Dans le monde aveuglé et borné des libéraux, le fossé se creuse entre les affichages et les faits. Ainsi François Hollande a-t-il dénoncé en Grèce « l’austérité sans fin » tout en saluant des « efforts » qui représentent la plus terrible cure d’austérité jamais appliquée en Europe. Ainsi Pierre Moscovici entrevoit-il la « reprise » là où l’économie française s’enfonce de manière dramatique dans la récession. Ces dénis servent à justifier l’obstination du gouvernement à avancer dans la voie de l’austérité à tout prix. En préparant un nouveau plan d’austérité.
La catastrophe annoncée se réalise
La Grèce illustre de manière extrême le bilan de l’austérité, appliquée ici grâce à 9 plans successifs des sociaux-démocrates et des libéraux appuyés par l’UE et le FMI : une récession de 6 % en 2012, le tiers de la richesse du pays détruit en 4 ans, le chômage qui touche officiellement 27 % de la population et plus de 60 % des jeunes. La France n’en est pas encore là. Mais elle en prend le chemin sous l’effet des 4 plans d’austérité qu’elle a déjà subis : 2 plans d’austérité Fillon-Sarkozy pour 19 milliards de coupes, un premier plan de Hollande dans le budget 2013 pour 37 milliards de coupes et un 2ème plan dit de compétitivité appliqué à partir de 2014 et qui doit porter à 60 milliards les coupes dans les dépenses publiques d’ici 2017. 3 fois plus fort que ce qu’avaient prévu Sarkozy et Fillon ! Avec des résultats eux aussi démultipliés : une croissance pour 2013 passée de 1,2 % à 0,8 % puis 0,1 %. Et un chômage qui devrait non seulement continuer à augmenter en 2013, en touchant un demi-million de travailleurs supplémentaires, mais aussi en 2014.
Le modèle allemand dans le mur
Quant à l’Allemagne, chef d’orchestre des politiques d’austérité en Europe, elle est aussi touchée de plein fouet. Au dernier trimestre 2012, son économie s’est ainsi contractée deux fois plus fort que celle de la France. Et ses sacro-saintes exportations reculent. C’est la conséquence logique de l’austérité généralisée : les commandes s’effondrent en Europe avec les revenus des travailleurs et les dépenses publiques. Cela n’empêche pas les conservateurs allemands de redoubler d’arrogance contre le reste de l’Europe. A l’image du vice-président du groupe CDU au Bundestag qui vient de qualifier la France d’ « enfant à problèmes de l’Europe ». Un vocabulaire qui rappelle tristement celui employé outre-rhin avant les deux guerres mondiales. La brutale accélération de la récession crée ainsi les conditions pour que la crise économique et sociale se mue très rapidement en crise politique et géopolitique en Europe.
Hollande plus fort que Papandréou !
En parfait illuminé libéral, le ministre Pierre Moscovici a qualifié vendredi 22 février les dernières remontrances de la Commission européenne contre la France de « message hyper intelligent et équilibré ». Et il a repoussé à 2014 la limite pour atteindre les 3 % de déficit public. Comme la prévision de la commission européenne table sur 3,9 % de déficit à cette date, il faudrait donc couper 0,9 points de PIB supplémentaires d’ici 2014, soit près de 20 milliards. Bien sûr c’est une logique comptable absurde. Car les coupes alimentent la récession et creusent donc le déficit. Mais en disciple zélé de cette sinistre politique de la saignée, Moscovici a annoncé que de nouvelles mesures d’économies étaient « déjà décidées » et seraient précisées d’ici la fin du mois de mars. Ces mesures sont en réalité avancées par petites touches par le gouvernement depuis 10 jours. Elles dessinent le 3ème plan d’austérité de Hollande. 3 plans en moins d’un an, c’est déjà plus fort encore que ce qu’avait fait Papandréou à ses débuts.
Le contenu du 3ème plan d’austérité du gouvernement
Passées inaperçues grâce à un habile saucissonnage, ces mesures d’économies touchent tous les secteurs :
Les collectivités locales avec 1,5 milliards de coupes supplémentaires dans leurs dotations en 2014-2015, annoncées par surprise par Jérôme Cahuzac à la stupeur générale des représentants des associations d’élus.
Les dépenses de l’Etat aussi, avec 5 milliards de coupes supplémentaires dans les budgets des ministères pour 2014, alors que personne ne savait encore comment les coupes déjà prévues pourraient être appliquées grâce à la Modernisation de l’Action Publique, nouveau nom de la RGPP.
Et enfin la protection sociale avec un cocktail sans précédent de recul des droits : désindexation, c’est-à-dire baisse, des retraites, dégressivité des allocations chômage et taxation des allocations familiales. Ces pistes avancées notamment par la Cour des comptes correspondent comme par hasard aux secteurs dans lesquels Moscovici a annoncé la préparation de réformes. Des réformes qui seront précisées au printemps et finalisées à l’automne 2013 lors de la discussion parlementaire des budgets 2014.
A ces coupes risquent de s'ajouter des hausses d'impôts amputant encore les revenus du grand nombre. Jérôme Cahuzac a ainsi annoncé qu'il manquait 6 milliards d'euros de recettes fiscales à trouver pour 2014. Et des députés PS sont en train de travailler sur des hypothèses de relèvement supplémentaire du taux principal de TVA jusqu'à 20,5 %, au-delà des hausses de TVA déjà annoncées par Hollande pour financer le pacte de compétitivité.
Le pays va donc affronter une cure d'austérité redoublée qui nécessite une résistance décuplée tant au Parlement que dans la rue en 2013 pour préparer celle des urnes en 2014.