Derrière les critiques contre les 35 heures se profile souvent l'idée de compenser une éventuelle fin des exonérations de cotisations sociales par une hausse de la TVA, faussement appelée "sociale". Manuel Valls lui-même s'est prononcé en faveur de ce basculement fiscal défendu par la droite depuis 2007 mais jusque là pas encore mis en oeuvre.
Valls pour la TVA sociale
Dans une tribune publiée dans le Monde du 14 octobre 2010, Manuel Valls se prononçait avec Jean-Marie Le Guen en faveur d'une hausse de la TVA permettant de financer une baisse des cotisations sociales : "une augmentation de la TVA peut faire partir d'un ensemble fiscal progressif, juste et équitable" "un basculement de cotisations vers la TVA pourrait sensiblement améliorer la compétitivité de certains secteurs industriels exposés à la concurrence" Pour Valls, ce projet est cohérent avec les fins des 35h qui entraînerait la disparition de plusieurs milliards d'exonérations de cotisations sociales. La fin de ces exonérations pourrait être compensée par une baisse pure et simple des cotisations financée par une hausse de TVA.
Sarkozy garde la TVA sociale sous le coude
La veille du 1er tour des régionales le 13 mars 2010, dans son interview au Figaro Magazine, Nicolas Sarkozy avait ressuscité le projet de « TVA sociale » que l’on croyait enterré depuis l’automne 2007. C’est d’ailleurs le Figaro Magazine qui comme par hasard, après une question sur Renault et une sur Total, a demandé au Président : « Avez-vous renoncé à votre idée de TVA sociale ? ». Réponse de Sarkozy : « L’expression TVA sociale est incompréhensible et inadaptée. Le sujet est pourtant bien à l’ordre du jour. Il faut continuer à réfléchir au moyen de financer notre protection sociale autrement qu’en taxant le travail ».
Preuve que cette annonce ne devait rien au hasard, elle avait ensuite été immédiatement relayée par plusieurs parlementaires de la majorité (cités dans les Echos du 15 mars 2010) : Gille Carrez, le rapporteur UMP du budget à l’Assemblée a déclaré que « c’est une bonne chose de la remettre à l’ordre du jour ». Et Philippe Marini, le rapporteur UMP du budget au Sénat a ajouté : « une hausse mesurée de TVA serait tout à fait acceptable ».
Après avoir vidé les caisses de l’Etat en multipliant les baisses d’impôts pour les plus riches (bouclier fiscal, baisse des droits de succession, suppression de la taxe professionnelle, baisse de la TVA pour les restaurateurs), le gouvernement pourrait donc augmenter la TVA sous couvert de meilleur financement de la protection sociale.
Rappel sur le projet avorté de « TVA sociale » en 2007
Pendant sa campagne présidentielle, Sarkozy a préparé le terrain en proposant d’ « imposer la consommation plutôt que le travail ». François Bayrou s'était aussi prononcé en faveur d'une telle hausse de la TVA. Il envisageait même de l'augmenter encore plus fortement pour combler le déficit budgétaire, ce qui aurait représenté entre 5 et 14 points de hausse de TVA selon les hypothèses de résorption envisagées.
A peine élu, le projet de TVA sociale (baisse des cotisations sociales employeurs compensée par une hausse de la TVA) se précise et Sarkozy confie au gouvernement le soin de rédiger un rapport sur le sujet.
Face au tollé suscité par ce projet dans la campagne des législatives (ce qui vaut à l’UMP de remporter une victoire moins nette aux législatives qu’aux présidentielles), la TVA sociale est alors progressivement mise en sourdine.
A la rentrée de septembre 2007, Eric Besson comme secrétaire d’Etat à la prospective et Christine Lagarde comme ministre de l’économie remettent chacun un rapport sur le sujet. Toujours zélé, Besson s’y déclare plutôt favorable à la TVA sociale, alors que Lagarde affirme que «la TVA sociale n'est pas propice en France». Fillon met ensuite le projet en sommeil, en appelant à élargir la réflexion sur le financement de la protection sociale et confie à un député UMP, Yves Bur, le soin d’écrire lui aussi un rapport. Rapport qui existe mais qui n’a jamais été rendu public par le gouvernement …
Une mesure très injuste
Le mécanisme de la TVA sociale consiste à faire de la redistribution à l’envers en allégeant les prélèvements sur les employeurs pour les augmenter sur les ménages.
Et au sein même des ménages, la hausse de la TVA pénaliserait surtout les ménages modestes, beaucoup plus exposés à la TVA que les ménages aisés qui épargnent une partie de leur revenu. Les 10 % des ménages les plus riches consacrent 3,4 % de leur revenu à la TVA, les 10 % les plus pauvres 8,1 %. La TVA est ainsi un impôt dégressif, dont la charge baisse quand le revenu augmente, à l’exact opposé de l’impôt sur le revenu.
La hausse de la TVA marginaliserait un peu plus l’impôt progressif dans le système fiscal français. La TVA représente déjà 51 % des recettes fiscales de l’Etat, contre à peine 17 % pour l’impôt sur le revenu, progressif. C'est-à-dire une des parts les plus faibles des pays industrialisés, puisque l’impôt sur le revenu représente en moyenne 20 % des recettes fiscales dans les pays de l’OCDE et même 30 % au Royaume Uni.
Une mesure inefficace
La TVA sociale s’inscrit dans la logique des politiques de baisse du coût du travail, au nom de la compétitivité et pour soi disant limiter les délocalisations.
Le député UMP Yves Bur prétend ainsi « faire participer les importations au financement de la protection sociale », en augmentant la TVA.
Ce raisonnement est largement erroné car taxer la consommation des ménages ne pénaliserait que secondairement les importations. Selon un rapport du Sénat de janvier 2009 (rapport Angels) Le contenu moyen en importations de la consommation des ménages n’est en effet que de 14 % (entre 8 et 10 % pour les produits agro-alimentaires, 20 % pour les meubles, 35 % pour l’automobile, 40 % pour le textile).
Quant à la baisse des cotisations sociales, son effet sur l’emploi n’est pas non plus prouvé, comme l’ont souligné plusieurs rapports de la Cour des comptes. 70 % des baisses de cotisations (soit une vingtaine de milliards des 32 milliards d’exonérations annuelles) sont concentrés dans le secteur des services, peu exposé aux délocalisations.
D’ailleurs en 2004, une étude de Bercy remise à Sarkozy, alors ministre de l’économie, concluait à un effet nul sur l’emploi à long terme et même à une légère baisse de PIB induite par la TVA sociale (en raison du choc négatif produit sur la demande dans ses deux composantes : consommation et investissement)
Comment maquiller une hausse de TVA sous des apparences « sociales »
Derrière les arguments bidons sur l’emploi ou le financement de la protection sociale, le véritable motif de la « TVA sociale » serait donc tout simplement d’augmenter la TVA pour contenir le déficit public creusé par l'appauvrissement délibéré de l'Etat par la droite. Comme l’a fait Angela Merkel en 2007 en passant la TVA de 16 % à 19 % en Allemagne.