Brest – 8H30
Le jour se lève à peine sur Brest. La petite équipe est déjà dans le TER direction Lorient. La nuit a été courte mais l'enthousiasme est là. On épluche la presse locale et nationale. Les articles passent de main en main. Les commentaires vont bon train. La presse prête à Jean-Luc des propos qu'il n'a pas tenus. Il est même devenu on ne sait comment un ancien "ministre de l'enseignement supérieur". On rit. Le train démarre. La rade de Brest s'éloigne dans la lueur blême du petit matin. Magnifique.
Lorient – 10H20
Nous arrivons à Lorient. Il fait un temps splendide! Sur le quai, Maryvonne, membre du Bureau National du Parti de Gauche nous attend avec un petit comité d'accueil de membres du Font de Gauche. Embrassades et sourires. Le temps presse. Nous courrons tous rejoindre le bus qui nous emmène vers le port de Lorient.
Lorient c'est la ville aux cinq ports (militaire, pêche, commerce, voyageurs vers l'île de Groix et plaisance). Le port de Keroman où nous nous rendons, n'est rien moins que le deuxième port de pêche de France avec 24 000 tonnes de poissons débarqués chaque année dont 25 % de pêche artisanale, 25 % de bateaux étrangers et 50 % de pêche industrielle (Intermarché). La pêche représente ici 3 000 emplois directs : 700 marins, 650 salariés du mareyage, 80 à l'exploitation portuaire, 1 600 dans la réparation navale, la logistique "marée", les services divers.
Le chauffeur du bus nous donne un petit aperçu de Lorient. Son centre-ville, son abri antinucléaire (!), son grand théâtre, ses halles, son tribunal, son parc des exposition. "La ville est très jeune, elle a entièrement été reconstruite après la guerre" nous explique le chauffeur. Dans le bus, les camarades parisiens s'amusent à essayer de lire les noms bretons sur les panneaux de signalisation sous l'oeil amusé des locaux. L'ambiance est bon enfant.
Keroman – 10H40
Nous voilà à Keroman. Un nouveau comité d'accueil nous attend devant le Comité des pêches où se tient la réunion avec les pêcheurs. On monte dans une petite salle. Les journalistes se pressent autour de la table ronde. Le président du Comité local des pêches s'assoit avec Jean-Luc. Il a commencé à naviguer à 13 ans. Il a navigué 24 ans. Il veut qu'on "redonne à la pêche ses lettres de noblesse".
Il raconte le port et les pratiques de pêche. Il parle surtout de Bruxelles, des "mille réglementations communautaires" à mettre en oeuvre et des réformes de la politique commune de la pêche que propose l'UE pour 2013.
Bruxelles, nous explique-t-il, estime qu'il faut faire davantage d'efforts en matière de quotas. C'est le projet "zéro rejet en mer" de la Commission européenne. En complément des efforts d'adaptation au respect des quotas pour la prise en mer, la Commission demande que toutes les prises en mer soient ramenées à terre. Les petites prises seront transformées en farines animales et déduites des quotas nous indique ce représentant. Il explique que la pêche sélective existe déjà et que de très gros efforts sont faits pour protéger les ressources. Il insiste sur le fait que, par contre, aucun effort n'est fait pour lutter contre les pollutions telluriques et contre le changement climatique dont il constate les conséquences tous les jours. Les efforts pour sauver notre écosystème devraient être mieux répartis selon lui.
Il parle aussi de cette réforme, conçue sur le modèle du marché carbone et ses droits à polluer, que la Commission européenne propose de mettre en place. Il s'agit de "droits individuels transférables" que les navires propriétaires de quotas pourront revendre aux navires les plus offrants. Grosso modo, il s'agit de laisser la "loi du marché" régler les droits de pêche. Le coût social d'une telle réforme serait terrible. Cette réforme entraînerait une mutation des petits navires vers des navires plus gros aux capacités de capture démultipliées. Le nombre d'emplois en mer (et ceux qui en dépendent à terre) diminuerait donc en général et localement, ce marché "des droits individuels transférables" étant ouvert à tous les navires européens et le plus offrant n'étant pas nécessairement local.
On parle aussi des espèces et plus particulièrement du thon rouge. Selon les pêcheurs, il y en a plein ici. Trop même. On ne peut plus pêcher les autres espèces de thon comme avant !
La question des conditions de travail des pêcheurs est elle aussi prégnante. "C'est de la non-assistance à personne en danger! Les bateaux sont bientôt plus vieux que leurs patrons! Ils ont plus de 40 ans!" Il n'y a pas que l'âge des bateaux qui pose problème. Il y a l'aménagement des espaces de vie à bord aussi. Ils servent trop souvent de variable d'ajustement pour respecter la réglementation en vigueur sur le volume des bateaux.
Un tour du port a été organisé. La discussion se poursuit donc sur le port. La balade est agréable. Le soleil est radieux. On nous présente les chaluts. Les pêcheurs nous expliquent qu'on n'a pas acheté de bateau neuf dans le port depuis 5 ans. "La plupart des bateaux ont 15 à 20 ans, et après on va nous parler de sécurité ! Mais les bateaux sont trop chers" explique Roger, un pêcheur retraité qui continue de travailler pour aider les copains et puis surtout son fils. "Les mailles des filets de pêche se déforment vite" nous explique un autre, preuve à l'appui. "Et les filets coûtent très cher, on ne peut pas en racheter trop souvent". Roger explique aussi que le gazoil est tellement cher que son fils a dû licencier un des membres de son équipage. Il faut dire qu'on estime qu'à 30 centimes d'euros le litre c'est rentable de sortir en mer, au-dessus les pêcheurs perdent à chaque sortie. Aujourd'hui on est à 77 centimes le litre. Les pêcheurs embarquent moins nombreux à bord. "C'est dangereux pour leur sécurité" explique Chantal, contrôleur des affaires maritimes à la retraite.
On nous emmène ensuite à la criée. On découvre l'endroit où les crieurs annoncent les prix, celui où les acheteurs découvrent les poissons. Les lieux sont vides et d'une propreté impeccable. Les noms de bateaux trônent au milieu du vide. Vision insolite pour qui n'est pas habitué. Puis on se rend à la chambre frigorifique. Des centaines et des centaines de poissons sont stockés ici. Clou du spectacle : on nous montre un gros grenadier congelé. "Il faut pas les montrer aux gens, ils sont pas beaux" explique Roger. On rit. C'est vrai que ce poisson aux yeux globuleux n'est pas franchement ravissant.
Les journalistes insistent pour prendre Jean-Luc sur un chalut. Jean-Luc se prête à l'exercice. Pas simple de descendre et de monter sur le bateau. Mais qu'est-ce qu'on ne lui fait pas faire !
Lorient – 13H
Après un repas convivial avec les camarades du Front de Gauche, nous reprenons le bus direction l'embarcadère vers l'île de Groix. Il faut faire vite. Le bateau n'attend pas ! Dans le bus on s'active. On essaie d'envoyer les photos que Rémy Blang, le photographe de l'équipe, a faites ce matin pour qu'elles illustrent la note de voyage correspondante. Heureusement qu'Hélène Magdo, l'attachée de presse de Jean-Luc, sait se débrouiller avec un téléphone, un ordinateur et une carte mémoire !
Lorient – 13H10
Nous embarquons sur le ferry. Le capitaine est venu accueillir Jean-Luc. On monte à bord. Les journalistes se bousculent pour filmer la scène. Véronique, co-animatrice du Parti de Gauche du Morbihan trouve insupportable que Jean-Luc soit filmé et photographié à longueur de journée. "Il y a des limites quand même!" soupire-t-elle en observant les scènes quotidiennes de la vie de notre candidat. "Regarde ça ! On dirait des vautours !" s'exclame-t-elle, "il ne peut pas faire un pas sans être photographié !".
Île de Groix – 13H15
Nous voilà partis pour l'île de Groix. Cette petite île de 8 km sur 4 compte 2200 habitants dont 1500 qui y vivent à l'année. "Il n'y a pas beaucoup de boulot sur l'île" nous explique Guénaël, un camarade du Parti de Gauche, originaire de Groix, avant de nous expliquer les luttes en cours.
Les groisillons, aussi appelés les "grecs" se battent depuis juin 2011 pour un service public maritime de qualité. La liaison île de Groix-Lorient est assurée par une délégation de service public dont le Conseil général, propriétaire des bateaux, a confié à la gestion à une filiale de Véolia. Or cette dernière a décidé unilatéralement de ne mettre qu'un seul bateau en service pendant les 6 mois d'hiver sous prétexte de rentabilité. Conséquence : 9.000 heures de travail en moins soit 5,5 postes de supprimés ! Et des horaires de transport qui ne correspondent plus à ce que les insulaires peuvent attendre d'un service public. La colère gronde donc. Avec raison. Il n'y a pas qu'ici que la continuité territoriale est mise à mal. A Ouessant, plus au Sud, "on a récemment fait une île morte" nous explique-t-il.
Les insulaires se battent aussi contre le clapage de boue de la rade de Lorient. Je ne sais pas vous, mais moi le clapage de boue ça ne me disait rien. J'ai dû me renseigner. Apprenez donc si vous ne le savez pas que le "clapage" c'est l'opération qui consiste à déverser des substances, ici la boue, en mer à l'aide de navires dont la cale s'ouvre par le fond. Cette boue est préalablement "draguée", c'est-à-dire extraite du fond de l'eau par des navires et autres hydrauliques ou dragues mécaniques.
Guénaël fait partie des fondateurs du "collectif citoyen contre le clapage des boues de la rade de Lorient". Ce collectif s'est constitué sur le thème : "La mer n'est pas une poubelle". Composé de pas moins de 28 associations, il ne conteste pas les opérations de dragage des boues qui sont nécessaires à l'entretien de la rade, mais bien le clapage de ces boues. En effet, celles-ci sont souvent polluées par des métaux lourds (cadmium, plomb, mercure, zinc…). Or, alors que la législation en vigueur n'autorise que les clapages de boues "propres" en pleine mer, ici le clapage de ces boues polluées se fait sur un site proche de l'Ile de Groix et de la côte, où la profondeur est d'à peine 30m, dans une zone protégée pour sa biodiversité. Depuis 1997, ce sont ainsi plus d'un million de mètres cubes de boues qui ont été immergés. Les dégâts sur la flore et la faune autour du site de clapage sont considérables. Le collectif demande, entre autres, la mise en place d'une filière de traitement des boues à terre qui favorise la création d'emplois écologiquement utiles.
Île de Groix – 13H25
Nous sommes conviés sur la passerelle de commandement. Jean-Luc discute avec le capitaine et prend quelques photos avec son téléphone. Il les montre aux photographes qui l'ont suivi jusqu'ici. Renversement de situation amusante. La vue est magnifique. La mer est calme, apaisante. Moment de détente dans cette aventure bretonne. Jean-Luc s'installe au poste d'observation de la passerelle, jumelles en main. Les photographes mitraillent. L'île de Groix est encore à quelques minutes de nous.
Île de Groix – 14H
Le capitaine part passer les commandes d'accostage. Le port n'est plus qu'à quelques mètres. Un petit port typique et coloré. "Il y a quinze jours on a bloqué le bateau avec un bout (un cordage)" explique Guénaël. "Les gens ont bien réagi en général. Ils comprennent qu'on lutte pour un service public de qualité" raconte-t-il.
Île de Groix – 14H10
Première halte au café l'Escale. Un petit comité d'accueil nous attend ici aussi. "Ça fait plaisir de vous voir, ici on se sent un peu isolés" explique une militante du Front de Gauche. Marco, un pêcheur de moules, nous explique son métier. Il nous indique aussi que le clapage de boue a des conséquences déjà visibles sur les ressources en poissons et qu'à terme il pourrait en avoir sur les moules.
Île de Groix – 14H25
On visite un élevage d'ormeaux et d'huitres fines. Il y a ici deux cents bassins pour une production de 4 tonnes par an "C'est une petite production mais ça permet de tenir et d'avoir 3 employés" nous explique l'exploitant de cet élevage qui se veut écologique et qui pense et vend local.
Pen-Men (Île de Groix) – 14H35
Après un petit tour sur le port de pêche, on prend le bus pour Pen-Men, la zone protégée (terre et mer) où les boues sont déversée en dépit du bon sens écologique. Sur place, Jean-Marc, un pêcheur qui nous accompagne, nous montre à quel endroit se fait le fameux "clapage" de boues, à quelques mètres à peine des côtes. Il y a beaucoup d'écume. Cela étonne l'équipe mais ici c'est fréquent. "L'hiver, il y a des fois où on dirait qu'il neige à l'envers, du bas vers le haut !" nous explique Jean-Marc en riant. Les journalistes acceptent de laisser à Jean-Luc cinq minutes de répit. Jean-Luc en profite pour discuter tranquillement avec Jean-Marc et les autres et prendre une bouffée d'oxygène face à l'océan. Nous aussi, on profite. C'est tellement beau !
Île de Groix – 15H40
On rembarque sur le ferry. Il est déjà temps de quitter l'île de Groix. Ce fut trop court mais combien de choses faites en si peu de temps !
Lorient – 19H
19/20 de France 3 Bretagne et reportage sur la Sobrena
Jean-Luc est interrogé sur l'antenne régionale de France 3 en région Bretagne sur les difficultés de l'entreprise Sobrena et sur sa proposition de referendum sur le nucléaire.
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Les photographies qui illustrent ce "Carnet de route" sont de Rémy Blang
Le récit est de Céline Meneses