25fév 13

Le temps des grandes marées

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projet CP amnistieParfois le petit train-train de l’actualité choisie pourrait parvenir en effet à nous endormir. Mais, le bruit de la marée est si puissant quand la mer vient battre la falaise ! Entendez-vous ? En Inde, ce week-end a eu lieu la plus grande grève générale de l’histoire du mouvement ouvrier mondial, avec cent millions de grévistes. Il s’agissait d’un appel unitaire des organisations syndicales contre la cherté de la vie, les mauvais salaires et les privatisations. Voilà donc ces bons indiens qui se comportent comme des ouvriers de Goodyear en quelque sorte ! Je ne parle pas de « bruit de la marée » sans intention. Ce week-end a eu lieu dans toute l’Espagne et spécialement à Madrid une immense « marée citoyenne ». Le vocabulaire était plus fleuri que d’habitude pour dire « que se vayan todos ».
En Italie jusqu’à la dernière minute, des rassemblements immenses se sont opérés sur les places pour dire « tous dehors ! ». Un peu plus tôt, un peu plus tard, la chaîne va rompre dans l’Europe du sud. Juste en face du Maghreb frémissant. Préparons sérieusement le 5 Mars avec les syndiqués qui refusent l’accord MEDEF. J’y reviens.

Et maintenant, voilà les « marées citoyennes » !

Ce n’est même plus nouveau. En Italie, la meute médiatique aura tout fait pour nier nos amis et servir la soupe aux marionnettes successives que la comédie aura fait s’agiter pour protéger « la seule politique possible ». A présent ce sont les pitoyables santons de la prétendue social-démocratie de la péninsule qui portent les espérances effrayées du beau monde. Avant cela, même en soufflant fort, ils ne sont pas parvenus à faire gonfler cette baudruche sans consistance de Mario Monti. Celui-là s’est pris les pieds dans le tapis en croyant que la ferveur amoureuse de la presse de révérence valait suffrage populaire. En Espagne l’éducation du mouvement populaire progresse à présent sous la forme de « marées citoyennes ». Les leçons à tirer valent pour la France.

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Marisa Matias et Cayo LaraJ’ai déjà écrit au sujet de Mario Monti, le pantin de la Commission européenne. Quoi qu’il en soit, il faut espérer que le social-libéral Pier Luigi Bersani gagne, puisque nous ne pouvons pas y arriver nous-mêmes cette fois-ci. Ce sera autant de temps de gagné. Car pour que le processus que nous voulons ait lieu, il faut que les sociaux-libéraux soient passés eux aussi à la poubelle politique.  Et donc que le très grand nombre ait fait l’expérience de leur incapacité à faire quoique ce soit d’utile au peuple. Ces « démocrates » italiens, qui ne se disent eux-mêmes pas « de gauche » et sont la honte de la « social-démocratie » européenne qui les accueille dans son groupe parlementaire européen, se couperont eux même la gorge et bien plus vite qu’on ne le croit. Non seulement ils feront exactement la même politique que les libéraux précédents avec lesquels ils étaient déjà en coalition mais ils feront revenir au pouvoir Monti sous une forme ou une autre. Peut-être même nous feront-ils la faveur d’une « grande coalition », condamnée à l’échec et qui nous permettra de les chasser tous d’un coup à l’inévitable et très prochaine élection suivante. D’autant qu’en cas de grande coalition, les affaires qui rattraperont les démocrates peu après avoir été élus feront bloc avec celles qui plombent déjà tous les autres. Même fumier, même tas. Ces deux points là finiront de les assimiler aux yeux de tous à l’indigne classe politique que le peuple italien doit détruire pour avancer. Je fais l’amical reproche à nos amis de « rivoluzione civile » de ne pas comprendre la place particulière de la fonction tribunicienne dans notre combat. Je sais que la personnalité d’Antonio Ingroia, toute en retenue et sobriété empathique, ne le porte pas au rôle. Ce n’est pas sa personne que je mets en cause. Un ancien juge anti-Mafia qui a vécu dix ans entre deux voitures blindées et quatre gardes du corps a des excuses à ce sujet. Mais qui ne voit Bepe Grillo, en Italie, envahir les places publiques à notre manière, proposer un haut salaire minimum à mille euros et animer ses rassemblements aux cris de « tous dehors » ? Il est temps de comprendre que le phénomène révélé par l’affluence populaire est la matière première de la ligne de la révolution citoyenne et non un embarras. Inutile après cela de remplir les commentaires de ce blog avec des dénonciations du contenu du discours de Grillo. Je ne le soutiens pas. Je veux donner à voir ceci : la vague que j’ai annoncée et décrite pour l’Europe à partir de mon expérience latino américaine déroule ses anneaux dans les formes prévues. Cette réalité ne se laissera pas enfermer dans les formes traditionnelles de l’action politique. Ce n’est pas un hasard quand même si dorénavant le mot d’ordre que « se vayan todos », s’est décliné en « dégage » en Tunisie et Egypte, « tous dehors » en Italie et « fuera todos », entre autres en Espagne. Les gens ont assez de bons sens pour comprendre que pour changer de monde il faut d’abord chasser tout le personnel politique de l’ancien régime. Sinon qu’est-ce que l’ancien régime ? Cela n’est pas sans conséquence pour nous, ici, en France. Je plaide pour la ligne de rupture. Il ne faut rien combiner ni rien arranger avec l’ancien régime. Qui y met le doigt mourra avec. Toute illusion répandue ne dupera que celui 14qui s’y sera prêté. Le grand nombre doit se débarrasser de toute la caste des gardiens du temple libéral et peu importe pour lui, le moment venu, le plumage des oiseaux dans la volière. La patience et la ruse ne doivent pas se prendre pour des fins en soi.

L’autre leçon de tout cela est le regard qu’il faut porter sur la capacité d’initiative populaire. C’est d’elle que tout dépend. Je fais le reproche à notre actuelle manière de faire de ne pas assez compter sur elle et de ne pas l’aider à se construire. Notre futur n’est pas possible sans que le grand nombre se soit lui-même éduqué et entraîné au mouvement. Quand nous avons fait les trois rassemblements pour la Sixième république il s’agissait déjà de cela et nous ne nous en cachions même pas. Il faut faire confiance à cette façon de faire. Evidemment en soignant la préparation. Les rassemblements en semaine aux heures de travail sont à proscrire non seulement parce qu’ils n’atteignent pas le but, mais aussi pour la démoralisation qu’ils sèment parmi les plus motivés qui font le déplacement. Les marches que nous devons organiser ont lieu le dimanche, en famille, avec tout ce que ces mots impliquent. Nous avons davantage besoin de cela que de meetings formels même si ceux-ci ont évidemment leur utilité. Par exemple, nous avons aussi besoin de séances de lectures collectives de l’accord MEDEF qui prennent le relais dans la cité de ce que les syndicats font dans les entreprises. Mon intention ici est de souligner la puissance latente du mouvement populaire dans notre pays. Il n’y a pas de raison qu’il en soit autrement compte tenu de ce que nous voyons dans le reste de l’Europe du sud y compris lorsque le point de départ était moins avancé comme ce fut le cas en Espagne. Il ne faut donc pas recommencer à l’ancienne les interminables réunions de comités bavards qui regroupent les habitués mais aller à l’audace dans la direction du grand nombre. Entre le 30 septembre réussi comme manifestation politico-syndicale, en dépit de tous les bâtons dans les roues, et la marche annulée sur Florange pour toutes les bonnes raisons du monde, où était la vérité de lutte. Les bonnes raisons de ne pas faire ont-elles jamais fait avancer quelque chose ? Les grands esprits m’ont encore récemment reproché d’être devenu « mouvementiste ». Il est vrai que je suis fortement teinté depuis toujours de luxembourgisme et de13 sans-culotterie. Mais à tous les faiseurs d’étiquettes je veux faire un cadeau. Ce récit de Céline Meneses, une des jeunes dirigeantes du Parti de la gauche européenne, présente à Madrid ce week-end pour la mobilisation qui s’y tenait. J’adjure qu’ayant lu cela on comprenne quel est le moment politique en ne le regardant pas qu’avec les vieilles lunettes.

« Le mouvement du jour porte un nom: la "Marée citoyenne". Ce sont en effet toutes les "marées" (nous ne sommes plus de simples vagues, nous sommes des marées et aujourd'hui, à n'en pas douter, un tsunami !) qui vont converger dans plus de 50 villes du pays. Les "marées", ce sont les mouvements citoyens qui ce sont organisés depuis plusieurs mois pour dénoncer la casse des emplois et des services dans un secteur particulier. Chaque marée a sa couleur. La "Marée Verte" est un mouvement contre la casse de l'enseignement public que notre camarade Juliette Estivill, responsable Espagne du PG et membre du groupe de travail Education du PGE a régulièrement mise en valeur sur le site du Parti de Gauche. Réduction du nombre d'enseignants, baisse des bourses, hausse des frais de scolarité et maintenant projet de loi Wert ramenant l'enseignement espagnol à l'époque du franquisme, voilà quelques-unes des "réformes" contre lesquelles ce mouvement lutte depuis des mois. La "Marée Blanche", contre la privatisation de la santé publique grandissante. La "Marée Violette" se bat pour la défense des droits des femmes, contre la précarisation des femmes, contre les coupes budgétaires dans l'aide aux femmes victimes de violence et contre la remise en question du droit de toutes à l'avortement par Gallardon. La "Marée Orange" lutte contre la casse des services sociaux. La "Marée Noire" concerne notamment les mineurs en lutte contre la fermeture des mines des Asturies et d'ailleurs. La "Marée Bleue" lutte contre la privatisation de l'eau et pour la gestion publique de l'eau partout dans le pays. A ces marées s'ajoutent d'autres mouvements citoyens. Par exemple, les mouvements dits "des indignés", notamment le « 15M » preneur de places 12espagnoles et le « 15S » qui encercle régulièrement le Congrès des députés. Mais il y aussi les mouvements de lutte contre les expulsions de logements qui ont concerné 400 000 personnes en trois ans dont 180 000 en 2012 !

Il est 16h35, nous sortons au pas de course du métro à la Puerta del Sol. Le leader d'Izquierda Unida Cayo Lara, nous attend sous la statue de l'Ours de la place. Il est heureux de nous voir arriver. La place est comble comme jamais ! On se demande si aux départs des quatre autres colonnes de la marche il y a autant de monde. D'après les bruits qui courent, le rassemblement madrilène serait le plus grand qu'on ait jamais vu en Espagne ! C'est enfin le départ. Cayo Lara nous demande à Marisa Matias (vice présidente du PGE et responsable internationale du Bloco de Esquerda du Portugal) de marcher à ses côtés derrière la banderole d'Izquierda Unida. Stéphane Burlot, venu spécialement pour l'occasion, vient d'arriver. Il mitraille !

La marche avance lentement. On est stoppé toutes les deux minutes par des citoyens qui veulent serrer la main à Cayo Lara, prendre une photo avec lui, ou par les médias qui l'interrogent. Il y a encore un an, il n'y avait pas une telle ferveur autour de Cayo et d'Izquierda Unida. Je suis très impressionnée. Cayo prend la chose avec la bonté et la simplicité qui lui sont habituelles. Il prend les journalistes en photos. "J'ai bien le droit moi aussi" dit-il en riant. Les gens l'aiment bien. Les jeunes journalistes qui sont là aussi. Je ressens la même impression que quand les gens saluent Jean-Luc Mélenchon en France, que quand les jeunes journalistes ont envie d'apprendre de Jean-Luc Mélenchon. C'est incroyable de voir, avec des personnes et des façons d'être différentes, la même chose se reproduire. Cayo insiste pour que Marisa et moi soyons le plus visible possible. Pour lui, c'est très important de montrer que des représentantes européennes soutiennent le mouvement. Willy Meyer, député européen et responsable international d'Izquierda Unida explique aux journalistes que nous sommes les représentantes du Bloc de Gauche et du Front11 de Gauche.

On nous annonce que 6000 policiers nous entourent. Un hélicoptère vrombit dans le ciel. Nous en bas on crie, on chante, et on se demande bien combien on est. Au loin, on aperçoit la place Cibeles. Elle est pleine à craquer ! Une camarade d'IU me confie qu'elle n'a jamais vu ça. "Pero es que estamos muy, muy, quemados" (mais c'est qu'on en a vraiment ras le bol") ajoute-t-elle, l'air sombre. "Hasta los ovarios del Fondo Monetario ! Hasta las tetas de las hipotecas!" (Ras les ovaires du Fonds Monétaires ! Ras les seins des hypothèques!) Ça crie. Ça chante. "Sanidad Publica" (Santé publique) crient les gens. "Arriba Arriba riba, que se metan por el culo, que se metan por el culo, la 10reforma laboral !" (Qu'ils se mettent dans le cul leur réforme du travail). "No hay pan pa' tanto chorizo" (il n'y a pas assez de pain pour tous ces chorizos=voleurs). On reprend toutes et tous en chœur.

On finit par arriver à Cibeles. La place est comble. On est pourtant loin du but de la manif : la place Neptuno. Plusieurs Marées se sont déjà rejointes à Cibeles. La "Marée Blanche" est là avec son personnel médical en blouse blanche qui crie pour le respect de la santé publique. La "Marée Verte" est là aussi, avec beaucoup d'enfant et des tee-shirs verts de partout. La "Marée Noire", la plus impressionnante, en tenue de mineurs, casques sur la tête, qui s'arrête de temps en temps pour s'asseoir en chantant "Santa Barbara", la chanson des mineurs, le poing levé. Tout le monde s'arrête et chante avec eux. L'instant est chaque fois solennel. Comme la chanson.

On n'avance plus. Toutes les marées déferlent. Cayo prend une dernière photo avec nous, fait une dernière interview. On ne peut plus bouger. Congelées, Marisa et moi partons nous réfugier dans un café pour envoyer des nouvelles. Je ne sais toujours pas combien nous étions à manifester. La dernière fois que j'étais à Madrid, le 14 novembre dernier, nous étions un million et je suis à peu près sûre que nous étions moins qu’aujourd’hui. J'attends des nouvelles de Juliette Estivill qui manifeste à Barcelone avec EUiA et le Front de Gauche Barcelone. Les militants du Front de Gauche Madrid sont en route pour nous rejoindre. Une chose est sûre : le peuple est mûr en Espagne. Je n'ai jamais vu autant de gens, dans pareil froid, dans les rues de Madrid. PSOE et PP ont tout cassé. Mais ils n'ont pas brisé la volonté populaire. Cette immense Marée citoyenne en est la preuve. »

De Xavier Mathieu au rejet de l'accord made in MEDEF

Le licenciement de Xavier Mathieu a été annulé, vous le savez sans doute. Jeudi 14 février, le tribunal administratif d’Amiens a annulé le licenciement de 22 anciens délégués syndicaux de l’usine Continental de Clairoix. Parmi les 22, Xavier Mathieu. Les 680 autres salariés attendent que la justice se prononce à la fin du mois. Espérons qu’elle aille dans le même sens. Une nouvelle d’autant plus savoureuse que si l’accord « made in MEDEF » s’appliquait, les salariés n’auraient pas pu mener cette action en justice ! Et cela alors même que l’accord MEDEF prévoit de généraliser la possibilité d’escroquerie et d’abus de confiance dont s’était rendue coupable Continental !

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Selon l’avocate, le tribunal d’Amiens a annulé les licenciements car le motif économique n’était pas suffisant. Il n’y avait donc pas de « cause réelle et sérieuse » aux licenciements. L’entreprise n’était pas suffisamment en difficulté pour pouvoir licencier. La loi française est mal faite. Les salariés ne peuvent contester le « motif économique » qu’après les licenciements. Et non pendant le plan social. C’est une faille 09juridique qui permet à de nombreux patrons de fermer des usines, licencier les salariés, sans motif valable. Et une fois la décision de justice rendue, il est trop tard. Pour les Conti, elle intervient près de quatre ans après la fermeture de l’usine. L’avocate de Xavier Mathieu va demander sa réintégration chez Continental, mais ce ne sera pas à Clairoix. Continental a depuis longtemps fermé l’usine et délocalisé la production.

C'est une victoire symbolique. A plus d’un titre. D’abord elle donne raison aux salariés. Elle les rétablit dans leur dignité. Ensuite, elle légitime la lutte des Conti. Souvenez-vous des images les présentant comme des délinquants. Souvenez-vous de David Pujadas interrogeant Xavier Mathieu pour savoir si « la fin justifie les moyens ». Aujourd’hui, ce que les salariés disaient est confirmé par la justice : celui qui a enfreint la loi, c’est Continental. Pas les salariés. Et pas Xavier Mathieu. Cette décision a deux conséquences politiques très concrètes. D’abord, puisque la justice a donné raison à Xavier Mathieu dans la défense de son emploi, il est temps qu’elle cesse les poursuites contre lui à propos de son refus de se soumettre à un prélèvement ADN. Et sans finasser, le PS doit voter notre proposition de loi d’amnistie pour l’ensemble des militants syndicaux et associatifs condamnés sous Sarkozy. Les parlementaires du Front de Gauche ont déposé une proposition de loi pour cette amnistie. Au Sénat, le texte a été rejeté en Commission. Cela s’est joué à une voix près. C’est un sénateur de la majorité gouvernementale qui n’a pas voté pour. C’est un signal extrêmement négatif, car nous ne sommes pas certain qu’il n’ait pas agit sur ordre. Mais rien n’est encore joué. La proposition de loi sera discutée en séance publique le 27 février prochain. Le scrutin sera public. Les sénateurs PS, Europe-Ecologie, radicaux de gauche et divers gauche doivent voter la proposition de loi du Front de Gauche. Ceux qui ne le feront pas auront choisi leur camp. Car l’amnistie des camarades qui se battent est la cotisation minimum au combat général de son camp.

L’autre conséquence est encore plus forte. Xavier Mathieu et ses camarades se battaient contre une fermeture sauvage de leur usine. Cette fermeture intervenait après que les salariés ont pourtant fait tous les « sacrifices » qu’exigeaient d’eux le MEDEF et les belles personnes. Ils avaient accepté de travailler deux heures et demie de plus par semaine, gratuitement. En échange, Continental s’était engagé à ne pas 08les licencier. Il n’a pas tenu parole. Il a fermé l’usine. Continental était un prototype du chantage à l’emploi que Nicolas Sarkozy a généralisé sous le nom des « accords compétitivité emploi ». Cette possibilité de chantage aurait du être supprimée sitôt Sarkozy battu. Il n’en est rien. C’est même pire sous Holllande.

L’accord « Made in MEDEF » du 11 janvier dernier aggrave encore les choses au détriment des salariés. Son article 18 propose de conforter cette machine à broyer les droits sociaux en la rebaptisant « accord de maintien dans l’emploi ». L’accord « Made in MEDEF » prévoit qu’un employeur pourra menacer de licencier ses salariés s’ils refusent de travailler plus. Il reprend ainsi la loi Sarkozy. Mais il va plus loin que ce Sarkozy avait osé. Si l’accord « Made in MEDEF » s’applique, un employeur pourra aussi exiger des baisses de salaires, sous la menace du licenciement. La hausse du temps de travail et la baisse des salaires pourront s’appliquer pendant deux ans. Et pourront se cumuler. Et si un salarié refuse, il sera licencié. Sans possibilité de contester son licenciement devant les prud’hommes.

Les soi-disant garanties apportées aux salariés n’en sont pas. Selon l’accord, l’employeur s’engage à ne pas réaliser de licenciement économique pendant la durée de l’accord. Deux ans au maximum. Bien sûr, pendant ce temps, il conserve le droit de licencier pour faute ou pour motif personnel, ainsi que de ne pas remplacer les départs à la retraite. Et de ne pas renouveler les CDD. De même que l’actionnaire conserve le droit de toucher des dividendes. Et qu’il conserve tout le pouvoir dans la gestion de l’entreprise. Mais surtout, au bout de deux ans, il pourra licencier tranquillement tous les salariés qu’il aura tondus pendant les deux années d’application de « l’accord de maintien dans l’emploi ». Voila ce que contient cet accord « Made in MEDEF ». Il institutionnalise et organise le chantage patronal contre les salariés. Voilà pourquoi Laurence Parisot tient tant à ce que l’accord soit respecté « à la lettre » par les 07parlementaires. Car pour s’appliquer, l’accord doit être transformé en loi. Il doit donc être voté au Parlement, par les députés et les sénateurs.

Le MEDEF veut faire la loi. Madame Parisot exige que les élus du peuple lui obéissent. Elle refuse le droit aux parlementaires de modifier le texte de l’accord. Le droit d’amendement des parlementaires est pourtant garanti par les articles 44 et 45 de la Constitution. Le MEDEF exige que le Parlement se saborde et soit réduit à une simple chambre d’enregistrement, ratifiant ce que le MEDEF a accepté, tout ce qu’il a accepté et seulement ce qu’il accepté. En somme, Laurence Parisot veut que le MEDEF écrive la loi. Mes camarades de la Télé de Gauche ont réalisé une petite vidéo récapitulant les saillies de la présidente du MEDEF contre la démocratie. Tous les perroquets de droite lui ont emboîté le pas, de Jean-François Copé à Jean-Pierre Raffarin en passant par José Manuel Barroso. Parisot est même allée jusqu’à menacer de dénigrer la France aux yeux des « investisseurs étrangers » si le parlement touchait à son accord « Made in MEDEF ». Antidémocrate et antipatriote, voila ce qu’est le MEDEF !

C’est une rude bataille qui s’engage. Le Parlement joue sa souveraineté contre le rôle de caisse enregistreuse que veut lui faire jouer le PS. Si le parlement adopte l’accord tel quel, François Hollande ne tirera prétexte pour passer dans la Constitution cette disposition mérovingienne qu’il veut faire passer selon laquelle le contrat est dorénavant supérieur a la loi. « A quoi bon rallonger les délais, dira-t-il, puisque de toute façon vous adoptez tels quels les textes d’accord ». Il doit donc rejeter les dispositions qui sont des reculs sociaux pour tous les citoyens. Il peut s’il le veut ajouter des dispositions favorables aux salariés, par exemple contre les licenciements boursiers. La lutte sociale et la lutte démocratique sont totalement liées dans cette affaire. Le débat au Parlement ne devrait pas commencer avant avril. D’ici là, le gouvernement travaille à un projet de loi. François Hollande, Jean-Marc Ayrault et Michel 06Sapin ont déjà annoncé qu’ils obéiraient à Parisot et présenteraient un texte « fidèle » à l’accord « Made in MEDEF ». Ce que confirme l’avant projet de loi rendu public ces derniers jours. Le projet de loi lui-même sera présenté en conseil des ministres le 6 mars. La lutte effective commence. Il faut la gagner.

La veille, mardi 5 mars, nous sommes appelés à nous mobiliser par nos syndicats. Quatre syndicats, CGT, FO, Solidaires, FSU, appellent à une journée nationale de lutte contre cet accord « Made in MEDEF ». Au total, ces syndicats ont obtenu plus de 50% des voix aux dernières élections aux prud’hommes. Je note une fois de plus que nombre de syndiqués CFDT ne sont pas d’accord avec l’accord. Il faut donc favoriser leur présence dans la lutte et ne pas s’abandonner aux clivages venus des sommets. Plus grande sera la qualité de l’accueil et la fraternisation, plus lourdement seront divisés les rangs sociaux libéraux avant le vote au parlement. Nous sommes assez forts pour ne pas avoir besoin de vengeance sur les lampistes. Les syndicats majoritaires s’opposent donc à l’accord « Made in MEDEF ». C’est une raison de plus pour que le Parlement remette le MEDEF à sa place. Pour cela, les travailleurs doivent se faire entendre le plus fort possible ce qui dépende à la fois de leur unité et de leur de la meilleure mobilisation qui en découle a chaque fois. Et chacun d’entre nous peut donner le coup de main de toutes les façons possibles.

Obama annonce l'annexion de l'Europe

Ceux qui ont aimé le gros lourd de Titan vont adorer la suite de l’histoire. Ce genre de débiles sera bientôt chez lui en Europe. En effet, Barack Obama a évoqué publiquement dans son discours sur l’état de l’Union, mardi 12 février dernier, l’ouverture des négociations sur le Grand Marché Transatlantique. Un des secrets pourtant publics les mieux protégés par la presse libre indépendante et éthique est dorénavant sur la place publique. Peut-être d’aucuns renonceront-ils à me traiter de paranoïaque quand j’évoquerai le sujet désormais. Car j’ai déjà beaucoup parlé du Grand Marché Transatlantique, à de nombreuses reprises, sur ce blog. Mes lecteurs attentifs savent combien nous avons été peu nombreux à nous y intéresser. Pour résumer, il s’agit d’un projet de grand marché intégré et libéralisé entre l’Europe et les Etats-Unis d’Amérique. On devine qu’il n’a pas été imaginé pour le bienfait des êtres humains mais, comme d’habitude, bla bla bla les marchés libres et non faussés. En résumé fidèle : une nouvelle vague inédite de régressions sociales.

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05En fait si Obama en parle c’est parce que les travaux préparatifs menés en grande discrétion sont dorénavant assez avancés. Et comme la date buttoir du projet est fixée à 2015, les grands manœuvriers passent a une phase publique. Né il y a une dizaine d'années, le projet a déjà été à l'ordre du jour de plusieurs sommets de chefs d'Etat et de réunions ministérielles au niveau européen. Le Parlement européen l'a soutenu lors de cinq votes successifs depuis 2004, grâce à l'approbation des députés du PPE (droite) et du PSE (sociaux-démocrates). Sans jamais vouloir le dire ni en parler, Barroso et Ashton ont fait de la réalisation de ce projet leur objectif. Lors de l'investiture de Barroso pour un nouveau mandat à la tête de la Commission européenne, je l'avais interrogé à ce sujet en session plénière du Parlement européen. Il avait fait mine de ne pas comprendre où était le problème. J'avais fait de même auprès de Catherine Ashton quand elle a été désignée comme Haute représentante de l'UE pour les affaires04 étrangères. En guise de réponse : un silence gêné.

Il y a eu du nouveau à ce sujet. Non seulement Obama a annoncé le démarrage des négociations concrètes avec l’Union Européenne sur le « Grand Marché Transatlantique », mais le « groupe de travail de haut niveau sur l'emploi et la croissance » a rendu son avis. Il préconise aussi un lancement des négociations. Aussitôt apparait une déclaration conjointe d’Obama, Barroso et Van Rompuy. Dans cette déclaration, ils « se félicitent des recommandations du groupe de travail de haut niveau sur la manière d’augmenter [les] échanges et le partenariat d’investissements transatlantiques », affirment que « grâce à cette négociation, les Etats-Unis et l’Union Européenne auront non seulement l’occasion d’étendre le commerce et l’investissement (…) mais aussi de contribuer au développement de règles globales de nature à renforcer le système d’échange multilatéral », notamment en libéralisant et en abolissant les barrières douanières.

On comprend donc pourquoi Obama parle d’un « commerce transatlantique libre et équitable [qui] soutient des millions d’emplois américains bien rémunérés ». Côté américain, la base des négociations dont il est question est la suivante : ils exigent la levée des restrictions européennes sur l’importation d’OGM, de volaille traitée avec du chlore et de bétail nourri aux hormones de croissance, la dérèglementation en matière de protection des données personnelles pour faire plaisir aux entreprises philanthropiques Google, Facebook et Amazon,03 l’assouplissement des normes environnementales et sanitaires. Autrement dit, l’extension de la jungle ultra-capitaliste aux deux côtés de l’Atlantique.

En Europe, Cameron et Merkel se réjouissent, estimant qu’un accord « serait une contribution significative pour plus de croissance et plus d’emploi des deux côtés de l’Atlantique ». Pendant ce temps, en France, on atteint des sommets d’inexistence et de pleutrerie sur la question. Hollande ne pipe mot, Moscovici enchaîne les phrases creuses et invite à considérer le Grand Marché Transatlantique avec « ouverture et prudence » (sur France Info le 13 février) et la ministre du commerce extérieur, Nicole Bricq, lance en catimini une « consultation publique », c'est-à-dire un formulaire sur un site Internet caché, pour « que tous les acteurs français concernés par (…) un accord 02de libre-échange entre l’Union européenne et les Etats-Unis puissent faire part de leur opinion ». Cette consultation prendra fin le 1er mars 2013, en avez-vous entendu parler ?

Autour d’un danger d’une telle importance pour la vie sociale de notre pays, on attendrait un grand débat démocratique et médiatique. Mais l’inconscience des sociaux-libéraux et le silence complice des médias durent depuis que ce projet est né. Pour les médias on comprend. Les agents d’influence nord-américains sont chez eux parmi les médiacrâtes. Les sociaux-libéraux de même, et depuis plus longtemps. Pour autant il ne faut pas se résigner. Nous avons, mes camarades et moi, milité publiquement contre le Grand Marché Transatlantique depuis le début. Nous avons alerté le Parti Socialiste en interpellant notamment les eurodéputés PS qui s’étaient prononcés pour le projet. Le Parti de Gauche a édité des brochures explicatives, le politologue Ricardo Cherenti et l'anthropologue Bruno Poncelet ont publié des livres sur le sujet. Tous ces documents ont été envoyés à toute la presse. En grand nombre, croyez-moi. Mais à de rares exceptions près, personne parmi les importants dans les rédactions n’en a jamais parlé.15 Dorénavant, le temps s’accélère avec la volonté des nord-américains de débuter les négociations : dans trois mois les Etats-Unis d’Amérique et l’Union européenne devront avoir présenté leurs lignes de négociation respectives pour pouvoir conclure cet accord « dans les deux ans ». Cet accord, qui mettra en péril les économies et continuera de détruire les systèmes de protection sociale et environnementale de nos pays, est porteur de menaces très concrètes pour les citoyens en matière de culture, d’alimentation, de santé, de travail. A bon entendeur salut. Faites passer dans vos réseaux. Voilà un front de lutte exemplaire pour nous opposer à la double logique atlantiste et libre-échangiste de cet accord qu’ils voudraient signer dans le dos des peuples.

En illustration de ce billet, un reportage de Stéphane Burlot sur la manifestation du 23 février à Madrid, la "Marée Citoyenne"…


20fév 13

La semaine du choc

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Manifestation des sidérurgistes d'ArcelorMittal à Strasbourg le 6 février 2013. Photos : Remy BlangDe retour. Voilà une quinzaine bien remplie entre un meeting à Rome, une session à Strasbourg, le salon de l’économie de la mer et une semaine au Maghreb avec trois conférences sur l’Eco-socialisme. Mon parcours m’aura scotché deux images en tête ces jours-ci, celle de Besma, la veuve de Chokri Belaïd, en début de parcours, à Tunis, et, en fin de parcours, le spectacle de ma ville natale, Tanger, explosée en une immense métropole de plus d’un million d’habitants, moderne, neuve et contemporaine comme un plat cuisiné congelé. J’étais prévenu. Héraclite disait qu’on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. J’ajoute, pour m’aider, que le fleuve ne baigne pas deux fois le même homme. De la sorte j’ai contenu la nostalgie dans la petite cage où elle siffle sa chanson sans assourdir le présent. Je reviens du Maghreb surtout conscient de l’ampleur de la tâche qu’il faudra encore accomplir au service de notre message. Rien d’exotique là-dedans. De l’Euro-Maghreb de fait, à celui qu’il faut construire, il y a aujourd’hui l’apparence d’un si long chemin ! Je vous en parle.

Mais je n’ai pas lâché prise de l’actualité. Je l’ai suivie au fil des événements et de mon déplacement. Pendant cette semaine, le gouvernement PS-EELV a fait commencer au pays sa descente aux enfers de l’austérité sans fin. Il n’atteindra aucun de ses objectifs budgétaires. Comme prévu par nous. Le pays qui a déjà commencé à souffrir si rudement va maintenant s’enfoncer dans le malheur d’un chômage de masse sans précédent. Une violence incroyable se déploie contre les personnes, celle de la situation sociale et celle des conditions du maintien de l’ordre établi. Deux immolés devant Pôle Emploi et un jeune sidérurgiste de vingt-cinq ans qui se fait arracher un œil dans une manifestation, en sont des signaux révélateurs ! Que n’aurait-on dit si cela s’était produit sous Sarkozy ! Le dire me vaudra les foudres des gardes chiourmes de la pensée officielle. Mais quelle importance ? Ce monde de pacotille et de connivences va s’effondrer.

Cette quinzaine se joue, pour notre Front de Gauche, dans le vote de la loi d’amnistie sociale qu’il faut arracher au PS après que François Hollande nous l’ait refusée. Il s’agit de l’amnistie des syndicalistes et des associatifs condamnés sous l’ère Sarkozy. Plus qu’un symbole, un rapport de force. Ceux qui ne voteront pas avec nous seront notés. Le Parti de Gauche pense à une consigne spéciale pour eux dans les prochaines élections. Faites-le leur savoir, ils ne comprennent que ça.

Le budget et la stratégie Hollande sont scratchés !

La stratégie économique de François Hollande est dans le mur. Le fait mettra son temps à se montrer dans toute son ampleur mais il est, hélas, avéré. La nouvelle équipe nous a englués dans les sables mouvants de l’austérité sans fin vers laquelle se dirigeait déjà le précédent gouvernement. Plus elle se débattra plus elle s’enfoncera. En plus de la récession et d’un chômage sans précédent il va falloir subir l’outrageante inquisition de la Commission européenne et des ordres en allemand de la nuée de dogmatiques au pouvoir outre-Rhin. Voilà le cadre d’action des prochains mois et le sens des prochaines rencontres au suffrage universel. Et ce n’est pas le numéro de boniments hypocrites servi aux Grecs cette semaine par François Hollande qui changera cette triste réalité. D’ailleurs eux-mêmes répondent aux problèmes posés par une nouvelle grève générale. Plus vite on remplace le gouvernement de Jean-Marc Ayrault par une gauche de combat, plus courte sera la souffrance. Nous, nous sommes prêts.

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La stratégie Hollande, avec la mise en place du gouvernement Ayrault, a misé sur la paix des braves avec la Finance moyennant de gros câlins au patronat et une indifférence paternaliste très ostentatoire envers les souffrances du populaire. Ici le symbole binaire de la meute des ministres aux universités du MEDEF, d’un côté, et du freinage pendant neuf mois de la loi d’amnistie sociale a bien fonctionné. Au plan économique c’est l’installation d’une bonne et grosse politique de l’offre, avec un chèque de vingt milliards aux grandes entreprises. Au plan budgétaire toute leur pensée s’est limitée à un plan comptable désincarné de coupes aveugles. Il achève de désorganiser l’Etat et d’anéantir sa capacité d’intervention économique. Il enfantera une grosse bévue cruelle, on ne sait où, sur rail, hôpital, maternité, école ou autre. Tout cela était condamné d’avance. Nous l’avons dit sur tous les tons, démontré de toutes les façons. Ils nous ont méprisés et accablés de leur petites manœuvres à deux sous. Leur unique réponse a été la tentative de diviser le Front de Gauche et de me flétrir. Le congrès du PCF a fini de mettre à terre toute cette manœuvre. J’ai tenu bon et le Parti de Gauche a résisté aux opérations de déstabilisation. De ce long round, nous sortons plus forts et mieux unis comme l’a montré le texte d’orientation du Front de Gauche. Nous entrons à présent dans une phase de combats de terrain. Le pays va descendre en enfer. La ligne de résistance sera partout une ligne de survie. Ce mouvement prendra des formes multiples, parfois inédites et contradictoires. En lui éclairant les enjeux et les pistes d’action, en déclenchant les initiatives, nous raccourcirons les délais vers la libération et surtout nous aiderons le mouvement à se fortifier. Cela nous impose une vigilance absolue sur les événements. On capte d’autant mieux une vague qu’on la voit naître à temps.  

Manifestation des sidérurgistes d'ArcelorMittal, le 6 février 2013. Photos : Rémy Blang

On se souvient du discours historique de François Hollande devant le parlement européen. Non ? Ce n’est pas grave. Il n’a rien dit de particulier. Une enfilade de mots creux. Et, bien sûr, ses bobards habituels sur la grande relance de la croissance en Europe grâce à son plan. La quinzaine a sonné le glas de sa stratégie économique. Bien des persifleurs avaient demandé à Hollande devant le parlement européen où était ce plan dans le prochain budget de l’Europe. Et moi ici, j’avais montré que sur les cent vingt milliards que notre général en chef avait prétendu avoir réussi à faire attribuer au dit plan de croissance, soixante avaient été déplacés de lignes budgétaires déjà existantes. Cela voulait dire que son fameux plan n’était en réalité que de moitié. Puis je m’étais bien moqué de lui en faisant un calcul qu’aucun des fact-checkers qui me pistent n’avait pensé à faire : soixante milliards de plan de croissance moins la réduction du budget européen de soixante-quinze milliards que le même sieur Hollande a proposé, égal : un plan de croissance de moins quinze milliards. Evidemment ça faisait rire. Mais comme entre temps le général en chef a accepté une capitulation souriante avec un budget européen en recul de trois pour cent, c’est l’heure de pleurer. Car, récapitulons : ces merveilleux stratèges ont fait entrer chaque pays d’Europe en décroissance. Et ils ont aussi éteint le moteur collectif qu’est le budget de l’Union Européenne. Le pire est donc à venir. Il est là. Le 14 février, Eurostat a publié les chiffres de la croissance en 2012. La zone euro est en récession depuis mars 2012 : 3 trimestres consécutifs, avec un recul supplémentaire de 0,6% de la richesse produite au dernier trimestre 2012. Même le PIB allemand a reculé au dernier trimestre 2012 de plus d’un demi-point. Et les soi-disant bons élèves de la classe austéritaire s'enfoncent dans la crise. L’Italie baisse de 3,7 point de croissance en 2012 ce qui fait 10% de perdu depuis 2009 ! Et le Portugal baisse de 3,2% en 2012. On se souvient comment furent moqués les projets de décroissance contrôlée et différenciée, celles des « objecteurs de croissance ». Eux, les libéraux, pratiquent la décroissance sauvage. Celle qui combine les reculs de la production globale, le chômage de masse avec l’accroissement de la pollution globale, la mal bouffe et le creusement de la dette écologique.

Manifestation des sidérurgistes d'ArcelorMittal à Strasbourg le 6 février 2013. Photos : Rémy Blang

Mais pendant ce temps François Hollande continue de débiter ses petites phrases sans aucun rapport avec ses actes. Mais il ne reste plus que « Libération », le grand quotidien anti Front de Gauche, pour applaudir en cadence sous le titre « François Hollande refuse l’Europe de l’austérité ». Lisez plutôt le monument d’hypocrisie auquel se réfèrent ces applaudissements : « En Grèce les sacrifices demandés à la population ont été plus douloureux qu'ailleurs. L'assainissement des finances publiques est nécessaire mais ne peut suffire. C'est pourquoi des mesures de soutien à la croissance sont indispensables (…) Je refuse une Europe qui condamnerait les pays à une austérité sans fin. Chaque Etat doit contribuer à la compétitivité et à la croissance, par la gestion rigoureuse de ses comptes publics et par des réformes. Chaque Etat doit également savoir qu'une solidarité existe ». Hollande déclare ces sornettes en Grèce mardi 19 février. Le lendemain, les syndicats appellent à une journée de grève générale contre l'austérité. C’est que Hollande, ils connaissent. Il est déjà venu leur faire le coup des phrases à triple sens pour les inviter à ne pas voter pour Syriza, nos camarades, aux dernières élections législatives afin de « sauver l’euro ». Mais les numéros d’enfumage, qui marchent encore en France, buttent là-bas sur une réalité que les mots ne peuvent effacer. La Grèce a connu une sixième année de récession avec une perte de six points de croissance en 2012. Ainsi depuis 2009, 30% de la richesse du pays sont restés dans les bras et les cerveaux inemployés du pays. Le chômage atteint désormais 27%.

En France, on se demande quelles phrases creuses vont emballer le crash du budget Cahuzac désormais officiellement encastré dans le mur de l'austérité. Récapitulons pour ceux qui n’ont pas suivi. Le 14 février, l'INSEE a annoncé que la croissance ne dépasserait pas 0,1% au 1er semestre 2013. L’objectif déjà corrigé de ces messieurs les génies de l’économie au PS était de 0,8% sur l'année. Ici et en public nous avons dit sur tous les tons qu’il n’en serait rien. En effet nous savons bien qu’étant de gauche nous sommes nuls en économie et eux ne l’étant pas en économie sont donc des génies. Nous demandions : « Vous prévoyez 0,8% de croissance en 2013 ? Et vous comptez là-dessus pour revenir à trois pour cent de déficit en fin d’année ? Mais comment est-ce possible si en même temps vous retirez soixante milliards sur l’économie du pays avec vos plans d’austérité et votre mesure « des cadeaux pour les patrons » dite plan de compétitivité. Vous allez amorcer un cycle vicieux ou l’activité se contractant les recettes seront moindres et donc le déficit s’accroîtra. » Rire des importants et de leurs griots médiatiques. Patatras, les choses se passent comme nous l’avions dit.

Manifestation des sidérurgistes d'ArcelorMittal à Strasbourg le 6 février 2013Jean-Marc Ayrault lui-même a dû reconnaître que ces prévisions étaient irréalistes sur France 3. « Nous ne serons pas exactement, je pense, aux 3% de déficit en 2013 », a-t-il avoué. Et pourquoi ? « …pour une raison simple, c'est que la croissance en France, en Europe et dans le monde est plus faible que prévue ». Quel aigle ! Mais personne n’a pensé à lui demander si cette situation a un rapport avec le fait que sa politique y a directement et violemment contribué. Puis le gouvernement gagna du temps de commentaires en déclarant « attendre les prévisions de croissance que la Commission européenne pour changer ses prévisions ». Et donner un nouveau tour de vis austéritaire conformément à la logique de cette politique malade de dogmatisme. D’ailleurs les allemands n’ont pas traîné à faire connaitre leur puissante volonté. Jorg Asmussen, le représentant allemand au directoire de la BCE a déjà dit que selon lui « il très important que la France contienne cette année son déficit sous les 3% » car « la France et l'Allemagne ont, en tant que noyau de la zone euro, une responsabilité particulière dans la stabilité de la monnaie comme dans l'application du pacte (européen) de croissance et de stabilité ». Exécution ! Schnell ! Et que ça saute ! Pourtant, selon l’inventeur de cette norme des 3%, le haut fonctionnaire Guy Abeille, « les 3 % ont été inventés sur un coin de table, et ne reposaient sur aucune théorie économique ». Mais la conséquence va être terrible.

Pour l'instant, le gouvernement est muet sur les conséquences de la faible croissance sur le chômage. C’est pourtant là que ça se joue ! Pourtant l'objectif "d'inverser la courbe" fin 2013 semblait déjà inatteignable avec une croissance de 0,8%. En fait le chiffre annoncé de 0,8 % était une manœuvre pour duper les fact-checkers. C’est le chiffre à partir duquel le chômage reste stable dans notre pays. Hollande ne pouvait annoncer moins, et donc plus près de la vérité sans se faire prendre. Mais cela ne faisait guère illusion. L'UNEDIC tablait déjà, de son côté, sur deux cent mille chômeurs de plus. Jacques généreux me conseilla d’annoncer la fourchette basse de l’évaluation de notre commission économique : 300 000 chômeurs supplémentaires. Jacques Sapir en annonçait 500 000. Ce chiffre n’a plus rien d’exagéré si j’en crois ce qu’on me dit. Les amis, il va falloir être forts.

L'éco-socialisme en tournée maghrébine

Comme il existe dorénavant une importante masse de documents, écrits et vidéos, sur la tournée de conférences que je viens de faire au Maghreb, je n’évoque ici que le projet général qui était en jeu. Puis je reviens cependant sur une polémique qui m’a opposé au PS pendant que j’étais sur place, à propos d’une visite que ses dirigeants venus en mission parlementaire ont rendue au chef du parti islamiste tunisien. Je le fais parce que je crois que tout ce qui se passe en Tunisie impacte notre propre expérience politique.

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Mon calendrier de déplacements est dorénavant fixé des mois auparavant. Mon voyage au Maghreb a donc été préparé longuement au plan politique par notre équipe du secteur international. Au plan matériel on l'organisa plus récemment mais tout tint bon pour l’essentiel car se déplacer entre trois pays, faire trois conférences, mener trois plans médias, et réaliser deux plans de rencontres avec les partis politiques et la société civile ne peut fonctionner comme une horloge Comtoise. Mais ce fut presque parfait. Nos équipes se sont relayées d’un pays à l’autre, tandis que Alain Billon et moi nous faisions équipe tout du long. Au Maroc, en prévision des échanges à avoir et de la sensibilité connue de nos interlocuteurs pour les questions que nous soulevons, Corinne Morel-Darleux vint prêter main forte en tant qu’organisatrice du forum sur l’éco-socialisme. Les postes diplomatiques ont donné une aide technique professionnelle impeccable, nos hôtes dans les trois pays maîtrisaient parfaitement leur affaire. Sept cent personnes à Tunis, quatre cent à Alger, près de mille à Rabat, ce sont des affluences remarquables. La cause en est bien sûr dans le renouveau de la politisation des trois peuples compte tenu des circonstances révolutionnaires de la région. Je n’ai pas l’intention de faire ici le récit vécu que j’aurai rédigé si j’en avais eu la moindre possibilité en temps. Mes complices Laurent Maffeïs et Corinne Morel-Darleux l’ont fait pour moi et ce blog a bénéficié de leur récit. Je veux plutôt redéfinir le projet qui me portait sur place.

Formellement il s’agissait de présenter en conférence, et non en meeting, les thèses pour l’éco-socialisme afin de mettre en débat dans notre gauche l’horizon d’une référence commune. Mais dans le contexte, la visée était nécessairement plus ample. Je la résume. Il s’agit de faire naître une communauté politique. Le chemin est long. Mais il faut commencer. Il me faut préciser que je ne parle pas ici de toute la Méditerranée. Je n’envisage que celle qui était dans un passé récent rassemblée par la coopération dite cinq plus cinq. Côté européen : la Grèce, l’Italie, la France, l’Espagne, le Portugal. Côté Maghreb : la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye. Ces deux rives de la Méditerranée forment une entité avec une forte intrication, sur le plan humain, économique, et écologique. Mais sur le plan politique il en va tout autrement. C’est le déni. Sur les deux rives, des partis d’extrême-droite travaillent sans relâche à opposer au prétexte de la religion les deux mondes pour les rendre étanches et répulsifs aux populations. Sur les deux rives les libéraux travaillent à construire des espaces dérégulés opposant pour finir les salariés les uns aux autres. Sur les deux rives, les stratégies de « vote utile » et de « Front Républicain » des grandes formations asphyxient l’espace politique et expulsent les revendications populaires du centre de la scène. Ajoutons que l’Union Européenne, sous contrôle allemand, fait ce qu’il faut pour diluer cette problématique dans une fumeuse et inconsistante politique de « toute la Méditerranée », celle où patrouille la sixième flotte nord-américaine, en somme. Pour nous, l’objectif est de construire une conscience politique de cette existence commune imbriquée. L’idée est de le faire à partir de tâches conjointes incontournables. Ici il s’agit de la gestion commune de l’espace écologique sensible commun : la Mer Méditerranée et de la façade atlantique des pays de la zone. Nous retrouvons donc l’autre grand dossier que nous proposons d’approprier dans le plan de progrès de notre pays, la maîtrise de l’expansion dans les mers et les océans. C’est le premier aspect de la scène à mettre en place. Le second aspect c’est notre propre proposition, celle de notre gauche. C’est ce que veut commencer la proposition Eco-socialiste. Articuler les deux niveaux de construction n’est pas si difficile que cela. En tous cas, là encore nous sommes en mouvement. Selon moi, l’espace de déclenchement de la révolution citoyenne dans notre partie du monde est en Méditerranée. C’est d’ailleurs dans l’arc du sud de l’Europe que les situations sont les plus mûres. Portugal, Espagne, France, Italie et Grèce sont en ébullition déjà, dans la phase de désagrégation de la société sous les coups du libéralisme. C’est aussi là que se reconstitue le plus fortement notre courant politique. En face, au Maghreb, la Tunisie et le Maroc nous ont donné des interlocuteurs dans notre mouvance unitaire et autonome à l’égard des sociaux libéraux. Peut-être en sera-t-il de même bientôt en Algérie ? Ce serait une formidable avancée qui nous permettrait du coup d’être présents tout autour de l’axe central de notre mer commune.   

Ma tournée a été percutée en Tunisie par deux événements. Le premier est la déclaration de Valls contre « les fascistes islamiques » qui a mis à cran les violents et quelques éléments éparpillés filmés en gros plan par ceux qui aimeraient tellement que la révolution tunisienne soit islamiste et sauvage. Puis ce fut le gros faux pas d’une visite officielle de chefs du PS à l’Assemblée nationale française au chef du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, au siège du parti de celui-ci. J'ai dénoncé cette rencontre. Le PS m'a alors accusé de lui faire un mauvais procès : il n’aurait fait que rencontrer toutes les forces parlementaires dans un but d'information. Je veux vous faire connaître mes arguments. Ils tiennent tant à la nature de cette rencontre, qu'au contexte tunisien et à la personnalité de Rached Ghannouchi. Je propose une explication pour un acte aussi incroyable venant de personnalités socialistes dont je ne discute certes pas l’attachement aux principes républicains.

Voyons leur rencontre elle-même. S'il s'agissait bien d'accomplir une simple mission d'information en rencontrant toutes les forces parlementaires, pourquoi la délégation conduite par le PS a-t-elle choisi de rencontrer Rached Ghannouchi, alors qu'il n'est pas parlementaire ? Pourquoi n'a-t-elle pas préféré rencontrer le président du bloc parlementaire d’Ennahda au sein de l’Assemblée Constituante, Sahbi Atig ? Ou le premier ministre Jebali, secrétaire général d'Ennahda ? Ou un de ses ministres, qui sont nombreux dans les rangs d'Ennahda ? Et s'il s'agissait juste de s'informer de manière neutre pourquoi avoir offert officiellement un cadeau à Ghannouchi ? Et pourquoi avoir médiatisé une rencontre tenue dans le bureau de ce dernier, avec prise de photo officielle ? Aucune réponse claire n'a été donnée pour le moment à toutes ces questions. Le choix de rencontrer Ghannouchi dans ces conditions est, à mes yeux, doublement problématique compte tenu de ce qu'il représente personnellement et du positionnement politique très particulier qu'il occupe actuellement sur la scène tunisienne.

Manifestation des sidérurgistes d'ArcelorMittal à Strasbourg le 6 février 2013. Photos : Rémy Blang

Rached Ghannouchi a une histoire qui mérite d'être connue. Co-fondateur d'Ennahda sous l'influence des Frères musulmans, il a passé l'essentiel de sa vie en dehors de la Tunisie. En exil à Londres, mais aussi en Egypte, en Arabie saoudite, au Qatar, au Soudan, où il s'est lié étroitement avec le prédicateur Hassan Al Tourabi et le président Omar El Béchir, au point de disposer d'un passeport diplomatique soudanais. Et en Algérie où il a été conseiller politique du FIS et de son leader Abassi Madani à partir de 1990. VRP international du FIS, il avait organisé notamment les relations de ce mouvement avec l'Arabie Saoudite et le Quatar. Ghannouchi est donc une personnalité internationale de l'islamisme radical autant que tunisienne.

En Tunisie, il est réputé pour son aptitude au double langage. Par exemple dans son rapport à la violence politique. S'il ne prône jamais directement la violence, il se refuse toujours à la condamner quand elle vient de militants de son parti et des groupes salafistes qui gravitent autour de lui. Il se refuse par exemple toujours à condamner l'action des miliciens des "Ligues de protection de la révolution" qui attaquent depuis plusieurs mois des réunions politiques et des manifestations culturelles. Chaque fois il dénonce des provocations extérieures pour transformer les coupables de violences en victimes. Ainsi lors du lynchage mortel de Lotfi Naguedh, responsable régional du parti Nidaa Tounes, il a affirmé que la foule avait été provoquée. Ou lors de l'attaque du siège de l'UGTT le 4 décembre dernier (qui a fait 10 blessés dont des membres du bureau exécutif) en plein Tunis, il a aussi accusé le service d'ordre de l'UGTT de provocations et appelé à des perquisitions au siège de l'UGTT qu'il a accusé de détenir des armes. Pour mieux disculper une nouvelle fois les milices de "protection de la révolution" qu'il a alors présentée comme "les consciences de la révolution" en dénonçant ceux qui en réclament la dissolution, y compris dans son propre parti. Il a tenu la même ligne après l'assassinat de Chokri Belaïd, sa première réaction étant de dire qu’en fait c’était le parti Ennahda qui était victime de l'assassinat. Révoltant ! Ainsi pour beaucoup de démocrates tunisiens, Ghannouchi est ainsi la caution politique et médiatique permanente des violents.

Quant à ses positions de fond, elles sont aussi formulées dans la technique du double langage. Il s'affiche d'un côté en grand défenseur de la révolution tunisienne et prétend vouloir respecter l'acquis moderniste de la Tunisie et notamment le code du statut personnel qui garantit les droits des femmes. Mais il accepte lui-même d’intervenir dans des meetings d'Ennahda où les femmes sont séparées des hommes. Il prône un durcissement des poursuites contre le blasphème et les atteintes au sacré et défend les actions de ceux qui font la chasse aux "mécréants" en attaquant des réunions politiques de l'opposition. Visant les Tunisiens francophones, il qualifie le français de "pollution linguistique". Ces exemples montrent que son projet politique global n’est pas compatible avec une démocratie pluraliste et respectueuse de la liberté de conscience. Il l'a d'ailleurs confirmé dans des vidéos de rencontres privées avec des militants salafistes où il explique qu'il faut extirper les laïques de la Tunisie dans l'armée, la police, les médias et l'économie. Et il y prend l'exemple de l'échec des islamistes en Algérie en 1990-1991, qu'il connait bien puisqu'il était leur conseiller, pour inviter ses interlocuteurs à la vigilance face au camp laïque. Le jour même où je quittais la Tunisie, il déclarait à la télévision que « tous ceux qui s’opposent au gouvernement dirigé par Ennahda sont des ennemis de la révolution et des contre-révolutionnaires ». Il prétend ainsi opérer une captation de l’autorité révolutionnaire d’autant plus insupportable que ni lui, ni Ennahda, n'ont joué le moindre rôle dans la chute de Ben Ali en janvier 2011.

Venons-en maintenant au contexte dans lequel le personnage évolue en Tunisie. La ligne Ghannouchi est fortement discutée au sein même du mouvement Ennahda. Alors même que la délégation parlementaire conduite par le PS rencontrait son leader sulfureux, le numéro 2 de ce parti, Abdelfattah Mourou, fondateur lui aussi du mouvement, appelait au départ de Ghannouchi en des termes particulièrement virulents dans un entretien publié par Marianne : « Rached Ghannouchi doit quitter Ennahda ! il mène le parti et le pays au désastre ! » […] « Les salafistes m’ont agressé et Ennahda ne m’a pas défendu. Je dénonce le laxisme qui a permis toutes ces violences. Je dénonce ce qu’on est en train de faire de la mouvance islamiste. Elle est mon œuvre ! Ce que je demande, depuis le début, c’est l’islam dans son essence. L’islam sans développement civilisationnel et sans croissance, ce n’est pas l’islam. La culture de Rached Ghannouchi et de ses partisans est une monoculture. Or nous sommes multiculturels en Tunisie, nous sommes le produit de 25 civilisations. Quand un prédicateur saoudien est venu avec des petites filles voilées, je lui ai dit : ce que vous faites en Tunisie n’est pas acceptable pour les Tunisiens. Je lui ai dit cela à la télévision » Cette prise de Manifestation des sidérurgistes d'ArcelorMittal à Strasbourg le 6 février 2013position du numéro 2 d'Ennahda intervient alors que le premier ministre issu du même parti est lui-même entré dans un bras de fer avec Ghannouchi pour imposer un gouvernement de personnalités indépendantes qui remplaceraient notamment les ministres régaliens membres d'Ennahda. Refusant un tel gouvernement, Ghannouchi a appelé à une manifestation nationale samedi à Tunis pour affirmer la légitimité populaire d'Ennahda à diriger le pays. Un manifestation qui fut un échec puisque seulement 15 000 personnes se sont rassemblées à Tunis autour de Ghannouchi, entouré pour l'occasion de responsables salafistes et de députés de l'aile dure de son parti, dont un énergumène qui a réclamé à l'Assemblée l'interdiction de la vente d'alcool en Tunisie.

Selon moi donc dans ces conditions, une délégation parlementaire française avait tout intérêt à ne pas afficher ce qui est une légitimation de fait dans cette situation de crise. Elle devait se contenter de rencontrer des responsables ayant une fonction institutionnelle dans les institutions tunisiennes. Elle devait donc éviter de rencontrer Ghannouchi. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Parce que la veille Manuel Valls avait traité les islamistes de fascistes et souhaité la victoire de leurs adversaires aux prochaines élections. Problème : en Tunisie le parti frère du PS gouverne avec les islamistes d’Ennahda ! Ce que tout ce petit monde se garde bien de dire ici en France. La déclaration de Valls tombait en plein dans la période de crise gouvernementale. Elle revenait à dire que les parrains français lâchaient la coalition. D’où le grand numéro pour manifester le grand jeu du respect au chef d’Ennahda. On voit que ce n’est guère avouable. Comme d’habitude, le PS a joué le grand jeu de l’indignation. Rôle attribué comme chaque fois dans ce cas à quelqu’un qui est censé être de mon bord. Pour mieux montrer mon « isolement » et mes « outrances ». C’est en général le rôle principal des hamonistes sur la scène du débat de la gauche en dehors de la bataille contre les lasagnes au cheval. Ici c’est donc Pouria Amirshahi, député hamoniste des français de l’étranger dans cette zone, qui vint me jeter sa pierre. Rien que du banal. On attend juste qu’Amirshahi condamne la participation de ses camarades à un gouvernement avec les islamistes. Ça serait plus courageux, et surtout plus nécessaire.


15fév 13

Casablanca, Conférence HEM Rabat

Au Maroc, l’écosocialisme et la Méditerranée

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IMG_2042Récit du voyage de Jean-Luc Mélenchon au Maroc, par Corinne Morel-Darleux.

A

rrivée au Maroc accueillie par un croissant de lune mercredi soir, le sourire aux lèvres. Voyager, c'est à chaque fois décaler un peu le temps et l'esprit, prendre une grande inspiration, faire le pas de côté essentiel pour se décoller le nez. Confronter aussi ses présupposés à la réalité… Et au Maroc, tous les ingrédients sont réunis pour donner envie d'aller y voir de plus près.

Ici, sur les rives de la Méditerranée, flotte encore le parfum du printemps arabe et du mouvement marocain du 20 février. Ses répercussions politiques, comme en témoigneront les représentants de la société civile, syndicalistes, associatifs, représentants d'Attac et militants des droits de l'homme, politiques de gauche que nous allons rencontrer, n'ont pas fini de secouer la société marocaine. La parole des syndicalistes et associatifs se libère, l'autre gauche se rassemble et s'organise, des problématiques écologiques et sociales comme l'accès à l'eau et sa gestion publique grandissent. Ajoutez à cela qu'ici les deux tiers de la population a moins de 30 ans, que le pays est dirigé par un monarque et un gouvernement avec le parti islamiste PJD, et vous aurez une idée des raisons pour lesquelles nous faisons l'analyse que le Maroc est un des lieux où peut naître et grandir la révolution citoyenne. Le tout sur fond de mimosas, de palmiers et d'eucalyptus… Bref, bien décidée à ouvrir grands le regard, l'esprit et le cœur, à ne pas en perdre une miette.

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13fév 13

UGTT, mobilisations de la société civile, conférence à Tunis

En Tunisie, de la révolution citoyenne à l’écosocialisme (2/2)

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Communiqué du 15 février 2013

PS / Ennahda : l’inacceptable rencontre

J'apprends avec stupéfaction qu'une mission parlementaire française dirigée par le PS a rencontré hier officiellement Rached Ghannouchi à Tunis dans le bureau de ce dernier.

Je déplore le soutien ainsi apporté à un parti d'extrême droite religieuse dont le chef n'a aucune fonction officielle dans les institutions tunisiennes.

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banderole maison culture ibn rachiqSuite du récit du voyage de Jean-Luc Mélenchon en Tunisie, par Laurent Maffeïs.

Cette deuxième journée du lundi 11 février fut particulièrement dense par le nombre et la qualité des militants et personnalités rencontrés. Le tout dans une ambiance à la fois grave et chaleureuse, en raison des mobilisations incessantes qui voient se rejoindre tous les jours dans la rue et les réunions unitaires les militants des différents partis et associations. La matinée a été consacrée à des rencontres avec le mouvement social (UGTT) et la société civile tunisienne. Avant que Jean-Luc ne prononce une conférence sur l'éco-socialisme que l'affluence record et le contexte révolutionnaire ont transformé en meeting. Une journée militante terminée par un dîner avec des dirigeants de la quasi totalité des partis progressistes tunisiens.

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12fév 13

Hommage à Chokri Belaïd, échange avec le Front populaire

En Tunisie, de la révolution citoyenne à l’éco-socialisme (1/2)

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Récit par Laurent Maffeïs, de retour de Tunisie

A l'heure où ces lignes sont écrites, Jean-Luc Mélenchon s'est déjà exprimé au centre culturel dephoto 5 chokri meeting cravatte rouge l'Institut français d'Alger. Il est à présent au Maroc. C'est donc Laurent Maffeïs qui prend momentanément le relais de l'écriture sur ce blog. Il a participé en Tunisie à la première étape du voyage des conférences sur l'Ecosocialisme au Maghreb. Laurent a été relayé en Algérie par Mounia Benaili. Au Maroc se sera Corinne Morel-Darleux. L'ensemble du déplacement est coordonné et suivi par Alain Billon, le président de la Commission Maghreb-Machrek du Parti de Gauche. C'est lui qui a noué patiemment depuis le congrès du Mans du PG, ces relations approfondies avec de nombreux partis maghrébins qui rendent possible ce déplacement. Beaucoup de militants et de dirigeants de ces organisations ont d'ailleurs signé l'appel international à voter pour Jean-Luc Mélenchon lors de la campagne présidentielle. Beaucoup d'entre eux seront présents lors du Congrès du PG fin mars à Bordeaux. Ces relations ont pris une dimension historique nouvelle depuis que les peuples du sud de la méditerranée sont à leur tour entrés dans un cycle de révolution citoyenne. Selon nous il ne fait que commencer. Une nouvelle étape de ce travail internationaliste avait aussi été franchie avec la première conférence méditerranéenne de l'autre gauche, tenue à Palerme en octobre 2012, à laquelle le Parti de Gauche a activement participé. A présent c'est un échange sur le fond qui s'organise autour de la présentation des thèses sur l'éco-socialisme. Les lignes qui vont s'afficher pendant plusieurs jours seront donc des compte rendus de voyages. Une autre façon d'informer et de partager.

Revue de presse…

Vous trouverez dans ce document une rapide revue de presse du déplacement de Jean-Luc Mélenchon en Tunisie

Merci notamment à Arroi Baraket, journaliste pour la chaîne Elhiwar Ettounsi, pour ses photographies.

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