Alors qu'il organise la traque des migrants tunisiens en France, le ministre de l'intérieur Claude Guéant s'est rendu en Tunisie le 17 mai où il a prétendu que "la France n'est pas fermée à l'immigration". Avant de signifier exactement le contraire en affirmant que les migrants tunisiens venus en France seraient renvoyés en Tunisie. Voici donc des éléments pour dissiper les fantasmes entretenus par la droite sur l'immigration tunisienne et des pistes pour aider vraiment la Tunisie.
Des migrants qui ne sont pas clandestins
Le gouvernement et les médias dominants reprennent souvent l'expression de "clandestins" pour qualifier les migrants tunisiens arrivés en France.
En réalité beaucoup d'entre eux sont en règle car ils disposent des titres de séjours temporaires de 6 mois délivrés par l'Italie aux 20 000 migrants qui sont arrivés sur son territoire.
Parmi eux, 5 000 seraient venus en France. Un flux qui ne justifie en rien l'affolement public organisé par la droite à ce sujet. Cette arrivée de 5 000 Tunisiens ne représente en effet que 4 % des 120 000 entrées annuelles en France d'immigrés venus de l'extérieur de l'Union européenne.
Pourtant la droite n'a pas hésité à comparer ce flux de migrants aux mouvements de populations qui ont suivi la chute du mur de Berlin. Une comparaison totalement infondée puisqu'en 1989-1990, c'est un afflux de 2 millions de personnes que l'Allemagne a connu avec la chute du mur.
Les difficultés cumulées d'une Tunisie qui reste solidaire
L'économie tunisienne est en grande difficulté avec la chute des recettes touristiques depuis la Révolution et un chômage partiel important dans le secteur touristique qui s'ajoute au chômage déjà élevé.
Ces difficultés sont accrues par l'afflux de 70 000 réfugiés de la Libye vers la Tunisie : des travailleurs tunisiens mais aussi des réfugiés libyens qui arrivent dans le sud et le centre tunisiens qui sont déjà les régions les plus pauvres. Or les Tunisiens font preuve d'une grande solidarité avec ces migrants, en les accueillant dans leurs familles et en organisant des chaînes civiles de ravitaillement. L'Etat tunisien ne se pose pas la question de fermer ses frontières !
Il faut aider vraiment la Tunisie, pas alourdir ses dettes
C'est en développant effectivement l'économie tunisienne au-delà des secteurs à devises du tourisme qu'on limitera les flux de migrants en quête de survie.
Lors de sa visite d'avril, Alain Juppé n'est pourtant arrivé qu'avec une nouvelle enveloppe de prêts (350 millions d'euros).
Or la Tunisie n'a pas besoin de nouvelles dettes mais d'une aide effective, sous forme de dons et d'annulation de sa dette. Les montants de dette que la Tunisie doit rembourser en 2011 (577 millions d'euros) dépassent d'ailleurs largement l'enveloppe promise par la France. Ces remboursements amputent lourdement les marges de manœuvres de l'Etat tunisien alors que les besoins sociaux et de relance de l'activité sont immenses.
Les premiers créanciers de la Tunisie sont la Banque européenne d'investissement (qui dépend de l'UE) et la France.
Or, compte tenu des intérêts versés, de 1970 à 2009, la Tunisie a déjà remboursé à ses créanciers 2,47 milliards d'euros de plus que le capital prêté.
Plutôt que de grossir encore le poids de la dette tunisienne (20 milliards d'euros, 37 % du PIB), la France et l'UE feraient mieux d'aider la Tunisie à échelonner les remboursements de sa dette existante pour lui donner des marges de manœuvre. Et d'établir un audit de la dette odieuse souscrite sous Ben Ali pour l'annuler. C'est l'objectif de l'appel lancé par 50 parlementaires européens et nationaux dont Jean-Luc Mélenchon.