Le 29 avril, François Hollande réunissait à l’Élysée le Conseil de Défense. Pris entre les exigences contraires de l’armée, qui a besoin d’investissements pour assurer toutes ses missions, et de Bruxelles, qui exige toujours plus de rigueur, Hollande a fait comme d’habitude : une politique de gribouille qui ne s’appuie sur aucune stratégie nationale de Défense.
Les faits :
• Le 29 avril 2015, le Conseil de Défense a été réuni à l’Élysée .
• Le Conseil de Défense est en fait le Conseil de Défense et de Sécurité Nationale (CDSN). Il s'agit d'un conseil des ministres restreint ayant pour but de fixer et d'organiser la politique de sécurité et de défense de la France.
• Compte tenu des « nouvelles » menaces, Le Drian, ministre de la Défense, demandait une rallonge budgétaire, laquelle est problématique pour le gouvernement puisque Bruxelles exige des réductions des dépenses d'Etat ahurissantes dans le cadre des politiques d'austérité.
• Les demandes variaient entre 4 et 10 milliards d'Euros à rajouter à la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2015-2019.
• Pourquoi de telles demandes : l'armée française est en tension extrême.
• Officiellement, les demandes de rallonge budgétaires seraient destinées à la « nouvelle » lutte contre le terrorisme et à la « nouvelle » donne géopolitique. En réalité, la demande de rallonge budgétaire est faite par le ministère de la défense et l'état-major des armées depuis très longtemps tout simplement parce que la politique d'austérité ne leur permet plus de faire fonctionner l'armée au quotidien.
• Par ailleurs, sur le budget Défense de cette année, il y a un total de 2,3 milliards d'euros de « recettes exceptionnelles manquantes ». En termes clairs, le budget prévu n'a pas été couvert par Bercy, et le ministère de la défense se retrouve littéralement en cessation de paiement – ce qui montre l'incapacité de ce gouvernement. Cela est principalement dû au surcoût des OPEX. Le PG, depuis le début de l'opération Serval au Mali, avait dénoncé cela avec un chiffrage précis de 3 millions d'euros par jour le surcoût de ces OPEX et dénoncé leur sous-évaluation dans le budget de cette année. Il faut rajouter à ces OPEX le coût du déploiement de 7000 militaires en France, soit plus d'1 million d'euros par jour. Les OPEX avaient été évaluées à hauteur de 450 millions, au total ça a été plus d'un milliard par an.
• Finalement, hier Hollande a concédé une « rallonge » de 3,8 milliards sur la LPM globale jusqu'en 2019 (moins d'un milliard par an). Hollande a également sanctuarisé le budget Défense pour l'année prochaine à hauteur de 31,4 milliards d'euros (troisième budget d'État après le paiement des intérêts de la dette et l'éducation nationale) – ce qui signifie que Valls ne devrait pas pouvoir raboter ce budget pour complaire à Bruxelles et ce qui signifie aussi en conséquence que les autres ministères seront victimes de coupes dans leurs budgets l'année prochaine.
• Ces décisions seront à l'ordre du jour du Conseil de Ministres du 20 mai 2015 (soit dit en passant, ce sera le 3ème anniversaire de la signature par Hollande à Chicago, lors du sommet des chefs d'Etats de l'OTAN, de la participation de la France au financement du très coûteux « bouclier anti-missiles »).
• Les moyens supplémentaires seront officiellement dédiés à l’augmentation des moyens pour les forces spéciales, les hélicoptères, la cybersécurité et la limitation des postes prévus à la suppression.
Analyse :
• La décision prise hier par Hollande sur le budget de la Défense illustre surtout le fait qu'il mène une politique de gribouille comme à son habitude dans tous les domaines.
• Il n'y a, en effet, rien de « nouveau » ni par rapport à la situation géopolitique internationale, ni par rapport à la « menace terroriste ».
• La réalité, c'est que la LPM 2014-2019 a été totalement sous-évaluée. Elle avait été en plus précédée de la rédaction d'un Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale qui n'a pas plus aidé le Président de la République à comprendre la situation géopolitique. Au contraire, toute la logique de la LPM 2014-2019 est d'appliquer une politique d'austérité drastique aux armées afin de réaliser la seule chose que Hollande sait faire : réduire les dépenses publiques sans réfléchir aux besoins réels de la Nations et aux conséquences induites par ses réductions budgétaires.
• Aux fins de complaire à Bruxelles, Hollande et ses gouvernements ont inventé des dispositifs particulièrement dangereux pour satisfaire leur perception exclusivement comptable et austéritaire de la chose publique, c'est-à-dire sans vision :
• Il ne s'agit ni plus ni moins que du démantèlement de l'État au profit du privé ce qui a toujours un coût considérable pour les citoyens et qui, de surcroît, est particulièrement dangereux puisqu'on s'attaque ici aux aspects les plus régaliens de l'État. Au total, ce n'est même pas une bonne gestion, mais bien une technique pour boucher les trous plutôt que de réaliser les investissements nécessaires. Cela ne fait que repousser la catastrophe, l'armée étant déjà stratégiquement non-opérationnelle. On peut également rappeler ici l'ouverture faite l'année dernière, pour la première fois en France, à la création de sociétés militaires privées (SMP) ; pour le moment « seulement » dans le cadre de la défense de navires marchands ; mais cela suit la même voie qu'aux Etats-Unis où les SMP constituent de facto un pouvoir régalien privé dans l'État et opérant à l'étranger (Afghanistan, Irak). Or c'est à l'Etat de garantir l'ordre et la sécurité, sous le contrôle des citoyens, et non à des multinationales.
• La réalité du fonctionnement des armées, leurs besoins en matériels pour mener à bien leurs missions (nouveaux matériels, remplacement de ceux qui sont défectueux, investissement dans la cyberdéfense, compenser l'érosion des effectifs) exigeraient non pas une rallonge budgétaire de 4 milliards, mais de près de 9 à 10 milliards jusqu'en 2019. Et encore, le total serait de 16 milliards si on cessait de brader les biens de l'Etat à long terme pour financer les trous aujourd'hui.
• De fait, l'annonce faite par Hollande hier ne consiste pas en une rallonge budgétaire, mais en une réduction des coupes budgétaires engagées avec la LPM 2014-2019.
• A propos de l’opération « Sentinelle » et les problèmes qu'elle pose :
Conclusion :
• Il faut revenir à des considérations politiques et non pas comptables. Le rôle d'un chef d'État n'est pas d'ajuster comme un apothicaire, au jour le jour, des budgets qui doivent être pensés à l'avance. Qu’on juge du ridicule : à peine 18 mois après la LPM, voilà qu'il faut déjà la modifier pour coller à l'air du temps, et la détricoter demain si un autre besoin se fait sentir.
• Le rôle du chef de l'État est de définir une stratégie pour la France, choisir quel sera son statut géopolitique sur le plan mondial et seulement après adapter les budgets, c'est-à-dire les moyens, afin de pouvoir mener cette politique. Chose que ne fait pas Hollande, qui n'a fait que poursuivre l'œuvre de Sarkozy à savoir rendre les armées inopérantes.
• Jean-Luc Mélenchon, lors de son discours sur la Défense pendant la présidentielle et lors de la journée Défense du PG, avait défini le rôle de la France dans le monde : ce qu'il faut ce ne sont pas des moyens, c'est définir une politique de Défense et un positionnement stratégique et seulement après adapter les moyens aux besoins politiques. Il en va dans ce domaine comme dans les autres : veut-on une santé qui permet de soigner tous les citoyens ? Alors il faut un budget adéquat. Veut-on bien éduquer les jeunes en France ? Alors il faut un budget adéquat.