Qu’est-ce qu’un coup de balai en démocratie et en République ? Rien de plus qu’une décision prise par le peuple lui-même. Elle concerne les personnes mais surtout le système. Robespierre fit voter que les élus sortant de la Constituante ne pourraient être élus à la législative suivante. Plus proche de nous, Rafael Correa fut élu en Equateur la première fois avec comme programme la Constituante et la non rééligibilité des sortants. Retirer leur mandat à ceux qui l’exercent pour se donner la possibilité d’une page neuve ne doit pas être seulement un moyen réservé aux périodes d’exception comme celle que nous vivons. Ce doit être une option permanente pour le peuple souverain. C’est ce qu’ont introduit dans leur Constitution les vénézuéliens. Il existe la possibilité d’un référendum révocatoire sous condition de la collecte d’un certain nombre de signatures d’électeurs. Cette procédure a d’ailleurs été utilisée contre Hugo Chavez lui-même ! Mais le même pouvoir est reconnu au niveau municipal et même législatif ! L’usage du balai doit être un recours permanent de l’intervention populaire. Le référendum révocatoire permet d’articuler l’initiative politique du grand nombre et la stabilité institutionnelle dons a besoin toute société.
Mais bien sûr, l’idée de coup de balai a aussi une signification politique immédiate. Pour nous, elle concrétise l’idée « qu’ils s’en aillent tous ». C’est un acte d’éducation populaire destiné à valoriser l’idée qu’on peut se passer des puissants du jour. Que nous sommes aptes partout où nous sommes à faire bien mieux qu’eux. Et surtout c’est une préparation en profondeur de l’idée qu’il faudra tous s’en mêler pour conduire la rénovation sociale et républicaine à son terme. C’est pour cette raison que depuis les premiers moments, le Front de Gauche porte l’idée d’une Constituante pour aller vers la Sixième République et l’a inscrite dans son programme « L’Humain d’abord ». Dans la version initiale cette Constituante était même le premier point du programme. Il passa en six parce que des rédacteurs expliquèrent que « c’est le social qui motive nos électeurs ». Personnellement je n’ai jamais pensé cela. Je crois que le social est en ligne directe avec le plus pur de la politique qu’est la règle du jeu démocratique dans un pays de vieille tradition parlementaire et de libertés communales comme le nôtre. Les faits se sont chargés de donner les preuves dont certains manquaient pour y croire. J’admets d’autant plus volontiers qu’ils aient douté qu’on connaît bien la vieille tradition d’indifférence aux institutions qui habite depuis longtemps notre gauche. Mais le fait est que non seulement la Constituante et la Sixième République furent au cœur du programme mais que c’est sur ce mot d’ordre qu’ont été convoqué les trois plus grands rassemblements de la campagne présidentielle, à la Bastille, au Capitole et au Prado !
C’est de cette Constituante dont il faut parler de nouveau haut et fort. Car ce n’est pas une lubie idéologique que cette idée. C’est une réponse concrète à une question concrète. C’est elle, d’ailleurs la réponse complète au large problème posé. Car du simple fait qu’il s’approprie la définition de la règle commune le peuple redevient acteur et propriétaire de la société. Le faisant il se refonde lui-même. Il s’unifie en se définissant. La seule carte d’identité rend constituant. La Constitution ne se contente donc pas de s’imposer à tous elle appartient à tous. Evidemment, il faut pour cela qu’il y ait une Constituante ! Et il faut qu’elle soit préparée par une implication populaire de grande envergure. Les équatoriens fixèrent un lieu et un délai de plusieurs mois pour préparer ce qu’ils auraient pu régler à l’ancienne entre juristes en une semaine. Vers ce lieu convergèrent des délégations populaires de tout le pays. Au Venezuela on fixa aussi un délai et les articles proposés furent mis en débat dans tout le pays, expliqués et critiqués quartier par quartier, imprimés sur tous les supports de communication les plus quotidiens comme l’emballage des paquets de pâtes alimentaires…
Un tel objectif ne se sollicite pas. Il s’arrache. C’est l’action populaire qui imposera la Constituante. Personne ne peut croire que « l’officialisme » va convoquer ses juges ! En tous cas pas de bon gré. Evidemment ce sont les circonstances qui commandent l’avancée des idées. Ce moment de décomposition putride est propice à une prise de conscience. Je fais le pari qu’elle dépasse largement les seuls rangs de notre Front de Gauche. C’est pourquoi cette idée doit se transformer en force matérielle large, sans accaparement du thème. L’objectif n’est pas de réussir un coup de communication mais un coup de mobilisation. Si nous sommes forts l’initiative fera peut-être le déclencheur dont nous avons besoin pour remettre le pays en marche. On pourra répliquer l’initiative avec plus de facilité. C’est la stratégie qui prévalut pour organiser le trio Bastille-Capitole-Prado. Bien sûr il faut le réussir. Il n’y a pas de date parfaite. Il n’y a pas de lieux parfaits. Il faut donc aller de l’avant avec audace en se donnant les meilleurs points d’appui. Une fois regardé le calendrier de près c’est la date du 5 mai qui semble la meilleure. Plus tard on butte sur un grand pont. Plus tôt le délai n’est pas suffisant.
Le 5 mai est l’anniversaire du deuxième tour de l’élection présidentielle. Le 5 mai est l’anniversaire de l’ouverture des Etats généraux de 1789 qui rendirent le peuple souverain en France. Enfin, juste pour l’humour, apprenez que le 5 mai est la journée mondiale de l’hygiène des mains. En France cette journée mondiale est appelée journée « mains propres ». Ça ne s’invente pas. Le 5 mai me paraît un jour propice. Le 5 mai nous pourrions donc rendre coup pour coup et manifester pour la VIème République, nationalement cela va de soi. Cela va de soi parce que l’expérience nous montre que les manifestations décentralisées ne produisent pas le même effet d’entraînement et ne sont pas comptabilisées de la même façon.