(Extrait de ma note de blog du 4 septembre 2013)
Mardi, je me suis trouvé présent à la conférence de presse que donnait Danielle Simonnet, comme candidate tête de liste pour les élections municipales à Paris. La veille, en effet, mes camarades parisiens avaient été informés de la proposition faite par leurs homologues communistes de la fédération de Paris à l’ensemble des partenaires du Front de gauche dans la capitale. Ces derniers engagent une démarche « aux plus offrants » en quelque sorte. Ils mènent à la fois des négociations avec le Parti Socialiste et la discussion avec leurs partenaires Front de gauche. Étrange procédé. Leur dernière proposition de répartition des postes est parue aussi étrange : sur quinze sièges envisagés, douze iraient à la fédération communiste, trois pour toutes les autres composantes du Front de Gauche. Celles-ci ont analysé cette « proposition », en retrait sur celle qui avait déjà été présentée par les mêmes en juin, comme un acte de rupture assez stupéfiant. Tous nos espoirs reposent donc à présent sur le vote des militants communistes qui va intervenir à la fin du mois d'octobre. D'ici là il ne peut être question de rester inertes et de se laisser grignoter dans les sondages par inexistence. Nous avons l'expérience du prix à payer pour des tergiversations qui sont ressenties comme très politiciennes dans les milieux que nous influençons. Le refus de s'exprimer clairement sur la participation ou non au gouvernement avant les élections législatives nous a fait perdre la moitié de nos voix entre la présidentielle et celles-ci, alors même que l'on attendait de la notoriété des candidats, souvent des élus sortants, d'importants progrès et des résultats supérieurs à ceux de l'élection présidentielle.
La leçon ne doit pas être oubliée. Naturellement le but reste de pouvoir présenter une liste du Front de gauche, si possible avec d’autres composantes sur Paris. Certes, Paris est une ville dont les habitants connaissent les problèmes de toutes les villes de France. Mais c'est aussi la capitale et le point de mire de tous les observateurs en France, en Europe et dans le monde. Il faut donc absolument s'arracher à l'enlisement des tractations de postes. Rien ne favorise davantage nos adversaires de toutes sortes que de donner l'impression que nous ne savons pas ce que nous voulons, ni dans quel camp nous nous situons. Et pire : que nous sommes comme les autres, obsédés par les postes et les places. C'est pour affirmer ce cap franc et clair que Clémentine Autain et moi avons accepté de venir soutenir la démarche de Danielle Simonnet. Sa campagne commence pour faire vivre les idées de « l’humain d’abord ». Et pour élargir la coalition autonomiste aussi largement que possible dans la gauche et chez les écologistes.
Aux municipales, ne te découvre pas d'un poil !
(Extrait de ma note de blog du 13 septembre 2013)
Un sondage de l’institut CSA est paru à propos des élections municipales. Publié dans Le Figaro, il place le Front de Gauche à 10% des intentions de vote. Ce résultat est très encourageant pour nous. Bien sûr, nous n’avons guère confiance dans ce genre de thermomètre. Mais nous savons que certains de nos concitoyens y croient. Et nous connaissons leur impact sur le moral des militants. L’institut nous donne en hausse par rapport à son sondage précédent. Encore une bonne nouvelle ! Pendant ce temps, l’UMP et le PS sont donné en recul. Tout va bien ? Non bien sûr. Loin de là.
Immédiatement, les médias officiels répandent les fumigènes. Pour eux, l’événement du sondage ce serait la prétendue « poussée » du Front National. Pourtant, le FN est donné à 16%. C’est beaucoup, certes. Mais où est la percée ? Je rappelle que Marine Le Pen a recueilli 17,9% des voix à l’élection présidentielle. Avec les 16% que lui donne cet institut, son parti serait donc en recul.
L’événement politique de ce sondage, c’est le niveau du Front de Gauche. Le total des intentions de vote pour les partis se réclamant de la gauche est extrêmement faible. A peine 42% ! Dans ce naufrage annoncé, la seule lueur d’espoir, c’est le Front de Gauche qui est donné sans perte, presque au niveau de l’élection présidentielle.
C’est vraiment remarquable. Car le Front de Gauche est handicapé. Plombé. Nous souffrons de la confusion entretenue par l’idée que le Front de Gauche aurait un système d’alliance à géométrie variable. Et que certains de ses membres pourraient très bien faire campagne pour les listes du Parti solférinien. Tant que courra l’idée qu’on puisse manifester contre le ministre la semaine et voter pour le même ministre le dimanche, rien ne pourra être clair ni sincère.
Or, les élections municipales se dérouleront dans un océan d’abstention. François Hollande sème la résignation dans tout le pays. Et la compétition de ses barrons locaux n’est pas faite pour mobiliser le peuple. De notre côté, pour mobiliser les nôtres, il faut de la clarté. Nous devons donc mettre le plus loin possible de nous tout ce qui peut être pris pour du double langage et de l’ambigüité. Nous sommes payés pour le savoir ! L’ambigüité des atermoiements sur la participation ou non au gouvernement Ayrault nous a déjà coûté très cher dans les élections législatives de juin 2012. Nous y avons perdu la moitié des voix rassemblées à la présidentielle. N’avait-on pas dit à l’époque que les élus sortants et les candidats locaux « bien connus » feraient trois ou quatre points de plus qu’à la présidentielle ? Le clivage mobilise. La confusion démobilise. C’est une des leçons que nous avons tirées de la campagne présidentielle et des législatives qui ont suivi.
C’est la raison pour laquelle la question de notre dispositif pour les élections municipales à Paris est si importante. L’élection municipale à Paris est bien sûr une élection locale avec ses questions locales. Mais une élection municipale à Paris est un événement national à lui-seul. La visibilité y est maximale. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir la place qu’occupe déjà dans toute la presse nationale le duel entre Anne Hidalgo et Nathalie Kosciusko-Morizet.
Paris est une vitrine. C’est vrai pour toutes les forces politiques. C’est encore plus vrai pour le Front de Gauche, puisque c’est là que nous avons tenu le rassemblement du 18 mars 2012 à la Bastille et la marche pour la Sixième République le 5 mai dernier.
La question de notre stratégie à Paris n’est absolument pas une affaire de personne. La question est éminemment politique : le Front de Gauche est-il capable de faire la démonstration de son autonomie, de ses solutions locales et de son esprit conquérant dans les élections municipales ? Paris détient une grande partie de la réponse. C’est pourquoi avec le Parti de Gauche et sept autres partis du Front de gauche sur neuf, j’y plaide pour une liste autonome du Front de Gauche au premier tour. Danielle Simonnet s’est mise en campagne et je soutiens sa détermination. En se prononçant clairement pour l’autonomie et en refusant le jeu mortel des palabres de marchand de tapis, elle montre son audace. Et c’est d’audace dont nous avons besoin. Ailleurs en France, nous nous battons aussi pour préparer la majorité alternative de demain. Les discussions ont commencé dans dix villes de France pour constituer des listes de premier tour entre les Verts et le Front de gauche. Les municipales ne doivent pas être une juxtaposition de querelles locales mais un chemin national passant partout dans chaque localité. Bref, ce sont des élections politiques. Il faut s’en souvenir à temps.
Contre la confusion aux municipales
(Extrait de ma note de blog du 19 septembre 2013)
Cette fête de l'Humanité a été la meilleure que j'ai vécue depuis ma première participation à cet événement, il y a maintenant quelques années de cela. Ici, je parle de l'accueil que m'ont réservé les passants des allées que je croisais, les animateurs de stands que j'allais saluer et, d'une façon générale, tous ceux qui sont venus au-devant de moi, notamment dans le grand stand du Parti de Gauche. J'ai vu dans cet accueil un signal politique : le Front de Gauche, et les personnalités qui le composent, constituent dorénavant une identité politique profondément ancrée parmi les nôtres, qu'ils soient militants d'un parti, sympathisants ou simples électeurs fidèles. Certes, pour ce qui est des dirigeants, la consigne avait été clairement donnée dans chacune de nos organisations d'afficher les mines réjouies, des sourires complices et des accolades enthousiastes. Tout le monde s'y est tenu. Mais la vérité est qu’il n’y a pas eu besoin de se forcer. L'ambiance était bonne, fraternelle et davantage tournée sur l'actualité du monde et du pays que sur les problèmes internes. Pouvait-il en être autrement ? Ce n’est pas une affaire de personne qui est en cause. Tout le monde s’entend plutôt bien. C’est une affaire de ligne d’action. De toute façon, pour ma part, je pensais que cela ne servait strictement à rien de surjouer l'ambiance scoutiste dans la mesure où les médias concernés avaient déjà défini leur position et leur analyse avant même que l'événement commence. Et pour cause : voilà deux mois que leur est servie sur un plateau une belle histoire de division du Front de gauche commencée par des remarques pour soutenir Manuel Valls, très agressive contre mon style d’expression. Un moment analysé par tous les commentateurs comme les prémices des municipales et en effet aussitôt suivie d’une scène de théâtre de boulevard à propos de Paris avec mes amis dans le rôle du conjoint trahi.
En arrivant à la fête je ne savais pas quel serait l'état d'esprit moyen des participants. Pour finir, dans les allées, il n'y avait besoin d'aucune consigne pour que s'exprime avec force et de toutes les façons possibles, notamment sur mon passage, l'adhésion massive à la thèse de l'autonomie politique au premier tour de l’élection municipale. D'ailleurs, le jour même, le journal "Politis" publiait une liste de plus de trente grandes communes où le choix d'une stratégie autonome de liste Front de Gauche avait été fait. Faisons le point. Si sept sur neuf des organisations du Front de Gauche se sont dorénavant exprimées clairement en faveur de l'orientation d'autonomie au premier tour des élections municipales, tel n'est pas le cas au Parti Communiste où la discussion continue, ville par ville ! Celle-ci est assez ouverte pour que nous connaissions quelques-uns des nombreux cas où il y aura une liste autonome au premier tour regroupant l'ensemble des forces du Front de Gauche. C'est encourageant. Mais la situation globale du Front de Gauche n'est pas bonne parce que sa lisibilité est totalement brouillée par la situation à Paris et dans quelques villes emblématiques de la domination solférienne comme Nantes, Evry ou Toulouse, villes du Premier Ministre, du Ministre de l’Intérieur et du président de l’association des élus socialistes, avec qui nos camarades communistes préfèrent former une liste commune plutôt qu’avec les partenaires du Front de Gauche.
Au moment où toute la presse avance le marchepied à Marine Le Pen dont la stratégie est clairement dessinée comme une alternative globale au « système », nous patinons dans une valse-hésitation incompréhensible pour l'opinion. Je ne veux pas avoir de comportement politicien à ce sujet. Il ne s’agit pas de faire des sourires devant les caméras et de se donner des accolades hypocrites. Je n’accepte pas la situation. Le Front de gauche est délibérément mis en danger dans tout le pays. Et cela principalement du fait de Paris ! Paris est symbolique et c’est bien normal. La négociation secrète avec les socialistes et la mise à l’écart de tous les partenaires du Front de Gauche est une rupture blessante. « Le rassemblement » qui consiste à passer par-dessus bord ses camarades de combat pour aller faire cause commune avec ceux dont nous combattons tous les jours la politique ne créera aucune dynamique électorale pour ceux qui croient qu’ils vont en être les bénéficiaires. Mais peu nous chaud. Ce qui est plus grave c’est que cela peut nous faire reculer, nous aussi, qui restons fidèles à l’orientation d’indépendance du Front de Gauche, si nous sommes confondus avec cette lamentable opération. Ceux qui ont ajouté à tout cela des attaques ad hominem contre moi n’ont réussi qu’à donner une apparence très personnelle aux problèmes qui nous sont posés. Je sais très bien que cela ne me dessert pas, dans la profondeur du pays, d’être perçu comme celui qui résiste et qui est sincère et fidèle dans sa volonté politique et l’engagement pris avec la campagne présidentielle. Mais cela ne peut me contenter. Je ne cours aucun objectif personnel dans cette affaire. Ma vie est faite. Aujourd’hui, je ne vois qu’une chose : la confusion affaiblit le Front de Gauche. Les arguments avancés contre l’autonomie piègent toutes les listes du Front de Gauche. Et donnent du poids aux agresseurs qui nous attaquent à Saint-Denis ou Dieppe. C’est cela mon problème et celui de toute l’équipe du Parti de Gauche, et je ne cite qu’eux pour ne pas parler à la place des autres, communistes inclus, dont je connais cependant l’opinion !
Le brouillage actuel est appelé à durer des mois durant si nous n’y trouvons pas une parade. Je n’appelle pas une parade le fait de combiner dans un même discours des bordées d’attaques au canon contre le gouvernement avec de pieux couplets pour l’unité avec ses ministres aux municipales. Ce genre d’omelette norvégienne ne produira rien d’autre que le sentiment d’une embrouille. Aujourd’hui la confusion qu'introduit à la fois l'engagement personnel du secrétaire national du PCF en faveur de l'alliance avec les socialistes à Paris et le système d'annonces perlées tantôt d'un côté tantôt de l'autre selon les localités va se prolonger par une campagne électorale à géométrie variable ruineuse pour notre image collective.
Et aussi pour notre image particulière. Le PG ne peut accepter d’être entrainé dans cette impasse ni d’être confondu avec cet opportunisme. D’autant qu’il n’existe aucun indice d’amélioration de la gestion de cette situation ni de volonté de la maîtriser. Cette gestion au jour le jour est consternante. Il n’y a aucune discussion nationale sur l’ensemble de la carte de France. Les partisans de l’alliance à géométrie variable se lancent dans d’obscures allées et venues de marchands de tapis entre les socialistes et les militants fidèles au Front de Gauche. Nous sommes réduits au rôle ridicule de potentiel deuxième choix et contraints de nous soumettre à un calendrier de décisions et de tractations qui ne sont pas les nôtres. A l’heure actuelle, aucune répartition des rôles et des têtes de listes n’a donc lieu dans le Front de Gauche pour garantir la diversité de sa représentation, donc sa crédibilité. De son côté, la discussion sur les européennes est elle aussi totalement mise en panne depuis juin. Pas d’interlocuteur ! On le comprend : comment préparer un dispositif global qui articule les deux campagnes avec un système d’alliance à géométrie variable ? Dévorés par le débat interne, je crois que les responsables communistes ne se rendent plus compte de l’offre réelle qu’ils font à leurs partenaires : toutes les têtes de listes, partout en France, de l’arrondissement à la commune. Je ne dis rien des européennes pour ne pas laisser croire que je donne une dimension personnelle à mon propos.
A quoi bon se cacher ce que va nous coûter cette gestion calamiteuse si on la laisse prendre le dessus. Le Front de Gauche devient invisible, perdu dans une obscure bataille vécue comme purement politicienne. La réalité est encore plus cruelle que les apparences. La stratégie d’alliance avec le PS au premier tour des municipales dans les grandes villes nous briserait les jambes. En fait c’est une bunkerisation dans un système d’alliances pauvre et étroit avec une équipe solférinienne à la ramasse. Elle nous couperait de toutes les jonctions possibles avec les forces qui s’en détachent et avec les mouvements sociaux qui l’affrontent déjà et l’affronteront demain davantage sous toutes les formes, il faut l’espérer. C’est le clivage qui permet le rassemblement et l’éducation de masse dans cette séquence de l’histoire.
L’objectif de la période pour nous c’est la construction d’une majorité alternative à gauche, combinant les luttes et les urnes. Il s’agit de sortir le pays du garrot néolibéral et de l’état de vassalisation où il se trouve. Evidemment, le Front de Gauche est l’instrument que nous avons construit pour atteindre cet objectif. Avec le résultat de l’élection présidentielle, nous avons gagné notre crédibilité aux yeux du pays. Dans l’année qui a suivi, nous avons fait la démonstration, grâce à nos deux grandes manifestations contre le traité européen le 29 septembre puis pour « le coup de balai » et la sixième République le 5 mai. Dans cette dernière circonstance, la participation d’Eva Joly a ouvert un cycle de contacts et de discussion avec de nombreux groupes de Verts dans tout le pays. Parmi eux, la rupture avec le projet gouvernemental solférinien avance à grand pas. Comment peut-elle déboucher positivement sans faire émerger une construction politique nouvelle ? Cela n’est pas possible. Sinon quoi ? Ce sera l’émiettement dans le découragement, groupe après groupe. C’est ce problème qu’il faut prendre à bras le corps.
Notre parti s’en empare par tous les côtés à la fois : sur le plan des contacts personnels, celui de l’action commune comme celle de Notre-Dame-des-Landes et les autres luttes emblématiques du combat « écolosocialiste », le travail théorique avec les Assises permanentes de l’écosocialisme, et ainsi de suite. C’est un travail de fond, sérieux, appliqué, sans effets d’annonces ni cabrioles médiatiques. Mais on ne peut se contenter de bien travailler chaque dimension de la tâche à accomplir. Arrive le moment où il faut faire l’effort nécessaire pour que tout converge par l’action dans les consciences et dans les faits. En démocratie ce sont les élections qui permettent cette fusion de toutes les dimensions politiques.
Pour nous, les élections municipales doivent donc être une étape politique et non pas un temps mort localo-localiste. Elles doivent être un point d’appui pour le travail que nous avons à accomplir. Lequel ? Ancrer et élargir le rassemblement de ceux qui ne veulent plus de la domination des solfériniens sur la gauche française. Les élections municipales sont une opportunité formidable pour élargir le front des forces qui veulent faire du neuf à gauche. Une occasion de faire vivre, en les déclinant au niveau local, les propositions de la radicalité concrète. Les solfériniens en ont une peur bleue. C’est tout leur dispositif en vue de domestiquer le reste de la gauche qui peut être battu en brèche. Voilà pourquoi ils sont prêts à tout pour faire exploser le Front de Gauche, et davantage encore son projet de majorité alternative ! Tous leurs relais s’y emploient de tous côtés, de « Libération » aux barons locaux distributeurs de faveurs. Je fais le pari qu’ils ne parviendront à rien. Le front de l’autonomie à leur égard et de l’alternative radicale face à la droite va s’élargir vaille que vaille. Pour cela il faut ancrer notre lisibilité programmatique et stratégique. Il faut donc être autonome. Sans cela nous n’aurons aucune capacité d’entrainement, aucune crédibilité.
J’ai bien analysé les arguments qui sont opposés à la ligne de l’autonomie au nom du « rassemblement » que serait le retour au bercail de l’alliance immédiate avec le PS. Ce sont souvent des collections de phrases ambiguës qui veulent dire une chose et son contraire. Mais quels arguments clairs et ouverts ? Je n’en entends pas. Ou bien des sottises. Par exemple que nous ne voudrions jamais aucun socialistes sur nos listes ! Le contraire ! Un socialiste qui rompt avec la politique d’austérité et qui le dit est le bienvenu ! Ou qu’il s’agirait de faire des listes dans chaque village, ce qui est hors de portée. Absurde ! On ne parle d’autonomie obligatoire que dans les villes de plus de vingt mille habitants. Cela ne veut pas dire que l’autonomie ne serait pas une bonne chose ailleurs également. Cependant je sais dans quel état de délabrement et de résignation est la gauche. Je recommande de faire pour le mieux et je m’en remets aux camarades sur le terrain pour savoir s’ils peuvent ou non parvenir à former des listes dans des conditions politiquement claires et significatives. J’ai assez milité en milieu rural ou péri-urbain pour savoir combien la situation peut y être difficile, ne serait-ce que pour faire exister la gauche, parfois. Personne ne peut me reprocher de l’ignorer. Mais j’ai aussi été candidat gagnant, puis perdant, puis gagnant de nouveau aux élections cantonales. J’ai dirigé de nombreuses campagnes municipales, gagnantes et perdantes. Je n’ai hérité de rien, jamais. Et quand j’ai quitté le parti socialiste je suis allé solliciter le mandat du peuple sur le terrain, au suffrage direct, dans les élections européennes, dans une circonscription sans siège sortant ! Je n’ai pas cherché à utiliser ma position pour obtenir un arrangement avec les socialistes pour faire renouveler le siège de sénateur que j’avais auparavant brillamment conquis dans mon département d’alors et dont j’étais toujours l’élu pour trois ans encore ! Je suis heureux que notre travail collectif – le Front de Gauche était naissant et inconnu en 2009 – nous ait permis de faire la démonstration d’autonomie politique dont nous avions besoin. Je veux mentionner tout cela, que je résume, pour signaler que je ne suis pas sans expérience électorale, ni comme candidat ni comme dirigeant. Tout le contraire. Ceux qui m’ont vu a l’œuvre dans les européennes ou dans la présidentielle peuvent en attester, je crois.
Dès lors quand je parle d’autonomie dans les villes à partir de 20 000 habitants, je pense savoir de quoi je parle. Ce sont des villes où le vote est aussi très politique. Il y a deux tours dans cette élection et il est exceptionnel qu’une liste l’emporte dès le premier. Examiné du strict point de vue électoral, le « rassemblement avec les socialistes » est le prototype de la fausse bonne idée. Dans le contexte actuel du gouvernement solférinien, alors que l’abstention va être massive, disparaître au premier tour c’est diminuer la gauche et non pas l’augmenter ! Croire que les électeurs du Front de Gauche sont prêts à aller se ranger derrière un socialiste sans y être obligés, c’est mal connaître la force qui s’est construite dans l’élection présidentielle sur notre candidature commune. Après ce qui vient d’être vécu cette année, des retraites en passant par la Syrie et l’amnistie sociale, nos électeurs iront à la pêche s’ils n’ont pas l’occasion d’avoir un choix à gauche au premier tour. Disparaître au premier tour c’est aussi très mal préparer le second tour, sans réserve. Je n’admets donc pas l’argument d’après lequel il faudrait disparaître et faire des listes avec les solfériniens dès qu’un accord serait bien négocié « pour faire barrage à l’extrême droite et à la droite ». Sans avoir rassemblé d’abord les nôtres, il n’y a aucune majorité possible. Je ne suis pas davantage d’accord avec l’idée que ce serait au risque de perdre, parce que ce risque est celui de n’importe quelle élection. Pourquoi le « risque de gagner » est-il écarté par principe ?
Le seul type d’accord qui vaille c’est celui dont la calculette fixe le contour. C’est-à-dire celui dont le suffrage populaire fixe le contenu et les sièges par le nombre de vote qu’il accorde. C’est d’ailleurs ce que préparent les solfériniens qui nous agressent à Saint-Denis, à Dieppe et partout où il y a des mairies Front de Gauche. Dans ce cas ils n’ont aucun argument politique pour le faire, à part le fameux « pousse-toi de là que je m’y mette ». Et pourtant ils le font. Pourquoi ? Parce que leur but est de nous détruire. L’absorption ou l’affrontement sont les deux faces d’une même tactique de destruction pour eux. Ils sont prêts à payer le prix en sièges distribués pour cela. Dans ces conditions, le fait de faire liste commune avec les solfériniens dans la capitale, si visible et emblématique dans tout le pays, serait une faute majeure. De tous côtés, cela sera vécu comme une perte de visibilité politique, un marchandage sans principe, quelle que soit la pureté des intentions des auteurs de l’accord. Dès lors, l’impact national serait destructeur dans des centaines de communes où nos listes, nos sortants comme nos candidats en conquête, paieraient un prix démesuré. Je n’ai pas besoin de dire moi-même ici ce que vont être les arguments des socialistes dans tout le pays. Donc nous ne laisserons pas faire.
Il y aura une liste autonome de l’autre gauche dans Paris comme partout ailleurs, au premier tour. A Paris, Danielle Simonnet en a lancé la campagne la semaine passée ! Que devient alors le « Front de Gauche » si une partie de l’une de ses composantes préfère l’alliance avec les socialistes ? C’est la question que nous sommes en train d’étudier. Dans les faits un Front d’un type nouveau sera présent : certains communistes l’auront quitté, pas tous, loin de là, d’autres composantes l’auront rejoint peut-être. Mais plus rien ne sera comme avant.
Interview dans Regards : « Jean-Luc Mélenchon, les municipales et l’avenir du FDG »
(Parue le 21 septembre 2013 dans le journal Regards)
« La question des alliances PC – PS au premier tour des élections municipales enflamme le Front de Gauche. Alors que le feu couvait depuis plusieurs mois et à quelques jours du vote des militants communistes Jean-Luc Mélenchon fait monter la pression et en fait une question décisive pour l’avenir du Front de Gauche. Sur son blog, il écrit : « Il y aura une liste autonome de l’autre gauche à Paris comme partout ailleurs, au premier tour. A Paris, Danielle Simonnet en a lancé la campagne la semaine passée ! Que devient alors le « Front de Gauche » si une partie de l’une de ses composantes préfère l’alliance avec les socialistes ? C’est la question que nous sommes en train d’étudier. Dans les faits, un Front d’un type nouveau sera présent : certains communistes l’auront quitté, pas tous, loin de là, d’autres composantes l’auront rejoint peut-être. Mais plus rien ne sera comme avant. » Nous l’avons rencontré pour une explication de texte. »
Regards.fr. Vous semblez anticiper une décision des communistes parisiens en faveur de l’alliance avec les socialistes au premier tour. Pourquoi le pensez-vous ?
Jean-Luc Mélenchon. Parce que les négociations entre communistes et socialistes sont très avancées ! Nos partenaires du Front de gauche ne nous informent de rien mais on apprend incidemment, au détour d’un article dans l’Humanité, à propos de Dieppe que des négociations sont en cours entre les deux partis à Paris. Fin août, quand le journaliste de Libération interroge Pierre Laurent sur les prétentions du Front de gauche à obtenir 15 élus parisiens il confirme que la nouvelle représentativité du Front de gauche doit être prise en compte par les socialistes. Pourtant il n’a pas de mandat du Front de gauche pour cette négociation. Serions-nous le deuxième choix du PCF en cas d’échec des négociations avec les socialistes ? Ce n’est pas acceptable.
Mais le vote des militants communistes n’interviendra qu’en octobre…
Je leur lance une alerte solennelle : ce vote n’a pas seulement une dimension locale. La question est de savoir si le Front de Gauche s’assume comme une alternative. Pour nous les discussions à Paris avec la fédé du PCF sont suspendues tant que les militants ne se seront pas prononcés. Nous avons commencé la campagne.
Ne dramatisez-vous pas ?
Je refuse de masquer le danger ! Nous tirerons les conséquences d’un accord avec les socialistes à Paris, à Évry – la ville de Manuel Valls, à Nantes – celle de Jean-Marc Ayrault, à Lyon, à Toulouse… Car alors il y aurait un sérieux problème de cohérence et de visibilité pour le Front de Gauche. On ne peut pas manifester le samedi contre la politique du gouvernement et voter le dimanche pour un de ses ministres. Cette confusion rend le Front de Gauche inaudible, alors même que le débat se polarise dans les médias autour du Front National.
Vous savez bien que Toulouse, Nantes, Lyon sont des fédérations autrefois « huistes » (en accord avec Robert Hue) hors de contrôle de l’actuelle direction du Parti communiste…
Ce débat n’est pas le mien. Je dis seulement que c’est la clarté politique qui unifie et non les compromis entre fractions. La cohérence est une responsabilité politique qu’il faut assumer. Il serait étrange d’avoir un parti avec deux systèmes d’alliance alors même que la majorité des communistes sera sans nul doute favorable à des listes autonomes. Tous les communistes de France, toutes les listes du front de gauche seront décrédibilisés par le retour de quelques uns au bercail de la gauche plurielle ! Et cela alors que sept des neuf organisations qui composent le Front de Gauche sont déjà en faveur de l’autonomie. Quelle est la position du PCF ? Bref : je considère que ce serait une faute politique de s’allier avec le PS. Pierre Laurent milite pour … et moi contre. Les militants vont trancher. Puis les électeurs.
Le Front de Gauche est un Front et non un parti unique. N’est-il pas normal qu’il y ait des différences entre ses composantes ?
L’autonomie par rapport au Parti Socialiste est dans notre accord initial. La question des Fronts à géométrie variable a été tranchée. Le PCF était d’abord pour. Nous, nous voulions un parti unique. Cela n’a été ni l’un ni l’autre, mais une alliance durable dont la colonne vertébrale est l’autonomie. Surtout dans une élection à deux tours. Disparaitre du premier tour c’est diminuer la gauche. Peut-on imaginer que nous fermions la boutique Front de Gauche jusqu’en avril pour la rouvrir au moment des européennes en mai. Faudra-t-il la refermer de nouveau en 2015 lors des élections pour les conseillers territoriaux ?
Faut-il alors prendre le risque de faire exploser le Front de gauche ?
Je ne crois pas que le Front de Gauche va se fracasser. Mais de fait il y a un risque d’explosion de son message et de sa crédibilité. Il y a deux écueils mortels pour le Front de Gauche : l’absence de base sociale ou l’absence de stratégie. Je ne veux ni de l’un ni de l’autre. Je veux élargir la base du Front en tranchant le débat stratégique.
La question essentielle est celle de dépasser le leadership socialiste. Nous sommes tous d’accord pour travailler à un élargissement politique du Front de Gauche. Mais il y a deux voies. Pour nous, les élections municipales sont l’occasion d’élargir les alliances politiques vers tous les opposants à l’austérité. Faire alliance avec le Parti Socialiste conduit à se détourner des militants du mouvement social, des socialistes qui n’acceptent pas la politique du gouvernement, des écologistes critiques. Nous, nous voulons construire les conditions d’une nouvelle majorité et cela passe par leur tendre la main sans leur demander de dire la même chose que nous. Juste de rompre avec l’austérité. Si nous ne faisons pas ces listes autonomes, nous leur coupons la route de la sortie du dispositif socialiste. C’est parce que nous serons autonomes que nous pourrons faire coaguler les forces d’alternatives.
Je ne propose pas l’épopée folle des derniers résistants. Je refuse la bunkerisation dans la vieille alliance de gauche plurielle. Je propose une stratégie de conquête et d’élargissement. On m’objecte parfois le risque de perdre. C’est inhérent aux élections. Je veux aussi prendre le risque de gagner.
Bienvenue au club, Noël Mamère!
(Extrait de ma note de blog du 25 septembre 2013)
Noël Mamère quitte son parti et il ne va pas voter le budget. C’est un acte politique retentissant. D’abord en raison de la personnalité en cause et de la place qu’il a occupée dans la construction de son parti. Ensuite parce qu’il s’agit du seul candidat des Verts qui ait franchi la barre des cinq pour cent à l’élection présidentielle. Enfin parce qu’il donne un sens politique à sa critique de la politique gouvernementale en s’opposant au budget qui le concrétise. Ses critiques préalables n’ont été jamais été entendues ni même écoutées. Après la prise de distance d’Eva Joly, l’éviction de Delphine Batho et le congédiement de Pascal Durand pour lèse-majesté, la liste des victimes du règne de la muselière s’allonge.
Au final, le départ de Noël Mamère et son vote contre le budget font constater officiellement l’entrée en agonie de l’alliance gouvernementale. Dans quelque mois, la compétition des listes vertes avec celles du PS au premier tour des municipales, puis des européennes, achèveront le constat d’incohérence.
L’acte que pose Noël Mamère peut-être fondateur s’il permet une action collective positive et unifiante. Je forme le vœu que Noël Mamère entende nos appels à la formation d’une alliance alternative à gauche. Oui, la politique austéritaire du gouvernement et son goût pour la mise au pas des récalcitrants sèment le désespoir. Il ne doit pas être amplifié par notre incapacité à trouver le moyen de proposer à notre peuple de faire autre chose, autrement ! A bientôt peut-être Noël, Eva et vous autres nos camarades rebelles et têtes dures. Bienvenue au club des « sans muselières ».
Encore faut-il que Noël comme Eva, comme moi, comme tant d’autres, passent l’épreuve initiatique de la sortie de rang. Car les chiens de garde et les chiens de guerre patrouillent avec férocité autour du troupeau. Je veux lui en décrire les principales épreuves qu’il devra subir. Il croit connaître ses raisons d’agir, et il pense les exposer clairement. Taratata. C’est autre chose que d’aucun vont construire dans les médias. Première étape, retirer à son acte sa portée : « ce n’est pas vraiment une surprise il a toujours été contre tout…. Bla Bla ». Deuxième étape : ramener le problème à un conflit de personne ou d’âge. « Il a mal vécu la jeune génération…. », « il n’arrivait plus à trouver sa place parmi les étoiles montantes du parti, etc. » Troisième étape, vider de toute portée et signification politique son opposition au budget : « comme prévu il ne votera pas le budget… ». L’important pour les chiens de guerre est de démolir l’homme en commençant par vider son action de son sens politique. Etouffer le poisson en vidant le bocal. Le but suprême est de dépolitiser la situation créé. Dans cet exercice, les « anciens amis » de toujours jouent un rôle essentiel. Ils sont censés connaître le fin mot que l’intéressé ne peut pas dire. Ceux-là jouent un rôle crucial dans le détournement de sens. Noël Mamère, avec un « ami » comme Cohn-Bendit, a été servi. Le mercredi matin, la page un de Google titrait sur la déclaration de Cohn-Bendit commentant le départ de Mamère. Pas l’inverse ! Titre : "Je partage le ras-le-bol". Daniel Cohn-Bendit a réagi, mercredi matin sur Europe 1, à la décision de Noël Mamère de quitter Europe Écologie-Les Verts. "Je comprends la décision de Noël Mamère. Je partage le ras-le-bol sur le fonctionnement, le clanisme, les couples terrifiants qui règnent sur Europe Ecologie", a-t-il déclaré. Noël Mamère explique dans un entretien accordé au Monde qu'il ne se "reconnaît plus dans [son] parti". Pour le député de Gironde, le problème viendrait d’en haut, de la direction du parti. Il dénonce "la firme" Cécile Duflot et ses amis." De son vote contre budget, de sa critique de la conférence environnementale et ainsi de suite, que reste-t-il ? « Je crois que c'est plus sur le fonctionnement [que sa décision a été basée] et puis sur le contenu, je pense qu'on peut discuter", a estimé Daniel Cohn-Bendit ». Je ne mène pas plus loin la démonstration. Dans les heures qui viennent, les poches à fiel vont se vider à gros jets. Delphine Batho a eu droit au même parcours : « solitaire, autoritaire, etc. ». Les heures passant, elle était repeinte en une sorte d’ambitieuse acariâtre et ingrate dont l’acte était davantage motivé par son échec que par les raisons dont, d’ailleurs, on ne discutait jamais. Les photographes font le reste : gros plans peu amènes sur le nez, pauses embarrassées destructrices. Et ainsi de suite. A lui de ne pas se laisser enterrer s’il veut que sa sortie ait une utilité politique collective.
Appel d'Eva Joly : pour nous, c'est oui !
(Extrait de ma note de blog du 29 septembre 2013)
(…)
Je suis heureux que se soit écoulé si peu de temps entre le moment où j'aurais évoqué ce « nouveau front » politique que la situation ferait naître et le moment où sa configuration se dessine sous les yeux de tous. Pourtant, il y a des mois que nous l’évoquons. Ce genre de formule ne retient jamais l'attention des prétendus politologues qui doivent amuser la galerie avec des ragots, des querelles de personnes, de la psychologie de comptoir et de fumeuses dissections communicationnelles. La gravité du moment politique que nous vivons, la catastrophe sociale et même civilisationnelle, qui s'avance vers nous, ne sont pas perçues par les élites médiatico-politiques. Certains jours, on enrage plus que d'autres devant le mépris des ignorants. D'autres jours, les événements viennent à notre rencontre. Alors, du moindre brin de paille qu’il nous apporte, nous parvenons à tirer un feu flambant qui illumine la profondeur de l’espace humain. A ce moment, la grossièreté et la puanteur de la scène officielle recule dans l'ombre et les visages du commun deviennent visibles. Notre force se voit et se renforce en se voyant. Comme ce 5 mai dernier à la Bastille. Peut-on oublier que nous étions ensemble avec Eva Joly, Julien Bayou et combien d’autres, venus de cette mouvance en résistant à toutes les pressions, toutes les corruptions tentées?
A présent, je sais très bien que nous allons traverser un moment compliqué. Les élections municipales ne se mènent pas comme n’importe quelle autre. Tant de paramètres, publics ou secrets pèsent sur les choix ! Il faut garder le regard au-dessus de la mêlée pour que le cap général ne soit pas perdu et la barre tenu du bon côté. Aujourd’hui, je me sens conforté par les confirmations que les faits ont apportées à nos analyses. Certes ce n’est qu’une hirondelle, me dira-t-on ! Le printemps est encore loin. Est-ce trop d’émotion pour un texte d’un courant minoritaire d’un parti très minoritaire ! Le nombre n’est rien. Ce qui compte c’est le mouvement : l’étau se desserre ! Tout ce qui élargi le nombre de ceux qui peuvent s’atteler à une démarche politique indépendante à gauche contribue à contrarier le scénario mortel écrit à l’avance par la politique des solfériniens. Les deux prochaines élections vont être marquées par une abstention terrible. Cela plus le vote sanction auquel nous allons appeler : le parti solfériniens sera essoré. L'extrême droite sera très puissante. Non seulement parce que le lepénisme médiatique et ma diabolisation vont fonctionner à fond, mais aussi parce que pour beaucoup elle apparaît comme un moyen concret de rendre ses coups au système. Quelle terrible confusion s'installerait si nous commettions l'erreur de faire des listes communes au premier tour sous la direction des socialistes ! Cela serait ressenti comme un signe d'adhésion à un système politique dorénavant largement exécré. Si nous voulons faire mieux que gémir, empiler les analyses sur l'extrême droite, et se tordre les mains pour l’unité entre ceux qui créent les dégâts et ceux qui les subissent, il faut ouvrir franchement un chemin neuf. « Cheminer crée le chemin » disait Machado ! Si nous n'avions pas proposé comme horizon une majorité alternative composée de tous ceux qui rompraient à gauche avec la politique d'austérité du gouvernement, l'initiative Eva Joly aurait sans doute été impossible ! Si nous n'avions pas proposé des listes alternatives autonomes au premier tour, nous n’aurions pas déjà dans des dizaines de villes des discussions sur ce thème avec les militants d'Europe Ecologie-les Verts. Bref, c'est le clivage qui permet le rassemblement.
J'ai posé publiquement le problème que soulèvent les alliances de premier tour avec les solfériniens. J'ai donné mes arguments. Il est donc totalement erroné d'évoquer une «querelle» sur le sujet dans le Front de Gauche. C'est un débat sérieux. Sa force est qu’il ne se mène pas entre alchimistes qui se disputent autour de la rédaction d’un grimoire, mais sur le terrain, au vu et au su de millions de personnes dans le pays. En cela, il participe totalement de l'éducation politique populaire de masse que nous voulons. Affronter la réalité n’est pas anxiogène. C’est le déni qui l’est ! Il est également erroné de tracer une ligne de clivage entre le Parti de Gauche et « les communistes » en général. La ligne de l’autonomie est également portés par des milliers de communistes qui, dans des centaines de communes, se préparent à déposer des listes du Front de Gauche dès le premier tour. C’est le cas déjà dans la plupart des métropoles régionales. La division du Front de Gauche vient exclusivement de ceux qui tournent le dos au pacte fondateur du Front de Gauche. Et, plus récemment, au texte « stratégie » adoptée par tous les partis du Front. Ceux-là ne se soucient ni de l'image nationale qui résulte de la crise qu’ils ouvrent, ni de l'impact de leurs actes sur le combat de tous leurs autres camarades qui partent en Front de Gauche. Ni de l’image que donne de leur parti la navette au plus offrant entre les partenaires du Front de Gauche et les réfectoires solfériniens. Une situation ubuesque ! Car elle intervient dans un moment qui va exactement en sens contraire. Monter dans le train socialiste quand est en train d'en descendre Noël Mamère est un absurde chassé-croisé ! Former des alliances avec les solfériniens au moment où les Verts-Europe-Ecologie présentent de leur côté des listes autonomes est aberrant. Le faire quand Eva Joly et ses camarades font une offre publique d'alliance indépendante, c'est une faute politique très lourde. Et tout cela quand se durcit à droite la position du gouvernement ! Et quand la brutalité de ses relations avec ses alliés explose au grand jour avec le limogeage de Pascal Durand sur ordre de l'Élysée !
Les mots que j'emploie ne doivent pas être utilisés pour piquer ici ou là, blesser je ne sais qui dans son orgueil. Ils sont une invitation à réfléchir et à comparer des arguments clairement et nettement exprimés. Ils sont donc un appel à abandonner l'habitude de parler par euphémisme et tarabiscotes ! Je demande à ceux qui me lisent de ne pas s'abandonner au goût de la polémique pour elle-même, ni à des généralisations qui ne font rien avancer. Dans le moment, mon objectif est que le Front de Gauche garde sa cohérence d’action pour être crédible, car telle est la condition indispensable pour qu’il soit la locomotive au service du nouveau rassemblement qui se dessine sur le terrain. Il n’y a pas de cohérence de cette sorte possible sans cohérence politique. On ne peut ouvrir et fermer le Front de gauche au fur et à mesure qu’alternent les élections locales et nationales. L’élection municipale, surtout dans la vitrine parisienne, n’est pas seulement une élection locale. L’enjeu n’est pas limité au seul Front de Gauche. Depuis les déclarations de Noel Mamère et le texte d’Eva Joly, tout le monde devrait le comprendre.
Les municipales sont des élections politiques nationales.
(Extrait de ma note de blog du 4 octobre 2013)
Je reviens sur la question des élections municipales. Mon point de vue est qu'il s'agit d'une élection politique nationale. Je pense que nous sommes nombreux à considérer la question sous cet angle. Mais il s'agit aussi d'une élection locale. On ne peut le nier. Mais comment pourrait-on dissocier totalement les questions locales des questions nationales ? C'est tout à fait impossible sitôt que l'on parle d'éducation, de culture, d'action sociale, par exemple. Curieusement, c'est une vision très étroite du niveau local qui semble l'emporter chez ceux qui prônent une alliance de premier tour en sens contraire de ce que l'on croit juste nationalement. Bref, ceux qui propose de faire des listes au premier tour avec les socialistes dans les villes de plus de 20 000 habitants où, pourtant, le vote est très marqué par les convictions politiques. J'ai déjà développé de nombreux arguments pour montrer comment le vote ne pourrait faire abstraction des conditions politiques nationales. J'ai beaucoup insisté sur le fait que si nous devenons illisibles dans une élection, nous subissons un lourd handicap pour incarner une alternative à celle-ci comme à la suivante. Je pense que ma formule : « on ne peut manifester le samedi contre le ministre et le dimanche voter pour lui » a été bien comprise par beaucoup de mes lecteurs. Cependant, il me semble que le raisonnement en faveur de listes autonomes au premier tour de l'élection municipale doit être encore argumenté d'une façon plus précise. Il s'agit de bien montrer que le lien entre le national et local n'est pas simplement de l'ordre du ressenti ou de la psychologie politique. Il s'agit d'un lien très concret. Il faut comprendre à quoi, politiquement, s'engagent ceux qui feront un programme commun au premier tour avec les socialistes.
Je ne donnerai que deux exemples. Le premier concerne les finances locales. Les dotations globales de fonctionnement et d'investissement, dont dépendent de façon centrale les budgets municipaux, dépendent du budget de l'État proposé par le gouvernement. Cette année, celui-ci prévoit une nouvelle diminution des versements aux collectivités locales. Concrètement il y aura 1,5 milliards d'euros de moins en direction des communes. Va-t-on nous apprendre qu’à Paris ou ailleurs, là où il est question de faire des listes communes avec les socialistes, on leur demanderait au préalable de signer un texte condamnant le budget national d'austérité ? Bien sûr que non. Autrement dit, cela revient à accepter ces dotations budgétaires municipales en baisse contre lesquelles nos élus vont voter à l'Assemblée et au Sénat. Dès lors, le vote pour de telles listes ne pourra donc absolument pas prendre le contenu d'une protestation contre la politique d'austérité du gouvernement et du président de la République. Pourtant nous voulons politiser les élections municipales. C'est-à-dire que nous voulons en faire un moment d'expression politique pleine et entière. À aucun moment ne dissocions nos propositions locales de notre opposition nationale à l'austérité. Nous voulons ces deux aspects dans le contenu de nos programmes et dans le vote que nous sollicitons. Comment cela serait-il possible si, d'une main, nous signions des propositions audacieuses et, de l'autre, nous approuvions que les moyens de les réaliser manqueront à coup sûr ?
Un deuxième argument montre qu'il y a un lien très direct entre l'élection municipale et la majorité politique nationale. Le voici : les grands électeurs qui élisent les sénateurs viennent des conseils municipaux. Les socialistes s'approprient la totalité des mandats de gauche de grands électeurs au moment du vote des sénatoriales. Ils considèrent toujours comme une faveur qu'ils accordent aux autres le fait d'élire des sénateurs qui ne soient pas issus de leurs rangs, alors même qu'aucun de leurs élus municipaux ne pourrait l’être sans les suffrages des partis de gauche ! Cette sorte de faveur, ils la monnayent chèrement par toutes sortes d'engagements collatéraux. Je le sais mieux que personne, puisque j'ai été dans le passé à la fois premier secrétaire d'une fédération départementale du PS, négociant des listes commune de gauche, et moi-même trois fois tête de liste sénatoriale ! On ne me racontera donc aucune histoire pour les petits-enfants à ce sujet. Il est donc absolument impossible d'obtenir des mandats de sénateur à proportion de ce que l'on représente sans l'avoir négocié au préalable dans les élections municipales. La seule exception à cette négociation initiale est lorsqu'on est en situation d'obtenir un résultat direct par soi-même ou bien que l'on peut faire perdre davantage de sièges aux autres qu'il ne leur en coûte de vous donner ceux que vous réclamez. C'est pourquoi, dans le cas où se négocieront des « fusions techniques » de second tour pour assurer la présence d'élus représentatifs de nos suffrages recueillis au premier tour, il vaudrait mieux y adjoindre également la condition de notre représentation au Sénat.
Les municipales peuvent construire une nouvelle majorité politique de gauche.
(Extrait de ma note de blog du 4 octobre 2013)
Comme on le sait, j'ai pensé jusqu'à cet été qu'il était possible d'enjamber ces élections municipales dont je pressentais qu'elles pouvaient créer un sérieux désordre dans le Front de Gauche. Mon repère était et reste encore l'élection européenne, qui sera le moment fort de politique nationale. Dans mon interview du « Journal du Dimanche » d’aout, je soulignai qu'il ne fallait pas dramatiser les divergences au sein du Front de Gauche à propos de ces élections municipales. Mais la réplique violente contre moi à propos de Manuel Valls m'a fait comprendre quel serait le contexte de l’année. En échange d'alliance avec eux, ici ou là, et dans le cadre de la négociation nationale sur le découpage des circonscriptions départementales, les socialistes exigeront de tous ceux qui signent avec eux une prise de distance avec le Front de Gauche. La dilution de notre mouvement, rendu illisible du fait d’une stratégie à géométrie variable, est leur objectif. Vous en doutez ? Alors demandez-vous pourquoi ce n’est pas sur EELV que s’exerce le chantage aux places, alors même que leur décision nationale est de faire partout des listes autonomes. Pourquoi c’est aux communistes que Marie Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris, demande de s’allier aux socialistes, et non aux écolos ?
J'ai donc commencé à envisager avec mes amis le problème tout autrement, dans des termes et avec des échéances différentes. Nous nous sommes posé la question de savoir comment ce moment électoral pouvait, au contraire de ce qui semblait se dessiner, être un moment de cohérence en direction des objectifs que nous nous sommes assignés au sens le plus large. Comment, en assumant pleinement la bataille des municipales, construire en même temps le rapport de force dont nous avons besoin pour les élections européennes qui auront lieu moins de deux mois après les municipales ? Il n'y a qu'une façon : faire de la politique, c'est à dire agir à chaque étape en fonction du but que l'on cherche à atteindre. Le raisonnement est que tous les reniements gouvernementaux, la honte de sa politique nationale, la résignation et la démoralisation que répandent Hollande et Ayrault, vont certainement pousser beaucoup d'électeurs vers l'abstention et certains vers un vote de colère que le martèlement médiatique dirige du côté du Front National. Mais en même temps, une fraction qui pourrait ne pas être négligeable parmi les électeurs de gauche peut aussi faire le choix de vouloir nous aider et, en donnant ses voix, d'exprimer leur colère et leur volonté de changement. Il n'y a pas d'autres méthodes que de faciliter ce transfert. Et comme toujours, une fois de plus, tout commence par la crédibilité et le rassemblement.
Il ne faut pas se laisser rabougrir dans un enfermement stérile et démoralisant avec les socialistes ! Mieux vaut s'ouvrir à tous ceux qui, à gauche, veulent s'en démarquer. Depuis l'acte politique de Noël Mamère et le texte d'Eva Joly, il est prouvé que de larges secteurs de l'écologie sont de nouveau disponibles pour faire du neuf. Sur le terrain, cela se traduit par des dizaines de prises de contact en vue des prochaines élections municipales et des listes à constituer. D'une façon générale, les militants du Front de Gauche, et chacun comprend que j'inclus ici en premier lieu les communistes qui souvent sont nos têtes de liste, ont immédiatement accepté l'ouverture de ces discussions. Mais il est vrai aussi que, parfois, quand localement nos camarades communistes ont préféré l'alliance avec les socialistes, c'est avec tous les autres membres du Front de Gauche que la discussion et les accords se font. A Grenoble, par exemple, le Front de Gauche est uni pour se présenter de façon autonome. C'est donc avec lui dans son ensemble qu’a le lieu la discussion avec EELV. Mais à Rennes, les communistes ayant choisi l'accord avec les socialistes, le Parti de Gauche a signé avec EELV en compagnie des autres composantes du Front de Gauche représentées sur place comme la GA, la GU et la FASE ! Ces deux exemples, pris parmi des dizaines de discussions actuellement en cours, montrent comment s'articulent étroitement la question de l'autonomie au premier tour et celle de l'élargissement en vue d'une nouvelle majorité de gauche. Dans toutes ces circonstances, l'accord local avec EELV constitue un fait politique à mes yeux essentiels.
Cette démarche qui repose sur une volonté de libre association a été rendue possible à partir du moment où Eva Joly avait fait le choix d'appeler avec nous à la marche du 5 mai à Paris pour la 6e République. Tout se tient quand une stratégie est menée avec constance et application. On voit ce que valent les songes creux de la table ronde finale des « assises du 6 juin » restant, et pour cause, sans lendemain : Pascal Durand a été éliminé au premier acte de résistance et Marie-Noëlle Lienemann, sénatrice de Paris, sert de rabatteur pour les listes d'union avec les socialistes et la dislocation du Front de Gauche ! À l’inverse, miser sur le clivage et les idées claires a produit ses premiers effets de rassemblement le 5 mai. Cela se concrétise à présent localement d'une manière beaucoup plus profondément ancrée, mais tout aussi libre ! Dans ces conditions, je considère que, quoi qu'il arrive, les bases de cette nouvelle majorité de gauche, et du front politique qui va avec, sont en train de se construire à travers les élections municipales. Mon souhait est qu'il se prolonge dans toutes les batailles du futur.
(Extrait de ma note de blog du 9 octobre 2013)
Le Front de gauche aujourd’hui peut-il être un barrage national au FN ? Non, évidemment. Pour deux raisons. Premièrement, la stratégie de lutte frontale contre le Front National a été rejetée sous les prétextes les plus fumeux, où les donneurs de conseils se sont contentés de tout détruire sans rien construire par eux-mêmes. Par compassion, en dépit de leur rôle pervers et de leur lamentable inaction depuis, je ne cite personne. Je ne voudrais pas donner l’impression de caporaliser qui que ce soit, puisque dorénavant c’est ainsi qu’on appelle le fait d’oser donner son avis à tel ou tel cacique. Les archives à consulter sont encore disponibles. Aucune stratégie de rechange n’a été proposée, sinon quelques bavardages sans signification concrète ni début de commencement de réalisation.
Deuxième cause de disqualification : la confusion et l’illisibilité de la position du Front de Gauche. Totalement inerte politiquement ou peu s’en faut, le Front de Gauche est enfoncé jusqu’aux essieux dans les jeux politiciens à Paris, la capitale, Nantes, la ville du premier ministre, Lyon capitale du rêve d’alliance au centre du PS. L’invisibilité est garantie. Car le Front de gauche n’est crédible et visible que comme alternative nationale. Une fois loué en pièce détachée, il n’est plus rien. Une fois dilué dans le ronron et la grisaille de la langue des accords diplomatiques, il n’est même plus discernable. Encore est-ce le meilleur des cas. Car une fois en pleine lumière, les listes communes avec les socialistes produiront « l’effet Brignoles » pour tout le pays ! Soyons plus direct encore. On pouvait avaler bien des couleuvres. Mais pas Paris !
Ne méritons pas les compliments de Luc Carvounas
(Extrait de ma note de blog du 9 octobre 2013)
Aux yeux de tout le pays, aux yeux de toute l’Europe de gauche, Paris n’est pas seulement une ville, et surtout pas une machine à cracher du cash électoral cantonal et sénatorial au prix d’un moment de honte vite passé. C’est la ville de la marche de la Bastille, c’est le cratère des rébellions et des révolutions en France. Et à Paris, du fait d’un seul parti, il n’y aurait pas de Front de Gauche ? On ne peut l’envisager. Les militants communistes vont voter. Le vote dure trois jours ! Il se fait directement ou même, de façon assez originale, par correspondance ! Je sais que la discussion a été très ouverte. Je veux avoir confiance. Comme je l’ai eue, en suivant de loin le cas, à Evry. Là, pour finir, la liste autonome a été adoptée à l’unanimité moins une voix ! Contrairement à ce que pensaient tous ceux qui se sont engagés pour obtenir le vote contraire.
Mais si Paris doit être privé de Front de Gauche, la conséquence ne se limitera pas à Paris. C’est impossible. Nous savons quel profit en tireront les solfériniens dans toute la France. Partout, ils chercheront à marginaliser ceux qui auront eu le courage de former des listes autonomes en les stigmatisant. Pire : ils feront des compliments compromettant comme ceux d’Harlem Désir à Brignoles. Ou comme ceux de Luc Carvounas à Pierre Laurent. Pour ceux qui auraient manqué ce morceau de littérature de notre bon maître, voici le texte intégral.
Luc Carvounas en effet ne cache pas sa jubilation. « En misant sur le rassemblement de la gauche, le PCF se montre responsable et cohérent » titre-t-il dans son communiqué du 6 octobre.
« Je me félicite du rassemblement de toute la gauche prôné ce jour par le Parti communiste français. Ces déclarations illustrent toute la responsabilité dont fait preuve Pierre Laurent, son secrétaire national. Il s’agit également d’une décision cohérente avec notre histoire commune.
« Alors que la droite essaie de tromper les électeurs en nationalisant le scrutin municipal à venir et que le risque de l’extrême droite est réel dans de nombreux territoires, je salue cette position responsable. Car il n’y aura d’alternance à la gauche dans les exécutifs locaux qu’à notre droite, voire à notre extrême droite. Par ailleurs, dans de nombreuses collectivités, la gauche unie a su montrer qu’elle sait apporter au quotidien des réponses aux attentes de nos concitoyens. Depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies, nous collaborons dans le respect mutuel et pour l’intérêt général au sein des mêmes exécutifs locaux.
« Enfin, c’est une décision dont la portée politique est importante. Le Parti communiste français n’a pas cédé aux sirènes de certains qui pensent que l’adversaire n’est pas la droite mais le Gouvernement et les élus locaux socialistes. J’espère que les militants valideront dans la plupart des communes cette stratégie d’union, seule capable de faire gagner la gauche. »
Signé Luc Carvounas, sénateur et secrétaire national du PS chargé des relations extérieures. Le même Carvounas qui a cassé l’omerta en nous apprenant, dans la presse départementale du Val de Marne, que la négociation secrète sur les découpages des cantonales et des régionales avait commencé. Il est donc persuadé, comme proche du maître des ciseaux, Manuel Valls en personne, que personne ne peut lui répliquer.
Qui veut mériter ce genre de compliments dans sa commune ? Et qui, à l’inverse, veut se voir infliger en public les termes contraires en cas d’insoumission aux notables socialistes ? Les solfériniens locaux diront « vous êtes des sectaires, voyez vos camarades à Paris comme ils sont unitaires et responsables ». Sinon, qui a envie de se faire traiter d’agent de « la droite » s’il essaie de « nationaliser le scrutin municipal » comme tous les militants de gauche le font depuis toujours ? Et cela par ce même Carvounas ou ses avatars locaux qui, tout en plaidant le caractère local d’une élection, ne se félicitent pas moins d’une décision politique nationale ? Car, bien-sûr, les élections municipales sont des élections politiques nationales.
En France il en a toujours été ainsi. Certes, dans certains pays comme l’Allemagne, les élections municipales ont lieu à des dates différentes selon les villes. Mais en France, tous les citoyens sont convoqués le même jour ! Et c’est une élection de masse : il y a plus de 500 000 conseillers municipaux à élire. Dans la dialectique marxiste, on parlera à ce sujet de transformation de la quantité en qualité ! Surtout qu’au cas particulier, cette élection est une élection spécialement politique. Car c’est le premier vote de tout le pays depuis la présidentielle de 2012. En effet à part une poignée d’élections partielles ici ou là, les élections municipales des 23 et 30 mars prochains seront le premier scrutin organisé depuis l’élection de François Hollande et de la chambre rose. Tous les commentateurs savent que c’est la première occasion qu’ont les Français de donner leur avis sur la politique de Hollande. Ce sont donc des élections politiques nationales. Comment se fait-il qu’il faille démontrer une évidence pareille quand, dans toutes les villes de plus de 20 000 habitants, il y aura des listes conduites par des partis politiques nationaux qui assumeront tous leur couleur, sauf les socialistes qui ont dorénavant honte de leur logo. Au PCF lui-même, n’est-ce pas le Conseil National qui a validé les chefs de file dans les villes de plus de 20 000 habitants ? Et, clairement, si ce ne sont que des élections locales, pourquoi le Secrétaire national du PCF s’en mêle-t-il personnellement avec autant d’insistance à Paris ? Je ne saurais le lui reprocher, bien au contraire, car il sait comme moi, étant Sénateur de Paris, que les élections municipales ont des conséquences nationales sur la composition du parlement. Les délégués des conseils municipaux constituent 95% des grands électeurs pour l’élection du Sénat. C'est vrai aussi à Paris, où douze sièges donnent automatiquement un siège de sénateur. Autant s’en souvenir : les conseils municipaux élus en 2014 décideront aux sénatoriales de 2014 et 2017.
Mais à côté de ces éléments d’appréciation purement et légitimement électoraux, il y a l’implication de la politique locale dans le budget global de l’Etat. Un quart du budget des communes dépend des dotations de l’Etat. Les communes sont donc parmi les premières victimes de l’austérité. Car le gouvernement Ayrault a décidé de réduire les dotations de 1,5 milliards d’euros en 2014 et d'autant en 2015 ! Ce n’est pas tout, notamment à propos des grandes villes. C’est ainsi que les sénateurs communistes ont voté avec les sénateurs d’EELV, il y a deux jours, contre la loi sur le Grand Paris. Celle-ci n’a été adoptée que par l’alliance de la droite et du PS, dont les sénateurs solfériniens de Paris avec lesquels ils seraient question de former une liste commune. On voit là ce que veulent dire réellement les accords « sur la base d’un projet commun» : rien ! Car la conclusion d’accord de premier tour avec les solfériniens se fera en plein débat sur la décentralisation et les métropoles. Qui ne sait que le gouvernement impose une loi sur les métropoles qui va aggraver les inégalités et la concurrence entre les territoires ? Nulle part nos camarades n’en sont d’accord. Et partout ils vont appeler les citoyens à voter aux municipales pour des listes qui refusent ces métropoles, notamment à Paris, Lyon, Marseille et ainsi de suite. Et puis, a-t-on oublié que le gouvernement a prévu deux autres lois de décentralisation après les municipales ? Font-elles partie des négociations actuelles ou bien « le projet commun » est-il discuté sans connaitre le cadre qui le rendra ou non possible ? Aux municipales, il faut dire « stop » à la mise en concurrence des territoires. Cela n’est pas possible en faisant des listes communes avec ceux qui la mettent en œuvre.
Disons pour finir que seuls des naïfs peuvent croire au mythe de l’élection localo-locale dans les villes de plus de 20 000 habitants. De toute façon, il y a toujours une lecture nationale du résultat des municipales. Sinon pourquoi les sondeurs font-ils des sondages nationaux d’intention de vote ? Pourquoi toute la presse nationale s’intéresse-t-elle autant à ces élections ? Et puis à la fin, quand même ! L’UMP et le FN en font une bataille nationale ! On ne peut donc s’y soustraire. Le Front de Gauche doit assumer la confrontation. Pour cela, il doit incarner ce qu’il est et en avoir le courage.
Municipales : le Front de Gauche en piteux état
(Extrait de ma note de blog du 11 janvier 2014)
Martine Billard, qui dirige le travail de mise en place des listes auxquelles participe le PG, et Eric Coquerel, qui gère nos relations unitaires, ont préparé la discussion de notre Secrétariat national sur la base du bilan de notre activité et des accords locaux qui se sont conclus au dernier trimestre de 2013. Le lâchage du Parti Communiste dans la moitié des villes de plus de vingt mille habitants et la volonté de réduire le Front de Gauche à une étiquette donnée au plus offrant a rendu notre situation illisible. Cela est vrai sur le terrain, où l’usurpation du logo Front de Gauche dans les listes socialistes aggrave la confusion. Ce sera vrai dans les résultats finaux du ministère de l’Intérieur, qui comptabiliseront comme liste PS la moitié des villes ou le PCF est son bagage accompagné, diminuant ainsi de moitié le score national des listes autonomes labélisées Front de gauche. Comme si cela ne suffisait pas, les dirigeants du PCF veulent interdire l’usage du logo Front de gauche quand ils ne sont pas sur la liste. Et quand ils y sont comme à Montpelier, ou ailleurs, certains d’entre eux peuvent encore changer d’avis en cours de route pour mieux marchander leur postes avec les socialistes. Avec de tels amis, nous n’avons plus besoin d’ennemis. Le Front de gauche est en lambeaux. France Info pouvait dire qu’il est la première victime des municipales. On sait pourquoi et à cause de qui. Comment reprendre pied dans ce champ de ruines ?
Le nombre de listes où les communistes ont ralliés les socialistes est trop important pour que nous puissions espérer faire comme s’il s’agissait de retards à l’allumage ou de spécificités locales comme dans le passé. C’est une ligne qui se substitue à une autre. Sans le dire. Car dans le passé, à chaque élection, le Conseil national du PCF proposait une option stratégique. Pas cette fois ci. La ligne des « fronts » à géométrie variable, écartée après les européennes de 2009 est donc redevenue la règle. Elle commence avec ces élections, elle s’élargira aux régionales-cantonales de 2015. S’il s’agissait d’autre chose, les communistes auraient essayé de convaincre leurs partenaires du Front, ils auraient pu proposer de les embarquer pour négocier ensemble, ou que sais-je encore. Rien de tout cela. Le contraire : des négociations en double, des allers et retours pleins de secrets et sous-entendus trompeurs. A Paris, nous avons appris dans le journal « Libération », par une interview de Pierre Laurent, l’appropriation des résultats du Front de Gauche à la présidentielles par les négociateurs communistes parisiens, et le nombre des postes mendiés au PS. L’énormité du prix payé par les solfériniens, treize sièges de conseillers de Paris, trente-et-un conseillers d’arrondissement et un siège de sénateur, montre ce qui est visé. Les solférinien veulent bien autre chose qu’un apport électoral, puisque le PC parisien faisait 2 % dans la capitale la dernière fois qu’il s’est compté seul. Les solfériniens ont payé pour disloquer le Front de Gauche et ils ont trouvé des partenaires pour le faire. La preuve par un contre-exemple : rien n’a été dit ou fait pour éviter que les Verts fassent une liste autonome. Tout le monde sait que le premier tour est sans risque pour la gauche à Paris. C’est donc de propos délibéré que tout ce sabotage a été fait. Le mal est donc très profond.
Le Front de Gauche est une stratégie, pas un logo. La politique à géométrie variable du PCF a tué dans l’œuf le principal argument de crédibilité du Front de Gauche : sa cohérence et son indépendance depuis 4 élections consécutives. Elle porte un très rude coup au PCF lui-même et démoralise des milliers de militants communistes. Sa ligne devient illisible, elle aussi, passant du zig au zag comme on peut le voir en lisant « L’Humanité », qui tantôt affirme : « les communistes parisiens font le choix de l’union » et tantôt décrit avec précision comment les socialistes font tout pour effacer la signification nationale de cette élection pour sauver la peau du gouvernement. L’erreur serait de s’enfoncer dans des batailles de sigles, de logo et ainsi de suite. Ce qui ne fonctionne plus doit être changé, et les vieilleries inutiles abandonnée aux fétichistes. Nous savons bien que si le PCF était si sûr de son affaire et s’il croyait lui-même à sa ligne il ne se cramponnerait pas au sigle Front de Gauche pour aller sur les listes socialistes. Il se contenterait de dire qu’il est le PCF et qu’il propose ceci ou cela. Mais les solfériniens payent pour avoir le sigle Front de Gauche. Si le PCF croyait vraiment au « risque-de-droite-et-d’extrême-droite » dès le premier tour il essaierait d’en convaincre et d’associer les autres composantes de notre gauche. C’est tout le contraire. A Paris, il prétend que la liste Hidalgo est celle de « la gauche rassemblée ». Et celle qui regroupe tous ses alliés du Front Gauche, c’est quoi à ses yeux ?
Nous avons donc proposé une rencontre le 17 janvier prochain pour clarifier la situation. Nous allons faire des propositions à la direction communiste. Il y a deux lignes rouges. D’abord, la confusion doit cesser. Le sigle Front de Gauche ne peut sous aucune forme être associé aux listes du PS. Ensuite, cette situation ne doit plus se reproduire dans l’avenir. Pour cela, il y a un moyen simple : le vote de tous les électeurs du Front de Gauche qui le souhaitent. Ce n’est pas une primaire. Quand les autres proposent de trancher entre des personnes, nous proposerons aux nôtres de trancher entre des lignes d’action. Il est donc temps de reprendre l’idée d’une « association des amis du Front de Gauche », qui établirait cette liste électorale chargée de décider entre les orientations proposées. Cette idée avait été acceptée au début du Front de Gauche. Elle fut présentée au congrès extraordinaire du PCF en juin 2010 par Marie Georges Buffet. Elle y fut repoussée. Je suis certain que des milliers de communistes doivent le regretter amèrement aujourd’hui.
Le Front de gauche est notre bien commun. Un seul parti ne peut se l’approprier pour son avantage. Il nous a coûté de le construire. Surtout à nous qui avons quitté nos partis d’origine et remis tout en cause dans notre vie militante. La ligne conductrice de notre action ne peut pas être dans les micmacs d’appareil mais dans l’accompagnement de la situation du pays et des gens vers l’opposition de gauche. Les mois à venir vont être encore plus durs pour tous en France. L’économie va retourner aux limites de la récession ou même y replonger. Le chômage va s’aggraver. Les cadeaux au patronat vont s’accélérer. En Europe, l’alliance des sociaux-démocrates avec Merkel va faire peser une chape de plomb sur les peuples. Être collés aux solfériniens est la pire position pour porter un discours d’opposition de gauche crédible aux yeux du grand nombre. On a le droit de ne pas le penser et de croire aux balivernes sur « les politique locales » qui serait d’un autre ordre que la politique nationale. C’est gravement méconnaître l’intelligence politique des citoyens et les résultats électoraux de ces dernières années. Mais nous n’avons pas le droit, pour des raisons de diplomatie intergroupusculaire ou de peur du « qu’en dira-t-on dans la presse », de laisser la confusion s’installer et souiller tout le monde. D’une façon très personnelle, je veux dire que je ne me laisserai pas entraîner dans cette impasse.
Mais quel gâchis ! Car s’il n’y avait pas eu ce lâchage communiste parisien, ouvrant les vannes des ralliements aux socialistes dans tout le pays, que verrions-nous à la place de ce tableau pitoyable ? Non seulement il y aurait une liste Front de Gauche dans chaque ville, mais on verrait que notre énergie politique a élargi son espace. En effet, dans nombre de villes, l’alliance avec les structures de base d'EELV se réalise. C’est le moment de demander au lecteur assommé par la situation de regarder le tableau présent avec d’autres yeux.
La présence ou non du parti communiste n’est pas l’horizon ultime de l’autonomie ni de l’existence d’une opposition de gauche. La preuve ! Pour l’instant, le plan de marche que nous avons fixé fonctionne. L’opposition de gauche que nous voulons construire se met en place certes lentement, avec de gros revers parfois, à un rythme et sous des formes différentes selon les lieux. Mais ça avance. Avec ou sans PC, les listes autonomes incluant le Front de Gauche sont présentes dans une écrasante majorité de commune de plus de vingt mille habitants. En prenant appui sur cette réalité, Il faut faire un bond en avant. Cela va encore bousculer bien des routines. La stratégie qui a fondé le Front de Gauche (je ne dis pas le logo !) n’est pas un emballage pour ripoliner les vieilleries. C’est une stratégie de guerre de mouvement. C’est dur, nous sommes trompés et parfois trahis, mais ça avance. Il ne faut pas faiblir ni avoir la main qui tremble. Nous ne défendons pas une marque, un parti, ni des sièges, ni des ressources. Nous sommes appelés à rendre réel un rêve de renouveau humain dans la déchéance d’un monde voué à l’argent. Cette ligne dégage peu à peu un contour plus large d’année en année. Elle aura son heure si nous lui sommes fidèles.