui j’ai beaucoup emprunté. « Le Point » du 30 avril consacre cinq pages au thème de mon livre, le Monde Diplo du mois de mai fait cinq pages sur le thème (je m’empresse de souligner que ce n’est pas sur mon livre et que c’est sans concertation, cela va de soi). Et je crois que cela ne s’arrêtera pas là.
C’est un sujet qui conduira à s’interroger sous un angle nouveau sur ce qu’est devenu le projet européen, la place des nations dans l’émergence du nouveau capitalisme et, pour finir, sur le sens que nous voulons donner à notre civilisation.
Arrogance impériale des dirigeants allemands
Cette arrogance vient encore de se manifester à plusieurs reprises depuis une semaine. Une étrange accélération qui ressemble à de la surenchère. Un signe de la tutelle qu'ils considèrent exercer sur la Commission européenne. Ainsi quand plusieurs d'entre eux ont rappelé à l'ordre le Commissaire français Pierre Moscovici pour ses prises de position internes au congrès du PS français. Le président du groupe PPE au Parlement européen, Manfred Weber, par ailleurs membre de la CSU pro Merkel, a ainsi déclaré : « que le commissaire français européen aux affaires économiques et monétaires se joigne à cet appel idéologique est une provocation ». Et il a ajouté cette phrase énigmatique : « nous attendons de lui un engagement clair pour la stabilité politique de la Commission ». Comme si le fait d'être membre d'un parti politique dans son pays d'origine était un facteur d'instabilité ? Cette expression renvoie directement à l'ordolibéralisme dont l'Allemagne impose la doctrine partout en Europe par-delà les élections. Pour les dirigeants allemands, la Commission étant un des centres d'application de l'ordolibéralisme, elle doit être étrangère à toute influence politique autre que celle de la doctrine libérale. Quoi que disent les urnes. Un autre député européen allemand, Markus Ferber a d'ailleurs parlé à propos de Moscovici de « précédent choquant ». Comme si un dogme avait été ébranlé. Bien sûr l'acte politique de Moscovici n'ébranle en rien l'édifice libéral européen. Les Allemands le savent bien, mais ils ont saisi ce prétexte pour donner à voir la laisse par laquelle ils tiennent Moscovici. Loin de leur tenir tête ou de les ignorer, Moscovici a d'ailleurs fait acte de contrition en regrettant d'avoir signé un texte dans le congrès du PS. Puis il prétendit n’avoir pas lu le texte. Enfin il alla même jusqu'à rappeler servilement que sa candidature au poste de Commissaire avait été soutenue par l'Allemagne.
La Grèce a aussi subi une nouvelle salve d'arrogance allemande. La charge était destinée à préparer le nouveau chantage fait au gouvernement Tsipras lors de la réunion de l'euro-groupe tenue vendredi 24 avril. Le commissaire européen Günther Oettinger, membre de la CDU d'Angela Merkel a ainsi accusé la Grèce de retarder les négociations. Et il a dénoncé « L'attitude peu coopérative du gouvernement grec vis-à-vis des représentants de la Troïka, qui sont actifs à Athènes ». C'est appuyer une fois de plus sur un point dont tous les dirigeants allemands savent qu'il est en tête des engagements de Syriza : ne plus subir à domicile les injonctions de la Troïka. Le rappeler est une manière de continuer à nier le résultat des élections grecques et des précédentes discussions. Et le Commissaire allemand de conclure en forme d'ultimatum : « le temps pour la Grèce arrive à expiration », « en mai Athènes sera financièrement de manière définitive au pied du mur ». La tactique allemande est toujours la même depuis que Tsipras a été élu le 25 janvier : intimider et faire pression jusqu'à la capitulation.
Cette arrogance est d'autant plus insupportable que chaque jour amène son lot de révélations sur le rôle de l'Allemagne dans la descente aux enfers de la Grèce depuis 2010. La chaîne Arte a diffusé dimanche 26 avril une enquête qui montre comment la Troïka européenne est intervenue en Grèce au profit des entreprises allemandes.
Ceux qui avaient encore des illusions sur l'indépendance de la Commission européenne et de la Banque centrale verront à quel point elles sont enchaînées aux intérêts allemands jusque dans les détails de leur action. A ainsi été révélé qu'en l'échange d'un des premiers plans d'aide de mai 2010, la Grèce avait été forcée d'acheter des armements allemands. Et en particulier deux sous-marins pour la somme de 175 millions d'euros. Un comble pour un État au bord de la faillite. Et une preuve absolue de cynisme de l'aide européenne, dont les versements ont donc servi à acheter du matériel allemand. Les mémorandums accompagnant les plans « d'aide » ont aussi été orientés pour profiter à l'Allemagne. Ainsi la privatisation des aéroports régionaux grecs a-t-elle bénéficié pour un prix dérisoire à la société allemande Fraport dont l’État allemand est actionnaire à plus de 50 %. On mesure ici à quel point l'intérêt financier allemand est contradictoire avec l'objectif d'aider la Grèce à rembourser sa dette ! On avait déjà observé le même circuit cynique avec l'argent injecté par la Banque Centrale Européenne pour racheter des titres de dette grecque et ainsi permettre le remboursement des banques allemandes qui les détenaient !
A ces manipulations cyniques de l'aide européenne se sont ajoutées d'énormes malversations de grandes entreprises allemandes en Grèce. Mercedes et BMW ont bénéficié de fraudes massives à la TVA sur les grosses cylindrées. Cela a facilité leurs ventes en faisant perdre une somme estimée à 600 millions d’euros à l'Etat grec. Des pots de vin versés pour l'obtention d'un contrat de télécommunication pour la firme Siemens ont aussi alimenté un vaste système d'évasion fiscale et de blanchiment. Les responsables de ces fraudes sont aujourd'hui protégés par le gouvernement allemand qui refuse de les extrader ou même juste de transmettre les listes de fraudeurs au gouvernement grec. Que savons-nous de tout cela dans la grande presse française ? Rien. Rien sinon le cynisme consternant de « Libération », presse vautour, qui titre sur « les cent jours qui n’ont pas changé la Grèce ».
Oreilles allemandes jusqu’à l’Élysée : Merkel doit s’excuser
La presse allemande continue ses révélations concernant l’espionnage pratiqué par les services secrets allemands pour le compte de la NSA états-unienne. Le Quai d’Orsay et l’Elysée auraient été écoutés de 2001 à 2013 par le centre d’écoutes bavarois du BND allemand. Et Angela Merkel aurait été directement informée depuis 2008.
Cet affront n’a que trop duré. Le gouvernement français doit convoquer l’ambassadeur d’Allemagne pour exiger des explications. Et François Hollande doit demander à Angela Merkel de présenter des excuses à la France.
Je rappelle que l’espionnage des institutions et moyens de la diplomatie de la France est un crime puni par le code pénal comme atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. Je demande donc l’ouverture conjointe d’une enquête parlementaire et d’une enquête judiciaire pour faire toute la lumière sur ces atteintes à la souveraineté de la France.