09jan 13
Seul ? Je suis plus nombreux que jamais !
Cahuzac à #motscroisés, le zapping du naufrage
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Wah, quel numéro de « Mots Croisés ». Je crois qu’il fera date. J’ai aimé ce débat et je crois qu’il est fondateur d’une nouvelle époque à gauche. Enfin un dirigeant socialiste qui accepte le débat avec moi. Enfin un dirigeant socialiste qui ne biaise pas, assume son social libéralisme et ne commence pas par batailler sur le mot lui-même. Cahuzac assume. C’est sa principale force d’argumentation. Le débat fut passionné et je crois aussi qu’il était passionnant. Il fut entouré d’une magnifique bataille rangée de nos soutiens politiques. Sur twitter, facebook et dans les médias, chacun s’est mis en formation de combat. Tous voulaient participer et participèrent de cette façon. L’émission a battu son record historique d’audience et de part de marché. Et la conjonction des deux records est aussi une première. L’émission a explosé son record de tweets ! La furia était telle que des journalistes se sont lâché comme des groupies, contre moi bien sûr, en inondant l’émission de tweets qui furent passés à l’antenne, certes signés, mais sans mention du titre de l’expéditeur. Ainsi s’affichèrent à l’écran les messages de Lilian Alemagna, en charge de la gauche pour « Libération », Bruno Jeudy, rédacteur en chef du « Journal du Dimanche » et Bruno Dely, directeur adjoint de la rédaction du « Nouvel Observateur ». Tous signés mais sans mention de la fonction de journaliste ni du titre de presse où il officie. Ce n’est pas parce qu’ils m’étaient hostiles que je vais les montrer du doigt. Je trouve cette situation exemplaire. Je salue leur engagement politique de citoyen. Et j’en attribue tout le mérite à Cahuzac. Je ne plaisante pas. Je crois que quand la gauche sociale libérale s’assume, elle aussi trouve une capacité de mobilisation des siens.
Je fais ce billet « à chaud » en quelque sorte. C’est la raison pour laquelle il est bien moins long que d’habitude. Aussi parce qu’il faut que je dorme un peu, non ? Je réagis à l’émission. Puis mon post sera complété au fil des jours par des chapitres supplémentaires sur les questions dans l’actualité. Ce post sera donc « évolutif ». Je commence par le fond de ce qui s’est donné à voir dans le débat et je poursuis, pour m’amuser, avec les erreurs et bobards de Jérome Cahuzac. Ils sont de bonne guerre de sa part. Mais ils ont l’avantage de rendre plus visible et ridicule les numéros d’adulation de commande sur « sa compétence », sa « précision technique » et ainsi de suite. Je savais que j’affrontais non seulement Jérôme Cahuzac mais son équipe de gestion de crise d’Euro-RSCG, dont le PDG Stéphane Fouks se vante d’être le conseiller direct du ministre. Son attaché de presse n’avait-elle pas été celle de madame Bettencourt pendant la crise qu’affronta la pauvre vieille dame. C’est eux qui inventèrent ce slogan « vous êtes un homme seul ». Certes cela aurait peut-être fonctionné, s’il avait été explicité auparavant. Mais il tomba comme un cheveu sur la soupe quand Cahuzac se souvint qu’il devait le placer et le balança tout soudain en fin de parcours. Il ralluma de cette façon la fierté militante des nôtres et déclencha un torrent de tweets avec les photos des meetings de masse de la campagne du Front de Gauche. Seul ! Depuis l’émission je suis plus nombreux que jamais à gauche.
Amis lecteurs, j’y reviendrai, mais je m’en voudrais si je ne vous alertais pas tout de suite. Dimanche la droite et les réactionnaires de tous bords vont faire la plus grosse manifestation de droite de l’histoire, nous dit-on ! Préparez vos chaussures de marche. De notre côté, le 27 janvier avec la manifestation pour le mariage pour tous, c’est à dire pour l’égalité des droits civiques, nous allons remuer les entrailles de la terre. La bataille pour l’égalité des droits sociaux et civiques à la même racine. Elle est une et indivisible.
31déc 12
Mes anti-vœux
Je ne ferai pas de petit film. Je ne vais pas me la jouer. Je reste chez moi, parmi les miens comme tout le monde. Je pense à vous, mais pas comme vous croyez. Et je n’attends pas vingt heures dix pour me dépêcher d’oublier qui est censé s’occuper de tout. Voici mes anti-vœux pour tous ! Je vous souhaite la fin d’un monde. Le monde de l’argent roi, le monde des cupides qui pourrissent le ciel, la terre et la mer ! Le monde des lâches et des malins vautrés dans les connivences et les arrangements. Les mauvais jours finiront ! Vienne le temps de cerises et des jours heureux. Un matin se lèvera, couleur de rêves. Peut-être bien le jour même où tant de grands cœurs auront davantage confiance en eux-mêmes que dans les marionnettes à gros fils avec lesquels les puissants détournent leur attention.
J’ai pensé à vous. On connaît mes sentiments à l’égard de la corvée de vœux. C’est peu dire que ce soit un pesant abattage pour qui se trouve dans la vie publique. J’ai déjà raconté ces montagnes de cartes à trier, j’en ai reçu huit mille une année, parmi lesquelles de rares et émouvantes cartounettes écrites à la main par des cœurs bienveillants, noyées dans ces fleuves de trouvailles plus ou moins grotesques et rétribuées à grand coûts auprès des agences de communication. Mais cette année, il y a du neuf pour moi.
Maintenant il pleut aussi des mails et des sms envoyés à la chaîne par des machines sans âme. L’expéditeur sait-il seulement que je suis dans sa liste de diffusion ? Non. Je n’ai pas de doute à ce sujet. D’ailleurs plus des deux tiers sont des hypocrites et ne pensent pas un mot de ce qu’ils me souhaitent, j’en suis certain. Sans compter tous ceux qui achèvent de m’assassiner en se préoccupant de ma santé. Quoi qu’est-ce qu’elle a ma santé ? J’ai encore perdu un jeune camarade il y a quelque jours et aussi un proche familier, donc je suis bien au courant du sujet, de la loterie qu’est la mort. La mort fait du chiffre, un point c’est tout. Et nous, pauvre blé en herbe de tous âges, nous sommes immortels jusqu’à ce qu’elle vienne montrer sa face glacée au carreau. Deviendrais-je misanthrope chaque nouvel an ? Je me répète d’une année sur l’autre. Mais l’industrie des vœux aussi. J’ai voulu lutter contre cette terrible mise à distance qui me gagne quand je n’en peux plus de m’impliquer dans toutes les souffrances. Je me suis demandé de quel côté des vœux seraient autre chose qu’une comédie, un rite contraint. Je veux dire où les utiliser comme un prétexte pour prononcer les mots comme on n’ose pas le faire le reste du temps à des gens en particulier parce qu’on éprouve de la gratitude à leur égard, ou bien une très ardente communion d’esprit. Tout le monde connaît ce sentiment je crois bien. Je voudrais bien dire merci encore à ce jeune guide qui m’a fait visiter les ruines romaines de Saint-Rémy-de-Provence juste pour le son de sa voix accordé en basse aux stridences des cigales, son application à raconter avec justesse, sa volonté de bien faire après déjà quelques heures à se répéter d’un groupe à l’autre. Je suis rentré en moi-même et je me demandais à qui je voudrais dire des mots de cette sorte ? Des mots qui en les exprimant vous emplissent à nouveau d’une situation ou d’un sentiment qui rendent plus fort quand ils vous ont traversé. Ah ! Ça y est, je vous vois mes camarades. Je vous vois, chère Angélique la voix posée devant Sodimédical, votre fillette vous tenant la main, Yvon à Pétroplus qui semble porter la raffinerie sur son dos, Rachid devant les machines à protéger, Xavier Mathieu que les puissants du jour comme ceux de la veille ont laissé sur sa croix, Yves, Nathalie, Lionel, Gérard, Aurélie, Murielle. Je vous vois à mesure que je vous écris. C’est la lutte qui nous a fait nous rencontrer. J’aurais été plus pauvre sans cela, c’est sûr. Après chaque rencontre on discutait entre nous. Comment réglerions-nous le problème si nous étions au pouvoir ? Vous voyez le genre de question qu’on se posait ? Et on y répondait. Dans le wagon, dans la voiture, en cassant la croûte après les réunions c’est comme si le mur de la fatalité reculait. Et nous on devenait d’autres personnes. Le pays était à nous le temps de cette discussion, la vie se réglait, nous n’étions plus en exil ni sous occupation comme tant le ressentent. J’ai aimé ces moments qui sont le véritable sens de la radicalité concrète. C’est une chose d’avoir écrit des kilomètres de textes contre la mondialisation libérale, l’Europe de Merkel et ainsi de suite, et c’est une autre d’avoir vu les visages de la ligne de front mille fois décrite. Oui, voici devant moi vos visages mangés de l’angoisse d’une lutte que les autres croient seulement syndicale alors que c’est la lutte pour le droit de se regarder dans la glace et dans les yeux de ses mômes. J’ai demandé à Laurence Sauvage vos numéros de téléphone et un par un j’ai fait un message. Sous prétexte de vœux je vous ai dit ma gratitude. Depuis combien d’années n’avais-je pas fait de vœux dans ces conditions. Comme je ne peux m’en empêcher, quoi qu’on se moque de cela dans mon foyer, je théorise aussi ce que cet instant m’inspire. Je pense que la sincérité ne s’adresse pas seulement à ses interlocuteurs. Je crois qu’elle nous change nous même quand elle s’exprime. Ça me fait un sujet de gratitude supplémentaire à l’égard de mes destinataires de message.
Une semaine après la fin du monde, Hollande fait des vœux.
Alors comme ça, le président va nous parler pour nous édifier. Je vais écouter ça. Peut-être. Je ne voudrais pas trop lui en vouloir. C’est pourquoi je limite le temps que je passe à le regarder ou à l’écouter. Cet homme dit une chose comme il en dirait une autre. Comment le croire, quoi qu’il dise, même quand on aimerait bien.
Il m’avait promis l’amnistie des syndicalistes et des associatifs. Il n’a rien fait. Rien. Pourtant qu’est-ce que ça lui coûtait ? Ces gens ne sont-ils pas ceux qui marchent sur la première ligne ? N’est-ce pas eux qui nous font et nous délèguent ? Il n’a rien fait parce que ses conseillers lui ont dit que ça obligerait parfois les patrons à réintégrer les personnes en cause. Quelle horreur ! Un gars qui revient au boulot la tête haute ! « Sire, nos amis ne le comprendraient pas » disent les grouillots du prince. Nos amis ? Les grands patrons chez qui l’on se rend au congrès d’été à dix ministres, les patrons avec qui l’on dîne, les patrons dont les soupirs de Parisot sont des ordres. Dis-leur bonne année, François, à nos camarades, c’est ton maximum pour eux ! Bonne année, les Sodimédical, ces femmes sans salaires, gagnantes de trente procédures à qui tu avais dit « on ne vous oublie pas ! » quand elles t’ont abordé sur le marché de Châlons. Leur boîte est liquidée. Seuls tes vœux, dans leur fraternelle sincérité, peuvent les réconforter. Dis aussi « meilleurs vœux pour l’année nouvelle » aux ouvriers de Florange, à ceux de Sanofi, à ceux de Thalès. Les vœux c’est ton maximum d’action possible. Dis des vœux à ceux de EADS que tu as abandonné à la finance, et aussi à ceux d’Alcatel livrés à Goldman Sachs, sans que l’Etat n'ait levé le petit doigt ! Dis des vœux pour qu’après ça on ait encore une aéronautique française, une téléphonie, une recherche pharmaceutique. Vas-y François, les vœux c’est ton excellence ! Voici des idées : « Qu’ils mangent de la brioche ! » « Qu’ils n’aillent pas en Belgique s’ils ne veulent pas se mettre minables ! » Qu’ils aillent à Rungis « pour savoir que le pays est gouverné » comme tu l’as proclamé à la face des caissons, des cageots et des carcasses qui semblaient en douter en te voyant faire l’important à quatre heures du matin dans un marché où ton cortège ralentissait le travail. Bref, une semaine après la fin du monde, François Hollande va nous annoncer que l’année prochaine sera pire. Dans un an il redressera la courbe du chômage qui va s’envoler. Moins pire que pire ce sera pire de toute façon. A vingt heures les masochistes seront à la fête !
26déc 12
Pensées inaudibles
A propos des vociférations d’Harlem Désir.
Communiqué de Jean-Luc Mélenchon, Député européen
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J’appelle Harlem Désir à la retenue. Les invectives du Premier secrétaire contre le clip du PCF-Front De Gauche expriment une exigence de soumission et de censure totalement inacceptable. Il n’empêche : ce clip présente avec humour le bilan des renoncements gouvernementaux. Au lieu de vociférer il ferait mieux de se demander quelle part de vérité si évidente il contient pour que tout le monde rie de si bon cœur en regardant ce plaisant petit film. Le gouvernement et son nouveau porte-parole feraient bien de cesser de se tromper d’adversaire. Après avoir passé tant de temps en université d’été et banquet à huis clos avec les patrons, après avoir fait voter deux plans d’austérité en six mois ils perdent leur temps en croyant nous intimider ! Nous respectons nos engagements électoraux en nous opposant à cette politique. Il devrait se réjouir que cela soit fait avec humour et drôlerie plutôt que sur le ton arrogant et sectaire avec lequel le PS croit possible de traiter les partis de notre gauche.
Comme entre chien et loup, pénombre et aurore, cette époque de l’année ne vaut pourtant pas trêve aussi forte qu’en août. Mais presque. Pour moi la pause est entrecoupée du plaisir de lire, et d’écrire sans les contraintes ni les harcèlements ordinaires. Réputé mécréant, on me fait peu de souhaits pour cette première fête commerciale et chrétienne de la noël. Mais j’en reçois cependant. Et, parmi ceux-ci, les plus émouvants furent ceux de ces cheminots ou bien ceux des sidérurgistes de Florange qui eurent un instant pour une pensée fraternelle collective avec moi. C’est peu dire que je m’y suis ressourcé comme dans un de ces moments précieux de l’existence.
J’ai réparti mes lignes pour ce passage sur mon blog en deux catégories. Les unes pour saisir au bond ce qui me venait à l’esprit qui pourrait éclairer ou égayer, les autres pour quelque chose de plus méthodiquement mis au point et servir au travail de ceux que cela peut intéresser. Ainsi pourrez-vous aller de confidences plutôt politiques à de la politique plutôt personnelle. Je n’ai pas craint de vous lasser puisque vous avez déjà résisté à tant de longueurs ! Et puis je reste dans l’idée qu’il ne faut pas chercher à plaire quand on pense, même si c’est à haute voix.
Confidences de vacances
Au menu les Pyrénées-Orientales très fréquentées, le vin mieux compris, un Japonais mal guéri, Miss France et d’autres choses plus ou moins légères à propos de Louis Capet, ci-devant Louis XVI, après qu’il a été capturé dans sa fuite à Varennes.
Moi et mes ex-æquo. Entre Noël et jour de l’An je nomadise. A Noël j’ai failli croiser Jean-Marc Ayrault dans les Pyrénées-Orientales où j’ai de la famille et des tombes. Et au Nouvel An ? Vais-je croiser mon ex-æquo en sympathie spontanément déclarée par les sondés de BVA ? Ça vient de sortir. BVA a sondé sur la sympathie que ressentent les Français pour les personnages notoires. Mais au lieu de suggérer des noms il a été laissé libre cours à l’expression spontanée des sondés. J’y suis classé vingtième et j’ai des ex-æquo. De quel ex-æquo suis-je en train de parler ? De Jamel Debbouze, bien sûr. Mais j’ai encore un autre ex-aequo, figurez-vous à cette vingtième place du classement ! Mais je n’ose pas croire qu’il puisse me croiser dans le Loiret où je dois aussi cantonner. Devinez « c’est qui c’est » ? François Hollande, les amis ! Mais oui ! Le chef de l’Etat a autant de gens qui le trouvent spontanément aussi sympathique que moi ou Debbouze ! Trop fort le gars ! Mais c’est vrai que moi, je suis « inaudible » comme dit « Libération » ! Dommage qu’il n’y ait pas un seul journaliste de « Libération » dans la liste des journalistes cités spontanément par les gens pour exprimer leur sympathie. Ils gagneraient à être aussi inaudibles que moi. Un conseil peut les aider dans cette direction : moins lécher les pompes des sociaux-libéraux. Ça les rendra discernables.
Valls me devance en sympathie spontanément avouée dans ce classement. C’est le seul homme politique avant nous deux, Hollande et moi. Je le cite parce que cet intense fayot de Valls est venu passer quelque jours en compagnie de son pendu, qu’il soutient comme une bonne vieille corde, l’anti-minable actuel premier ministre Jean-Marc Ayrault. Mais oui. Non seulement Ayrault, mais aussi Valls dans les montagnes des Pyrénées-Orientales. Comme un rom, je quitte les lieux sans bruit et avec mon peu de bagage. C’était prévu. De toute façon parmi les sondés de gauche, Valls ne me dépasse pas. Au contraire. Nous sommes ex-aequo parmi ceux dont on espère qu’ils jouent un rôle plus important à l’avenir. Ah ! Ah ! Voilà qui devrait rendre nerveux mon autre ex-aequo. Je suis arrivé sur un soleil couchant plein de feu derrière le Canigou, je repars devant une montagne glacée qui luit comme une lame sur le ciel. A l’aéroport on me fouille et on me palpe des pieds à la tête. Il est tout à fait clair que j’ai une tête de député suspect et que je pourrais bien avoir emmené une bombe pour faire sauter l’avion dans lequel je monte.
Je plaisante mais mes lectures sont sérieuses. Je mijote en effet un travail d’écriture sur la révolution citoyenne. Pour cela je fouille, entre autre chose, dans les petits hasards à grandes conséquences de l’histoire. Je viens de me brancher sur un livre de Mona Ozouf : « Varennes, la mort de la royauté ». D’accord le livre date de 2006. Mais ça cale bien. De toute façon je me suis lancé en alternance sur un travail de Claude Mazauric : « L’histoire de la pensée marxiste et la révolution française » dont j’ai bien besoin pour baliser ce que j’ai à écrire. Claude, en personne, m’a offert ce livre en juin 2009, après mon élection comme député européen. L’été 2011 j’ai croisé une nouvelle fois Claude à l’université du PCF où j’étais invité. Je lui dis : « Claude, je réalise que je suis séparé par des gouffres de temps avec certains livres que j’ai lu il y a maintenant si longtemps ! Que faire ? » Réponse de Claude, pleine d’humour tranquille : « Relire ! ». Autour de moi, nous le considérons tous comme notre brise-glace de la pensée à propos de ce bing bang de l’ère moderne qu’est la grande révolution de 1789. Un grand honneur pour mes amis Laurent Maffeïs et Alexis Corbière a été de recevoir de lui une préface pour leur best-seller militant : « Robespierre, reviens ! ». Ça se lit comme on mange une mousse au chocolat. Suave.
Déguster sans peur notre vin à Noël ? Oui, on peut. Les grands esprits de la Commission européenne ont renoncé à une de leurs stupides décisions technocratiques. Ils avaient prévu de libéraliser le droit de planter de la vigne autant qu’on veut, là où on veut, quand on veut. Une trouvaille à la mesure des extra-terrestres de Bruxelles qui boivent du coca et pensent que celui-ci se fait en pressant n’importe quelle patate. Peu importe la vigne, meugle la Commission, pourvu qu’on ait le vin ! La suppression des quotas de « droits à plantations » une idée, si l’on ose dire, signée « aux têtes d’œufs réunies ». Les mêmes technocrates avaient aussi inventé d’autoriser la fabrication de vin rosé en mélangeant du vin rouge avec du vin blanc. Et vous savez pourquoi ? Parce que le rosé étant moins abondant il est plus cher. Donc en écoulant du vin mélangé on fait baisser les prix. Les prix, mes amis ! La valeur suprême de la Commission européenne, de la Banque centrale et de tout leur saint-frusquin inhumain. Les mêmes ont également autorisé de sucrer le vin et d’y mettre des copeaux de bois pour obtenir un bon goût universel de « terroir » (les copeaux) dans la norme de la civilisation Disney (le sucre abondant). Autrefois on vous coupait les mains pour moins que ça !
Shinzo Abe, absurde nationaliste japonais, devient le premier ministre de son pays. Comme beaucoup de pays et régions qui n’ont pas été dénazifié après la défaite de l’Axe, la société japonaise n’est pas bien guérie de ses abominations en Asie. On se souvient qu’en Autriche, réputée victime de l’Anschluss, l’extrême-droite est arrivée jusqu’à une coalition au pouvoir. La peur des communistes fit en effet maintenir n’importe quel montage politique pour éviter de créer un vide qui leur soit propice. Ainsi le criminel de guerre Hiro Hito fut maintenu empereur du Japon et mourut dans son lit. C’était bien assez que les communistes aient eu la Chine ! Dès lors à intervalle régulier des nostalgiques comme ce nouveau premier ministre vont rendre hommage au mémorial des autres militaires criminels de guerre japonais. Bien sûr, l’énergumène a déjà prononcé des paroles offensantes pour la Chine. Bien sûr, la classe médiatico-politique liée aux Etats-Unis d’Amérique lui a déjà trouvé des circonstances atténuantes. Elle va bientôt jubiler à mesure que cet homme haussera le ton et menacera son grand voisin. Attendez-vous à une recrudescence des « inquiétudes » du journal « Le Monde » à propos du budget militaire de la Chine, et autres arguments de justification des provocations gouvernementales japonaises sur les îles disputées à la Chine. Le militarisme japonais va connaître de nouveaux beaux jours. Il est autrement plus efficace pour les ennemis de la Chine que les hypocrites pantomimes du Dalaï Lama et ses incroyables consignes de suicide. Quant à nous, n’oublions pas que le Japon c’est aussi une masse de gens qui continuent à lutter contre le nationalisme ahuri de leurs compatriotes. Et quand on pensera au fait que les Japonais ont pu élire un parti qui recommande la reprise du nucléaire, même après Fukushima et Nagasaki, on se souviendra aussi des autres, ceux qui continuent à manifester et protester. Là-bas comme partout deux camps. Pour l’instant nous sommes battus. Pour l’instant.
Et Miss France dans tout ça ? Vous y pensez-vous à Miss France ? Il paraît que moi j’ai une doctrine sur le sujet. Dans mon bilan de l’année, qu’il faudra bien faire le clavier sous les doigts, je vais faire une place particulière à la campagne de diabolisation dont j’ai fait l’objet. Sans trêve ni pause, à tout propos et hors de propos, les mêmes qui ont trouvé toutes les circonstances atténuantes à Marine Le Pen, en fonction du fait sans doute qu’elle s’en prend aux musulmans, me traînent copieusement dans la boue au motif que je ne m’occupe pas de la religion de mes compatriotes. Comment pourrais-je l’oublier un seul jour. L’exercice me rattrape à chaque revue de presse. Aujourd’hui voici Bruno Roger-Petit qui m’implique dans la polémique qu’il soulève à propos de l’attitude d’Audrey Pulvar et Clémentine Autain devant Miss France sur un plateau de télé. J’aime bien Roger-Petit notamment parce qu’il ne pousse pas l’esprit de secte et le corporatisme jusqu’à ménager les plus grosses bévues de Jean–Michel Aphatie. Il lui a dit son fait assez de fois pour que je repère en lui à la fois le type de droite mais aussi le gars qui n’a pas peur d’assumer ses hostilités. Une variété assez rare au royaume sournois des médiacrâtes. J’avais noté aussi qu’il ne me ménageait guère. Soit. C’est dans l’ordre des camps. Mais pourquoi me mettre à contribution pour flétrir les femmes qui n’aiment pas le concours de Miss France ? C’est pourtant ce qu’il fait dans une chronique saignante d’une hilarante mauvaise foi et me vaut une alerte de mon moteur de recherche. Ce qui m’a fait sourire c’est le magnifique tuyau de poêle : Clémentine Autain est mélenchoniste donc chaviste et donc Chavez n’aime pas le peuple qui lui aime Miss France que n’aime pas Clémentine Autain qui est mélenchoniste donc chaviste… Admirable trouvaille. Il y a cependant une face sombre à cette histoire, c’est l’idée que cet aristo se fait du peuple. On se croirait à « Libération ». Ceux-là savent que le peuple « rêve d’avoir le Pen pour grand-père ». Bruno Roger-Petit lui sait que le peuple aime Miss France et le concours qui la désigne dans ce rôle si valorisant d’idiote à visage humain. Ce serait du mépris de classe dit-il. Attention ! Soulignons la gravité de notre cas : un mépris dans « une conception un rien stalinienne ou chaviste (donc melenchoniste ?) ». En effet Bruno Roger-Petit estime que Clémentine Autain défend « en creux » l’idée suivante : « Des miss d’accord mais à condition d’être les ambassadrices du petit père des peuples ». Mon cher, je voudrais vous informer que les champignons sur la bûche de Noël se mangent. On ne les fume pas !
Quand Louis XVI a été ramené à Paris après sa tentative de fuite en Belgique, sur le chemin du retour, il a pu voir la population mobilisée en masse, tout le long du trajet, depuis Varennes. Paysans, ouvriers, bourgeois des villes et notables des bourgs, une marée humaine piétinant parfois des heures sur place, souvent armée de bâtons, piques, fourches, branches. Pour un traître prêt à l’aider pour s’enfuir de nouveau, mille et mille patriotes qui le surveillent et l’accablent de leur silence. Chaque épisode de cette lamentable équipée l’a confronté à la réalité de la révolution dans la profondeur du pays. Une réalité populaire, audacieuse, sérieusement ancrée et construite dans tous les esprits. Une fois revenu à l’intérieur des Tuileries sous bonne garde et à deux doigts de se faire écharper dans les derniers mètres, il lâchera ensuite une confidence au douteux La Fayette qui était censé le garder : « Je vous dirai franchement que jusqu’à ces derniers temps j’avais cru être dans un tourbillon de gens de votre opinion dont vous m’entouriez, mais que ce n’était pas l’opinion de la France ; j’ai bien reconnu dans ce voyage que je m’étais trompé et que c’est là l’opinion générale. » Ce n’est donc pas d’aujourd’hui que les puissants à mine placides sont en fait, derrière leurs grands airs, tellement « citrouille confuse » comme on l’a dit de ce Louis Capet là. Mais les faits, et le peuple, les rattrapent toujours. J’ai donc quitté les Pyrénées le cœur tranquille. Ayrault finira bien par rentrer à Matignon.
La crise comme stratégie.
Plus personne n’y fait attention et le niveau de l’information donné par les médias sur ce sujet est passé depuis longtemps sous la ligne de flottaison. En tous cas il y a eu un sommet européen les 13 et 14 décembre derniers. J’en ai fait un compte rendu. A présent je veux faire rebondir l’analyse sur une phrase très parlante du communiqué final où l’on apprend que la « crise » n’est pas seulement ce que l’on croit. Elle serait aussi une opportunité davantage qu’une calamité. Attention, lecteur pressé, mon texte est dense ! C’est une mise en en ordre de mes idées que je mets en partage.
La faillite du système d’information sur l’activité de l’Union européenne est totale. Sortis des récits et jeux de rôle sur les « sommets de la dernière chance » et autres mises en scène mélo dramatiques, les griots ordinaires de « l’Europe qui nous protège » n’ont rien à dire. Il est impossible de trouver où que ce soit la moindre information documentée, la moindre présentation du contenu des mesures prises chez les habituels médias donneurs de leçon de morale européenne. Ni d’ailleurs la moindre curiosité ou investigation, quand la source officielle européenne ne donne pas elle-même une information pré mastiquée sur un sujet. De mon côté j’ai publié mon compte rendu sur ce sujet comme je le fais de toute l’actualité européenne sur mon blog dédié. Je ne recommence donc pas ici mon compte rendu sur l’ensemble de ce qui s’y est décidé. Mais je veux revenir sur un point suggéré par une lecture attentive de la déclaration finale. Je le fais parce qu’il éclaire la scène du moment que nous vivons d’une façon spéciale.
Ce qui n’a pas facilité l’intérêt pour ce sommet c’est que les documents n’ont pas été traduits en français. Aucun ! Ordre du jour, note d’information, tout a été livré en anglais! C’est la règle dorénavant. Sous prétexte d’économie, les parlementaires et les citoyens sont privés du seul moyen de comprendre les enjeux des décisions prises : la traduction. En allant jeter un œil sur le site de la Commission européenne vous pourrez faire le constat du nombre des documents non traduits. Compte tenu des sommes dérisoires qui sont en cause à l’échelle de l’Europe pour ces traductions, j’en déduis que cette attitude est délibérée. Il s’agit de réserver la compréhension de ce qui se passe à ceux qui ont l’usage de la langue des décideurs. D’un autre côté il s’agit aussi de préparer méthodiquement le passage au grand marché unique transatlantique dont la langue de travail unique sera l’anglais. Dans l’immédiat, ce confinement permet aux médias euro-béats d’en rester à des récits de surface sans risquer d’être mis en cause par un contact direct du public avec les textes réels. Dans ce qui s’est dit il y a en effet matière à dire davantage que les comptes rendus de circonstances ont fait. Notez que ces mots ne valent pas pour autant quitus de ma part sur ce que ces comptes rendus ont rapporté à la connaissance du grand public. En effet, qu’il s’agisse de « l’aide à la Grèce », du fameux « nouveau » contrôle bancaire dont l’anti-minable Ayrault s’est fait de si vibrants gargarismes, et ainsi de suite, tout a été une fois de plus du recopiage manipulateur de la parole officielle, sans imagination ni curiosité, mâtiné par-ci par-là de rumeurs organisées par les attachés de presse des eurocrâtes. Encore une fois, sur ces sujets je vous renvoie à mon compte rendu car il vous permettra d’en prendre la mesure.
Mais dans le texte de clôture de ce sommet, comme je l’ai dit, quelques lignes m’ont frappé. Je les analyse comme un aveu tellement frappant ! Voyez ces lignes. Elles méritent d’être traduites intégralement. Elles expriment davantage que le cynisme ou l’aveuglement idéologique ordinaire des commissaires européens. Lisez lentement : « La crise économique et financière que traverse l'Union européenne a été un catalyseur pour mettre en place des changements profonds. Son impact est visible dans la restructuration profonde de nos économies, qui a actuellement lieu. Ce processus est perturbateur, politiquement stimulant et socialement difficile – mais il est nécessaire pour jeter les bases de la croissance future et de la compétitivité qui devra être intelligente, durable et inclusive. » Ce texte dit, en fait, que la crise est en réalité une stratégie d’action et non pas seulement une difficulté qui s’impose de l’extérieur. Je pense que cela jette sur la situation un jour nouveau. Par la « crise », délibérément, les eurocrates sont en train de faire naître consciemment et méthodiquement un ordre nouveau. C’est la stratégie du choc décrite par Naomi Klein. Attention : vu sous cet angle ce serait une erreur de dissocier l’objectif et les moyens. La politique d’austérité et les moyens autoritaires destinés à les imposer en Grèce, par exemple, forment un tout. Je voudrai qu’on ne l’oublie jamais du moins ici parmi les lecteurs qui viennent me lire dans le but de s’instruire et de compléter leur propre analyse de la période historique que nous vivons.
Donc je veux revenir sur ce point précis de la « crise » comme moyen d’action des dominants. J’ai déjà évoqué dans ma conférence à Londres cette idée de « la crise » en tant que stratégie de réorganisation du rapport de force entre le capital et le travail. Ce point mérite, bien sûr, une entrée en matière pour être compris sans excessive simplification. Le mot « crise », dans le vocabulaire commun, désigne un paroxysme provisoire. On suppose qu’il y aura des soins qui permettront un retour à l’équilibre initial. Pourtant la crise de la dette que nous vivons n’est pas provisoire. Elle implique un mécanisme de fond, structurel, qui forme la trame même du système capitaliste de notre temps. L’endettement et le crédit sont les moyens de masse que le capitalisme a trouvé pour dépasser sa limite interne traditionnelle. Permettez une explication plus approfondie de ce point. Je n’ai pas souvent l’occasion de donner mon analyse sur ce sujet que je crois essentiel. Il me semble que c’est acceptable de votre part, chers lecteurs, dans le cadre d’un texte comme celui-ci, ajouté depuis un séjour de repos dans une note publiée dans le temps de la trêve des confiseurs. Comment « la crise » peut-elle être à la fois une situation inopinée, un incident imprévu du parcours, et une stratégie d’action pour le futur? Je voudrais l’expliquer.
On s’accordera pour dire que c’est bien la dynamique du système financier global qui a conduit à la situation actuelle. Mais a-t-on clairement à l’esprit qu’à présent la masse de la dette est telle qu’il n’y a pas de soin qui puisse ramener à la situation antérieure. Si la dette n’est pas effacée, d’une façon ou d’une autre, le système roulera à l’abîme en entraînant la civilisation humaine. Mais cet effet de système ne peut être réglé par aucun des acteurs du système. De même qu’il n’y a pas de complot pour conduire à cette catastrophe, il n’y a pas d’état-major pour l’empêcher d’avancer vers son terme. Chaque épisode est le résultat d’un effet de système auto-organisé dont la dynamique est spontanée. Le point crucial est que tous les acteurs, les décideurs de toute nature, banquiers, personnages politiques et ainsi de suite, tous sont inclus dans la situation. Ils en sont une composante. Ils gèrent ce qu’ils trouvent en face d’eux du point de vue des intérêts qui dominent la scène et qui sont aussi les leurs en particulier. Cela leur paraît être la seule voie possible, le seul comportement raisonnable. Certes pour eux, la crise est d’abord seulement un dysfonctionnement. Ils estiment donc que leur devoir est de ramener la situation à l’équilibre. Mais ils n’imaginent pas de le faire autrement que du point de vue des normes, usages et exigences du système lui-même. Nos questions, mises en garde et revendications leur paraissent aussi extravagantes que le serait à nos yeux l’attitude d’un conducteur qui ayant un pneu crevé s’en prendrait à l’industrie de l’automobile au lieu de changer de roue pour continuer son parcours.
C’est donc de l’intérieur du cadre qu’il faut comprendre ce fait apparemment paradoxal : « la crise » offre des opportunités d’aller plus loin dans la logique qui a pourtant rendu possible « la crise ». Elle le peut parce que la situation de crise permet des prises d’avantages. Ce résultat nous l’avons sous les yeux. Bien sûr, personne n’a voulu la faillite du système des « subprimes ». Ni celle de la dette publique grecque. Ni l’effondrement de l’immobilier irlandais ou espagnol. Bien sûr que l’instabilité du système financier et la rupture des flux qui le constituent sont dangereux aussi pour les bénéficiaires de ce système. Cependant, tous ces événements ont eu lieu. Peut-être bien que les maîtres de la finance auraient préféré qu’il en soit autrement. Pourtant ce sont leurs décisions et leurs spéculations qui les ont provoquées, parfois de propos délibérés comme en Grèce. Quoiqu’il en soit, leurs regrets s’arrêtent à la porte des profits fabuleux que cette situation leur permet encore de réaliser. Un tel système ne contient aucun élément d’auto-régulation. Tout au contraire. La dérégulation et ses abus de toutes sortes constituent une belle part de marché. Elle forme même une part significative du PIB de nombreux pays qui constituent la toile des paradis fiscaux. Cette expression n’est pas réservée aux contrées exotiques, du type des Iles Caïman, elle concerne le cœur même du système comme on peut le voir avec le rôle de la City et du Royaume-Uni, qui en est un des rouages les plus actifs.
Quelle que soit l’obligation où nous nous trouvons de parler avec des mots qui obscurcissent ce qu’ils désignent davantage qu’ils ne l’éclairent, nous devons nous en tenir aux faits observables. Les apparences de la « crise de la dette » et les politique d’austérité qui sont censé y répondre ne doivent pas nous empêcher de voir ce qui se passe vraiment à la fin. Au-delà des arguments et des raisons mis en avant par chacun. Sinon on ne peut en comprendre la dynamique particulière de la situation d’ensemble. Ni la façon avec laquelle les événements réputés liés à la « crise financière », ou à la « crise écologique », et à la « crise sociale » forment un tout dans la réalité des faits qui surviennent. Le résultat, dis-je, nous l’avons sous les yeux. Alors même que « la crise de la vie quotidienne» s’approfondit visiblement pour le très grand nombre, pendant ce temps, les profits des très grandes entreprises explosent, la prédation bancaire s’élargit, la part de la rétribution du travail dans la richesse produite diminue, la financiarisation de l’économie s’étend et la part des dividendes par rapport aux investissements augmente. Et la température ambiante du globe monte. Dans ces conditions la suite ne continue pas simplement le présent.
C’est bien parce que les mots nous induisent en erreur qu’il faut utiliser un vocabulaire nouveau pour désigner les évnements. Souvent vous avez vu que j’utilise le mot « bifurcation » pour désigner ce type de situation bien particulier où une modification apparemment très localisée et ponctuelle se produit et fait dévier de sa trajectoire tout le système sans qu’aient changé les éléments qui font sa dynamique. J’en donne souvent une image : ce qui se produit avec un véhicule lancé à toute allure si le chauffeur se fait piquer par une guêpe. J’utilise souvent ce mot pour parler de l’étape qui va se franchir dans le climat lorsque l’impact du changement en cours aura atteint un certain seuil. Ou bien pour désigner ce qui se produira lorsque la Chine passera devant les Etats-Unis. L’image permet de mieux se représenter le mouvement comme un tout qui s’organise d’après ses propres éléments et non comme une interruption momentanée des données qui ont prévalu jusque-là dans le passé récent. La « crise » actuelle est en fait une nouvelle trajectoire, un nouveau moment cohérent et global pour le système dans son ensemble et pour son futur immédiat.
Une autre manière d’entrer dans la compréhension de la réalité que recouvre le mot « crise » est d’en placer les manifestations dans l’histoire pour observer leur incidence. Un regard en grand angle sur le sujet nous apprend d’abord quelque chose. L’instabilité et les « crises » sont consubstantielles au système capitaliste. L’histoire en atteste ! De 1816 à 1929, en plus d’un siècle, il y a eu 14 crises majeures ! Deux d’entre elles se sont réglées par une guerre mondiale. Depuis 1973, en moins de 40 ans, il y a eu déjà 12 crises affectant l’ensemble du système mondial et menaçant de le faire s’effondrer ! Depuis 1992, en 20 ans il y a eu 8 crises ! Ce coup d’œil montre que le rythme de déclenchement de ces crises systémiques s’accélère. D’une façon ou d’une autre, on peut dire que les conditions dans lesquelles se sont dénouées chacune d’entre elles, ont préparé les conditions d’un épisode suivant encore plus violent. Chaque « crise » a augmenté l’instabilité du système dans l’épisode suivant. Cette escalade a fait dire à Jean-Claude Trichet en août 2011, alors gouverneur de la Banque centrale européenne, que la crise actuelle est « la plus grave depuis la seconde guerre mondiale. Cela aurait même pu être la crise la plus grave depuis la première guerre ». Ce n’est pas seulement le moment qu’il faut alors considérer mais la raison pour laquelle il est parvenu à ce point en dépit de l’expérience qui devrait être acquise.
Donc, chaque sortie crise aggrave la violence de la suivante. Entrons davantage dans ce que montre le coup de projecteur. Vu de haut et de loin on peut voir une constante : chaque crise est une crise de surproduction. Cela paraît incompréhensible d’un point de vue du sens commun mais c’est la réalité. Quand tout le monde manque de tout c’est aussi le moment où la capacité de production est la plus élevée. Puis intervient une destruction massive de capital. Guerre, hyper-inflation ou faillites y pourvoient. Puis la reconstitution fournit la dynamique de la phase suivante. Mais, notez un fait peu souvent mentionné dans l’analyse de ce mouvement général : à chaque étape, dans l’histoire réelle, le système a vu l’aire du marché disponible pour l’accumulation du capital se réduire. Et du coup, il lui a fallu pour l’étendre par des moyens de plus en plus artificiels et dangereux. Les deux guerres mondiales ont soustrait au champ du marché toute l’aire de ce que l’on nommait le « camp socialiste », soit le tiers de l’humanité productive et consommatrice. La reconstitution du niveau des forces productives d’avant-guerre dans un espace marchand moindre a contraint à constituer des aires d’accumulation de plus en plus artificielles : économie naine du Moyen-Orient en surcapacité monstrueuse de capitaux, économie d’armement sans objet servant de volant d’entraînement à l’économie productive globale et ainsi de suite. A partir d’août 1971, et la fin de la convertibilité du dollar en or, est née une économie purement financière, sans objet matériel réel, en expansion permanente.
Depuis 1971, la masse monétaire en dollar a augmenté dix fois plus vite que le PIB des USA : la richesse produite réellement a été multipliée par 4 et la masse monétaire par 40 ! C’est ici la base d’une extraordinaire mise en circulation de signes monétaires sans contrepartie réelle. Elle a semblé affranchir le mécanisme de l’accumulation capitaliste de toutes les limites du monde matériel réel. Le crédit et la dette, la marchandisation de tous les compartiments de l’activité humaine et la financiarisation de tous les secteurs sont les bases du système actuel. C’est dans ce cadre que prennent place la situation et les dangers de la situation en Europe.
Une « crise » plus grande est inscrite dans la logique des événements ainsi mis en perspective. Du moins si aucune des conditions initiales du système ne change. L’observation des échanges sur le marché des devises permet de mesurer la hauteur de la falaise de papier qui surplombe l’économie productive réelle et menace de l’engloutir. Les chiffres sont souvent cités. En 1970 les fonds concernés s’élevaient à 20 milliards de dollars par jour. En 1990 à 1 500 milliards de dollars par jour. En 2010 ils atteignaient 4 000 milliards de dollars par jour. Pour comprendre quelle boursouflure sans objet matériel sont ces sommes, il faut les comparer à la valeur des biens réellement échangés. Quand 4000 milliards s’échangent en une journée, pendant ce temps, les biens et services réellement échangés sont de 40 milliards ! Cent fois moins chaque jour ! En 4 jours d'échanges sur le marché des changes, on atteint le montant annuel total du commerce international réel ! Je vais encore faire une comparaison pour bien faire comprendre les ordres de grandeur du monde de signes artificiels dans lequel nous vivons. Quand il circule 4000 milliards, il n’y a que 170 milliards de richesse produite dans le monde ! Il y a donc 23 fois plus de dollars en circulation que de richesse mondiale créée ! Le plus vaste choc que le monde va recevoir est celui de l’ajustement de cette masse de monnaie de singe avec sa contrepartie en biens matériels réels. Cela se produira lorsque les Etats-Unis d’Amérique ne seront plus en tête de l’économie mondiale réelle et que la confiance dans la valeur du dollar sera donc mise en cause par cette situation. Cela est inscrit dans le calendrier.
L’Europe peut donc, à tout moment, recevoir ce choc en plus de celui qu’elle subit. La catastrophe peut être déclenchée fortuitement à tout moment par un incident systémique intervenant n’importe où dans le monde. Et, évidemment, l’Europe peut elle-même déclencher le choc général par un épisode incontrôlé de sa propre instabilité. A chaque pas nous rencontrons l’articulation de ces deux niveaux de la réalité et l’interaction des instabilités structurelles du capitalisme de notre temps. Ainsi, par exemple, quand nous voyons que les Etats-Unis d’Amérique ne peuvent accepter que l’euro soit une monnaie de réserve. En effet l’euro mettrait alors en danger le rôle du dollar comme monnaie de réserve. Mais à l’inverse l’effondrement de l’euro entraînerait aussi tout le système financier mondial dans la catastrophe.
Le texte de la Commission avec lequel j’ai commencé cette longue analyse nous montre que « la crise » a cessé d’être perçue comme un risque par les puissants en Europe et qu’ils la vivent essentiellement comme une opportunité dans une stratégie de réorganisation des sociétés. Le modèle de la stratégie du choc, tel qu’il a été expérimenté sur les pays sortis du Comecon et du « camp socialiste » sert de modèle sur les économies imbibées « d’Etat providence ». C’est pourquoi les eurocrates peuvent continuer à recommander avec insistance les politiques que nous nommons « austéritaires » alors qu’elles semblent être un défi au bon sens ! C’est à ces recommandations qu’est consacré l’essentiel des déclarations de ce sommet. Et cela en dépit de pronostics particulièrement sombres, donnés par les mêmes personnages, sur les souffrances à endurer l’année prochaine, en matière de chômage notamment.
Mais tout ceci contient aussi une mise en garde pour nous aussi. Notre camp ne peut se contenter d’imaginer le futur souhaitable comme une simple reconstruction du monde du passé, désormais idéalisé, celui des « trente glorieuses ». Nous ne pouvons penser l’avenir comme de bons keynésiens à qui il suffirait d’espérer « relancer la croissance » comme le répètent en refrain tous ceux qui continuent de vivre dans l’imaginaire du productivisme. Non seulement pour la raison que tout le monde connaît bien désormais ce qu'il en est des limites de l’écosystème. Non seulement parce que la financiarisation de l’économie ne le permet pas. Mais surtout parce que le productivisme contient une logique d’appel à l’accumulation qui reproduit mécaniquement les mêmes contradictions : il lui faut sans cesse élargir la base des consommateurs et pour cela il lui faut sans cesse tenter de restreindre les coûts de production. Cette logique de la politique de l’offre, quel qu’en soit l’habillage, constitue un modèle de production et d’échange fondamentalement instable. La planification écologique se présente face à cela comme une méthode exactement inverse. Comme politique de la demande, elle a vocation à prévoir la satiété de la société. Comme orientation responsable du futur elle doit éteindre les moteurs de frustration consuméristes qui sont le cœur du modèle publicitaire productiviste. Je suppose que tout le reste du discours sur le modèle alternatif se devine à partir de là sans que je doive en surcharger ce post.
J’ai commencé en montrant comment la « crise » devient une stratégie davantage qu’une nuisance pour la finance. Pour nous il en va tout autrement. Les nuisances de la situation et les résultats de la stratégie de la finance sont intégralement payés par les salariés, qu’ils soient actifs ou au chômage. Misère et insécurité sociale n’ont jamais élevé le niveau de combativité sociale. Mais en même temps, l’idée fait son chemin qu’il faudrait passer à autre chose. C’est sans cesse davantage le cas dans les secteurs de la société qui jusque-là ne regardaient pas de notre côté, parmi les catégories sociales les mieux formées et les plus qualifiées. Les objectifs et les méthodes de la planification écologique forment un horizon de mobilisation autant politique que professionnel. Bien sûr, le phénomène est très loin d’être hégémonique. Mais le mouvement est de ce côté. Car le discrédit des sociaux-libéraux, et l’insupportable bonne conscience routinière de la vieille deuxième gauche type « Nouvel Observateur » ou « Libération », sont devenus de puissants répulsifs ainsi que nous en avons d’innombrables témoignages. Je ne mentionne ces faits que pour les placer dans le contexte. Si la société est conduite au point de blocage que les politiques d’austérité ou d’ajustement structurels ont produit partout ailleurs dans le monde, la société ne songera pas à ce moment-là à se tourner vers les comptables sans imagination du social-libéralisme ou les ethno-libéraux de l’UMP. Cette exclusive s’est déjà maintes fois vérifiée. Pour qu’elle fonctionne vers nous, il est indispensable de n’entrer dans aucune combinaison ou arrangement avec ce vieux monde et son système politique. C’est cela que signifie notre stratégie de l’alternative. Et c’est en cela qu’elle est un recours pour la société.
21déc 12
Au secours, ce monde est fou !
J’ai eu bien du mal à pouvoir revenir sur mon clavier. La semaine précédente j’ai passé bien du temps à préparer un face à face télévisé avec le ministre Cahuzac. Thème : « Les deux gauches ». C’était prévu pour « Mots croisés ». Pour finir le ministre s’est dédit. Trois autres ministres socialistes ont ensuite refusé le duel. « France 2 » a donc loyalement prévu de reporter au 7 janvier, de nouveau avec l’accord de Cahuzac. Tant mieux. C’est un bon débat. Ma fin de trimestre a été bien remplie. D’abord il y a eu ce Conseil national du Parti de Gauche où j’étais chargé du discours de clôture. Auparavant les débats avaient permis la synthèse de quatre plateformes. Plus de quatre cent délégués des comités s’en sont mêlés ! Comme le parti a grandi ! Il a quadruplé depuis sa fondation ! Il accueille tant de réseaux et de cultures différentes ! Tant d’ingénuité et tant de dévouement. Et aussi quelques grumeaux, bien sûr. Le dimanche il y avait la manifestation en défense du mariage pour tous. Tout le monde a pu voir le succès. Mais comment décrire l’ambiance incroyablement aimable et tranquille de cet immense cortège ? Las de faire du sur place à la Bastille, dans le cortège du Front de Gauche, j’ai fait des allées et venues le long du cortège. C’est un moment particulier que celui où s’exprime une aussi puissante vague égalitaire. Le sujet n’est pas « sociétal », même si le PS croit y trouver une diversion et la droite une occasion. C’est un sujet fondateur qui fait du bien à la société tout entière en élargissant les champs de conscience humaine.
Cette semaine, il y avait le SAMU social devant le siège du Parti de Gauche à onze heures du soir. En sortant de notre secrétariat national nous avons donc vu un couple sans abri, transi de froid, et leur gamin. Au secours mes amis ce monde est fou !
Alerte ! Pillage d'un autre fleuron français : Alcatel
Je ne voudrais pas que le prétendu accord signé par le gouvernement avec Mittal masque sa lamentable et honteuse capitulation dans les dossiers EADS et Sanofi. Et surtout la honte totale de ce qui se passe avec Alcatel-Lucent. On y retrouve Goldman Sachs, les patrons nord-américains, la veulerie des responsables français et l’inertie du gouvernement.
Alcatel est la première entreprise française en matière d'équipements de télécommunications. Héritière de la Compagnie générale d'Electricité, elle était le leader historique mondial en matière d'infrastructures de communication numérique (ADSL etc.) et de réseaux optiques. Beaucoup d’entre vous ont lu, j’en suis certain, ici où là, des informations qui leur ont appris la menace sur 1400 emplois. D’autant plus dramatique qu’il s’agit, comme dans le cas de Sanofi ou de PSA, une fois de plus du potentiel vivant de Recherche et Développement. Mais l’entreprise est aussi menacée dans son patrimoine technologique. C’est aussi celui de notre pays. Il s’agit des 29 000 brevets que détient Alcatel. Ils sont le fruit des dizaines d'années de recherches et d'investissements publics. Menacé de cessation de paiement, Alcatel a négocié une ligne de crédit de 1,6 milliards auprès d'un consortium de banques. Et pas n'importe quelles banques. L'opération est pilotée par le rapace Goldman Sachs, lourdement impliqué dans la crise grecque et, d’une façon générale dans de nombreuses très mauvaises actions. Elle est en bonne compagnie dans ce syndicat de la cupidité car il y a aussi la banque Crédit Suisse, experte en évasion fiscale. Les contreparties mise en gage par Alcatel pour son prêt sont inouïe.
Les banquiers vautours ont en effet pris en garantie hypothécaire la totalité du portefeuille de brevets. Ils ont aussi obtenu que pour équilibrer ses comptes le groupe s’engage à se dessaisir d’actifs. Notamment la perle de la couronne, l'activité de câbles optiques sous-marins. Ce sont là les deux segments les plus précieux du groupe puisque leur valeur représenterait 5 milliards d'euros. Et aussi les plus stratégiques pour la France. Car le câblage sous-marin conditionne une grande partie de nos communications avec le reste du monde. Cet accord a été signé vendredi. Il est engageant pour Alcatel mais doit être définitivement scellé d'ici un mois. Alcatel peut néanmoins encore en sortir, au prix de pénalités négociables. Mais à ce stade, l'action du gouvernement reste invisible. Or si rien n'est fait pour inverser cette logique, Alcatel risque de nouveaux incidents de paiements. Ils permettront alors à Goldman Sachs d'empocher les brevets sans aucun effort. C'est fait pour. Et comme Goldman Sachs est expert en manipulations de marché, on peut être sûr qu'elle fera tout pour qu'Alcatel ne redresse pas la tête. Exactement comme elle l'avait fait avec la Grèce en l'aidant à maquiller ses comptes puis en spéculant sur son défaut par l'intermédiaire des fameux CDS.
Il est fascinant de voir comment ce coup de force financier a été rendu possible par une mutation interne de la direction d’entreprise. Vous ne le savez peut-être pas si vous n’avez pas prêté attention à cette lutte, le plan de restructuration d'Alcatel organise le déménagement de ses activités de l'Europe vers les USA. C'est le fruit de la fusion calamiteuse d'Alcatel avec l'américain Lucent en 2006. A l'époque Alcatel était numéro 2 mondial de l'équipement Télécom. Avec 60 % dans le nouveau groupe, Alcatel avait théoriquement les moyens de conserver un potentiel productif de qualité en Europe et en France. Mais c'était sans compter avec des politiques économiques radicalement différentes en Europe et aux USA. Six ans plus tard, l'activité en Europe et en France s'est effondrée. Le groupe repose principalement sur son activité aux USA. Pourquoi ? L'Europe a totalement ouvert ses frontières. Se sont engouffrés dans les portes grandes ouvertes les équipements du chinois Huawei, entreprise stratégique dont le 1er actionnaire est l'armée chinoise. Portes grandes ouvertes mais mains liées. C’est « l’Europe qui protège » qui organise ce rapt. Car la Commission européenne interdit toute clause de localisation de la production dans les commandes non seulement aux opérateurs de téléphone européens mais aussi à ceux des Etats eux-mêmes. La situation est très différente aux USA où les commandes d'ATT et Verizon comportent des clauses de production sur le territoire des Etats-Unis. C'est par exemple le cas pour tout l'équipement en norme 4G des USA. Grâce à cette politique de souveraineté productive états-unienne, le potentiel d'Alcatel a été préservé aux USA. Et vidé de sa substance en Europe.
Le plan actuel de restructuration accélère ce glissement au profit des nord-américains. La direction financière est déjà tenue par un américain. Le directeur des ventes Amérique vient de prendre la direction des ventes mondiales, désormais pilotées depuis le Texas. Et la Recherche et Développement est désormais contrôlée depuis le New-Jersey et la Californie. Dans le reste de l'encadrement du groupe, les ingénieurs français sont systématiquement écartés. A la tête du groupe, le français Philippe Camus fait seulement illusion. Ancien directeur financier de Lagardère, il vit désormais aussi aux Etats-Unis. La France est donc en train de finir de se faire voler son fleuron de l'équipement télécom.
Face à ce pillage, le gouvernement ne fait rien de stratégique. Il bricole dans sa posture désormais habituelle de pompier des licenciements. Il négocierait une réduction du périmètre des actifs promis à Goldman Sachs. Et il explorerait la piste de rachats d'actifs par France Télécom. C'est-à-dire de couper encore des membres à Alcatel pour lui donner de la trésorerie. Mais sans assurer nullement son développement, ni la capacité de maîtrise technologique et d'innovation du pays. Pourtant des solutions simples existent. D'abord un véritable pôle financier public permettrait à Alcatel de trouver des lignes de trésorerie sans se jeter dans les bras de Goldman Sachs. Sans véritable moyens nouveaux de financements par rapport à l'existant, la BPI créée par le gouvernement risque à l'inverse de n'être d'aucun secours. La deuxième arme est la nationalisation partielle. Alcatel ne vaut plus que 2 milliards en bourse. Il suffirait donc à l'Etat d'acheter entre 500 millions et 1 milliard d'action pour reprendre le contrôle de l'entreprise. Et empêcher son naufrage en commençant par sauver les 9 000 emplois français. Et à sécuriser les brevets comme patrimoine de la Nation.
MEDEF contre salariés : qui choisit le gouvernement ?
Ce mardi 18 décembre, François Hollande a dîné avec 71 grands patrons membres de l'Association française des entreprises privées. L'AFEP regroupe les très grandes entreprises et le CAC 40. C'est la première fois qu'un président de la République participe à un dîner organisé par cette association. Comme en août, c'était la première fois qu'un premier ministre, en l'occurrence Jean-Marc Ayrault, assistait à l'université d'été du MEDEF. A ce stade, la répétition fait sens. Ce repas c’est un signal. C'est une signature. L’examen critique des dossiers qui comptent dans la vie des salariés le confirme.
Qu’il s’agisse du SMIC, des retraites ou de la précarité, dans les trois cas la partie s’engage au plus mal pour les salariés avec un gouvernement qui n’est jamais leur allié. Quand les chèques de 20 milliards d'euros au titre de la "compétitivité" arriveront dans les mains des patrons, les salariés eux seront en train de se battre le dos au mur pour protéger ce qu’il leur reste de leurs acquis.
Deux centimes ! C'est la hausse du SMIC horaire net au premier janvier prochain. Le SMIC va augmenter de 0,3 %. Cela signifie 3 centimes de plus par heure pour un SMIC brut. Sur un mois, pour un temps complet, cela procure royalement 4,55 euros de mieux sur le salaire brut. Ramené au salaire net, la hausse est encore plus blessante : 2 centimes par heure travaillée. Soit à peine plus de 3 euros par mois pour les smicards qui bénéficient d'un emploi de 35 heures par semaine ! Cette misère chichement distribuée suffit pourtant au ministre de la gauche « qui agit, pas la gauche tonitruante d’Amérique du sud », l’indépassable Michel Sapin, pour se donner des airs de bienfaiteur. Pourtant cette hausse ne doit rien au gouvernement Ayrault. Elle est automatique. Elle est la conséquence mécanique du mode de calcul actuel du SMIC. Ce mode de calcul prend en compte l'inflation et la hausse moyenne du salaire horaire ouvrier de base. La mini-hausse de 0,3% du SMIC est le résultat mécanique de ce calcul qui s’imposerait à n’importe quel gouvernement. Un gouvernement de gauche en principe va bien au-delà.
Pas le gouvernement de Jean Marc Ayrault. Lui, a refusé de donner un "coup de pouce" au SMIC comme Nicolas Sarkozy le refusait déjà. Ayrault a pourtant le pouvoir de décider d'augmenter le SMIC comme il veut, unilatéralement et par un simple décret. Si c'est un choix politique de l'augmenter, c'est donc aussi un choix politique de ne pas l'augmenter. Ce refus d'un coup de pouce c'est la suite logique du ralliement de François Hollande au discours patronal sur le soi-disant "coût du travail" qui serait responsable de la perte de "compétitivité" de la production en France.
Le MEDEF reçoit cinq sur cinq ce genre de message. Pense–t-il qu’il s’agit de peur, de faiblesse ou de complicité de ce gouvernement ? Peu importe. Il veut pousser son avantage. Laurence Parisot veut profiter de la bienveillance du gouvernement à son égard. Elle ouvre une nouvelle ligne de front. Dimanche 16 décembre, elle est ainsi revenue à la charge contre le droit à la retraite. Pour elle, l'injuste contre-réforme Fillon de 2010 ne va pas assez loin. Sur BFMTV, elle a notamment demandé un nouveau report de l'âge légal de départ à la retraite : « Nous disions déjà en 2010 qu'il faudrait au moins 63 ans, et je le redis aujourd'hui. Il faudra à nouveau repousser l'âge légal de départ à la retraite, allonger la durée de cotisations ».
Le gouvernement rejettera-t-il clairement cette hypothèse ? Le pire est à craindre ! Le programme de François Hollande était bien flou sur ce point. François Hollande ne s'est jamais prononcé pour rétablir le droit à la retraite à 60 ans pour tous, alors même que c’était le cœur de l’action de masse contre la réforme des retraites. Son projet présidentiel avait trouvé une astuce d’emballage : présenter le maintien du départ a soixante ans pour les carrières longues comme un rétablissement du droit à la retraite à soixante ans. La bienveillante cécité des médias permit à la duperie de fonctionner. En criant à la ruine de l’économie, la droite crédibilisa l’apparence de gauche du programme Hollande sur ce point. Pourtant les lecteurs attentifs comme nous avaient bien montré que pour le reste des salariés Hollande prévoyait seulement le grand défaussage habituel : « Une négociation globale avec les partenaires sociaux afin de définir, dans un cadre financier durablement équilibré, l’âge légal de départ à la retraite, la prise en compte de la pénibilité, le montant des pensions et l’évolution des recettes indispensables à la pérennité de notre système de retraite solidaire ». Cette négociation doit commencer en mars prochain. Les salariés y seront abandonnés au rapport de force avec le patronat qui n’a aucune raison de ne pas compter sur la compréhension du gouvernement. La preuve.
Le lecteur attentif aura remarqué que pour François Hollande, la durée de cotisation ne fait pas partie des éléments de la négociation. C'est cohérent avec la position du PS. Cette position était développée par Marisol Tourraine dans Le Monde du 19 mai 2010. Depuis, elle est devenu ministre des affaires sociales, donc des retraites. Voila ce qu'elle déclarait : « Le PS a tranché. Nous acceptons la poursuite de l'allongement de la durée de cotisation jusqu'en 2020. Aujourd'hui, il faut 40,5 annuités pour partir à taux plein ; en 2020, ce sera 41,5 ». Le PS a déjà cédé au MEDEF sur ce point. C'est pour cela que Laurence Parisot revient à l'offensive sur l'âge légal. Elle veut gagner sur les deux tableaux.
Comme par hasard, le lendemain de l'offensive du MEDEF, la machine médiatique s'est remise en marche autour d'un rapport du « Conseil d'orientation des retraites ». C'est la même mécanique qu'avant la contre-réforme Sarkozy de 2010. La même méthode de communication qu'avant les annonces de Jean-Marc Ayrault sur la compétitivité. D’abord le MEDEF avance ses pions. Puis un rapport d'un organisme soi-disant indépendant valide la démarche. Il vient fournir les éléments de langage de la propagande qui sera ensuite répétée sur toutes les antennes. « Le Monde » donne un cachet de référence officiel et indépendant à cette propagande. S’installe alors de grotesques campagnes d'affolement et de conditionnement idéologique. « Libération », le quotidien du social-libéralisme, fournit les tireurs dans le dos à gauche. Le tout est répété en boucle sur toutes les chaînes de radio et de télé. Et bien sûr dans ces inénarrables « débats » entre politologues, journalistes entrelardés d’UMP et de PS, tous d’accord sur le fond mais disputant la forme ou le rythme. La même machine médiatique à bourrer le crâne est en place dans le débat sur le contrat de travail. A l'heure actuelle, aucun accord n'est signé. Mais tous les grands médias officiels vantent déjà, par anticipation, un éventuel « compromis historique » entre patronat et syndicat. Par contre, aucun ne parle du contenu de la négociation. Et pour cause, puisque c'est le MEDEF qui part grand gagnant du consensus médiatique.
Que veut le patronat ? Atomiser et individualiser toutes les relations sociales dans l’entreprise. Au cas précis du moment, il s’agit de pouvoir licencier plus facilement. Comme d’habitude un plan général se déploie par des offensives sur des mesures ponctuelles précises, présentées séparément les unes des autres. Il exige une réduction des possibilités de recours et une diminution des indemnités en cas de licenciement abusif. En cas de licenciement, il veut aussi pouvoir invoquer devant le juge des motifs différents de ceux qui ont été reprochés au salarié au moment du licenciement. Incroyable ! Il serait alors impossible pour le salarié de préparer sa défense et de faire valoir ses droits correctement. Tout cela c’est l’environnement de la mesure centrale attendue : la fin du CDI.
Encouragé par la tendresse gouvernementale, le MEDEF reprend sa guerre pluri-décennale contre le Contrat à durée indéterminée. Ce fameux CDI est vital pour les salariés. Non seulement pour leurs droits sociaux les plus divers et les plus essentiels. Mais aussi dans la vie quotidienne de la cité. Là, le CDI est le sésame qui ouvre la porte des crédits du logement et ainsi de suite ! Le fond de l’affaire pour lui est de se débarrasser des clauses individuelles du contrat de travail. Voyons ce que cela signifie. Supposons qu’un nouvel accord collectif soit signé dans une entreprise et qu’il change certains points substantiels du contrat de travail comme la modulation du temps de travail, le niveau de salaire ou un changement de lieu de travail. Cet accord ne s’appliquera pas pour autant à tout le monde. En effet il y a une barrière très précieuse. Car on devine le genre d’accord qui se signe par les temps qui courent, le pistolet sur la tempe, très défavorable aux salariés! Aujourd’hui pour que ce genre d’accord s’applique à tous, il faut que chaque salarié donne personnellement et explicitement son agrément ! Le MEDEF veut en finir avec cette protection. Il veut que l'accord collectif s'impose d'office aux salariés même s'il leur est défavorable. Pire : le patronat exige de pouvoir licencier sans indemnités les salariés qui refuseraient de voir modifier leur contrat de travail. Et il aimerait aussi priver ces salariés du droit de contester leur licenciement devant un juge.
Enfin, le MEDEF veut également frapper les chômeurs. Aujourd'hui, plus d'un chômeur sur deux n'est pas indemnisé par l'assurance-chômage. A titre d'exemple, pour 2013, l'UNEDIC prévoit 127 000 chômeurs de plus mais à peine 7 000 chômeurs indemnisés de plus. Soit une différence de 120 000 personnes qui sortiront de l'indemnisation ! C'est déjà insupportable. Mais le MEDEF refuse de cotiser davantage alors que le chômage augmente. Pour lui, une éventuelle réforme de l'indemnisation du chômage doit se faire « à coûts constants ». C'est-à-dire qu'il faudra raboter les droits des chômeurs actuellement indemnisés pour pouvoir indemniser ceux qui aujourd'hui survivent avec le RSA. Déshabiller Pierre pour habiller Paul. On connaît. C'est inadmissible.
Depuis des années, le MEDEF radote ces vieilles lubies. Les gouvernements de droite et des ministres comme Xavier Bertrand étaient de fervents relais de ce genre de réclamations. Le CDI serait trop rigide, licencier serait trop difficile, il n'y aurait pas assez de flexibilité, etc. Des dizaines de nouvelles dispositions dans le code du travail ont été introduite pour répondre à ce genre de demandes. Pourtant depuis des années, la précarité se développe et le chômage augmente quand même. Et ce phénomène est européen. Alors que la récession est plus forte en Grèce qu'en Espagne, la hausse du chômage est aussi dramatique en Espagne qu'en Grèce ! Pourquoi ? Parce que l'Espagne a un marché du travail plus "flexible", c'est-à-dire plus précaire, que la Grèce. Un signe de plus que la précarité ne protège pas du chômage, elle l'accroît ! La Banque centrale de l'Etat de New York a dû le reconnaître dans une étude comparative entre les deux pays. Voilà bien une autre façon pour moi de répéter que c'est le progrès social qui est la condition du progrès économique et non l'inverse.
La question du contrat de travail et de la précarité est absolument centrale dans la période. Tous les plans d'austérité européens comprennent des mesures de précarisation des salariés. La négociation en cours aura les conséquences immenses dans la vie de tous les salariés et chômeurs du pays. La précarité frappe déjà durement. 75% des embauches se font en contrats précaires. La fin de contrats précaires représentent plus du tiers des motifs d'entrées à Pôle emploi. Et il faut y ajouter un million de "ruptures conventionnelles" de contrats de travail depuis la création de ce mécanisme en 2008 ! La "flexibilité" est déjà extrêmement répandue, même beaucoup trop. Ce qu'il faut, c'est éradiquer la précarité. Le contraire de la pente prise depuis plusieurs décennies.
Le gouvernement est au pied du mur. Aidera-t-il les salariés ou les patrons dans ce bras de fer ? Il doit, bien sûr, clairement s'opposer à toute décision qui augmenterait la précarité des salariés. Mais le fera-t-il ? Il ne peut pas se défausser sur un éventuel accord signé par quelques syndicats avec le patronat. Si un accord est signé, les parlementaires ont le droit, et le devoir, de l'examiner au regard de l'intérêt général. Et s'ils jugent que l'accord est contraire à l'intérêt général, ils ne doivent pas le transcrire dans la loi. Cette logique, c'est la méthode républicaine du progrès social. Vous savez que je l'ai longuement expliqué pendant la campagne présidentielle, notamment dans mon discours de Villeurbanne. A l’époque où les médias fabriquaient l’affaire de la viande hallal et de la viande kasher pour aider madame Le Pen à exister et pousser vers elle les milieux populaires, nous appelions à comprendre les enjeux sociaux du moment !
Je ne suis pas le seul à défendre ce point de vue. Cette question n'est pas une querelle entre responsables politiques et responsables syndicaux pour savoir qui décide. Plusieurs syndicats défendent la supériorité de la loi sur le contrat. Et ils reconnaissent donc le droit pour le Parlement d'amender ou de rejeter un accord collectif, même national et interprofessionnel. Parmi ceux-ci, le premier syndicat de France, la CGT. Son secrétaire général Bernard Thibault l'a dit très clairement à la presse jeudi 13 décembre : « Le nombre de signataires potentiels ne suffit pas à rendre l'accord légitime pour autant et à condamner le législateur à le transposer à l'aveugle. Le dernier mot doit appartenir au législateur ». Voilà comment un syndicaliste prend en charge la démocratie républicaine au moment où les sociaux-libéraux et la droite l’abandonnent.
Dolez a raison : nous ne sommes pas d'accord
Le départ de Marc Dolez du PG est absolument fondé. Il nous reproche d’être durs avec le gouvernement, d’être Front contre Front à Hénin-Beaumont où il aurait préféré qu’on vote socialiste dès le premier tour, et enfin d’être très écologistes. Il a raison : c’est bien ça. C’est la ligne du Parti de Gauche.
Certes son désaccord aurait gagné à être exprimé deux jours plus tôt devant les quatre cent camarades du Conseil national du Parti de Gauche qu’il est censé présider puisque l’orientation générale du parti était le sujet à l’ordre du jour. Oublions les mauvaises. Voyons le fond. Beaucoup ont bien dit ce qu’il fallait. Je vais donner les liens pour les lire en commençant par les lignes de Martine Billard ma co-présidente. Avoir choisi le quotidien du social-libéralisme « Libération » est une erreur de sa part. Comme d’habitude le titre ridiculise le propos de l’interviewé en le ramenant à du pseudo sensationnel. Là j’aurais « rendu le PG inaudible ». Ce thème n’est pas du tout le fond de la pensée de Marc, je le sais bien. Plusieurs blogs, à ma connaissance ont immédiatement remis le follicule à sa place, agauchepourdevrai.fr, www.lecridupeuple.org, letang-moderne.over-blog.com et gauchedecombat.com
Car maintenant la toute puissance des journaux papier est aussi sous le contrôle dévastateur de la toile. Affirmer que je suis inaudible, précisément la semaine où les sondages que chérit tant « Libération » disent tout le contraire, est une cruauté délicieuse que je me réjouis de pouvoir souligner. Surtout la semaine ou dans la propre région de Marc se forme avec le PG un nouveau groupe composé d’écolos et d’ex socialistes. Et enfin en sachant que davantage de monde lira ce blog (quinze mille visites quotidiennes et une lettre électronique hebdo à cent vingt mille exemplaires) que l’interview concernée. Rappelons qui si quelqu’un devient de plus en plus « inaudible » c’est « Libération » comme le prouvent ses ventes et la méfiance de ses propres investisseurs. Et la vôtre aussi, chers lecteurs, dont on me dit que vous êtes de moins en moins nombreux à l’acheter. On ne se demande pas pourquoi. Marc Dolez reste au Front de gauche. Il reste un camarade. Le PG reste le Parti éco-socialiste de l’alternative sans concession. Et le journal « Libération » reste un journal aussi relégué que sa ligne social-libérale.
11déc 12
Outrage ! En dépit des espérances médiatiques, Le Pen fait pschitt !
Xénophobe ?
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Connaissez-vous l'OPIAM ? « L'observatoire de la propagande et des inepties anti-mélenchon » exerce une vigilance précieuse pour répliquer aux mensonges des médiacrates.
Lu dans L’Humanité : « Pour le sensibiliser à leurs difficiles conditions de vie, d'anciens agriculteurs de l'Aisne ont envoyé des lettres accompagnées de miettes de pain à François Hollande. Une plainte a été déposée par l'Elysée pour outrage au président de la République »… On comprend mieux pourquoi François Hollande ne veut pas de l’amnistie des syndicalistes et associatifs. En effet, plusieurs sont et restent poursuivis pour « outrage au chef de l’Etat ». Je me demande si je vais faire acte d’outrage moi aussi, à présent. Car je dénonce l’abandon criminel aux mains de la finance de notre industrie aéronautique. EADS est en train d’être bradée. C’est Arcelor puissance dix comme scandale ! François Hollande chef des armées (mais oui !) ne fait rien, ne dit rien, et même se vante par son premier ministre de laisser faire « la logique d’entreprise » comme disent les gogos du baratin libéral ! Et Montebourg ? Pense-t-il que le redressement est compatible avec cette braderie ?
La paye des grands patrons continue de progresser. La récession va atteindre l’Allemagne. Ayrault donne trente centimes par jour aux RSA. La potion infernale mijote à feu continu. Pendant que je tape ces lignes j’apprends que le socialiste Michaël Moglia va former un groupe distinct au Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais par opposition à la politique d’austérité. Pendant ce temps dans la Meuse les socialistes se préparent à s’abstenir face au budget UMP du département. A l’Assemblée nationale, tous les socialistes, sans exception, ont voté le plan Gallois. Deux Verts sur seize se sont abstenus. Ce n’est pas un jour de fête !
La vague bleue marine fait pschitt !
Marine Le Pen et le Front national viennent de subir une série de revers. A Hénin-Beaumont et à Béziers. Mais aussi dans les Hauts-de-Seine et dans le Val-de-Marne. Bref : partout ! Il nous faut examiner en détail ces échecs. Et nous devons constater combien les médias sont beaucoup moins bruyants pour noter ces revers qu'ils ne l'avaient été depuis quinze jours pour souligner la prétendue dynamique du Front national. C’est une indication supplémentaire de la dérive lepéniste du traitement médiatique qu’il faut analyser comme une composante désormais confirmée du moment politique. « Libération » et « Le Monde » se sont encore distingués aux avant-postes de ce prosélytisme médiatique de plus en plus grossier.
Depuis le déclenchement de la crise à l'UMP, les médiacrates ont répété sur tous les tons que la situation allait profiter "mécaniquement" au FN. En consacrant sa une à la crise de l'UMP, « Marianne » titrait : « Et le vrai gagnant est Marine Le Pen ». « Les Echos » écrivaient eux-aussi que « le FN est ce mois-ci le seul parti dont l’image s’améliore ». Et ils prédisaient que « mécaniquement, l'abstention à droite profitera au Front national ». Mais la palme du lepénisme médiatique revient à « Libération ». Voyez ce que ce journal expert en manipulations expliquait de manière péremptoire vendredi à propos de l'élection partielle de Béziers. On y apprenait que « l'on retrouve au coude-à-coude le FN qui frétille, l'UMP qui déprime et le PS qui doute ». Experts en pronostic de PMU, le journal notait une « seule certitude : sur fond de crise à l'UMP et de déception d'une partie des électeurs après six mois de gouvernement de gauche, l'extrême-droite est en embuscade pour obtenir un troisième siège à l'Assemblée. » Et cet article faisait suite à d'autres, et en particulier à une enquête en forme de publi-reportage sur la campagne de la candidate FN à Béziers. Publiée le 22 novembre, cette "enquête" titrait de manière tout aussi péremptoire : « Béziers, le FN fait son beurre sur le dos de l'UMP ». Les résultats de l'élection de Béziers montrent à quel point « Libération » a une fois de plus manipulé la réalité. Le FN a été éliminé du second tour alors qu'il avait réussi à s'y maintenir en juin. Il stagne en pourcentage et perd 30 % de ses voix du mois de juin. Tandis que l'UMP gagne près de 10 points et se trouve 20 points devant le FN. Le plus grave dans cette affaire n'est pas tant que les médias se soient trompés. On est désormais habitués. Le plus grave c'est qu'ils ont accompagné et relayé la stratégie de communication de Marine Le Pen. C'est en effet elle qui annonçait que la candidate FN à Béziers allait « arriver devant le candidat de l'UMP ».
Du coup, à Béziers, il y avait même des « envoyés spéciaux » pour assister à la « percée annoncée » du Front national. De nombreux « coups de projecteurs » complaisant avaient été donnés au fil des jours ! Dans ces élections partielles c’était le sujet susceptible de créer de l’excitation entre les temps de cerveaux disponibles pour la publicité. Le résultat est à l’inverse des annonces ! S’indigner ? Pourquoi faire. Est-ce que nous ne sommes pas bien informés sur qui sont nos informateurs ? Une nouvelle fois ils se sont déshonorés. La percée de Le Pen n’était qu’un spasme de ce rêve de petit bourgeois médiatique émoustillé par la beauté du mal. Dans la réalité, à Béziers le Front national a perdu un terrain considérable. Non seulement il n’a pas percé, il est même arrivé derrière le député socialiste. Et celui-ci a été écrabouillé par la droite pourtant elle-même divisée. La percée ? Un naufrage ! Les envoyés spéciaux avaient l’air si visiblement déçus ! Quelle rigolade ! En revanche, dans les Hauts-de-Seine et dans le Val-de-Marne il n’y avait pas d’envoyés spéciaux. Pourtant là encore, depuis le début de la campagne, dans les rares articles et reportages qui se firent, il n’était question que de la percée ou non du Front National, « arbitre du match », comme le disait finement « Le Parisien ». Bonjour les connaisseurs de leur terrain ! Dans les deux cas, il n’y a eu aucune vague bleue marine. Même pas une vaguelette ! Au mieux un maintien laborieux. Ils s’étaient donné du mal pourtant ! Face à Pascale Le Néouannic, dans les Hauts-de-Seine, le Front national avait même fait du zèle dans les provocations. Des violences avaient eu lieu. Et les Lepénistes, sous l’œil complaisant de la droite et du PS en avaient accusé le Front de Gauche. Le grand jeu ! Résultat ? La « vague bleue marine » n’a pas fait cinq pour cent, loin derrière Pascale Le Néouannic et notre Front de Gauche ! Mais dans les deux cas, les campagnes épuisantes de nos candidats Front de Gauche ont été souverainement ignorées au profit de publi-reportage sur « la bête qui monte, qui monte… » Une obsession telle qu’il était encore également très difficile de connaître nos résultats après le dépouillement. Pourtant nos deux candidats ont progressé en pourcentage. D’un point. On aurait voulu beaucoup mieux, c’est certain. Surtout après tant d’effort.
Mais qui progresse, à part nous ? Surtout en terre de droite ! En tous cas certainement pas la majorité gouvernementale. Car les candidats cette fois-ci étaient des candidats communs PS–Verts. Ce qui est rarement souligné. Le recul ne s’estime donc pas par rapport au score du seul candidat PS en juin ! Mais pas rapport aux scores cumulés des candidats Vert et socialiste. C’est alors un recul tout à fait considérable ! Cet effondrement donne un effet d’optique : on a l’impression d’une « victoire écrasante » de la droite. En réalité, celle-ci ramasse poussivement la mise faute de combattant côté PS-Vert. D’autant que les trois circonscriptions en cause dimanche 9 novembre sont traditionnellement orientées à droite. Celle de Béziers n’était à gauche que depuis juin dernier.
Certes, il ne faut pas extrapoler ces trois résultats à la volée. Trois circonscriptions de droite, une élection partielle, une couverture médiatique absurde, ne permettent pas de dégager des tendances valables pour tout le pays. Mais les faits avérés ont une leçon. Face à la droite, le tandem PS-EELV ne contient aucune dynamique. Même pas un vote légitimiste de soutien. Six mois après l’arrivée au pouvoir de Hollande, au contraire, la base sociale qui a chassé Nicolas Sarkozy est profondément démotivée. Tout cela se combine à une abstention abyssale dans un paysage de dislocation des partis dits « de gouvernement ». Le processus de volatilisation du champ politique se poursuit. Nous ne parvenons pas encore à incarner politiquement l’alternative vers laquelle se tournent les désemparés. Il ne faut pas croire que ce soit faute de s’y être employés. J’ai vu la campagne des Hauts-de-Seine ! J’atteste que rien n’a été laissé de côté alors même qu’on aurait pu se désoler d’avance dans une telle circonscription de droite. J’ai participé à un meeting de quatre cent personnes, ce qui ne s’était jamais vu à Bourg-la-Reine, ville à droite depuis la révolution de 1789 ! Si nous ne parvenons pas encore à accrocher c’est qu’il n’y aura jamais de raccourci pour nous. Il faut s’accrocher et reprendre l’ouvrage sans jamais céder le pas. Nos difficultés ne doivent pas être le prétexte à l’une de ces auto-flagellations démoralisantes qui sont si souvent le réflexe de notre gauche. Il nous faut bien mesurer le chemin à parcourir. Et le commencer ! Pour cela nous avons le recours des moyens qui ont fait leurs preuves et le devoir de laisser de côté ceux qui n’ont rien donné. Le candidat PCF de Béziers a rejeté publiquement le Front de Gauche. Il est le seul à avoir reculé.
L'affaire de Béziers n'est pas isolée. En matière de lepénisme médiatique, « Libération » fait de la multi-récidive. J'ai déjà signalé le publi-reportage nauséabond publié par ce journal sur le FN à Hénin-Beaumont où Jean-Marie Le Pen était présenté comme « le grand père qu'on aimerait avoir ». Le sensationnalisme se doublait ici d'une solide haine de classe pour les habitants du Pas-de-Calais, tous assignés au lepénisme alors que justement ils sont nombreux à y résister. « Libération » a été suivi quelques jours plus tard par « Le Monde ». Le grand quotidien du centre droit libéral a en effet publié le 7 décembre un véritable publi-reportage sur le FN à Hénin-Beaumont. Tous les arguments du FN y sont en effet complaisamment relayés. Tout est fait pour présenter le FN comme étant « le seul présent sur le terrain ». Et de citer la présence de Marine Le Pen sur le marché d'Hénin-Beaumont et d’Oignies depuis la rentrée. Pour bien sûr passer sous silence, ma propre présence sur les marchés de la circonscription comme le 6 septembre à Libercourt ou le 7 novembre à Evin-Malmaison. Sur ces deux marchés, personne n'y a vu de militants FN depuis la rentrée. Sans parler des autres marchés du bassin minier où personne n'a jamais vu non plus un militant FN depuis les élections. Mais par contre les militants du Front de Gauche y sont présents, comme à Courrières, à Carvin ou à Courcelles-lès-Lens. Tout cela en supposant que la présence sur le terrain puisse se résumer aux marchés. Mais « Le Monde » ne le dira pas, lui qui suit le FN à la trace. C’est-à-dire ni dans les syndicats, ni dans les associations, ou sont par dizaines les militants du Front de Gauche. Ou alors ? Et comment ? Secret des sources, pas vrai les héros ? Pas difficile à percer. Notre présence sur le terrain nous permet de savoir comment tout ça s’organise.
Comment peut-on, à ce point, passer professionnellement à côté de la réalité ? La direction du « Monde » est totalement partie en vrille sur le sujet. Elle fait tout son possible, depuis des mois, pour fabriquer une « actualité » au Front national. Souvenons-nous du ridicule des pages entières du mois de septembre, puis en octobre, à propos de la menace du FN aux municipales ! Habile contre-feu de propagande au moment où nous menions l’agitation contre le traité européen. Puis tous ces gens de peu se préparèrent à une élection partielle à Hénin-Beaumont. Tout s’est passé comme s’ils voulaient coûte que coûte en tirer une victoire Le Pen. Il est frappant de voir qu’alors, c’est contre moi que ce concentrèrent les commentaires ricanant du lepénisme médiatique au « Monde » et à « Libération ». Les petites mains envoyées sur le terrain ramènent ensuite ce que les chefs veulent entendre et lire. C’est d’ailleurs ce qui se ramasse le plus facilement. Le Front national fournit ce qu’on lui demande. Des anciens PC ou PS passés au Front national ? Des chauves passés à droite, des myopes qui étaient autrefois ouvriers, des boîteux que madame Le Pen a guéri par un toucher de main ? Le Front national fourni à la demande. Car c’est de cette façon que se font les « enquêtes de terrain ». L’enquête va du bistrot du FN à la permanence du parti et vice versa. Puis le face à face avec des clowns qui portent l’habit voulu. Personne ne vérifie rien, tout est cru sur parole. Sur le plan intellectuel ça ne vaut guère mieux, depuis des mois. La lepénisation des esprits est d’abord une névrose circulaire du milieu médiatique. Mais elle fonctionne aussi comme une stratégie politique de rideau de fumé bien pratique !
Le bruit médiatique dissimule la réalité du programme du FN. « Le Monde » a titré sur « l'offensive laïque de Marine Le Pen » la semaine où le Traité budgétaire européen était présenté en conseil des ministres. Un vrai chiffon rouge destiné à capter l’attention pendant que les messieurs dames s’agitaient dans les couloirs pour faire rentrer dans leur boîte les députés mal pensants prêts à voter contre le traité. « A peine quatre ou cinq selon des proches du premier ministre » avait servilement rapporté les divertisseurs professionnels. La laïcité ! Pensez donc. Voilà un sujet ! Surtout que pour ces drôles d’observateurs est considéré comme acte de laïcité toute prise à partie des musulmans. Là où ils devraient au contraire expliquer avec soin et précaution à quel point c’est là un honteux abus de langage, « Le Monde » jette de l’huile sur le feu avec méthode. Mais la réalité finira toujours par démentir des numéros d’enfumages aussi grossiers. Commencent alors de nouvelles manipulations pour cacher ce qu’on a refusé de voir. Ainsi la dernière « percée laïque » de Marine Le Pen n’a pas retenu l’attention de ses supporters au « Monde » et « Libération ». Elle est pourtant ostensiblement affirmée dans la Charte du « rassemblement bleu-marine », présentée le 4 décembre. En s'affirmant "laïque", la Charte en donne la définition. Elle affirme que « la République reconnaît le rôle du christianisme en général et du catholicisme en particulier dans l’histoire de France et la construction de la civilisation française. » Pour éclairer utilement cette affirmation, un compte rendu honnête aurait pu rappeler que l'article 2 de la loi de 1905 dispose, notamment, que « la République ne reconnaît aucun culte ». Exactement le contraire de ce que dit la Charte de Marine Le Pen.
Les mêmes enthousiastes qui « aimeraient avoir Le Pen pour grand-père » répètent aussi en boucle que le Front national est devenu « social ». Il concurrencerait, sur sa gauche, notre programme. Une belle contribution à la propagande lepéniste dont tout l’effort vise à nous disputer le terrain de la représentativité dans ce domaine. Pour cela il lui faut passer sous silence la convergence affichée qui existe entre le FN et les partisans de l'austérité. Début octobre dans le débat à l'Assemblée sur le Traité européen, Marion Maréchal-Le Pen affirmait ainsi, à l'unisson de l'UMP et du PS : « Il existe une véritable nécessité d’arrêter la folie du déficit. Je suis d’accord avec vous, il faut arrêter de subir le poids écrasant des intérêts de la dette. C’est ma génération qui paiera les errances et les folies des gouvernements successifs ». Ce n’est pourtant pas si nouveau ! Le programme de Marine Le Pen prévoyait un plan d'austérité pire encore que celui que Hollande et Ayrault appliquent. Comme eux, Marine Le Pen veut « réduire le déficit à zéro ». Mais elle propose d'aller encore plus loin et plus vite en voulant rembourser de manière anticipée la moitié du stock de dette d'ici 2025. Ce stock étant de 1 700 milliards, Marine Le Pen veut rembourser aux banques 850 milliards en 13 ans. Soit 65 milliards d'euros par an. Qui s'ajouteraient aux coupes déjà nécessaires pour réduire le déficit annuel à zéro. Le plan caché de Le Pen pour les finances publiques représenteraient donc plusieurs fois le plan d'austérité Hollande – Ayrault. Ne le dites pas au « Monde » et à « Libération » : ils en rêvent !
Les bradeurs d'EADS préparent un Florange puissance dix
La finance s'attaque à EADS. L’entreprise qui fabrique Airbus et dans laquelle se trouve l’essentiel de l’industrie aéronavale militaire de notre pays. Cette attaque prend la forme d'un changement de "gouvernance" acté mercredi 5 décembre. Pourquoi est-ce que je reste seul parmi les responsables politiques à m’exprimer contre ce qui est un crime majeur contre notre industrie, nos intérêts nationaux, et notre souveraineté. Cet accord est un pillage et un gaspillage. C’est Florange et Gandrange multiplié par cent !
Le silence qui entoure cet accord est un signe des grosses masses d’argent qui embaument l’atmosphère et anesthésient maints grands esprits ! Cet accord est soutenu par le gouvernement Ayrault puisque l'Etat est actionnaire d'EADS. Le président de la République est directement impliqué. Quelqu’un peut l’en informer ?
Voyons d'abord, le gaspillage. Cet accord comprend une opération de rachat par EADS de ses propres actions. EADS va consacrer 3,3 milliards d'euros pour racheter 15% de ses actions actuelles. Pour quelle utilité sociale ? C'est autant d'argent qui n'est pas réinjecté dans la recherche, l'investissement, ou le progrès social pour les salariés. Cette somme est énorme : elle représente environ un tiers de la trésorerie du groupe. Cet argent part directement dans la poche des actionnaires privés actuels. Au premier rang de ceux-ci on trouve l'oligarque parasite Arnaud Lagardère. Il est le fils de Jean-Luc Lagardère. Arnaud Lagardère se moque éperdument de l'industrie. Tout ce qui l'intéresse, c'est son portefeuille. C'est lui le grand gagnant du rachat d'actions. Pour quitter le navire, Lagardère va vendre les 7,44% du capital d'EADS qu'il détient. L'entreprise va lui en racheter les trois quarts, c'est-à-dire 5,5% du capital. Dans l'opération, Arnaud Lagardère empochera à lui seul 1,2 milliards d'euros au titre du rachat d'actions ! Voilà pour le pillage !
La cause de tout ça est la décision de plusieurs actionnaires privés de sortir du capital EADS. Parmi ceux-ci on trouve donc le Français Lagardère mais aussi les Allemands Daimler et Dedalus, un consortium d'entreprises allemandes. Les parts de Dedalus et de Daimler seront rachetés par la banque publique allemande KfW, déjà actionnaire symbolique d'EADS. On savoure comment les arguments contre la présence de la puissance publique deviennent moins dérangeant quand cela convient au gouvernement allemand ! Pour les parts de Lagardère, c'est EADS qui payera l'essentiel comme on l'a vu. Le reste sera vendu au plus offrants sur les marchés. Le départ d'actionnaires privés importants et le rachat d'actions ont un effet cumulatif. Cet effet, c'est un recul de la stratégie industrielle au profit de la logique financière. Jusqu'à présent, tout ce petit monde de parasites participait à un pacte d'actionnaires aux côtés de l'Etat français et de l'Etat espagnol. Au total, cet attelage baroque possédait 45% du capital d'EADS dont près de 15% pour le seul Etat français. Dit autrement, jusqu'à présent 55% du capital d'EADS était librement achetable sur les marchés financiers. C'était déjà beaucoup. Mais les 45% restants permettaient de bloquer certaines décisions stratégiques. Et au sein de ces 45%, l'Etat français conservait un rôle central.
Avec le nouvel "accord de gouvernance", 72% du capital sera désormais « flottant », c’est-à-dire abandonné au vent des marchés financiers. C'est 17% de plus qu'actuellement. Avec le rachat d'actions, la part de l'Etat français recule automatiquement de 14,87% à 12% du capital. L'Etat espagnol voit lui sa part réduite de 5,44% à 4%. Les 12% de capital public restant reviennent aux autorités allemandes, grâce à leur rachat des parts de Daimler et du consortium Dedalus. Au final, même en cumulant les trois, les Etats ne pourront plus bloquer de décision. EADS est mis aux pas de la financiarisation de l'économie. Le directeur de la stratégie d'EADS ne s'en est d'ailleurs pas caché. Marwan Lahoud s'est ainsi félicité : « Nous avons un processus de décision normal, pas de véto et un flottant de plus de 70% ». Par normal, il faut comprendre dans la logique financière du capitalisme actuel. La bourse de Paris ne s'y est pas trompée puisque le titre EADS a bondi de 8% au lendemain de l'annonce de "l'accord de gouvernance !"
Le poids des Etats, dont celui de la France, sera réduit dans EADS. Voilà ce qui vient de se décider avec l'accord du gouvernement Ayrault et donc du président Hollande. C'est toute la politique industrielle d'aéronautique et de défense qui est ainsi compromise. C'est aussi un recul dangereux de la souveraineté et de l'indépendance nationale. L'humiliation pour notre pays risque de ne pas s'arrêter là. C'est une mauvaise habitude en ce qui concerne EADS. Déjà, en 1999, Lionel Jospin et Dominique Strauss-Kahn avait conclu un accord honteux avec le groupe Lagardère. J'en ai déjà parlé sur ce blog quand les financiers ont mis Airbus en difficulté en 2007.
Ce compromis pourri consistait en un pacte d'actionnaires entre l'Etat et Lagardère. Les deux participations étaient gérées par une société commune, Sogepa. DSK avait ainsi abandonné à une entreprise privée le soin de représenter l'Etat. Et c'est Lagardère qui représentait le tout au sein du conseil d'administration EADS. Depuis, Arnaud Lagardère est même devenu président de ce conseil d'administration. Un comble pour quelqu'un qui se désintéresse de l'industrie au point de manquer l'assemblée générale du groupe le 31 mai dernier à Amsterdam.
Le départ de Lagardère du capital d'EADS met fin à ce pacte. Il change donc la donne aussi pour la représentation de la France au sein du conseil d'administration. Le départ de Lagardère du capital d'EADS devrait être effectif en juin 2013. D'ici là, Arnaud Lagardère préparerait un ultime pied de nez à la France. Le Financial Times a en effet indiqué qu'il pourrait démissionner du conseil d'administration dès le mois de mars. Et pour le remplacer, Lagardère pousserait… Jean-Claude Trichet ! Ce serait une véritable provocation. Trichet a déjà gravement menacé EADS du temps où il dirigeait la Banque centrale européenne. En défendant coûte que coûte un euro fort, il a menacé la compétitivité d'Airbus. Sa nomination au conseil d'administration d'EADS serait un coup de poignard contre l'industrie.
Qu'en pense le ministre de l'économie Pierre Moscovici ? Et le premier ministre Jean-Marc Ayrault ? Et le président de la République François Hollande ? Apparemment rien puisqu'ils se taisent. Selon l'adage, qui ne dit mot consent. Mon hypothèse est que ces gens, atlantistes jusqu’à l’os, ne se soucient de rien et surtout pas d’indépendance nationale. Leur repère est la pérennité de l’Otan. Le reste ne les intéresse pas. Ils ont tort ! Le scandale finira par éclater. Et alors il leur sera demandé des comptes.
A Londres avec Assange et les nôtres
Je dois avouer que j’ai aimé Londres. Je ne sais pas dire pourquoi. Mais j’ai aimé. Il paraît que c’est une ville pour les riches et donc cela expliquerait qu’elle soit si coquette, finalement. Naturellement Paris est incomparablement plus suave de toutes les façons imaginables selon mon goût. Mais j’ai trouvé que Londres pulsait, voyez-vous ?
Par exemple, j’ai adoré croiser une femme aux cheveux et maquillage bleu dans le métro et je suis plutôt impressionné par la propreté des lieux moi qui ai connu cette ville absolument répugnante dans les années soixante-dix. Le comité du Parti de Gauche de la capitale anglaise est une petite merveille, vraiment plutôt jeune. Il y a une quinzaine d’inscrits. Dorénavant il y a aussi une liste de plus de cent contacts sympathisants. Les militants du coin ont le profil type de nos amis à Paris. Ils n’ont peur de rien, sont très audacieux et ont le culte du travail militant bien fait. J’ai été accueilli et accompagné sur le mode de l’horloge Comtoise : paisible et implacable de précision. Je pense qu’on devrait bien recruter dans ce coin. De toute façon il y a trois cent mille français dans le secteur. Londres est aussi une grande ville française. On y connaît donc le Front de Gauche et je ne peux pas dire que je sois anonyme, ici non plus. Car en plus des français, il y a beaucoup d’anglais plus ou moins jeunes qui suivent la politique de l’autre gauche en France. J’ai donc fait plus d’une photo souvenir avec des jeunes gens du cru. Tant mieux ! A la prochaine révolution chez nous, nous aurons de bons relais sur place pour tenir les soutiens en éveil. Et aussi pour harceler la City et ses complots. Pas comme pendant la grande révolution où rien ne fut entrepris pour garder le contact et la sympathie des réseaux progressistes qui étaient pourtant très ardents dans la période précédente. Certes, Thomas Paine fut élu dans le Pas-de-Calais. Mais ça ne nous excuse pas pour le reste. Je m’égare. Trêve de digressions.
A peine arrivé me voilà en route pour un restaurant français juste en face de l’ambassade de l’Equateur où j’avais mon premier rendez-vous. Là on fit le point. Je découvre les mines de mes camarades qui m’enchantent par leur allant et humour « So british » ! J’ai toujours aimé l’ambiance des militants, mais elle prend une chaleur humaine particulière à l’étranger avec ceux que je perçois comme des avant-postes. Puis on se met en route. Il est convenu que notre escorte locale attende dehors. Helen Duclos, Christophe Ventura et moi, improvisons à la mode de notre compatriote Napoléon : « On avance et puis on voit » ! Tranquilles. Les anglais qui font le siège de l’ambassade travaillent à la bonne franquette mais de main ferme. Comme l’ambassade proprement dite est à l’intérieur d'un tout petit immeuble, ils occupent jusqu’au hall. Ils étaient bien informés de notre arrivée car on ne demanda aucun papier. C’est pourtant la coutume m’a-t-on dit. Puis on m’a prévenu que je pouvais refuser de présenter mes papiers. Mais je n’avais pourtant pas l’intention de le faire. Je ne m’imaginais pas refuser en Angleterre ce à quoi je suis obligé en France. A quoi bon une mauvaise manière et un incident avec le Royaume-Uni et sa maréchaussée. Je vois bien que les Anglais ont renoncé à l’idée d’aller chercher à l’intérieur Julian Assange et à toutes ces sortes de sottises violentes qui les eussent déshonorés. Sans compter que cela aurait commencé un cycle dangereux pour toutes les ambassades dans tous les pays du monde. Et qu’est-ce que je fais là ? D’abord un geste de soutien aux Equatoriens qui prennent sur leur dos la force d’un choc de première ampleur sans que bien des donneurs de leçon sur les droits de l’homme et la liberté de la presse bla bla bla ne s’émeuvent beaucoup. Les Equatoriens sont sur une « position raisonnable ». Ils ne font pas de la surenchère en cherchant le bras de fer verbal. Mais ils sont bien seuls ! On est frappé en effet par exemple du silence de « grand journaux » comme « Le Monde » qui ont pourtant fait du commerce de papier avec la publication des télégrammes de WikiLeaks et qui, depuis sont inscrits aux abonnés absents sur le sujet. La protection des sources dans ce genre d’organe de presse ! Tu parles ! Cela se résume à présenter de manière anonyme des citations de « proches », purement et simplement inventées le plus souvent, comme me l’a avoué une personnalité de la rédaction, pour jeter de l’huile sur le feu dans les familles politique et faire du « buzz ». Mais dans le cas d’Assange, il est possible aussi que l’oncle Sam leur ait soufflé dans le nez et les petits garçons ont miaulé de regret.
En tous cas Julian Assange doit savoir à quoi s’en tenir à leur sujet. Je ne crois pas qu’il ait été naïf quand il leur a donné ces télégrammes. Il sait bien qu’il n’y a rien à en attendre. Par exemple, il sait bien que ces amis d’hier ne feront pas d’enquête sur l’affaire du présumé « viol » qui a servi de déclencheur à toute cette affaire. Sur le sujet, les glorieux médias français se contentent de rappeler en boucle ce qui lui est imputé sans en dire davantage. On ne leur demande pourtant pas de donner un avis, ni même de mener une enquête du type de celle qu’a publié un journaliste australien et que l’on a pu regarder sur la cinq il y a quinze jours. On sait bien que ça demanderait du travail de la documentation et du sérieux. Oublions ! On leur demanderait cependant volontiers d’indiquer que Julian Assange n’est encore inculpé de rien. Qu’il a quitté la Suède après avoir demandé l’autorisation du procureur. Qu’il est prêt à aller répondre à toutes les questions de la justice suédoise quand elle le voudra. Mais qu’il demande un engagement de l’Etat suédois : qu'une fois en Suède il ne soit pas livré aux nord-Américains. Il a raison d’être méfiant, Julian Assange ! Parce que la Suède a déjà permis aux nord-Américains d’enlever un Egyptien et de le remettre aux autorités de ce pays qui l’ont torturé de belle manière ! Et comme l’Etat suédois refuse de dire un mot sur le sujet ce n’est vraiment pas rassurant ! Ça semble signé. De plus, les Etats-Unis pratiquent la torture et en particulier sur le numéro deux de WikiLeaks qu’ils ont capturé et gardé au secret de longs mois. Ceux qui doutent et qui croient aux belles histoires sur les héros des droits de l’homme nord-Américains devraient se demander pourquoi le centre de torture nord-Américain de Guantanamo est toujours en service. En tous cas Assange a toute les raisons de se méfier. Ce qui n’enlève rien à l’insupportable de la situation. Elle pourrait pourtant se débloquer en un instant si la Suède donnait la garantie de non extradition vers les USA. Elle ne le fait pas. Cela prouve que son problème ce n’est pas le présumé « viol » dont un procureur voudrait parler à Julian Assange. D’ailleurs ce procureur n’avait-il pas d’abord classé sans suite le dossier dans un pays pourtant particulièrement vigilant sur ce type d’affaire ? En fait tout se passe comme si le but de la Suède était juste d’avoir un prétexte pour attirer Assange dans un guet-apens. La Suède a toute la responsabilité de la situation.
Comment va-t-il ? On a lu dans les médias qu’il était gravement malade. Non. Ce n’est pas le cas. Julian Assange va aussi bien qu’on peut aller dans ce genre de situation. Il sait qu’il est prisonnier, en quelque sorte, mais il dit qu’il ne se plaint pas en pensant au sort de ses amis aux mains des sadiques nord-Américains. Toutefois je scrutais son visage si pâle. Je crois qu’il est de peau pâle naturellement. Ces cheveux sont blancs ou bien blonds, extraordinairement blonds. Même s’il est très paisible dans son expression et ses mouvements, il a un visage chargé d’empathie. Il pourrait être méditerranéen. Il nous dit que dans son esprit c’est toujours l’été, car la dernière fois qu’il a vu le dehors c’était l’été. Je m’aperçus que la pièce où nous nous trouvions ne comportait aucune ouverture sur le jour. Je le regardais intensément. Peut-être trop. Je ne voulais pas être indélicat. Mais comment manifester une solidarité humaine, sans les mots et sans mélodrame ? Ensuite je le regarde parce que je n’arrive pas à faire la part entre l’homme singulier qui est devant moi et l’énormité du défi qu’il a lancé par les actes qu’il a posé. Je crois que les USA ne le lâcheront jamais. Il a besoin qu’on l’aide à ne pas se faire oublier. L’oubli est l’antichambre de l’impunité pour ceux qui veulent en finir avec lui. Ma visite sur place c’était un geste dans ce sens. Devant la porte depuis des mois tous les jours des gens font le relais pour lui faire savoir qu’ils sont là. Il le sait. Il dit que cela le réconforte énormément. Mais cela ne suffira pas. La seule vraie protection qu’il pourra avoir, c’est du peuple qu’il faut qu’il l’ait. Il devrait être candidat aux élections législatives en Australie. A ce moment-là plus personne n’osera le toucher, je crois. Et s’il est élu, sa confrontation avec l’Empire prendrait un autre sens. Je pense que les Australiens sont capables d’accepter l’épreuve en votant pour lui.