Lorient – 10H50

Après une grasse matinée particulièrement bienvenue en ce dimanche, nous nous retrouvons tous en bas de notre hôtel pour prendre le bus vers une nouvelle aventure. Il règne une ambiance de colonie de vacances. Les militants locaux, l'équipe de Serge Moati (qui nous suit depuis hier matin), et la petite équipe qui accompagne Jean-Luc, tout le monde est enjoué malgré le ciel un peu maussade ce matin. Nous partons découvrir l'exploitation laitière de Gérard et Annick Lucas à Plouay au lieu-dit Le Gouelo.

Durant le trajet, Jean-Luc apprend une bonne nouvelle : les grévistes du centre de tri de la Poste que nous avions rencontré à Brest ont obtenu gain de cause! La direction s'est finalement engagée à mettre en place des effectifs supplémentaires et à remplacer les absences pour cause de maladie. Un minimum. Mais de nos jours il faut se battre pour obtenir le droit de travailler dans des conditions acceptables… Les employés ont regagné leur poste de travail dès 20h hier soir, faisant preuve d'un professionnalisme exemplaire.

Plouay – 11H10

Le bus marque une pause. Il faut laisser la priorité au camion du laitier. Le chemin qui mène à l'exploitation est top étroit pour laisser passer le camion et le bus à la fois. Maryvone, la responsable du Parti de Gauche Morbihan, appelle l'exploitation pour vérifier qu'on peut y aller. Pendant ce temps, Jean-Luc en profite pour discuter des paysanneries rouges avec les camarades du coin.

Plouay – 11H30

Nous arrivons à l'exploitation de Gérard et Annick Lucas. Il faut savoir que la Bretagne est la première région productrice de lait en France et qu'en tout, pas moins de 48% des productions laitières sont concentrées dans le Grand-Ouest. Mais depuis une dizaine d'années, le nombre de petites et moyennes exploitations laitières diminue aux profit des plus grosses exploitations à une vitesse vertigineuse un peu partout en Europe. En France, 26% d’entre elles ont disparu en dix ans.

Cela fait 10 ans que plusieurs exploitants ont décidé de se reconvertir dans l’agriculture bio, la demande de bio étant en forte augmentation. La Bretagne compte à ce jour environ 1400 exploitations bio soit 4,2% des structures agricoles. Gérard et Annick sont ainsi passés au bio en 1997, 20 ans après l’installation de leur exploitation.

Sur place nous sommes attendus. Une trentaine de personnes au milieu desquelles une équipe de LCP qui nous a rejoint, caméra et micro en main. Gérard est le premier à venir saluer Jean-Luc. Chacun et chacune se présente à tour de rôle. Certains ont déjà rencontré Jean-Luc au salon Marjolaine. Les retrouvailles sont enthousiastes.

Gérard raconte son parcours. Il voulait être cuisinier mais les aléas de la vie l'on conduit à faire de la mécanique générale. Mais comme il y avait "un peu de terre sur les cailloux" il a décidé de s'installer, sans diplôme. Pas facile nous explique-t-il. "Ce qui m'a poussé a faire du bio? On ne s'immunise pas contre les pesticides. Si je suis passé au bio, ça peut paraître égoïste, c'est avant tout pour ma santé" explique Gérard. "Avant on disait qu'un agriculteur ne s'empoisonnait jamais avec ses mains, aujourd'hui, si on ne fait pas du bio, non seulement on s'empoisonne soi-même mais on empoisonne les autres" explique-t-il "le lait c'est d'abord les enfants qui le consomment, on n'a pas le droit d'empoisonner les enfants".

Jean-Luc parle de la nécessité que les paysans soient mieux rémunérés et que les prix des aliments soient aussi accessibles. Il faut donc réduire les marges des intermédiaires. Il explique que tout le monde a le droit de manger correctement et qu'il faut cesse de considérer l'agriculture bio comme du folklore. "Tout le monde a le droit de manger sainement".

On parle aussi de la limite à porter à la taille des exploitations, d'aller à une surface maximale d'installation par actif. L'assistance est particulièrement attentive. On discute du métier, de la formation des agriculteurs. "Il faut valoriser le métier de paysans, aujourd'hui il y a une installation pour trois départs" s'exclame quelqu'un. "L'enseignement public agricole manque de moyens alors que l'enseignement privé est axé sur le productivisme" dit un autre "ça ne peut pas durer". Jean-Luc insiste sur le fait qu'il faut effectivement modifier les modes de production et les modes de formation.

Une dame prend la parole. Elle raconte comment l'abattage de volailles est délocalisé au Brésil. Une absurdité. Des emplois en moins et une empreinte écologique démultipliée… Le marché agricole marche sur la tête!

Plouay – 11H50

On part visiter l'exploitation. Les vaches, des normandes croisées, ne semble pas stressées. On traverse la salle de traite. Surprise : la radio tourne à fond. "Je met la radio en permanence comme ça, quand il y a des visites, les vaches ne sentent pas la différence. Elles ne sont stressées que quand Sarkozy parle à la radio" plaisante-t-il.

Un débat se lance. "Binage", "tournage", "round up", faut-il "biner" ou "herser"… Jean-Luc maîtrise. Moi je n'y comprends strictement rien… "Débat d'experts" rit un camarade qui s'y connaît un peu en voyant ma mine abasourdie. On nous présente la fameuse "bineuse". C'est une grosse machine qui ressemble à un petit tracteur. Elle permet de mettre zéro produit pour désherber (ça y est je commence à comprendre). Problème : ça coûte plus cher car on y passe plus de temps qu'avec des pesticides. Mais c'est sain au moins. "Ça pourrait créer des emplois les binages" s'exclame Gérard. En plus "un binage ça vaut deux arrosages" dit l'un,"on a moins besoin d'arroser quand on aère la terre, donc on économise de l'eau" explique Gérard.

Gérard nous explique que son exploitation est autonome en nourriture du bétail. Pas besoin d'acheter. Pas besoin d'importer. Tout est produit localement.

On s'arrête un instant face aux vaches qui paissent. Jean-Luc se paie la tête des photographes qui se sont plantés au beau milieu des vaches pour mieux photographier la scène. La scène est cocasse. Les vaches observent les photographes et les caméramen, l'air ébahi. Quelle pagaille !

La discussion vire sur une proposition de loi qui sera débattue demain, lundi, à l'Assemblée Nationale. "Ils veulent nous interdire de re-semer notre propre production et nous obliger à acheter des semences" explique Albert, paysan retraité et membre du Front de Gauche. Des amendes sont prévus pour ceux qui ne suivraient pas, nous explique-t-on.

Plouay – 12H20

On rentre pour une séance d'interviews. Jean-Luc et Gérard s'assoient contre le mur en granit de la bâtisse principale. Tous les micros sont tendus vers Jean-Luc. On l'interroge : "pourquoi venir voir la paysannerie, c'est un électorat qui ne vous est pas acquis". Jean-Luc rappelle qu'il existe une paysannerie de Gauche, insiste sur le Front de Gauche de l'agriculture, le plus développé des différents Fronts de Gauche thématiques, et parle surtout du rôle crucial d'une agriculture saine pour l'intérêt général. Gérard est d'accord. Il nous raconte "quand j'ai commencé dans le bio on m'a demandé si c'était rentable. J'ai répondu : est-ce que la santé est monnayable ?". L'assistance approuve. L'interview n'en est plus une depuis quelques minutes. C'est devenu une discussion collective pour le plus grand plaisir de tous, à commencer par Gérard.

Plouay – 12H40

Christian Picquet nous rejoint. Un crachin commence à tomber. On rentre chez Gérard et Annick pour déjeuner. Une discussion animée s'engage autour des grandes figures de la Bretagne rouge.

Lanester – 14H10

"Allez, à cheval !" lance Jean-Luc. Après un bon déjeuner riche en échanges dans le salon, la salle à manger et la cuisine des Lucas (et oui, nous avons quelque peu envahi les lieux… Merci à Gérard et à Annick pour leur hospitalité) il est déjà temps de reprendre le car. Cette fois on va à Lanester. Lanester, pour les morbihanais, c'est " le bastion de gauche " par excellence. La ville a été gérée par le Parti Communiste Français de 1945 à 2001 sans discontinuer. C'est donc avec une certaine émotion que nous nous rendons à la Fête de l'Humanité de Bretagne à Lanester.

Lanester – 14H40

Le bus nous dépose devant le parc des expositions de Lanester. Nous sommes attendus. On retrouve là les copains de Brest, Vannes, Lorient… et bien évidemment de Lanester. Tout le monde se presse pour faire la bise à Jean-Luc, le prendre en photo ou lui faire signer un autographe. Pas facile d'avancer ! "Excusez-moi c'est très mal écrit" explique Jean-Luc en griffonnant un autographe entre deux accolades. Les gens se bousculent pour le voir. Chacun y va de son petit mot "On compte sur toi", "On a un excellent porte-parole", "Je voudrais bien que vous soyez élu Président et que ça change enfin". Soudain, les applaudissements fusent : Jean-Luc passe saluer les jeunesses communistes attablés au bar. Une armée de téléphones portables se dressent pour mitrailler Jean-Luc et le camarade Pierre Laurent qui nous a rejoint. Notre tour des stands continue péniblement mais dans la bonne humeur. A notre passage au stand des Jeunesses communistes, des enfants montent sur une table et demandent la permission de "serrer la main à Jean-Luc". Jean-Luc s'exécute pour leur plus grand bonheur. Ils repartent fiers comme Artaban sous nos regards attendris.

Lanester – 15H15

On s'extirpe de la foule direction un petit bar au calme pour une séquence interview avec Pierre Laurent, Gérard Perron, maire communiste d'Hennebont et Joël Gallais, responsable de la Fête de l'Humanité Bretagne.

Lanester – 16H

Jean-Luc part s'isoler un moment dans la loge que les camarades ont mis à sa disposition pour préparer le meeting de tout à l'heure. Pendant ce temps, Rémy, notre photographe part prendre quelques photos d'ambiance dans la fête et ici, au petit bar, on parle de la campagne en pays vannetais avec Annick, la candidate du Front de Gauche sur Vannes.

Lanester – 16H30

"Adelante !" crie Christian Mare, le directeur de cabinet de campagne de Jean-Luc. Il est temps d'y aller. Jean-Luc fait vite une photo avec deux candidats du Finistère en sortant de sa loge et nous partons d'un pas rapide vers la scène. Au micro, on annonce déjà les noms des intervenants. La foule est en liesse. On annonce Jean-Luc. Explosion d'applaudissements.

Je me glisse sur la scène avec les photographes. La salle est pleine à craquer. Trois mille personnes !

Les intervenants sont nombreux à la tribune. Corinne est la première à parler. Elle a décidé de raconter le dur quotidien d'une ouvrière. La salle écoute, attentive. Elle raconte les douleurs physiques, les temps réglementés pour aller aux toilettes, les licenciements suite aux arrêts maladies, la deuxième journée de travail à la maison, les factures à payer… Elle raconte, des larmes dans la voix les décès et les accidents de travail de ses camarades. Tonnerre d'applaudissements dans une salle grave.
Une jeune fille, Jeannie, prend la parole pour les Jeunesses communistes. Elle porte haut et fort la cause de Salah Hamouri. Dans la salle ses copains la regardent en souriant. Ils sont fiers. "Nous sommes tous des palestiniens" lance-t-elle en clôture de son discours, reprise en coeur par la foule.

Puis vient le tour d'Ambre, une étudiante. Elle parle précarité des étudiants, de la circulaire Guéant contre les étrangers. Elle dénonce le fait qu'un étudiant sur deux soit obligé de se salarier et souligne les conséquences que cela a en termes d'échec universitaire.
Vient ensuite le tour de Pierre, un ouvrier de chez Renault. Il appelle "tous ceux qui subissent l'injustice sociale" à se révolter "pour que les promesses électorales ne soient plus des couleuvres au service de la finance". "Ne lâchez rien! Unissez-vous!" crie-t-il avec toute la rage du combattant. La foule est en liesse.
Arrive le tour de Christian Picquet. Il dénonce ceux qui ruinent l'idée d'Europe en "substituant des banquiers aux assemblées élues par les peuples". "On a besoin d'une gauche à la hauteur" explique-t-il, prenant l'exemple de l'Espagne pour montrer ce à quoi mène la gauche qui se renie. "La gauche que nous voulons, elle est du côté du nombre et de la justice" résume-t-il.

Vient le tour de Pierre Laurent. Il lance un appel solennel à la mobilisation face à une "situation qui n'est pas ordinaire" car "la démocratie est en danger dans toute l'Europe". "Regardez ce qu'il se passe en Grèce et en Italie" dit-il, "regardez ces gouvernements nommés sans élections". "Nous sommes à nouveau dans une drôle de guerre. Ils ont décidé de déposer les armes de la démocratie aux pieds des marchés financiers". Il dénonce les politiques d'austérité pour faire face à la soi-disant crise de la dette. "Jamais nous n'accepterons de suivre un gouvernement qui prône l'austérité" assène-t-il sous les applaudissements de l'assistance.

La parole est ensuite à Jean-Luc. La salle applaudit à tout rompre à son arrivée au micro. Ses premiers mots sont pour saluer les militants qui ont rendu possible la Fête de l'Humanité de Bretagne. Il salue le militantisme, les militantes et les militants et leur courage et leur dévouement qui rendent possible l'action du Front de Gauche. Revenant sur l'Europe, il appelle chacun à être à son poste de combat pour tenir tête aux marchés financiers et à l'UE quand ils viendront tenter de mâter les Français comme ils tentent de le faire en Grèce, en Espagne, au Portugal, en Allemagne. Et le combat c'est pour tout de suite : "Je vous appelle à vous grouper le 13 décembre derrière vos syndicats" lance-t-il. Il rappelle que la dette française ne représente que 12,5% de la richesse produite par les français et qu'il ne faut donc pas céder à la peur. D'ailleurs, les sous pour financer la dette, on sait où aller les chercher! Il fustige la politique d'austérité qui ne mène à rien d'autre qu'à la situation grecque où la dette a triplé et où la souffrance sociale, et avec elle la souffrance personnelle, est immense après pas moins de neuf plans d'austérité.
Jean-Luc revient aussi sur la planification écologique, sur les énergies de la mer qu'il faut développer et sur la flotte nécessaire pour le faire. Il parle du débat sur le nucléaire, "dont le Front de Gauche n'a pas peur" et du référendum que le Front de Gauche mettra en place s'il arrive au pouvoir.

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Il parle de l'agriculture bio qui doit être accessible à tout le monde et pas seulement aux belles personnes qui les consomment. "Ce n'est pas parce que les gens sont pauvres qu'ils ont un goût pour la malbouffe !" Il explique qu'il faut augmenter la paie des ouvriers pour augmenter celle des agriculteurs afin qu'ils produisent la nourriture saine qu'on est en droit d'attendre d'eux.
Il demande qu'on impose les revenus du capital de la même façon que les revenus du travail, que l'on impose tous les français de la même façon en fonction de leurs revenus et de lutter contre l'évasion fiscale notamment en obligeant les français à payer la différence entre l'impôt payé à l'étranger et l'impôt dû en France quand ils vivent à l'étranger.
Il dénonce l'Europe de "Merkozy", faite de diktats au profit des marchés, et prône l'Europe de la coopération entre les peuples, de l'harmonisation sur les clauses sociales les plus favorisées. Il insiste : "l'euro est à nous tous", pas au gouvernement conservateur de Madame Merkel qui s'en sent dépositaire. Il insiste sur le combat à mener dans les semaines à venir et appelle les plus jeunes à se battre : "Le pire de la crise serait qu'on ne soit pas capable d'en tirer un monde meilleur". "Partons vers le futur" finit-il après avoir évoqué les grands noms de la gauche bretonne. Le tonnerre d'applaudissements qui suit ces derniers mots dure, dure, dure et dure encore. L'Internationale résonne. Moment solennel de communion en un espoir. La musique s'arrête. Les applaudissement reprennent.
Il est déjà temps de repartir sur les routes.

Les photographies qui illustrent ce "Carnet de route" sont de Rémy Blang
Le récit est de Céline Meneses


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