L'argument de la semaine

Le Mécanisme européen de stabilité : un remède pour saigner les Etats

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Ce mécanisme est présenté, de même que son prédécesseur le « Fonds européen de stabilité financière » (FESF) comme un mécanisme de solidarité entre les Etats membres de la zone euro. Certes il engage les finances des Etats au bénéfice d’autres Etats mais toute « assistance financière » est subordonnée à de « strictes conditionnalités ». Entendez par là des plans de rigueur de la troïka (Commission-BCE-FMI) dont on a pu observer les conséquences désastreuses sur la Grèce, le Portugal et l’Irlande. Ce mécanisme organise donc la casse sociale et la récession en fait de « solidarité ». D’ailleurs, les Etats sont réticents à demander une telle « assistance financière ». Mais sous la double pression de la troïka et des agences de notation, ils finissent par la demander. Sachez d’ailleurs qu’ils peuvent désormais être mis sous pression pour demander une telle assistance « par précaution ».

Le traité MES a été signé le 2 février 2012 par les Etats membres de la zone euro. Ce jour-là, les derniers amendements convenus le 9 Décembre 2011 et dans le cadre du nouveau traité « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire » ont été intégrés dans le traité dont une première version avait été signée le 21 Juillet 2011.

Ses rédacteurs souhaitant voir ce mécanisme entrer en vigueur dès Juillet 2012, sa ratification expresse a été demandée aux Etats membres. Il y avait donc urgence à faire ratifier ce texte par les Etats ayant un droit de veto sur son entrée en vigueur (la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne qui participent au capital souscrit du MES à hauteur de plus de 10%). En France où les travaux parlementaires seront clos début Mars, l’Assemblée nationale votera sur cette ratification le 21 Février.

Quelques remarques sur les considérants du traité :

- Complémentarité avec le TSCG : Il est précisé dès les considérants que « le présent traité et le TSCG (traité « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire ») sont complémentaires dans la promotion de la responsabilité budgétaire et de la solidarité au sein de l'Union économique et monétaire ». Le fait que l’octroi d’une assistance financière soit odieusement conditionné par la ratification du TSCG se trouve ainsi justifié.

- La collaboration étroite avec le FMI : il est stipulé aussi dès les considérants que « le MES coopérera très étroitement avec le Fonds monétaire international ("FMI") dans le cadre de l'octroi d'un soutien à la stabilité. Une participation active du FMI sera recherchée, sur le plan tant technique que financier. Il est attendu d'un État membre de la zone euro demandant l'assistance financière du MES qu'il adresse, lorsque cela est possible, une demande similaire au FMI ». De fait le FMI est « si possible » présent à toutes les étapes (l’évaluation du risque conduisant à octroyer l’aide, la négociation du plan de rigueur, le contrôle de la mise en œuvre de celui-ci, et même lors des votes des organes décisionnels du MES où le FMI « peut être invité comme observateur »)

Comment fonctionnera le MES ?

Mécanisme européen de stabilité financière
(mise en place initialement prévue pour Juillet 2013, finalement Juillet 2012)

Nature

Institution financière internationale relevant du droit international public (pleine personnalité juridique) établie à Luxembourg (avec un bureau à Bruxelles)

Capacité de prêt

500 milliards d’euros (montant pouvant être augmenté par le conseil des gouverneurs)

Gestion du MES

Attention : les membres n’ayant pas versé les montants qui lui sont exigibles ne peuvent pas exercer leur droit de vote dans les organes du MES

- Le Conseil des gouverneurs composé des représentants des ministres des finances des Etats membres de la zone euro. Le le président de l’eurogroupe, le commissaire européen en charge des affaires économiques et monétaires et le président de la BCE y sont présents comme observateurs. Le FMI peut être invité comme observateur.

A noter : les gouverneurs doivent être nommés dans les 15 jours qui suivront l’entrée en vigueur du traité

- Le président du Conseil des gouverneurs (mandat de 2 ans) qui peut être le président de l’Eurogroupe si les représentants des Etats le décident.

- Le Conseil d'administration  est composé d’un administrateur par Etat membre désigné par son gouverneur, un administrateur observateur pour la Commission et un administrateur observateur pour la BCE. Le FMI peut être invité comme observateur.

- Le directeur général : Elu par le Conseil des gouverneurs pour un mandat de 5 ans il préside les réunions du Conseil d’administration et participe à celles du Conseil des gouverneurs. Il gère les affaires courantes conformément aux décisions des deux Conseils.

Capital

Budgets nationaux des Etats membres de la zone euro* au prorata du PIB (80 milliards versés en 5 versement annuels représentant chacun 20% du montant total à verser – 620 milliards dont 15% doivent être versés comme paiement anticipé

- premier versement : dans les 15 jours suivant l’entrée en vigueur du traité
- Ce montant peut être modifié par le Conseil des gouverneurs par un vote à l’unanimité
- Ce montant est immédiatement augmenté en cas de nouvelle adhésion au MES (nouvel Etat membre de la zone euro)
- en cas de retard de paiement, l’Etat membres perd son droit de vote et peut (sur décision du conseil des gouverneurs à la majorité qualifiée de 80% donc veto France et Allemagne) devoir payer des intérêts !

Impôts des employés du MES

Fonds de reserve et autres fonds

Sanctions versées par les Etats membres au titre du Pacte de Stabilité et de Croissance et des procédures pour déséquilibres économiques

Revenus des investissements décidés par le conseil d’administration (si le MES ne procède à aucune opération d'assistance financière, tous ses gains devront être reversés, après déduction du coût de fonctionnement et des couts administratifs, aux Etats membres ; même chose si les niveaux du capital libéré et du fond de réserve sont au-dessus du niveau requis après une opération d’assistance financière)

Emprunts

Le MES est habilité à emprunter sur les marchés de capitaux (« banques, institutions financières, autres personnes et institutions ») pour réaliser ses buts.

(décision du directeur général conformément aux lignes directrices établies en la matière par le Conseil d’administration par vote à la majorité qualifiée de 80%)

Bénéficiaires

- Etats membres de la zone euro qui ont ratifié et appliqué le traité sur la discipline budgétaire (traité « sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’union économique et monétaire » dit TSCG)

(Les Etats qui deviendront membres de la zone euro devront devenir membres du MES)

Forme de l'assistance financière

- prêts à taux préférentiel  (fixés par un vote du Conseil des gouverneurs, ils pourront être fixes ou variables mais seront toujours supérieur aux coûts de financement pour le MES et prévoiront une "marge de risque appropriée") plafond des prêts cumulés : 500 milliards  (devrait être réévalué)

- lignes de crédits

- rachat de titres de dette sur le marché primaire

- rachat de titres de dette sur le marché secondaire (décision prise sur la base d’une analyse de la BCE constatant une situation exceptionnelle)

- prêts pour la recapitalisation des institutions financières d’un Etat membre

A noter : la liste des instruments financiers peut être modifiée par le Conseil des gouverneurs (vote à l’unanimité)

Conditions d'activation et de versement de l’assistance financière

1.    Demande de l’Etat en difficulté ou « à titre de précaution » (il faut savoir que les Etats sont très largement incités voire menacés par le Commission avant de demander une « assistance financière »)

2.    Commission et BCE  « si possible en collaboration avec le FMI » évaluent le risque pour la zone euro

3.    Le Conseil des gouverneurs donne son accord de principe à l’octroi d’une assistance financière

Cas normaux : vote à l’unanimité
Dans les cas d’aides d’urgence : le vote à la majorité qualifiée de 85% donc Allemagne, France, Italie ont le droit de veto

4.    Accord sur un plan de rigueur (dit « programme d’ajustement ») élaboré et négocié entre l'Etat demandeur d'assistance et la BCE et la Commission européenne « lorsque cela est possible conjointement avec le FMI . La Commission signe le protocole d’accord au nom du MES

5.     Décision du Conseil d’administration (qui comprend échéancier etc) sur l’octroi du prêt

Cas normaux : majorité qualifiée de 80% : Allemagne et France on droit de veto dans le cas d’un Etat en difficulté ; unanimité requise dans le cas d’une assistance « à titre de prévention »
Dans les cas d’aides d’urgence : le vote à la majorité qualifiée est de 85% donc Allemagne, France, Italie ont le droit de veto

6.    La Commission et la BCE « lorsque cela est possible conjointement avec le FMI » contrôlent le respect du plan d'ajustement, respect auquel l'octroi des différentes tranches du prêts est subordonné (le Conseil d'administration vote à l’unanimité le versement des différentes tranches d’aide sur la base du rapport de contrôle)

Garanties

- budgets des Etats membres de la zone euro

Immunité

Tout le personnel est à l’abri de poursuites à l'égard d'actes accomplis en qualité officielle, sauf si simplement le directeur général en décide autrement pour les simples agents du MES (pour le président du conseil des gouverneurs, un gouverneur, un gouverneur suppléant, un administrateur, un administrateur suppléant ou le directeur général c’est le Conseil des gouverneurs qui statue)

Les archives et les documents du MES ainsi que ses locaux sont inviolables.

La propriété, le financement et les actifs du MES, où qu'ils se trouvent, sont exempts de perquisition, réquisition, confiscation, saisie, par une action de l'exécutif, judiciaire, administrative ou législative

Secret professionnel

Tous les membres et employés du MES sont contraints au secret professionnelle avant et après la cessation de leurs fonctions

Impôts

-Les agents du MES sont soumis à un impôt interne perçu au profit du MES sur les salaires et émoluments payés par le MES. Cet impôt est fixé par le conseil des gouverneurs

-Le MES, ses revenus, avoirs, biens et opérations autorisés par le traité MES sont exonérés d’impôt direct

Transition avec le FESF

Entre l’entrée en vigueur du traité MES (prévue en Juillet 2012) et la dissolution du FESF (Juillet 2013) la capacité de prêt totale MES+FESF ne dépasse pas 500 milliards d’euros

Le MES peut acquérir les droits et assumer les obligations du FESF si le Conseil des gouverneurs le décide

Entrée en vigueur

Dès que les Etats représentant 90% du capital souscrit l’auront ratifié (droit veto : Allemagne, France, Italie et Espagne).

Si possible : en Juillet 2012

Voilà pourquoi il est aussi urgent pour les tenants de ce traité de faire passer tout ça vite et sans débat public dans nos assemblées françaises

*La clé de répartition pour le capital du MES est le même que pour celui de la BCE, soit:

Pays: Clé MES

Allemagne: 27,146
Autriche: 2,783
Belgique: 3,477
Chypre: 0,196
Espagne: 11,904
Estonie: 0,186
Finlande: 1,797
France: 20,386
Grèce: 2,817
Irlande: 1,592
Italie: 17,914
Luxembourg: 0,250
Malte: 0,073
Pays-Bas: 5,717
Portugal: 2,509
Slovaquie: 0,824
Slovénie: 0,42



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