Je raconte mes impressions de séjour politique à Nice
Je commence par la fin. J’errais dans ce train TGV de retour, bagage à la main, cherchant où m’asseoir. La voix flutée du robot m’avait pourtant souhaité la bienvenue au nom de cette bouffonnerie « d’alliance Rail-team », anglicisme qui convient au désordre régnant à bord comme une robe de bal à un déménageur. De place en place, j’allais, escorté d’un contrôleur exaspéré mais bienveillant. Nous tâchions de remédier à ce que l’on avait attribué ma place à un malheureux podagre et à son chien. Comment lui en vouloir quand on m’explique qu’on l’a mis là, « plus près de la porte », quoiqu’au premier étage, « parce qu’il a le bras cassé ». Il y a donc plus malheureux que moi dans la circonstance. Cette place avait pourtant été dûment réservée aux pitres de « Rail-team » et son splendide patron le sieur Pépy qui ne sait déjà pas faire rouler les trains à l’heure en automne du fait des feuilles mortes, ni en hiver du fait du gel en attendant l’été où ce sera la chaleur. Un incapable que la révolution citoyenne remplacera pour beaucoup moins cher qu’il ne coûte aujourd’hui. Cependant, cette situation pourtant bien embarrassante ne parvenait pas à me chiffonner vraiment. Je restais dans l’ambiance des heures passées avec les camarades à Nice d’abord, dans les Alpes Maritimes, puis à Brignoles ensuite, dans le Var. Là, tout spécialement, j’ai eu ces sortes de contacts qui vous laissent ensuite une émotion dans l’esprit comme un parfum sur les idées.
A Nice, les camarades s’étaient mis en quatre pour tenir tout le programme en quelques heures. Magnifique organisation. Tout le monde suit la consigne : tout est une répétition générale. Il faut faire « comme si », « comme quand ». Si je dois être le candidat commun du Front de Gauche, tout reposera de toute façon sur l’engagement militant sur le terrain. De l’argent il n’y en a pas ou peu. L’UMP va mettre cinquante millions dans la bagarre, les socialistes juste un peu moins. Nous ? A peine trois millions, si on arrive à les emprunter. Rien ne sert de gémir. On fonce. On fait le travail en mettant bout à bout tous nos savoir-faire. Car si tout est porté par des bénévoles, cela ne veut pas dire que ce soit des amateurs. Au contraire. Les qualifications professionnelles des amis sont de toutes origines et de tous niveaux. Ce qui va coûter des millions aux grosses panses nous sera donné gratuitement par les amis. Les sondages aussi.
Car nous avons acquis à cet effet une grenouille aussi performante en prédiction que le poulpe qui a officié pour la coupe du monde de foot !
J’ai commencé mon séjour par une super interview grand format pour Nice-Matin, Var-Matin et Corse-Matin au siège de Nice. L’état-major de la rédaction est là. De part et d’autres on se tenait assis sur la pointe des fesses. Eux, à quoi s’attendaient-ils ? Cette phrase en ouverture de la page en dit long : « Appliqué, posé et respectueux pendant près d’une heure et demie d’entretien, le député européen qui confond parfois plateaux de télé et studios de radio avec des rings de boxe se révèle doux comme un agneau ». Ce ton assez condescendant ne parvient pas à gâter à mes yeux le reste du travail. Car de cette heure et demie, ce qui a été tiré est scrupuleusement fait, et bien fait. La vérité est que c’est très informatif. Si bien que, pour rester dans le ton, je dirais que pour ma part, en fait de gros fachos je suis tombé sur des gens courtois et intéressés par ce qui se disait et qui de surcroît semblaient savoir de quoi ils parlaient. C’est dire que ma surprise égalait la leur.
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Le soir vint le meilleur. Une salle totalement pleine. 300 personnes. Et 120 autres dehors. Un formidable bain d’énergie pour tous, à la tribune et dans la salle. Car les Alpes-Maritimes sont une terre très rude pour les nôtres. Le meeting sert à cela : une démonstration de force qui donne du courage. Les interventions à la tribune avaient donné le ton des paradoxes de la situation. La façade des ports de plaisance avec leurs collections de yachts gigantesques ne doit pas tromper le monde. 18% de la population locale vit sous le seuil de pauvreté. 60% pourrait prétendre à un logement social. Mais, bien sûr, les trois-quarts des communes ne respectent pas les obligations légales de construction de logements sociaux. En dépit du potentiel de délinquance fiscale extrêmement élevé que contient une zone aussi riche en personnages interlopes, chefs de gangs et grosses panses, le sieur Ciotti, ci-devant président du conseil général a organisé une police pour faire la chasse aux fraudeurs… du RSA. Au fond, les Alpes-Maritimes, avec sa conjonction de riches caricaturaux, de notables de droite haineux et de misère assommée, est une caricature de la France Sarkozyste : un archipel de snobs agressifs dans un océan d’amertume sociale.