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es personnels portuaires sont particulièrement mobilisés dans le mouvement social actuel contre la réforme des retraites. En particulier à Marseille, 1er port de marchandises du pays, dont la grève depuis près de 3 semaines a contribué à paralyser le secteur pétrolier. Les médias, la droite, le Medef et même certains élus socialistes ont tenté de décrédibiliser ce mouvement en prétendant qu'il n'avait aucun rapport avec la réforme des retraites. Il est pourtant directement lié et manifeste plus largement la résistance des personnels contre la privatisation des ports, grandes infrastructures d'intérêt général du pays.
La privatisation rampante des ports par la loi du 4 juillet 2008
Elle s’articule autour de quatre axes :
Les dispositions de la loi sur le transfert de personnels au privé concernent environ 2 000 personnes, essentiellement les grutiers et portiqueurs déchargeant les bateaux sur les 7 grands ports français (Marseille, Le Havre, Rouen, La Rochelle, Bordeaux, Nantes-Saint-Nazaire et Dunkerque)
Des missions publiques rétrécies pour les grands ports maritimes
Les grands ports maritimes (GPM) restent des établissements publics de l’État mais se concentrent sur leurs missions de sécurité, de police portuaire et d'aménagement des ports. Certains personnels attachés à ses missions restent donc fonctionnaires, mais en nombre restreint.
Le transfert des outils et du personnel aux entreprises privées
Les grands ports maritimes cessent de détenir ou d’exploiter des outils (grues et portiques) et les transfèrent à des entreprises privées.
La loi prévoit que les grutiers et portiqueurs, salariés des ports autonomes (établissements publics de l’Etat sous contrat privé) sont désormais employés par les entreprises privées, comme les dockers le sont depuis 1992.
Les dockers, chargés des opérations au sol sont salariés des entreprises de manutention depuis 1992. Les grutiers et portiqueurs, compétents pour utiliser les machines lourdes des ports (grues, portiques) avaient réussi à garder leur statut de salariés des ports autonomes (établissements publics).
Les terminaux et les outillages (portiques) sont transférés à des opérateurs privés de gré à gré dans un premier temps, et par appel d’offre pour les sites ne trouvant pas repreneurs.
Chaque GPM (grand port maritime) devait mettre en œuvre la réforme à la suite de négociations locales.
Les syndicats avait obtenu un accord en 2008 sur les retraites et l'emploi
Suite à des grèves et à une forte mobilisation un accord cadre a été arraché le 30 octobre 2008 au gouvernement par les syndicats.
Reconnaissance de la pénibilité du travail dans ce secteur d'activité
Des négociations étaient prévues afin de "mettre en place un système pour prendre en compte et compenser les conséquences de la pénibilité qui subsisteraient malgré les adaptations ou aménagement apportés à l'organisation du travail".
Au 30 juin 2009 une nouvelle convention collective devait être signée (les négociations sont au point mort).
Cessation anticipée d’activité
"Des dispositifs transitoires de cessation anticipée d’activité (congés de fin de carrière…) peuvent être mis en place par les grands ports maritimes dans des conditions négociées localement avec les organisations syndicales représentatives".
>>> dans la plupart des ports les négociations sont au point mort.
Possibilité également de départ anticipé en raison d'exposition à l'amiante.
Garantie d'un maintien de l'emploi
Les syndicats ont obtenu le transfert de tout le personnel concerné des établissements publics aux entreprises privées : il n'y a pas de licenciement possible.
Les salariés détachés vers les entreprises de manutention ou les filiales doivent avoir un traitement égal à ceux qui restent salariés des établissements publics.
La réforme Sarkozy des retraites met par terre l'accord de 2008
La cessation anticipée pour pénibilité prévue par l'accord cadre de 2008 disparait
La question de la cessation anticipée d'activité fait débat. Il était prévu par l'accord cadre du 30 octobre 2008 la possibilité d'un départ 5 ans plus tôt que l'âge légal soit 55 ans.
Or, la réforme des retraites actuelle ne prévoit pas de négociation pour la branche portuaire concernant la pénibilité.
De fait elle annule l'accord cadre du 30 octobre 2008 ! D'où la colère des salariés des ports et des syndicats qui ont été roulés dans la farine dans une négociation bidon.
L'Etat se désengage du dispositif en considérant que la réforme des retraites actuelle reconnait suffisamment la pénibilité. Du coup il remet en cause la nécessité d'un accord particulier.
Les directions des ports ne veulent pas porter seules les dispositifs de préretraites : les négociations piétinent.
Sans signature de cette convention collective contenant l'accord sur la pénibilité et la cessation anticipée d'activité, les ouvriers portuaires n'ont aucune garantie que l'accord cadre du 30 octobre 2008 soit appliqué.
A ce stade, les outils sont transférés mais pas le personnel
Les actes de cession des terminaux et de l'outillage ont été signés mais pas ceux concernant le transfert du personnel !
Les entreprises privées disposent donc du matériel qui appartenait à l'Etat mais ne respectent pas l'engagement du transfert dans le même temps du personnel.
Les salariés des ports se sentent donc pris au piège : une fois que le matériel sera transféré, ils auront moins de poids dans la négociation.
Pour aller encore plus loin dans la privatisation, le grand port maritime (établissement public) est en train de créer une filiale pour gérer totalement les terminaux pétroliers de Lavera et Fos-sur-Mer, ce qui lui permettrait de transférer davantage de personnel que prévu à une entité privée.
Au-delà des terminaux pétroliers, quatre terminaux seront transférés à des opérateurs privés : les terminaux à conteneurs de Marseille-Mourepiane et de Fos-Graveleau, les terminaux minéralier et céréalier.
La cession des outillages public aux privés est passée en septembre 2009. Le détachement du personnel aux entreprises de manutention est en cours de négociation seulement.
Contre les réformes des retraites et portuaire : mobilisation double
La grève du 5 juillet 2010 dans les ports a été suivie par 80 % voire 90 % des ouvriers dans certains endroits.
La fédération nationale des ports et docks CGT a initié une grève très suivie depuis le week end des 25-26 septembre.
Les personnels portuaires se sentent trompés par la réforme Sarkozy des retraites qui remet en cause les engagements pris par le gouvernement en matière de pénibilité et de départ anticipés. Leur mouvement est donc directement lié à la bataille des retraites.