L'argument de la semaine

Le problème, ce n’est pas l’offre : c’est la demande !

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Le président Hollande a déclaré « L’offre crée même la demande ». C’est l’aveu de libéralisme clair et net. Il se prétend social-démocrate mais sa politique économique depuis mai 2012 n’est :

- ni sociale, car cela implique des acquis sociaux et non des destructions telles que la retraite à 66 ans, la casse du droit du travail avec l’ANI, la hausse de la TVA et la casse des cotisations familiales.
- ni démocrate car il trompe ses électeurs, dresse les parlementaires de sa majorité avec l’article 49.3 de la Constitution, cherche à supprimer les élections prud’homales et décide seul de sa politique socio-économique en s’appuyant sur des accords syndicaux minoritaires.

La politique de l’offre n’est pas une politique pour l’entreprise mais pour les actionnaires. Et ils ont gagné plus 30 milliards d’euros annuels avec les annonces la conférence de presse du 14 janvier, soit la moitié du budget annuel de l’Éducation nationale ou encore l’équivalent du tiers du déficit de l’État chaque année. Normal que Pierre Gattaz, président du Medef, s’en approprie la paternité !

Cela ne marchera jamais car cette politique est appliquée dans pratiquement toute l’Europe et, c’est la récession généralisée. La plupart des économistes le disent, même au FMI. Seul les ténors de l’UMP, tels que P. Raffarin, F. Fillon et d’autres anciens ministres de Nicolas Sarkozy, se réjouissent de ces annonces que Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont fait en leur temps. François Hollande a 30 ans de retard ! Et pas de quoi se réjouir pour les Français quand on voit comment sont sorties notre économie et les finances de l’État après dix ans de gestion libérale par l’UMP.

1) Les économistes le disent…

Mais François Hollande ne fait pas que s’accaparer le programme de la droite comme le souligne le député PS André Valini : « L'UMP l'a rêvé, nous l'avons fait ! ». Il s’affranchit totalement du discours des économistes. Nombreux sont les économistes plus ou moins proches du Front de Gauche tels que Jacques Généreux, Philippe Askénazy ou Frédéric Lordon qui ont démontré l’inanité de la politique de l’offre. Mais même chez les économistes moins marqués gauche font les mêmes constats, notamment ceux qui conseillent Barack Obama à l’heure où les Etats-Unis sont sur la reprise avec une politique d’augmentation des salaires et de politiques monétaires accommodantes. François Hollande est souvent l’ami des américains, il ferait mieux d’en écouter les principaux économistes :

  • Le Center for Economic and Policy Research, think-tank proche des démocrates américains, cite de nombreuses études montrant que «les réductions de dépenses font baisser la croissance et augmenter le chômage»
  • Paul Krugman, qui a reçu le prix de la banque de Suède en mémoire d’Alfred Nobel crie littéralement au «scandale» après les annonces de François Hollande :
    «Ce qui est choquant, c'est qu'il ait épousé des doctrines de droite discréditées depuis longtemps. [...] Des conservateurs mal avisés et bornés ont bien entendu été à l’initiative de ces politiques, mais elles ont ensuite été reprises et mise en œuvre par des politiciens invertébrés et lâches de la gauche modérée. […] C’est le cas de Mr Hollande, qui en annonçant sa volonté de réduire les impôts sur les entreprises tout en diminuant les dépenses (sans plus de détails) pour en supporter le coût, a déclaré “c’est sur l’offre que nous devons agir,” [...] Cela est tout simplement faux, [...].Tous les faits montrent que la France est en excès de ressources productives, à la fois en travail et en capital, lesquels restent inutilisés du fait d’une demande trop faible. […] Lorsque Mr. Hollande devint le leader de la deuxième économie de la zone euro, certains espéraient qu’il prendrait un autre tournant. Au lieu de quoi, il s’est recroquevillé comme les autres dans ce que l’on pourrait appeler un effondrement intellectuel. Et la seconde dépression européenne se poursuit…»

En France, même Patrick Artus (Natixis), pourtant ardent défenseur de cette «politique de l'offre», prévoit que cela profitera aux actionnaires et sans effet sur l'emploi. Cela aura comme principale conséquence de favoriser des secteurs qui n'en ont pas besoin et n'aidera pas les secteurs en difficulté qui ont eux besoin d'une dévaluation et d'une augmentation de la demande :

  • « Le scénario de court/moyen terme le plus plausible à nos yeux reste, malgré les contreparties évoquées, celui de la captation quasi-intégrale des gains par les entreprises via le redressement de leur profitabilité et son affectation, pour l’essentiel, au désendettement et à la reconstitution des trésoreries »
  • « La baisse des marges bénéficiaires n’est pas un phénomène global. Elle n’existe que dans cinq branches d’activités sur treize [...] [dont] quatre branches exposées à la concurrence étrangère : matériel de transport, biens de consommation et biens intermédiaires, biens d’équipement et tourisme. [...] La manière naturelle de le traiter serait une dévaluation. Baisser les charges sociales des entreprises n’est pas normalement une politique adaptée [...]. Il y a donc, en cas de baisse des charges, un effet d’aubaine dans neuf branches sur treize ».

2) … et les patrons aussi !

L’Enquête mensuelle de conjoncture dans l’Industrie effectué (Insee) permet de savoir quelles sont les difficultés rencontrées par les entreprises et ce qu’en disent leurs dirigeants. La répons claire est reprise par l’économiste Fransesco Saraceno (OFCE) dans une note «Jean-Baptiste Hollande» : en moyenne, entre 2008 et 2013, la demande est un problème pour plus de 45 % des entreprises alors que l’offre pour moins de 18%. Et ce sont des chiffres similaires depuis 1991 ! Les données sont regroupées dans ce graphique et démontrent bien que Hollande, Merkel et la Commission européenne ont tort. La saignée est pire que le mal !

graphe-offre

Même la CGPME qui demande certes de baisser les impôts rappelle son communiqué de presse que «les embauches sont étroitement liées aux carnets de commandes qui souffrent d'une baisse continue de l'investissement depuis plus de deux ans.»

3) La crise par la baisse de la consommation : L’austérité aggrave la crise

En refusant d’agir pour augmenter les salaires, notamment via le Smic, et en augmentant aveuglément les impôts des classes moyennes, le gouvernement engendre même une spirale récessive. En 2013, après plus de deux ans d’austérité par les plans Fillon et Ayrault, les effets sont catastrophiques sur les entreprises françaises, notamment ceux des secteurs de la consommation et des biens intermédiaires. Une étude de la société Altares reprise par Les Échos démontre que la politique Hollande aggrave la crise :

En 2013 : 63 000 entreprises ont fait faillite, une hausse de 3% par rapport à 2012 et un retour au record de 2009, en pleine crise (63 700). Au total, ce sont 269 000 emplois menacés, plus qu'en 2009. Selon Altares : « Il y a quatre ans, les entreprises indus­trielles de grande taille étaient en ­difficulté. En 2013, ce sont les TPE et les PME qui paient la panne de la ­consommation des ménages » en plus de grandes faillites comme le transporteur Mory Ducros, plus grosse faillite depuis Moulinex en 2001.

Les Échos relèvent que «les entreprises dont l’activité est directement liée à la consommation se sont retrouvées en première ligne :

  • plus de 8.500 commerçants ont déposé le bilan l’an passé, un chiffre supérieur au plus haut de 2009.
  • Dans la restauration, 5.700 sociétés ont fait faillite en 2013. Encore une fois, c’est un record. »


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