C’est parti pour les trois meetings de la semaine. Avant Limoges demain et la Place du Capitole à Toulouse jeudi, la premier étape est Vierzon. Je retrouve donc dans le train Stéphane, le photographe de l’équipe ainsi que Bruno Leprince qui se présente comme un “éditeur républicain”. Ce voyage en train est l’occasion de revenir sur la petite aventure de la collection “Politique à Gauche” qui a débuté à l’été 2009. A l’époque, Bruno Leprince est contacté par Jean-Luc Mélenchon afin d’éditer son livre L’Autre Gauche. Le 2 septembre, Bruno reçoit le manuscrit du livre. Il réussit alors l’exploit de sortir le livre moins de trois semaines plus tard, pour la Fête de l’Humanité. Et voilà le début d’une formidable aventure qui continue aujourd’hui.
L’objectif de la collection "Politique à Gauche" est de publier des petits livres d’éducation populaire, abordables autant sur le fond que financièrement. Depuis, plus de quinze titres ont été publiés dans cette collection. Dans les derniers titres, on trouve Nos colères fleuriront – Arracher les mauvaises herbes du capitalisme vert de Corinne Morel Darleux ; Prenons le pouvoir – Coopératives, autogestion et initiatives citoyennes de François Longérinas ; Pour une nouvelle révolution agricole – Sortir de l’impasse du libéralisme et du productivisme de Laurent Levard ; Le capitalisme contre les arts et la culture – Résister, créer, se cultiver, s’émanciper de Jean-Christophe Sellin ou encore Chronique(s) du Front de Gauche de François Delapierre.
Bruno me raconte le plaisir qu’il a à éditer tous ces ouvrages de la collection dirigée par Laurent Maffeïs, le directeur de cabinet de Jean-Luc Mélenchon. Pendant des années, Bruno était considéré comme “l’éditeur du Parti Socialiste” mais cette image ne lui plaisait guère. Après avoir rompu avec le PS en 2008, c’est avec joie qu’il s’est engagé dans l’aventure de “Politique à Gauche”. Mois après mois, Bruno a rencontré les différents camarades du Front de Gauche qui souhaitaient écrire de petits livres politiques. Ces rencontres ont été extrêmement enrichissantes et c’est avec joie que Bruno se déplace personnellement dans les meetings du Front de Gauche pour tenir la librairie militante.
Vierzon
Arrivée dans la salle du meeting de Vierzon, je retrouve l’excitation de l’avant meeting. Comme à chaque fois, des dizaines de militants sont présents depuis plusieurs heures pour assurer les différentes tâches d’organisation. Et dire qu’il y a encore des journalistes qui cherchent à faire croire que la campagne présidentielle du Front de Gauche ne repose que sur un seul homme ! Ils n’ont qu’à se déplacer dans les meetings pour se rendre compte que tous nos événements reposent sur des centaines de camarades engagés dans cette formidable aventure collective.
Vierzon – 17h
A 17 heures, il est temps de procéder aux essais son. Tout doit être parfait pour ce soir. Gabriel Amard, l’organisateur en chef des meetings de campagne, monte sur la scène pour tester les micros. Il nous fait alors découvrir ses talents de chanteur et entonne deux chants révolutionnaires italiens, Bella Ciao et Bandiera Rossa. A peine arrivé à Vierzon, Jean-Luc Mélenchon doit également monter sur scène pour tester ses micros. Il récite alors quelques vers de Guillaume Apollinaire :“ Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Après ce bref moment de poésie, je rencontre Juliette Prados qui est descendue depuis Paris ce matin afin d’aider les camarades de la région pour l’organisation du meeting de ce soir. Arrivée à 10h, Juliette a retrouvé les quelques cinquante camarades du Front de Gauche déjà présents dans la salle du meeting. Elle me raconte comment les petites mains se sont activées toutes la journée pour installer les stands, les barrières, la signalétique.
Heureusement, les locaux de l’étape avaient tout prévu pour organiser un petit pique-nique le midi au soleil. Juliette a donc pu profiter de ces petits moments de convivialité qui font aussi la force de notre mouvement politique. A 18h, petite montée d’adrénaline pour Juliette qui s’aperçoit que les portes de la salle – derrière lesquelles attendent déjà plusieurs centaines de personnes – sont fermées à clé. Heureusement, on retrouve rapidement le porteur de clés et la salle pourra être ouverte à l’heure comme prévu.
Vierzon – 19h
19h le meeting commence plus de 6000 personnes sont présentes. La salle est archicomble mais heureusement des écrans géants ont été installés sur le parking pour permettre à ceux n’ayant pas pu rentrer de suivre le meeting.
Christian Picquet, porte-parole de la Gauche unitaire, est le premier à prendre la parole en rappelant qu’encore une fois le Front de Gauche a réussi son pari : “nous sommes la force qui monte, qui monte, qui monte !”. Christian Picquet revient sur les dernières attaques contre le Front de Gauche. De Christophe Barbier voulant “en finir avec Mélenchon” à Nathalie Kosciusko-Morizet expliquant que “le programme du Front de Gauche est dangereux” au triste Gérard Collomb comparant les idées du Front de Gauche au programme d’extermination mis en place au Cambodge par Pol Pot. Toutes ces attaques nous rappellent la campagne de 2005 contre le TCE. A l’époque, l’UMP, le PS et les médias dominants s’étaient également alliés et étaient prêts à tout pour décrédibiliser le "Non" de gauche. Et pourtant, le peuple l’a emporté ! Christian Picquet rappelle également que plus le Front de Gauche monte dans les intentions de vote, plus c’est la gauche qui progresse dans son ensemble. Il faut remonter à 1988 pour retrouver un total gauche aussi important que celui donné aujourd’hui dans les intentions de vote. Enfin, Christian Picquet revient sur les questions que l’ensemble de la gauche doit se poser si elle veut l’emporter au mois de mai et si elle veut pouvoir réellement changer le cours des choses : qui osera remettre en cause l’indépendance de la BCE et remettre la Banque de France sous contrôle public ? Qui interdira les licenciements boursiers et réquisitionnera les entreprises qui délocalisent ? Qui augmentera le SMIC ? Qui rétablira la retraite à 60 ans ? Qui récupèrera les 195 milliards d’euros passés des poches du travail à celles du capital ? Sur chacune de ces questions, le Front de Gauche a des positions claires exprimées depuis plusieurs mois. L’ensemble de la gauche doit maintenant se positionner sur ces propositions. Christian Picquet conclut son intervention en répondant à François Hollande qui parle au sujet du programme du Front de Gauche d’intentions généreuses : “Non ! Il s’agit d’un programme de salut public qu’impose la gravité de la situation et l’intérêt général !”.
C’est ensuite Marie-George Buffet qui prend la parole : “Le Front de Gauche va faire gagner et réussir la gauche ! ”. Marie-George Buffet fait également la parallèle avec 2005. Comme à l’époque, les puissants “ont peur que le peuple ne prenne en main son destin”. Et de répondre : “Oui, ils ont raison d’avoir peur ! La Révolution citoyenne est en marche. Messieurs du Fouquet’s, préparez vos cartons, le peuple va prendre le pouvoir !”. Après les horreurs perpétrées à Toulouse, il est important de ne pas se laisser diviser. “Nous convoquons la raison contre la peur, la fraternité contre la haine”, lance Marie-George Buffet. Concernant le prochain scrutin, une chose est sûre : le peuple a d’ores-et-déjà choisi de “virer Sarkozy” mais il reste une question : “Est-ce que la gauche va se donner les moyens de faire en sorte d’améliorer les conditions de vie de chacun et chacune ?”. Pour Marie-George Buffet, il n’y a qu’une condition pour que cela fonctionne : appliquer le programme du Front de Gauche. A moins de 20 jours du premier tour, il est urgent de battre le rappel des troupes. “Allez voir vos amis, vos voisins, vos collègues et dites-leur qu’il est possible de laisser nos envies prendre corps. Dites-leur que quand on est de gauche, on vote Jean-Luc Mélenchon ! ”. Enfin Marie-George buffet met en garde tous ceux qui comptaient se reposer au lendemain de l’élection présidentielle. Il n’en ait pas question car nous aurons énormément de travail. Dès le mois de juillet, il faudra procéder à l’augmentation du SMIC. Dès juillet, il faudra également rétablir la retraite à 60 ans. Puis il nous faudra lancer le processus de l’Assemblée constituante. Marie-George Buffet nous annonce que nous auront alors le droit de prendre une petite pause au moment de la Fête de l’Humanité. Mais il faudra alors immédiatement se remettre au travail avec la discussion du budget qui commence en octobre. Le Front de Gauche mettra alors fin à l’absurdité de la RGPP. Puis en novembre, lors de la discussion sur le projet de loi de finance de la sécurité sociale, le Front de Gauche fera en sorte que les revenus du capital soient enfin taxés comme ceux du travail. Quel programme !Mais dans la salle chacun est bien décidé à prendre la part du travail qui lui revient pour “ faire exploser les murs de l’impossible ”.
C’est enfin au tour de notre candidat commun Jean-Luc Mélenchon de s’avancer au pupitre. “Enfin le torrent révolutionnaire des Français est sorti de son lit !”. La Révolution citoyenne qui avait secoué l’Amérique latine étranglée par des années de cures d’austérité imposées par le FMI, cette Révolution citoyenne, qui avait ensuite déferlé au Maghreb, est maintenant commencée en France. Jean-Luc ironise sur les déclarations de Daniel Cohn-Bendit qui affirme s’ennuyer dans cette campagne : “Mais non, pas du tout. On ne s’ennuie pas”. Le Front de Gauche a vu des milliers et des milliers de personnes revenir au combat politique après l’avoir si longtemps abandonné. “Nous ne nous ennuyons pas et nous avons réussi à mettre dans le débat de grandes idées : la planification écologique, la sortie du Traité de Lisbonne, la VIe République”. Jean-Luc commente les récentes attaques subies par le Front de Gauche. Bien sûr, les attaques personnelles ne sont jamais agréables et peuvent être très violentes. Mais Jean-Luc tient à faire une mise en garde : “Ils peuvent en finir avec moi, ils n’en finiront jamais avec vous !” lance-t-il aux milliers et milliers de personnes aujourd’hui engagées dans le Front de Gauche. Effectivement, la force de notre rassemblement nous dépasse tous. La Révolution citoyenne est un vaste et profond mouvement qu’il ne sera plus possible d’arrêter. Alors Jean-Luc met en garde les puissants : “Cédez de bon gré car bientôt il vous faudra céder de force ! ”. Jean-Luc ayant repéré la présence de la BBC dans la salle, il en profite pour lui aussi adresser son message à la City : “Dear BBC, we are very dangerous ! ”. Oui, le Front de Gauche, contrairement à d’autres, n’a pas peur d’affirmer qu’il combattra avec force la finance internationale. La salle reprend en cœur le mot d'ordre du Front de Gauche : “Résistance, résistance !”.
Une grande partie du discours de Jean-Luc est ensuite consacré au Medef. Laurence Parisot a en effet estimé que Jean-Luc Mélenchon était l’héritier de la terreur. Mais la terreur c’est le Medef qui la met en application. La politique de la terreur du patronat se traduit concrètement chaque jour quand des millions de salariés se lèvent avec la peur au ventre d’aller travailler, avec la peur de subir une nouvelle fois les pressions quotidiennes. La politique de la terreur du Medef a conduit à ce qu’en 2011, 564 personnes sont mortes d’accidents du travail, elle entraine chaque années 43 000 accidents grave du travail. Face à cette situation, Jean-Luc avance plusieurs mesures proposées par le Front de Gauche : la titularisation de tous les précaires de la Fonction publique et la limitation des CDD pour en finir avec la précarité, le rétablissement de la hiérarchie des normes dans le Code du travail ou encore une refonte de la représentativité des organisations patronales pour reconnaître notamment les organisations de l’économie sociale et solidaire et mettre fin à la toute puissance du Medef. Avant de conclure le meeting, Jean-Luc revient sur le mythe selon lequel pour gagner une présidentielle, il faudrait être en tête du premier tour. Faux ! En 1981, François Mitterrand obtient moins de voix que Valéry Giscard d’Estaing au premier tour. Et pourtant il l’emporte au second. En 1995, Lionel Jospin arrive en tête du premier tour avant d’être battu au second. Ce qui compte pour gagner, c’est la capacité de rassemblement. A partir du moment où le parti dominant de la gauche ignore ses autres partenaires de gauche alors la gauche perd. Et Jean-Luc de conclure : “ j’affirme que la capacité de rassemblement du Front de Gauche est plus grande que celle du Parti Socialiste ”. Ce soir, Jean-Luc Mélenchon a choisi une citation de Maximilien de Robespierre pour clôturer le meeting : “ Je ne suis point le défenseur du peuple […]. Je suis du peuple […] et je méprise quiconque a la prétention d’être quelque chose de plus ”.
Le récit est de Souleymane Ba, les photos de Stéphane Burlot.