Alors que Pierre Gattaz multipliait les provocations lors du voyage présidentiel de Hollande aux Etats-Unis, la fédération patronale dont il est issu, l'UIMM, était lourdement condamnée en justice avec plusieurs de ses dirigeants. Le tribunal correctionnel de Paris a ainsi condamné des pratiques "extrêmement négatives pour l'intérêt général", "de financement occulte de partis politiques, d'achats de parlementaires, d'achat de la paix sociale et d'enrichissement personnel". C'est cette même UIMM qui avait fait de Pierre Gattaz son favori dans la course à la présidence du MEDEF. L'organisation héritière du Comité des Forges a obtenu en retour de Gattaz son retour en grâce dans les organes de direction du MEDEF.
L'affaire UIMM – Gautier-Sauvagnac : rappel des faits
Le 16 septembre 2007, le Figaro annonce que Tacfin a mis en évidence des retraits d'argent liquide réguliers et importants (parfois 150 000 ou 200 000 euros) effectués par Denis Gautier Savagnac, président de l'UIMM, sur les comptes de l'UIMM[1]. La somme totale retirée est alors estimée alors à 5,6 millions d'euros.
Les investigations révèlent que les sommes retirées sont en fait beaucoup plus importantes : elles s'élèveraient en fait à 16 millions d'euros (19 millions selon G. Filoche).
Les enquêteurs découvrent également, au cours d'une perquisition, que l'UIMM conserve également également quelques 2 millions d'euros en petites coupures dans ses coffres forts.
On apprend également qu'un prêt de 300 000 euros (sur papier libre) a été consenti au président de l'UIMM pour l'achat d'un appartement de 195 m2 dans le quartier de l'Etoile.
On s'intéresse enfin à la caisse EPIM (Entraide Pour les Industries de la Métallurgie), cagnotte occulte (elle n'a pas d'existence juridique) de quelques 600 millions d'euros[2] (soit, rappelle G. Filoche, 600 000 SMICs) constituée au fil des décennies par l'UIMM[3]. C'est semble-t-il cette cagnotte qui a permis d'alimenter les comptes à partir desquels ont été effectués les retraits de Denis Gautier Sauvagnac.
Le président de l'UIMM a déclaré : « nous avons effectué des opérations de retrait en espèces, environ 2 millions d'euros par an, pour participer au financement de différentes organisations de notre vie sociale ». Il affirme ensuite, devant le juge, que ces retraits servaient à « fluidifier les relations sociales ».
Plusieurs responsables patronaux se veulent plus explicites. Yvon Gattaz, le père de Pierre Gattaz : « C'est le financement des syndicats ». S. de Menthon : « je savais, tout le monde savait… que deux ou trois personnes avaient financé le siège de Force Ouvrière ».
Invitée à s'exprimer dès le début de l'affaire, Laurence Parisot commence par déclarer « Denis Gautier Sauvagnac est le capitaine d'une équipe dont je suis fière ». Puis elle reconnaît : « Beaucoup savaient inconsciemment » (sic).
L'argent de l'EPIM, caisse noire de l'UIMM : pour quoi faire ?
L'EPIM est une caisse noire créée en 1972 par Emile Boursier (vice-président délégué général de l'UIMM), sur le modèle du CPAS (Comité de Prévoyance et d'Action Sociale) instauré en 1936[1].
L'argent de l'EPIM a-t-il servi, comme l'a affirmé Denis Gautier Sauvagnac lors de son procès (octobre 2013), à arroser « les cinq syndicats représentatifs » et à payer des publicités dans la presse syndicale ? Aucune preuve tangible ne vient étayer cette mise en cause générale des syndicats par l'ancien président de l'UIMM.
Les spécialistes (historiens, journalistes d'investigation) considèrent qu'elle a plutôt servi :
Une des rares traces de financements de syndicats a consisté en 2008 pour l'UIMM à offrir au président de la fédé CFTC des métallos, en guise de cadeau d'anniversaire, un « énorme gâteau dont était sortie une femme nue » (Canard Enchaîné)
Mais pour l'essentiel, les mises en causes des syndicats restent vagues. Et l'on peut à bon droit remarquer que « personne n'a jamais vu un placard pour l'UIMM dans les journaux de la CGT ou de la CFDT, encore moins un stand UIMM à la Fête de l'Huma »[5].
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Le patronat voudrait faire de cette affaire une arme contre les syndicats. Mais l'affaire démontre surtout que le patronat n'a pas renoncé aux coups tordus. Les manières de l'UIMM qui a porté Pierre Gattaz à la tête du MEDEF n'ont pas tellement changé depuis le trés paternaliste et corrompu Comité des Forges.