04déc 12

Ayrault social-menteur et Hollande social-flouteur

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Je sens la tourmente dans l’air. Etrange mélange de résignation, mais aussi de colère plus ou moins froide, et de disponibilité pour un autre futur. Nous étions tout de même deux mille jeudi soir à Toulouse contre l’austérité ! C’est un signe. Et puis les larmes d’Edouard Martin, le sidérurgiste CFDT de Florange, à l’écoute de Jean-Marc Ayrault, sont celles de tous les gens honnêtes qui « y ont cru ». Elle marque la fin d’un cycle, celui de l’état de grâce qui n’a pas eu lieu. Maintenant commence l’état de dégoût qui s’est amorcé avec les pantalonnades du vote du traité européen et le tournant du pacte de compétitivité. L’affaire Mittal ne fait que commencer pour ce gouvernement. Elle finira dans la honte et le déshonneur à mesure que son contenu réel viendra au grand jour et que ses protagonistes seront mis au pied du mur. Il faudra que je revienne sur nos « Assises pour l’éco-socialisme », un moment fondateur suivi par quinze mille internautes. Pour le moment je vous renvoie au site où se trouvent toutes les vidéos des interventions.

Un socialiste qui dit « non »

Michaël Moglia : « Pourquoi je quitte le PS »

Dans les assemblées locales c’est l’heure du vote des budgets de l’an prochain. Beaucoup de monde dans l’univers des socialistes fait une cruelle découverte : la politique d’austérité doit être relayée. Les dotations d’Etat sont en baisse, les recettes locales aussi, tout se tient ! Jean-Marc Ayrault préside dorénavant toutes les collectivités. Contents ou pas, quoi qu’ils aient voté au congrès, dit ou fait pendant des années, chaque socialiste est dorénavant sommé de devenir un militant de l’austérité et un complice de sa mise en place partout dans le pays. Certains seront même des super austéritaires puisqu’étant cumulards ils iront voter à la région puis au département ou dans leur mairie des budgets de restriction liés les uns aux autres. Chaque fois, ils se rendent personnellement coupable du désastre économique et social qui va en résulter. Et ils le savent…

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Puis quelques mots sur le budget de l’Union européenne ou l’échec des négociations ont masqué une nouvelle rouerie de François Hollande qui a vidé son propre verre de moitié. Enfin mon analyse sur la Banque Publique d’Investissement cette grande espérance qui finit en eau de boudin. Hum, je n’en dis rien pour le moment mais je veux signaler avec tristesse la nouvelle étape franchie par « Libération » dans la dédiabolisation de la famille Le Pen avec toute une page sous le titre « Le grand père que l’on aimerait avoir » à propos de Jean-Marie Le Pen pour introduire un publi-reportage sur les militants du Front National à Hénin-Beaumont. Loin d’être une erreur ou un dérapage il s’agit d’une ligne très présente dans certains milieux de la société française aisée. Les Céline, les Brasillach, les Drieu La Rochelle et autres fascinés par la beauté du mal, sont consubstantiels à certaines époques. Seul le talent n’est pas toujours là.

 

Ayrault mou et flou, Mittal loup et voyou

mon-4Drôle de sketch. En une conférence de presse Jean-Marc Ayrault a créé bien plus de problèmes qu’il ne pourra jamais en régler. Premier problème : l’unité de la parole gouvernementale. Au contraire du BN du PS où il est bien normal que chacune fasse entendre sa nuance puisqu’il est élu pour cela, la parole d’un gouvernement ne peut-être qu’une et indivisible. Dorénavant donc on saura que quand un ministre dit quelque chose, comme Montebourg, même d’aussi important qu’une nationalisation, il parle en son nom propre ! Tout cela c’est une grande nouveauté dans l’histoire gouvernementale en France et en Europe. D’ailleurs, dans ce dispositif, parler avec un ministre ne sert à rien car au moment de la discussion qui compte il n’est pas invité à participer et son nom n’est même pas cité à l’heure des conclusions. Deuxième problème : on découvre qu’un gouvernement, négocie un « accord » avec un grand patron. Il négocie sans les syndicats et même sans que ceux-ci aient jamais été informés du contenu de ce qui s’est discuté ! Tout cela venant d’un gouvernement qui ne cesse des vocalises sur la négociation sociale, les partenaires sociaux et autres refrains à prétention social-démocrate, ce serait savoureux si ce n’était si dramatique. Car enfin, puisque « l’accord » ne comporte aucune implication particulière de l’Etat, pourquoi négocie-t-il ? C’est là encore une grande nouveauté institutionnelle. Troisième problème : Une fois l’accord conclu comment se fait-il que deux ministres, Delphine Batho et Aurélie Filippetti, l’une et l’autre peu enclines aux bavardages incontrôlés, affirment haut et fort qu’elles n’ont aucune confiance dans la partie contractante ? Donc quand le premier ministre signe, il n’engage que lui ? Encore une grande nouveauté institutionnelle ! Pour finir, pourquoi le texte de « l’accord » passé n’est-il pas connu des syndicalistes alors qu’il l’est d’un quotidien qui l’analyse la veille de la rencontre où les syndicats doivent le découvrir ? Peut-être parce que tout le monde va savoir bientôt qu’il y a un gros loup dans le flou volontaire du discours du premier ministre.

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Commençons par dire pourquoi monsieur Mittal est si mal apprécié en France. En fait, il n'a jamais été le bienvenu. Car il n'a jamais rien fait pour le devenir. En 2006, c'est par une OPA hostile qu'il a pris le contrôle d'Arcelor. Il a pu le faire parce que ce génie de ministre des finances, Dominique Strauss-Kahn, avait vendu les dernières actions de l'Etat mon-10français au sein d'Arcelor, en 1997. Depuis 2006, Mittal n'a tenu aucun des engagements pris au moment de son arrivée comme au fur et à mesure de ses démêlées avec les salariés de l’entreprise et les pouvoirs publics. En 2006 au moment du rachat, il affirmait : « Mittal Steel mesure l’importance que la Lorraine attache à l’industrie sidérurgique. Aucune suppression d’emplois n’aura lieu en Lorraine. Le groupe continuera à investir dans la recherche et le développement ». Il a pourtant fermé Gandrange. En 2008, au moment de cette fermeture, Mittal avait promis d'investir 330 millions d'euros dans le site de Florange, en guise d'accompagnement. Il n'a jamais engagé ces investissements. Apparemment Mittal s'est aussi arrangé pour ne pas payer d'impôts en France ou très peu. Mittal n'a jamais respecté la France ni tenu aucune de ses promesses. Pourquoi tiendrait-il celle-ci ? Deux ministres socialistes ont dit qu’elles n’y croyaient pas. Et le maire socialiste de la commune de Florange non plus. Et nous non plus. Car Mittal est le prototype de l’industriel financiarisé. Mittal en personne est engagé jusqu’au cou dans la logique de suprématie de la finance sur la raison industrielle. Le contraire de ce qu’il faudrait ! La sidérurgie est une activité de base de l’industrie. Elle est donc un atout décisif de souveraineté. Elle connaît des cycles. Sa rentabilité s’apprécie sur le long terme et non d’après des résultats trimestriels comme c’est le cas de la production sous surveillance financière. D’ailleurs Mittal mon-15s’est lui-même targué d’être meilleur dans les marchés de court terme.

Il est vrai que monsieur Mittal lui-même est autant un financier qu’un sidérurgiste et peut-être même davantage l’un que l’autre. Le PDG d'Arcelor Mittal, déjà présent au conseil d’administration de la banque indienne ICICI Bank, est devenu en 2008 membre de celui de Goldman Sachs. Désormais administrateur indépendant de Goldman Sachs, Lakshmi Mittal siège aux comités chargés des audits, des rémunérations, du gouvernement d'entreprise et des nominations. Lloyd Blankfein, PDG de Goldman Sachs, avait exprimé sa satisfaction : « Sa grande compréhension de l'économie mondiale, son expérience, son jugement et son indépendance d'esprit seront un atout pour notre conseil d'administration ». Cette pommade passée avec ardeur souligne une vieille complicité en coups tordus ! Elle nous concerne car c’est avec l’aide de la sinistre banque américaine que Mittal en 2006 avait mis la main sur Arcelor. Vu ? Et ce que l’appartenance personnelle à la caste financière ne suffirait pas à faire, les agences de notation l’obtiennent encore plus vite. Ainsi quand Moody’s a menacé Mittal de dégradation de sa note pour emprunter, Mittal a immédiatement renié l’accord qu’il venait de signer avec les syndicats belges du site Arcelor, et purement et simplement fermé le site ! Tout cela Ayrault entouré de puissants services le sait puisque moi je le sais, et je le sais parce que les syndicalistes du site me l’ont dit, tout simplement.   mon-23

L'attitude du chef du gouvernement n'est pas claire du tout. Vendredi soir, Ayrault a rejeté toute idée de nationalisation. Selon Ayrault, cette hypothèse a été écartée au vu des engagements obtenus d'Arcelor-Mittal : « La nationalisation peut certes être nécessaire dans des circonstances historiques particulières ou pour sauvegarder des intérêts supérieurs de la Nation. Mais elle n'est pas efficace face à un problème de débouchés pour une entreprise ou face à un problème de compétitivité ». En disant cela, Ayrault contredit Montebourg. Mais il se met lui-même dans une drôle de passe. Si les « intérêts supérieurs de la Nation » ne sont pas en cause, comment explique-t-il que le gouvernement ait négocié seul avec Mittal ? Pourquoi les syndicats de l'entreprise n'étaient-ils pas autour de la table en même temps que M. Mittal ? Ils se seraient fait rouler moins facilement que Jean-Marc Ayrault. A moins que Ayrault n’ait agit de propos délibéré !

Parmi toutes les questions qui restent en suspens, l’une est spécialement lourde. C'est celle de l'emploi. Jusqu’à Benoît Hamon qui se vante sur le plateau de « Mots croisés » que les « 629 emplois sont sauvés » ! Pourtant, l'accord prévoit des suppressions d'emplois "au fil de l'eau", avec les départs à la retraites. Et il ne dit pas mon-46un mot sur les sous-traitants. Pourtant un gouvernement qui se mêle d’une situation locale d’emploi ne doit-il pas penser à tout le monde en commençant par les plus faibles, c’est-à-dire les ouvriers de la sous-traitance ? Mais même si on laisse cela de côté, le fond du destin et du statut de ces 629 emplois Mittal n’est pas clair. Que deviennent les salariés de Mittal affectés aux hauts fourneaux ? S'ils ne sont pas licenciés mais que les hauts fourneaux ne fonctionnent plus, que deviennent-ils ? Quel est leur statut ? Ils ne peuvent être autre chose qu’au chômage technique pendant des mois supplémentaires. Et qui paye ce chômage technique ? La collectivité ! Le précédent accord de chômage technique passé entre le gouvernement Fillon et Mittal prévoit que l'Etat et l'UNEDIC participent au financement à hauteur de 7 euros par heure chômée. Doit-on comprendre de l'accord entre Ayrault et Mittal que ce régime va continuer ? Cela signifierait que Ayrault préfère donner de l'argent public pour payer le chômage technique plutôt que de le placer dans la relance des hauts fourneaux au seul motif idéologique que la nationalisation ne doit pas avoir lieu ? 

Les engagements d'investissements sur le site ne sont pas davantage précis. C’est pourtant la clef du dossier puisqu’il s’agit de savoir si ce site de production continue ou non. Ayrault a annoncé que Mittal s'engageait à investir 180 millions d'euros sur cinq ans dans la filière froide. On comprend donc que cet argent ne servira pas à payer les 8 millions d'euros par mois que coûte le maintien des hauts fourneaux à l'arrêt. Qui va donc payer cet entretien ? A l’inverse si cette somme est celle prévue pour l’entretien alors les 180 millions d’investissement de Mittal seraient donc absorbés en 2 ans et non en 5 ans comme l’annonce Ayrault. Et surtout bien sur, ils ne financeraient que l’entretien, pas de nouveaux investissements. Selon le journal « Le Monde » tout cela serait clair. Et c’est la confirmation du pire. "Les investissements stratégiques" ne représenteront que 53 millions d'euros des 180 millions. Soit moins d'un tiers du total ! Une arnaque absolue. Le reste sera composé par « le flux d'investissements courants, les investissements de pérennité, santé, sécurité et progrès continu, et la maintenance exceptionnelle ». Et onmon-7 apprend ainsi que l’entretien des hauts fourneaux à l'arrêt est compris dans l'investissement ! Mais encore une fois faisons semblant de croire Mittal. Il prévoit donc royalement 53 millions d’investissements ?

Cette précision a son importance. Car fin juillet 2012, le rapport Faure, un rapport d'expert remis au gouvernement, a conclu que le site de Florange était « viable, fiable et rentable » pour peu qu'on y investisse 400 millions d'euros. Cette somme est jugée indispensable pour « compenser les retards » en termes d'investissement. 400 millions ce n’est pas 180 millions, comme annoncés par Ayrault et son « accord » ! Et encore moins 53 millions. Qui va donc payer les millions d'euros manquants entre les préconisations de l'expert et les promesses de Mittal, à supposer que celui-ci tienne sa promesse ? Là encore, l'accord signé par Ayrault ne le dit pas. C’est évidemment parce que rien ne sera tenu. Cette somme n’a aucun sens sinon pour donner le change. Car le rapport Faure précise bien que l'intérêt du site de Florange est de rassembler sur un même site des hauts fourneaux qui coulent l’acier et une filière froide qui traite cette production. C’est d’ailleurs la revendication constante des sidérurgistes que de conserver la cohérence de la plateforme de production. Et c’est parce que Mittal refusait de maintenir cette cohérence en n’acceptant que la vente des hauts fourneaux que toute l’intervention de l’Etat s’est déclenchée ! La question des garanties d'avenir sur les mon-11hauts fourneaux n’est donc pas secondaire, c’est au contraire le point de départ du problème posé.

Sur ce point, le flou est plus que total. Au point de sentir l’arnaque à plein nez ! Vendredi soir, Ayrault a annoncé que Mittal maintiendrait les hauts fourneaux à l'arrêt mais les entretiendrait pendant cet arrêt. Ce lundi, on a appris que Mittal n'avait pas l'intention de le faire et prévoyait de couper l'alimentation en gaz dans les prochaines semaines. En mars. Donc en mars les hauts fourneaux seront arrêtés et aucun repreneur ne sera plus intéressé par les restes du site. Par conséquent aucune menace n’aura plus de prise sur lui. On mesure mieux l’ampleur des bobards d’Ayrault en sachant cela. En effet, Ayrault a annoncé que Mittal maintiendrait les hauts fourneaux "sous cocon" jusqu'à la décision de la Commission européenne concernant le financement du projet ULCOS. ULCOS est un projet de captage-stockage de CO². J’en ai beaucoup parlé pendant la campagne présidentielle comme une illustration de notre projet de planification écologique. Plusieurs sites sidérurgiques européens postulent à un financement de l'Union européenne pour mettre en œuvre ce projet. La décision finale sera rendue le 20 décembre. Mais mettre les hauts fourneaux à l'arrêt et pire, annoncer la date à laquelle il seront éteints, n'est-ce pas le plus mauvais argument pour obtenir le soutien de la Commission européenne ? Surtout quand on sait que celle-ci, compte tenu de la crise déclenchée par Mittal pour fermer le site, a déjà déclassé le projet Florange dans la liste des ayant-droits ! Tout ça ressemble à un cercle vicieux : Mittal ne relance pas les hauts fourneaux sans le projet ULCOS mais le projet ULCOS risque de ne jamais exister si les hauts fourneaux ne sont pas relancés avant la décision de la Commission. Et si Mittal s'est engagé à entretenir les hauts fourneaux jusqu'à la mise en œuvre du projet ULCOS, une autre question se pose alors. Pourquoi ce projet ULCOS n'est-il pas mentionné dans le communiqué de presse de Mittal lui-même après l'accord ? Quelle garantie a réellement obtenu Ayrault ? Réponse : aucune. Ayrault ment. Le texte de l’accord nous apprend paraît-il que Mittal pleurniche sur ce point. D’après lui le procédé ne serait pas au point. Mensonge. Ça fait huit ans que les ingénieurs travaillent dessus et il fonctionne en Suède déjà. Peu importe. Les pleurnicheries de Mittal veulent juste dire qu’il ne fera rien et que les hauts fourneaux ne démarreront pas tant qu’il sera là !

Hollande vide la moitié de son propre verre !

C’est la nouvelle inaperçue. François Hollande s’y est encore distingué dans l’art précieux du double langage. Pendant la bataille de marchand de tapis qu’a été la négociation du prochain budget de l’Union européenne, chacun a fait ses annonces. François Hollande a encore été transparent avant de faire une proposition avec laquelle il a réduit à néant son propre soit-disant plan de relance.

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Le capharnaüm a été tel que toutes les décisions sont remises à janvier. En fait tous les présents sont venus proposer une baisse du budget de l’Union et des « économies ». Le plus provocateur dans ce domaine a été l’anglais Cameron qui a proposé 200 milliards de soustractions ! Quelle riche idée ! En pleine période de récession, retirer des montagnes de crédits pourtant essentiels pour les fonds qui viennent en aide aux régions sous-développées de l’Union ! Dans la cohue des surenchères aucune voix ne s’est exprimée pour proposer la manœuvre inverse c’est-à-dire d’augmenter le budget pour provoquer un choc contre-cyclique. Ou bien pour proposer que l’Union puisse s’endetter directement auprès de la BCE sur ses projets de développements. Rien ! Tous à la baisse ! Et François Hollande le prétendu partisan de la relance comme les autres ! Mais le savoureux en matière de cynisme est sa proposition. Il a suggéré comme un « compromis » de ne retirer que 75 milliards ! On voit que nous pouvons être fiers de sa capacité de résistance. L’ennemi propose de vous couper les bras ? Héroïquement Hollande exige qu’on vous en laisse un ! Ce chiffre de 75 milliards doit être rapproché d’un autre : les 120 milliards du prétendu plan de relance européen échangés contre sa signature sans condition du traité Merkozy ! Sur ces 120 milliards, on avait révélé que 60 étaient déjà dans le budget européen. Avec ce retrait proposé de 75 milliards, cela reviendrait à dire qu’il resterait moins 15 milliards. Plus 120 d’une main. Moins 60 de l’autre le même jour. Et encore moins 7 sept mois après ! Telle est la relance version Hollande. Le philosophe Platon disait : « La perversion dans la cité commence avec la falsification des mots » !

La banque de Hollande est bidon

La création de la Banque publique d'investissement a été votée jeudi 29 novembre. Cette fameuse « BPI » était la première proposition de François Hollande pour financer les entreprises. Le résultat à la sortie est assez pitoyable. Comme d’habitude les mots masquent la déroute et l’à peu près d’un projet de plus mal ficelé. On est loin, très loin, du pôle financier public dont nous voulons pour faire décoller le financement de l’activité. C’est même une banque qui en est le contraire.

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La Banque publique d'investissement est sous financée. Elle ne mettra pas en mouvement des moyens nouveaux. Pour l'essentiel, la BPI regroupera des organismes déjà existants : Oséo, Fonds stratégique d'investissement, filiale "entreprises" de la Caisse des Dépôts. Le capital total de cette BPI sera de 42 milliards d'euros. Mais sur ces 42 milliards, seuls 4 petits milliards sont disponibles. Comment passer de 42 milliards déjà bien maigrelets a dix fois moins tout en ayant l’air d’agir : du Hollande pur sucre ! Le reste a déjà été investi par les différents organismes qui vont fusionner. Pour une fois, Hollande aurait pu s'inspirer de l'Allemagne. L'équivalent allemand de la BPI, la banque KFW, dispose d'un capital dix fois supérieur : 437 milliards d'euros.

La BPI ne sera même pas une banque ! C'est le plus incroyable. En effet, la Banque publique d'investissement ne disposera pas d'une "licence bancaire". Cela peut paraître technique. C'est pourtant décisif. Cela signifie que la Banque publique d'investissement ne pourra pas se refinancer auprès de la Banque centrale européenne. Actuellement, la Banque centrale européenne prête énormément d'argent aux banques privées. Il y a un an, la BCE a prêté 1 000 milliards d'euros à des taux inférieurs à 1% aux banques privées. Mais ces banques privées n'ont pas réinjecté tout cet argent dans l'économie réelle. Loin de là. Des entreprises rentables sont ainsi asphyxiées pour de simples problèmes de trésorerie. Les grandes banques d'affaires ont pesé de tout leur poids pour que la BPI ne leur fasse pas de concurrence. Pierre Moscovici a écouté les banques. La BPI n'aura pas de licence bancaire. Les députés du Front de Gauche avaient déposé un amendement pour corriger cette grave insuffisance. L'amendement a été rejeté par les députés PS. Ils sont soumis aux désidératas des banquiers privés, dirions-nous, si nous devions reprendre leurs habitudes d’injures contre nous sitôt que nos députés ne votent pas comme eux ?

En tous cas, comme elle ne pourra pas se refinancer auprès de la BCE, la BPI devra s'endetter sur les marchés. Elle servira en quelque sorte d'intermédiaire entre les entreprises et les banques privées. Mais elle empruntera aux banques privées aux taux auxquels les banques privées voudront bien lui prêter. C'est-à-dire selon les notes des agences de notation. La BPI devait sortir les PME des griffes de la finance. Au lieu de cela, Hollande met la BPI elle-même dans les griffes de la finance et de ses agences de notation.

La Banque publique d'investissement sera un nain financier. Le résultat sera donc extrêmement limité. Une étude d’impact du ministère des Finances prévoit la création d’à peine 60 000 emplois d’ici 2020 grâce à la BPI. C'est dix fois moins que le nombre d'emplois préservés par l'action actuelle de la Banque de France en tant que médiateur du crédit entre banques privées et entreprises. Tout ça pour ça ! Pourtant vous allez voir bientôt la propagande socialiste se donner des airs d’amis du Gosplan avec leur banque bidon.

Sans moyens nouveaux, la BPI est aussi sans logique nouvelle. Elle ne servira pas à la conversion écologique de l'industrie. La BPI ne fixera aucune condition sociale ou écologique à ses prêts. Aucun critère de ce type n’est fixé pour le choix des investissements. La Banque publique d'investissement servira donc avant tout à soutenir la croissance et "l'export" en soutenant en particulier l'innovation. C'est le bras armé de la politique de l'offre, nouvelle doctrine économique du PS : produire tout et n'importe quoi pourvu que ce soit "innovant" et que ça s'exporte.

Tout cela n'est pas surprenant. Depuis le début, ce projet de BPI est piloté par d’étranges compagnons de route. La création de la BPI a été faite d’après les conseils de la banque Lazard. Il est assez schizophrène de demander à une banque d'affaires comment créer un outil pour palier les défaillances des banques d'affaires. Dans le même temps, le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici s'est illustré par son sectarisme. Il a ainsi toujours refusé de recevoir les représentants du Collectif pour un pôle public financier au service des droits. Ce collectif regroupe une quarantaine d'organisations qui militent pour un pôle financier public. Le Parti de Gauche est associé à ce collectif qui rassemble plusieurs syndicats des différentes banques publiques et privées du pays ainsi que Attac et la fondation Copernic. Moscovici a préféré discuter avec un banquier qu'avec les syndicats. C'est tout un symbole, non ? Suis-je perfide ou bien juste déprimant ?

L'autre symbole est le futur président de la BPI. François Hollande a décidé de confier cette tâche à un ancien camarade de la promotion Voltaire de l'ENA : Jean-Pierre Jouyet. Jouyet fait partie de ces insubmersibles, qui restent en place même quand la majorité politique change. Comme je l'ai déjà dit sur ce blog, Jouyet "joue contre son camp" professionnel. Cet homme a trahi le PS pour un maroquin ministériel dans le premier gouvernement de Sarkozy. Puis il s'est réfugié à la tête de l'autorité des marchés financiers. Quant à ses connaissances sur l'industrie elles se limitent à la répétition des sarcasmes de droite qui considèrent Florange comme un "canard boîteux".

Ce projet de Banque publique d'investissement passe à côté des enjeux. Encore une fois, la démonstration est faite que nous étions mieux préparés à gouverner. Notre proposition d'un pôle financier public serait plus opérante que la BPI de Hollande. Il s'agirait de créer un pôle puissant avec une licence bancaire. Le contre-budget du Parti de Gauche prévoit aussi 30 milliards d'euros pour nationaliser les activités non spéculatives de la BNP et de la Société Générale. Notre pôle public serait aussi un pôle généraliste qui prêterait aux entreprises, aux collectivités locales, aux bailleurs sociaux et aux particuliers. Enfin, ce serait un pôle au service de l'intérêt général. Les investissements soutenus seraient choisis sur des critères sociaux et écologiques. Et ce pôle mobiliserait l'épargne des français aujourd'hui dilapidé par les banques et assurances privées. Savez-vous que l'encours actuel d'épargne drainé en France par l'assurance vie est de 1 400 milliards d'euros ? Et savez-vous que selon la Cour des Comptes, seul 7% de ces fonds servent à financer des entreprises en France ? savez-vous qu’un euro sur deux de vos prime d’assurance sont immédiatement réinvesties à l’étranger ? Pourquoi ? Pour quelles finalités ? Augmenter la masse des 5 400 milliards d’euros d’avoir français à l’étranger, soit plus de deux années entières de richesse produite par le pays ? La banque est une affaire beaucoup plus simple qu’il y paraît d’abord. Ce qui rend tout opaque et confus c’est la brume des mots diffusés pour camoufler ces faits insupportables au nom desquels on veut convaincre de la politique absurde dont tout le monde voit les dégâts et jamais les bienfaits toujours annoncés pour demain ou après-demain !   


29nov 12

De quoi Pascale est-elle le nom ?

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Des Socialistes (espagnols) demandent pardon

Militants socialistes vous savez dorénavant ce qui vous attend si le socialisme est pour vous un idéal et non une carrière. Voyez vos semblables en Espagne. Cette vidéo a été publiée au lendemain de la nouvelle défaite du PSOE, le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, en Catalogne. Elle a été enregistrée par d'authentiques militantes et militants du PSOE connus comme tels. Elle s'inscrit dans la continuité d'une tribune publiée le 25 Octobre dernier par le sociologue Ignacio Sánchez-Cuenca intitulée « et si le PSOE disait… ? »…

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Je bouclais ma valise pour le sud-ouest. Au programme une descente chez les Pilpa, une manifestation avec les Sanofi et le meeting en soirée à Toulouse contre l’austérité. Retour d’Auschwitz en délégation avec des lycéens de la région, Eric Coquerel me dit que la nouvelle du vote de notre groupe au Sénat tourne en boucle sur les chaînes d’info. L’abstention sur les recettes, comme à l’Assemblée, provoque le rejet du texte et son retour à l’Assemblée. Est confirmé que nous n’avons pas bougé de position puisque le Parti socialiste, lui non plus, ne bouge pas. Aucune intimidation n’a fonctionné. Aucune tentative de division du Front de Gauche n’a trouvé prise. Le plan de marche continue. Je ramasse mes affaires. Je trimballe davantage de papier que d’habits et commodités. Vendredi je rencontre Hollande avec Martine Billard, ma co-présidente. Il s’agit du rapport Jospin sur « la modernisation des institutions ». Ça va être rapide paraît-il. Harlem Désir aussi semble vouloir nous rencontrer sans que nous soyons obligés de solliciter un rendez-vous de sa splendeur. Nous examinerons avec bienveillance son éventuelle invitation. Demain je passe un coup de fil à Pascale Le Néouannic pour savoir où on en est sur place face à Devedjian et à Françoise Verchère pour qu’elle me dise où on en est à Notre Dame des Landes vu depuis le terrain qu’elle ne quitte pas. Tout semble figé mais pourtant tout bouge de tous côtés. Et partout les nôtres sont au travail. Samedi c’est le moment fort de la saison avec nos assises pour l’Eco-socialisme. On se réunit à guichet fermé : plus de place dans la salle. L'ensemble de la journée sera diffusée en direct sur ce blog. Le texte fondateur circule. Il sera remanié après le débat. C’est un document de longue portée pour nous. Une carte d’identité pour notre jeune parti.

Contre Plouf et Chocolat : résistance!

Rude besogne militante. Pascale Le Néouannic est en campagne législatives au nom du Front de Gauche. Car le 9 décembre prochain, les électeurs de la treizième circonscription des Hauts-de-Seine sont appelés aux urnes. Les élections partielles ne passionnent pas. Et leur représentation médiatique est un concentré des tares habituelles. Ici « les deux concurrents » sont les célèbres Plouf et Chocolat, les deux rois nus de l’UMP et du PS. Leur « match » est « arbitré par le FN » et commenté par l’inusable « Parisien » l’empereur des comptoirs. Civique et excitant, n’est-il pas ? Cette simplification aggrave le mépris et le désintérêt ordinaire d’une population écœurée par les facéties des partis dominants. Que cela ne serve à rien d’élire un UMP ou un socialiste de plus n’est pas difficile à démontrer quand monte cette marée irrépressible. Mais qu’on puisse compter sur nous pour les faire dégager quand les médias ont décidé que ce rôle est attribué au FN, voilà la gageure. N’empêche, on vote et c’est donc un moment précieux ! C’est de cet indéfectible esprit de résistance dont notre candidate est le nom.

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Le Conseil constitutionnel a annulé l'élection de juin dernier. L'UMP Patrick Devedjian avait été élu député de la treizième circonscription des Hauts-de-Seine. Mais, cinq mois avant le duel Copé-Fillon, l'UMP avait déjà des problèmes avec le respect des règles électorales élémentaires. En effet Devedjian avait choisi comme suppléant un homme qui était déjà le suppléant d'un sénateur. C'est formellement interdit par le code électoral et son article LO-134. L'élection a donc été logiquement annulée par le Conseil Constitutionnel. Nul n'est censé ignorer la loi, surtout un avocat chevronné comme Patrick Devedjian. Une partielle, même sur une terre très à droite, c’est un baromètre intéressant. Sitôt l'élection annulée, le Front de Gauche a désigné sa candidate, Pascale le Néouannic. C'est déjà elle qui était notre candidate en juin. Elle est une des fondatrices du Parti de Gauche et elle en est une dirigeante nationale. Je l’ai dit : si vous vous fiez aux médias, écrits ou audiovisuels, vous ne savez pas que le Front de Gauche a une candidate dans cette élection. Pourtant sur le terrain, quand quelque chose se fait, tout est de notre côté. Vendredi 23 novembre, je suis allé participer à une réunion de soutien. Autour de Pascale Le Néouannic et de son suppléant communiste, à Bourg-la-Reine, il y avait plus de 400 personnes !  Personne n'avait jamais rempli cette salle pour une réunion politique, même la droite qui est là-bas dans son nid le plus douillet. 400 personnes pour une élection législative partielle  ! Des personnalités de tous horizons de la gauche et des écologistes ont choisi de soutenir sa candidature. Plusieurs d’entre elles n’avaient jamais voté avec nous jusqu’à ce jour. Que se passe-t-il ?

Pour nous, cette élection a un sens national. C'est la première élection législative partielle depuis l'élection de François Hollande. Enfin parce que notre adversaire de droite est un symbole de ce qu'est devenu l'UMP. Patrick Devedjian a été ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Il a même été secrétaire général de l'UMP en 2008, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. C'est depuis des années un artisan de l'extrême-droitisation de la droite. Ancien membre du groupe d'extrême-droite Occident, c'est aussi un baron local qui cumule la présidence du département le plus riche de France, les Hauts-de-Seine, avec son mandat de député qu'il détient depuis 1986. Sa défaite serait une respiration démocratique !

Mais cette élection est aussi l'occasion d'envoyer un message pour les électeurs de gauche six mois après l'élection de François Hollande. En effet, le paysage est clair. Il y a une candidate du Front de Gauche, Pascale Le Néouannic. Et il y a un candidat unique pour le service de Jean-Marc Ayrault. A gauche, le message sera donc simple à lire. Il y a un bulletin pour valider tout ce que fait Ayrault. Et un pour dire son désaccord tout en restant fidèle à ses convictions de gauche. Etes-vous contents du refus de l’amnistie des syndicalistes, pensez-vous qu’on ne peut faire mieux que le projet de 1964 de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, vous sentez-vous compris avec le tournant de l’austérité ? Les satisfaits et contents en redemanderont en votant pour le mannequin des socialistes. Sinon iront-ils user du bulletin de celle qui s’use la vie à tenir ouverte la porte du futur à gauche ? C’est une des leçons que nous attendons de la campagne, sans faute, que nous menons sur le terrain. Avec l’impression, bien des jours, que nous serions les seuls candidats. Les autres semblent attendre une rente de situation. Le « match » des « deux concurrents » épouse de si près la flemme des commentateurs professionnels ! Pascale ne ménage pas son engagement. J’admire son énergie. Comment tient-elle ? Ainsi sont les militantes de cet acabit. De tous côtés on lui susurre : « à quoi bon ? Devedjian n’a-t-il pas toujours gagné ? Et sinon une table ou une chaise, une chèvre ou un âne, estampillé PS n’est-il pas voué à gagner » ! Si notre idéal tient debout, c’est avec des jambes humaines, une tête dure et un cœur d’acier.

Le commerce de la crise de l’UMP et la crise

L'implosion de l'UMP est un pain quotidien abondant et quasi gratuit pour les médias dominants. Jusqu’à l’absurde ! Cette situation est un fait au moins aussi important que son objet ! Comme il est parlant le coup de sang de l’impassible Mazerolle ! Son cri du cœur exaspéré c’est l’aveu du rôle dégradé auquel sont condamnés les professionnels de l’information quand ils sont contraints de courir à côté du fourgon mortuaire comme les éboueurs derrière la benne à ordures. Depuis le vote, les chaînes d'information en continu sont en « émission spéciale » permanente si l'on peut dire. Cette transe est évidemment une composante de la crise elle-même en éclairant son moindre recoin et du coup en l’approfondissant, d’une déclaration à sa riposte obligée. Je me réjouis de la désintégration de la superstructure politique du système. Elle raccourcit les délais qui conduisent au « qu’ils s’en aillent tous ».

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Dans ces conditions, la politique est un spectacle peu coûteux pour les « producteurs » d’information. Cette dimension économique de la production de l’information n’est pas un à côté du phénomène d’hystérisation de l’information politique. C’en est la composante centrale. D’un point de vue médiatique dans six mois et peut-être moins il n’y paraîtra plus sur la même scène parce qu’un nouveau coup aura effacé celui-ci. Mais le dégoût réel provoqué sur la conscience des spectateurs, toutes tendances confondues ne sera pas réparé. Dans ces conditions, quoi qu’il arrive, si superficiel qu’ait été cet épisode, il entre en plein dans le processus de désintégration de la sphère politique qui est le propre des périodes « qu’ils s’en aillent tous ».

Il faut sans cesse revenir au tableau d’ensemble pour ne pas perdre le fil de ce qui se passe réellement. Ce n’est que par un effet d’organisation de la prise de conscience que des évènements simultanés semblent totalement autonomes et disjoints. Et cet effet est lui-même une production sociale. Il résulte de la façon dont le système médiatique hiérarchise et organise ses productions, comme je viens de l’illustrer. Dans la réalité -attention la phrase va être presque aussi longue que son objet-  la crise de l’UMP éclate en même temps que la situation grecque se paralyse et que la conférence sur le climat s’embourbe, tandis que le gouvernement Ayrault joue son autorité à cache-cache dans les bocages et les bois de Notre Dame des Landes et que les sénateurs renvoient le budget à l’assemblée sans discuter le volet dépenses parce que le volet recette n’a pas été adopté, phénomène sans précédent, je crois, depuis le début de la cinquième république. Je mentionne tous ces faits parmi d’autres qui pourraient tout aussi bien y figurer parce qu’ils forment un continuum qui fait sens. La crise de l’UMP est une composante d’une désintégration globale qu’elle amplifie.

Ce premier aspect de ce qui nous est donné à voir ne doit pas, lui non plus, nous coller le nez sur la fenêtre. Un autre fait mérite attention, du point de vue du système lui-même. Les grands médias et les sondeurs n'ont rien vu venir à propos de cette crise ! Depuis la fin de l'été, ils répétaient en boucle, sondages à l'appui, que François Fillon allait écraser Jean-François Copé. Même si on ne connaît pas le résultat réel, tout indique que Copé n'a pas été si "écrasé" que ça. Selon les instances de l'UMP, c'est même lui qui a gagné ! Revenons à ce que les maîtres des cérémonies médiatiques en disaient avant que le résultat ne les démentent cruellement. Le 19 août, un sondage IFOP pour le Journal du Dimanche donnait Fillon avec le double de voix de Copé : 48% contre 24%. Quelques jours plus, tard, le même IFOP voyait même Fillon avec trois fois plus de voix que Copé dans un sondage pour Atlantico : 62% contre 21%.

Le même écart de un à trois était pronostiqué par Harris interactive le 24 septembre pour 20 minutes : 45% des sondés souhaitaient l'élection de Fillon contre seulement 13% pour Copé. Et chez les seuls sympathisants UMP sondés, c'est la même chose : 71% préféraient Fillon, 23% Copé. Un mois après, Harris interactive n'avait pratiquement pas changé d'avis : son sondage en ligne du 23 octobre pour 20 minutes et LCP donnait Fillon à 67% et Copé à 22%. L'institut BVA voyait pour sa part un écart de un à deux entre les deux hommes comme dans son sondage du 15 octobre pour Orange, l'Express et France Inter qui donnait Fillon à 66% de préférence chez les sympathisants UMP contre 33% pour Copé. Le mois suivant, BVA disait toujours la même chose pour Orange, l'Express et France-Inter. Quelques jours plus tard, le même BVA, dans un sondage pour un autre client, en l'occurrence I>Télé, confirmait l'écart : 67% pour Fillon, 32% pour Copé. Et BVA notait que "le rapport de force a plutôt tendance à se figer".

Les sondeurs se sont encore une fois « trompés ». Cela implique que les médias qui ont acheté et diffusé ces sondages nous ont donc trompés. Bien sûr, tous se protégeaient en répétant en préalable que les votants ne seraient pas les sondés. Car seuls les adhérents de l'UMP pouvaient voter alors que les sondages portaient sur les "sympathisants" de l'UMP. Mais ce n’était pas vraiment crié très fort ! Il fallait bien vendre quand même. Imagine-t-on un média publiant une enquête avec comme précision « ce résultat ne veut rien dire mais nous le commentons sur deux pages ? » Et puis les sondeurs ont tellement besoin d’une revanche depuis leurs échecs à répétition à propos de la présidentielle ou même d’Henin-Beaumont ! Les sondeurs espéraient donc bel et bien que les adhérents obéiraient à leurs injonctions. Ils ne s’en cachaient pas. C'était l'analyse de Cécile Bracq, de l'institut BVA, en novembre : "Nous sommes à 65% de sympathisants UMP qui souhaiteraient que François Fillon soit le président de l’UMP contre 33% pour Copé. Ça n’a plus beaucoup bougé ces dernières semaines alors évidemment c’est toujours la même chose : théoriquement les militants les adhérents peuvent complètement invalider le choix des sympathisants, mais ce serait tout de même extrêmement étonnant compte tenu des différences qui existent entre ces deux candidats". Fin août, Jérôme Fourquet de l'IFOP ne disait déjà pas autre chose : "On peut se demander aujourd’hui si la mesure auprès des sympathisants est conforme à l’avis des militants, et plus spécifiquement des plus actifs qui seront sans doute les seuls à voter (…) Pour Fillon, on pense que, comme cela avait été le cas lors de primaires socialistes, les sondages seront proches de la réalité. L’écart est très conséquent aujourd’hui. Il peut se resserrer mais la tendance aura du mal à totalement s’inverser".

Donc les sondeurs ont eu tout faux ! Mais le business a été rentable pour eux. En effet, les coûts ont été réduits au minimum. Je donne un seul exemple. Opinionway a ainsi réalisé le 8 octobre un sondage sur un échantillon de… seulement 523 personnes ! Sachant que 160 000 adhérents UMP ont voté sur plus de 40 millions d'électeurs en France, je laisse imaginer le nombre d'adhérents UMP qui étaient présents dans cet échantillon de 523 personnes. Et je pourrais aussi revenir sur la multiplication des sondages "en ligne" comme ceux d'Harris interactive. Il n'y a dans ce cas aucun moyen de savoir qui répond, si le répondant ne ment pas dans l'espoir de fournir ce qu'il croit être la "bonne réponse" pour empocher une hypothétique récompense, ni même s'il ne répond pas plusieurs fois sous une fausse identité. Qu'importe, pour les sondeurs, ça ne coûte pas cher. Et pour les médias, ça fait parler, donc vendre du papier ou des heures d'émission. Quelle conséquence ? Je viens de dire qu’elle importante contribution au mûrissement de « qu’ils s’en aillent tous » c’est là. Pour être franc, je m’en réjouis. Plus brève sera la séquence ! Mais si l’on examine la question sous l’angle de l’éthique républicaine en général, il n’y a vraiment pas lieu de pavoiser. La nocivité absolue du sondage politique est amplement confirmée. Ici ce furent des mois de pilonnage au profit d’une position contre une autre avec des apparences de vérités chiffrées. Du coup ce fut une incapacité à penser la situation sur des bases honnêtes pour les gens qui ont fait confiance aux chiffres et aux commentaires qui les accompagnaient. Quant au fonctionnement de la démocratie institutionnelle c’est une nouvelle déroute morale : celle de la prétendue commission des sondages, complice de cette manipulation par sa répugnante passivité. Naturellement ça ne servira de leçon à personne. Parce qu’aucune leçon de cette sorte ne peut avoir d’effet. Il est dans la nature du système. Ce n’est pas un complot, c’est un effet de système. Il résulte de la désinvolture des pratiques médiatiques, de la logique des économies d’échelle, et de la nécessité de cracher de l’info à une cadence incompatible avec le rythme de la réalité et des capacités humaines de traitement de la matière première !

Plan Gallois : chronique d’un gâchis assuré !

Hollande et Ayrault ont décidé de faire un cadeau de 20 milliards d'euros au patronat et aux actionnaires. Pour que vous ayez une idée, ces 20 milliards d'euros de "crédit d'impôt compétitivité emploi" correspondent à plus de la moitié des recettes d'impôts sur les sociétés, l'impôt sur les bénéfices payé chaque année par les entreprises. En 2011, l'impôt sur les sociétés a rapporté 39 milliards d'euros. Cette exonération d'impôt s'ajoutera aux 28 milliards d'euros d'exonération de cotisations sociales déjà accordés chaque année aux entreprises sans contrepartie.

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La compétitivité est un prétexte. J’ai dit que je ne lâcherai pas l’argumentation contre le plan Gallois et sa déclinaison en mesures gouvernementales. J'y reviens. Le nouveau crédit d'impôt ne défend pas la compétitivité mais la profitabilité des entreprises. L'argument de la compétitivité ne tient pas puisque le crédit d'impôt concernera "toutes les entreprises" comme l'a dit Ayrault lui-même. Il ne bénéficiera donc pas seulement aux entreprises qui sont confrontées à la concurrence internationale ou qui exportent. Ce point est dorénavant totalement avéré. L’institut patronal Rexecode lui-même en convient. Dans une note d'analyse du crédit d'impôt compétitivité emploi, Rexecode conclut que "les secteurs pour lesquels le Crédit d'impôt compétitivité emploi aurait l’impact le plus élevé en termes de réduction du coût salarial seraient les services aux particuliers puis le commerce et la construction". Rien à voir avec l’industrie, prétexte du départ !

De plus, il s'agit de trois secteurs qui dépendent quasi-uniquement de la consommation intérieure. Selon les calculs de ce centre d'études patronal, le "coût" du travail serait réduit de 4% dans les services aux particuliers et de 3,3% dans le commerce et la construction alors qu'il ne serait réduit que de 2,4% dans l'industrie ! De son côté, la banque Natixis arrive aux mêmes conclusions. Elle a calculé que les quatre plus gros bénéficiaires du crédit d'impôt Ayrault seraient dans l'ordre : GDF, EDF, Vinci et Carrefour. Là encore, ce sont des entreprises exerçant des activités non-délocalisables, notamment dans la construction et le commerce pour les deux dernières. On retrouve les mêmes secteurs que dans l'analyse de Rexecode. Selon Natixis, au total, ces quatre entreprises gagneraient à elles-seules au moins 386 millions d'euros ! Je dis "au moins" car les détails de calcul du crédit d'impôt ne sont pas tous connus. Ça pourrait donc être plus !

Ce projet est finalement très mal ficelé. Du moins quand on fait le crédit de croire que le gouvernement est de bonne foi. C’est le cas du député PS Christian Eckert, rapporteur de la commission des finances, pourtant favorable au crédit d'impôt. Il a listé plusieurs points très problématiques. Lui aussi relève que "le futur CICE embrasse beaucoup de cibles : environ 20% des 20 Milliards du CICE iront à l'industrie. C'est peu pour doper la compétitivité". Il relève que "certains secteurs économiques sont néanmoins oubliés : le secteur associatif et le champ de l'économie sociale et solidaire pourraient ne pas être éligible. Une vraie difficulté en terme d'équité, surtout pour un secteur cher à la gauche". Il pointe aussi un danger majeur pour l'hôpital public : "le CICE pourra amplifier des différences dans des secteurs sensibles : l'exemple du secteur médical est emblématique. Les cliniques privées toucheraient le CICE. L'Hôpital public ou associatif n'en bénéficierait pas. C'est inacceptable" écrit ce député PS. Enfin, lui aussi relève l'absence de contrepartie : "le CICE pourra servir à tout : certes pour investir, embaucher, former des salariés, développer la recherche ou l'exportation. Mais aussi pour augmenter certaines rémunérations excessives ou des dividendes pas toujours décents".

Ce plan est une gabegie d'argent public. Ce crédit d'impôt Ayrault va fonctionner comme une prime aux licencieurs. Carrefour serait le quatrième bénéficiaire du crédit d'impôt avec 75 millions d'euros gagnés chaque année. Pourtant, le 12 octobre dernier, le groupe a annoncé 533 suppressions d'emplois. Après Carrefour, le cinquième bénéficiaire serait PSA-Peugeot-Citroën avec un gain de 72 millions d'euros annuel. Le groupe a annoncé le 12 juillet dernier, 8 000 suppressions d'emplois et la fermeture de l'usine d'Aulnay. Ce scandale met en lumière l'absence totale de contreparties exigées des entreprises pour bénéficier du crédit d'impôt. En effet, le gouvernement entend seulement introduire "au moins deux représentants des salariés au sein du conseil d'administration ou de surveillance comme membres délibérants dans les grandes entreprises". Le rapport Gallois propose d'appliquer cette mesure dans les entreprises de plus de 5000 salariés. Cela ne concernerait donc qu'une centaine d'entreprises. Et bien sûr, dans les conseils d'administration, les salariés seront toujours minoritaires : ils ne pourront jamais empêcher une décision. La deuxième "contrepartie" serait d'obliger les employeurs à présenter à leur comité d'entreprise un rapport sur "l'utilisation des marges ainsi créées par ce crédit d'impôt pour investir ou embaucher". Seules les entreprises de plus de 50 salariés sont concernées puisque les autres n'ont pas de comité d'entreprise. Au total, cela ne concernera que 31 000 entreprises sur les 2,6 millions existantes. Et là encore, les comités d'entreprise seront seulement informés. Ils n'auront pas de nouveaux pouvoirs. Enfin, le gouvernement entend instaurer au niveau national "un comité de suivi avec les partenaires sociaux chargé de dresser à intervalle régulier un constat partagé sur le bon fonctionnement du dispositif". Là encore, il n'y aucune contrainte pour le patronat sur l'utilisation de l'argent. Au final, les salariés et les syndicats n'auront aucun pouvoir de contrôle et encore moins de décision sur l'utilisation de l'argent donné aux entreprises. Aucune contrepartie n'est demandée en termes de création d'emplois, de lutte contre la précarité, de formation professionnelle, d'investissement productif.

Au-delà de ces effets d'aubaine incroyables, le crédit d'impôt Ayrault reflète une très mauvaise gestion de l'argent public. En effet, Ayrault espère la création de 300 000 emplois grâce à ce dispositif. Ce chiffre paraît très fantaisiste. Mais j'accepte de partir de l'hypothèse de Jean-Marc Ayrault. Si 300 000 emplois sont effectivement créés par ce crédit d'impôt de 20 milliards d'euros, cela signifie qu'un emploi coûtera 67 000 euros d'argent public ! C'est 50% de plus qu'un emploi de professeur payé sur une année. Il y a donc une possibilité de créer plus d'emplois avec autant d'argent.

L'objectif de Ayrault n’est pas crédible. Nous avons au contraire de bonnes raisons de croire que ce "pacte de compétitivité" va aggraver la crise. En effet, pour financer ce cadeau aux patrons, le "pacte de compétitivité" prévoit 10 milliards de baisses des dépenses publiques et 10 milliards de hausses d'impôts. Les 10 milliards de baisses des dépenses publiques vont s'ajouter aux 50 milliards d'euros de baisses déjà prévues dans la loi de programmation budgétaire 2012-2017. Au total, Hollande et Ayrault entendent retirer 60 milliards d'euros des budgets publics et sociaux d'ici 2017. C'est très injuste : ce sont des services publics et de la protection sociale en moins. Mais en plus, cela va aggraver la récession. Les baisses de dépenses publiques aggravent la crise en contractant l'activité. Ce cercle vicieux est à l'œuvre en Grèce, Espagne, Portugal etc. Le FMI et l'OFCE estiment que le retrait d'un euro des dépenses publiques peut entrainer un recul de l'activité allant jusqu'à 1,60 euro. C'est-à-dire que la contraction de l'activité est supérieure à l'économie espérée au départ. Les soixante milliards d'euros que Hollande veut "économiser" en cinq ans dans les budgets publics et sociaux pourraient donc se traduire par un recul de l'activité de l'ordre de 100 milliards d'euros !

Et c'est sans compter la chute de la consommation populaire que va produire la hausse de la TVA. C'est là, une deuxième bêtise de ce pauvre Ayrault. La TVA est l'impôt le plus injuste. Les 10% des ménages les plus pauvres consacrent 8,1% de leur revenu à la TVA contre seulement 3,4% pour les 10% les plus riches. En effet, les ménages les plus pauvres consomment tout leur revenu. Ils payent donc la TVA sur 100% de leur revenu. Alors que les ménages les plus riches ne consomment pas la totalité de leur revenu, ils en épargnent une grande partie. La part de TVA est donc moins grande. Pour présenter la hausse de la TVA comme "juste", le gouvernement baisse le taux réduit de 5,5% à 5% pendant que le taux intermédiaire passera de 7% à 10% et le taux normal de 19,6% à 20%. Mais cela ne trompe personne. La baisse du taux réduit ne devrait coûter que moins d'un milliard d'euros en perte de recettes pour l'Etat. Pendant ce temps, la hausse des taux intermédiaire et normal devrait rapporter plus de 7 milliards d'euros. Au total, les ménages, c'est-à-dire le peuple, payeront près de 7 milliards d'euros de TVA en plus !

Et ce n'est pas fini, le patronat gagne une deuxième fois. Les économistes s'accordent sur deux points. Premièrement, les petites baisses de TVA ne sont jamais répercutées pleinement sur les prix par les entreprises. Deuxièmement, les hausses de TVA sont systématiquement répercutées sur les prix par les entreprises. La combinaison des deux signifie que le grand gagnant de la hausse de la TVA sera encore le patronat. Il ne répercutera pas totalement la baisse de TVA sur les produits de première nécessité. Mais il répercutera totalement la hausse des deux autres taux de TVA. Dans les deux cas, les entreprises vont donc augmenter leur marge et donc le bénéfice reversé à leurs actionnaires-propriétaires.


22nov 12

Le moment Moody’s et Copé

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J'ai rencontré Oskar Lafontaine ce mardi 20 novembre à Sarrebruck pour faire le point politique. Ensemble nous avons rédigé une déclaration politique sur notre perception commune de la situation de l'Union européenne

J’étais fier d’eux. A l’annonce de la dégradation de la note de la France, mes camarades du Front de Gauche ont couru manifester devant le siège de l’agence voyou. En trois heures, de bouche à oreille, tweets et textos, ils n’ont rassemblé certes qu’une petite centaine de militants en début de soirée. Mais c’est l’impulsion qui compte. Je crois que tout est dans la capacité d’initiative et de résistance dans les temps qui courent. La déclaration de guerre de la finance contre la France ne devait pas être laissée sans réplique, même symbolique. Compte tenu de ces conséquences concrètes, c’est un coup rude qui est porté au pays. La réponse politicienne du nouveau gouvernement (« c’est pas moi, c’est l’autre ») n’est pas seulement peu honorable d’un point de vue national. C’est surtout une reddition particulièrement contre-productive. Le nouveau gouvernement accepte l’appréciation de cette agence et ses prémices. C’est-à-dire à la fois son autorité et ses critères d’évaluation. Il a mis le doigt dans un engrenage dont il ne sortira plus. C’est du Papandréou pur jus. La sortie de gauche de cette nouvelle phase de la crise est de notre côté. En rencontrant une fois de plus Oskar Lafontaine à Sarrebruck cette semaine c’est cela que j’avais à l’esprit.

Le moment Copé et le nôtre

A propos de l’anecdotique, je veux dire du ridicule et des rebonds, de la nouvelle grotesque faillite des sondeurs, tout est dit. Mais ça ne compte pas vraiment. Le PS triche autant et certains ont même un logiciel pour gérer ça. Mais ce genre d’épisode exprime toujours une tendance plus profonde que ne le laisse voir le jeu confus des circonstances. Ici c’est simple : la droite confirme la mue sarkoziste vers le libéralisme économique et vers l’ethnicisme. Cela renforce pour nous l’exigence de clarté pour être identifiés dans notre distance avec la droite, qui n’est bien sûr pas en cause en dépit de la propagande nauséabonde du PS. Mais il s’agit aussi d’une claire mise à distance d’avec le nouveau gouvernement.

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Le vote des motions à l’UMP confirme cette bascule culturelle. La motion la plus droite dure a été plébiscitée. Dès lors Copé a vraiment gagné de toutes les façons possibles. Il incarne la nouvelle droite qui ouvre les portes à coups de pied et anime son parti comme un club de gym. Fillon c’est le ramassis gélatineux de la droite aigrelette, celle de la bonne société des gros bourgs, gens en place, garçons bien coiffés et filles en jupes soleil qui boivent du lait en famille mais se déchirent en soirée. Cette droite-là essayait d’être gaulliste quand elle pouvait. Elle peut être encore la plus nombreuse dans la société, elle n’est plus la force allante. Son rôle est de faire l’appoint de la nouvelle droite comme Fillon l’a fait pendant cinq ans au service de Sarkozy. Celui-ci n’avait-il pas déjà battu la vieille droite ? Fillon a perdu. Sa façon de perdre est une signature supplémentaire de sa défaite. Geignard, besogneux, notarial. Copé peut lui sauter sur la tête à pieds joints et il ne s’en prive pas. Il va le finir à coups de pieds. Il tient le manche il ne le lâchera plus ! La force ira à la force, comme d’habitude. Surtout dans ce milieu-là.

La droitisation de la droite se lisait dans le résultat du deuxième tour de la présidentielle tellement plus serré que ce qui avait été annoncé ! La dédiabolisation des Le Pen a été celle de ses idées davantage que celle de sa personne. Dès lors, tout a poussé dans le même sens. Evidemment, les autres politiciens du système se frottent les mains. Socialistes, centristes, politologues à la papa continuent comme s’ils vivaient encore dans les années 90. C’est-à-dire avec les mêmes grilles d’analyse désuète : la clef des élections est au centre, le cœur du pays est dans la tisane. La bataille pour le contrôle du robinet d’eau tiède va faire rage entre eux. Déjà au PS s’explorent les entrées rebattues du sentier de l’alliance au centre avec la bénédiction du journal « Le Monde ». Mais la société, elle, continue sa pente hors du vieux décor, hors des règles du jeu formel, en se disloquant dans les précarités et la violence du quotidien. La droitisation de la droite dit comment se formule idéologiquement la radicalisation d’une bonne partie des catégories moyennes en perdition qui avaient adhéré au système et ne savent plus que faire. La dynamique est de leur côté pour l’instant. Il y a un moment Copé aussi longtemps que le Front national fait le chauffe-plats de ses banquets.

Notre problème est que nous ne sommes pas en situation pour l’instant de créer l’effet parallèle vers notre camp. Le pire vient évidemment de l’action délétère du Parti Socialiste. En validant les thèses de la droite, comme par exemple sur le coût du travail, ou en donnant raison aux mouvements corporatifs, comme par exemple celui de la médecine libérale, le nouveau gouvernement et son parti rétrécissent tout l’espace culturel où poussent les idées de gauche. Il atrophie le champ de conviction en quelque sorte. Le plus lamentable n’est pas tant sa façon de traiter par le mépris alliés et concurrents. C’est la coupure qu’il introduit dans les forces sociales de la gauche entre ceux qui sont poussés à la résignation par le comportement du parti dominant et ceux qui résistent. Le risque de la coupure de notre bloc social entre une fraction radicalisée et une fraction résignée est notre grand défi. Sans oublier le défi autrement plus angoissant de l’auto-isolement politique de ceux qui chôment de longue date ou sont dans l’hyper précarisation.

C’est dans ce contexte qu’est intervenue notre discussion au Front de Gauche à propos du vote sur le budget de l’Etat. Ce n’est pas un secret : le Parti de Gauche, comme la totalité des représentants des partis du Front de Gauche à la coordination, sauf ceux du PCF, étaient partisans de voter contre ce budget. Ce n’est pas une affaire de posture plus ou moins frontale vis-à-vis du PS et de son budget. C’est d’abord une appréciation sur le fond : c’est un mauvais budget pour le pays et dans le contexte de récession commencée. C’est le budget de la plus grande contraction de la dépense publique depuis plusieurs décennies. C’est aussi le budget d’une RGPP aggravée dans tous les ministères non sanctuarisés. Enfin parce que nos groupes parlementaires ont voté contre la loi de programmation budgétaire pluriannuelle. Dès lors il est normal d’en refuser la première application. Mais le fond est aussi politique : il s’agit de la mise à distance qu’il faut affirmer avec tout le système et la politique du nouveau gouvernement. Bien-sûr, aucune voix des nôtres n’a soutenu ce budget. Pas un parlementaire du Front de Gauche n’a voté le budget des socialistes. C’est le point clef. Il n’y a donc pas de fracture politique dans le Front de Gauche à propos de l’autonomie face au gouvernement et au parti qui le dirige.

Le groupe à l’Assemblée s’est donc abstenu. Mais pourquoi pas de vote contre ? Croyons-nous réellement qu’il peut se passer quoi que ce soit qui inverse la politique du nouveau gouvernement hors des clous de la loi de programmation budgétaire contre laquelle nous avons voté ? L’orientation n’est-elle pas affichée sans ambages ? Nos amendements n’ont-ils pas tous été rejetés ? Et cela alors même qu’ils étaient exactement rédigés comme ils l’étaient à l’époque où nous étions dans l’opposition et que les socialistes les avaient votés avec nous ? Cette ligne n’est-elle confirmée et approfondie depuis par le plan Gallois et la déclaration de la conférence de presse du président ? Je sais très bien que nous partageons tous cette appréciation. Que veut dire alors l’abstention dans ces conditions ? Selon nous c’est une source de confusion pour les nôtres et un signal de souplesse que la violence du gouvernement Ayrault interprète comme un aveu de faiblesse et l’affichage d’une divergence interne au Front de Gauche. Tout cela parce que les socialistes et leurs journalistes jouent le petit jeu de répéter que nous votons avec la droite ? Qui est-ce que cela trouble à part ceux qui sont déjà troublés de toute façon ? Le PS faisant la leçon sur les votes avec la droite après sa collusion avec le traité de Sarkozy ?

Au Parti de Gauche nous entendons autour de nous une exigence forte d’être clairs et nets, faciles à identifier. C’est la période politique qui l’exige. Cette attente doit-être entendue. C’est de cette manière de faire que dépend notre capacité à être entendus dans le pays profond. Pour l’avenir s’impose le débat sur la conception que nous avons de la façon dont doivent fonctionner ensemble les groupes parlementaires et le Front de Gauche. L’exigence du travail collectif entre le Front et les groupes doit s’imposer en dépit de toutes les difficultés pratiques que notre petit nombre d’élus soulève. D’autant plus que nous travaillons sous le double régime du groupe autonome et du vote autonome de chaque parlementaire. Il faut dire avec franchise que cette conception de la place, du rôle et du pouvoir solitaire des parlementaires ne correspond pas à l’idée que nous nous en faisons. Le Front de Gauche est une construction permanente. Il ne peut avancer sur le régime du fait accompli sur les décisions collectives. Je n’évoque toutes ces questions que pour deux raisons. D’abord en direction de ceux qui me demandent déjà des explications sur ce vote à l’Assemblée. Ensuite pour que chacun de mes lecteurs que cette question intéresse fasse le même effort que moi pour traiter les problèmes qui se présentent en prenant en compte toutes ses dimensions et avec la volonté de sortir par le haut de toutes les difficultés. Sans rien céder de ce qu’il croit juste.

Le mariage pour tous ? Pour tous ? Le mariage de qui ?

Le droit au mariage pour tous, c’est-à-dire l’extension de ce droit au mariage aux homosexuels, est un utile ouvre-boite. Combien d’indifférents sont en train de découvrir l’intérêt qu’il y a se mêler des débats réputés abstraits ou philosophiques quand on essaie de les faire vivre. Je suis prêt à admettre que sur le moment la pleutrerie de Hollande l’ait poussé à marquer un recul pour se faire bien recevoir chez les maires où la droite est active. Mais sur un tel sujet tout fait sens avec une force que ne portent pas d’autres sujets. Pour moi ce n’est pas une reculade. C’est l’avancée d’une ligne cohérente avec une vision de ce qu’est la loi, la communauté légale et même la république. Il a juste oublié qu’il s’agissait de la dignité de personnes déjà beaucoup brutalisées.

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Mais comment oublier le pronostic que les stratèges me rabâchaient : « Hollande lâchera tout sur le social et l’économique. Mais il regroupera la gauche sur les thèmes de société. » C’était la stratégie Zapatero en Espagne. Pourtant, ici, il a cédé à la première escarmouche. C’est trop ! En trop peu de temps ! Qu’est-ce que ça montre ? Pour moi ce n’est pas une reculade. C’est la confirmation d’une vision globale. Je m’étais senti bien seul quand j’ai tiré la sonnette d’alarme sur les trouvailles de François Hollande discrètement glissées en cours de campagne à propos de l’introduction dans la Constitution d’un renversement de la hiérarchie des normes en plaçant le contrat au-dessus de la loi ! Et quand il a rappelé qu’il comptait introduire dans la réforme constitutionnelle « la démocratie sociale » j’ai noté dans ce blog combien j’étais étonné qu’aucun journaliste ne le relève. D’un autre côté, depuis plusieurs semaines, les responsables socialistes qui s’expriment sur la prochaine vague de décentralisation ne cessent de faire l’apologie d’un fumeux « droit d’expérimentation législatif local ». Tout cela forme un tout, une doctrine : c’est la république à la carte, la loi à géométrie variable. C’est-à-dire la fin du droit égal pour tous et partout. Appliqué au droit social c’est aussi terrifiant qu’appliqué aux droits de la personne.

Je trouve finalement assez significatif, et lamentable, que ce soit à propos du mariage pour tous que ce débat de fond affleure à la surface. Car dans le mariage pour tous il y a l’idée de la fin d’une disqualification. Le mariage pour tous affirme que tous les couples sont égaux en droit. Donc d’une façon ou d’une autre que les personnes qui les constituent sont elles aussi égales en droits à tous les autres. Mais ce n’est rien d’autre que la fin d’une discrimination. En effet, le mariage civil n’est pas un sacrement ! C’est un contrat de vie commune passé entre deux personnes devant la société toute entière représentée par l’officier d’état civil. A partir de cette conception classique, dès lors qu’un droit est reconnu, s’y opposer, c’est s’opposer à une liberté fondamentale. Y faire obstruction serait un abus de pouvoir. D’ailleurs, actuellement, le code pénal sanctionne cet acte. Raquel Garrido, mon avocate, m’indique que l'article 432-1 du Code pénal prévoit bel et bien le délit « d'obstruction à l'exécution de la loi par une personne dépositaire de l'autorité publique ». Le maire est dépositaire de l’autorité publique en tant qu’officier de l’état civil. Si les maires, pourtant officiers d’état civil, étaient autorisés à l’objection de conscience pour l’application de la loi chaque fonctionnaire pourrait alors légitimement prétendre à une telle objection dans l’exercice de son métier. C’est la logique d’une situation où la communauté légale ne serait plus une et indivisible. Un droit ne vaudrait que si je l’admets. Le fondement du régime républicain serait atteint.

L’intention discriminatoire dans le cas de Hollande prend la forme plus euphémique du différentialisme. La « liberté de conscience » à bon dos dans cette affaire. Sa seule évocation fonctionne comme une flétrissure. En quoi la « conscience », car bien sûr seule une conviction religieuse peut prononcer une telle injonction, pourrait-elle être offensée par un mariage civil ? Personne n’a l’intention d’obliger les religieux à célébrer des mariages homosexuels dans leurs temples ! En quoi un acte d’état civil à propos d’un contrat légal entre citoyens adultes consentants peut-il impliquer la conscience d’autrui jusqu’au point de lui enjoindre de s’y opposer? Evoquer la liberté de conscience c’est bel et bien sous-entendre un doute sur la valeur morale du mariage des homosexuels. Je ne m’épuise pas à démontrer le caractère infâme de l’insinuation implicite de la vision de François Hollande. Je me contente de demander : quel problème moral soulève le mariage de deux personnes homosexuelles ?  Quel tort est fait ? A qui ? Allons au bout de cette façon de voir.  

Personne n’est obligé d’être maire. Il faut quand même le rappeler ! Les maires qui voudraient réserver le mariage aux hétérosexuels parce que leurs convictions religieuses les y obligent doivent choisir entre les injonctions de leur conscience et les obligations de leur fonction. Ils ne sont obligés à rien contre leur « conscience » : ils peuvent démissionner. Accorder à chaque élu le privilège personnel de dire s’il veut bien ou non appliquer la loi est un abus qui a déjà été châtié. Raquel Garrido me dit que la Cour d'appel de Papeete a condamné, en septembre 2011, à 4190 euros d'amende, pour obstruction à l'exécution de la loi, un maire ayant refusé "en raison de ses convictions religieuses" de célébrer le mariage d'une personne transsexuelle !

C’est maintenant le moment de se mettre du côté du sens de l’acte que veut poser le refusant pour bien en mesurer la portée. Celui qui refuse de marier quelqu’un d’autre peut le faire tout à fait tranquillement. Chaque semaine des dizaines d’adjoints officient à la place du maire. C’est évidemment pour des raisons d’emploi du temps des uns et des autres. J’ai connu cet exercice. On se répartit les samedis après-midi et même les tranches horaires entre adjoints-au-maire pour ne pas y passer tout son temps. Parfois, on insiste pour marier tel ou tel couple, souvent à sa demande, parce qu’on connait les époux. D’autres fois on a l’élégance de se défausser sur un collègue quand on a un différend personnel avec tel ou tel qu’il faut marier. J’ai connu aussi un cas ou un copain s’est dédit pour ne pas avoir à (re)marier son ex-compagne ! On comprend ! Ces choses-là se font à la bonne franquette et sans déballage infamant. Dans le cas des maires qui ne veulent pas marier des homosexuels du « fait de leur conscience », c’est le contraire. Il s’agit d’une discrimination ostentatoire. Donc elle est stigmatisante par intention! L’indifférence à la dignité des uns au motif de la « conscience » des autres est tellement révélatrice ! Cet aspect du problème posé n’a pas l’air de déranger le Président Il n’y a pas meilleur indication des archétypes qui le structurent sur le sujet.

Pourtant cet épisode qui ressemble tellement à une reculade devant les groupes de pression religieux n’en est pas une. C’est l’affirmation d’une doctrine constante de François Hollande. Le différentialisme est un fond de référence très construit chez lui. Davantage sur un mode politique que philosophique car il n’a pas d’appétence à la philosophie ni aux constructions doctrinales explicites qui exposent ceux qui les portent à donner prise aux autres. S’il est quelque chose, c’est un sophiste. En tout cas il n’est que faiblement universaliste. La République chez lui est un impensé doctrinal. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, qu’il ne soit pas républicain. Pour résumer son rapport à cette idée je dirai qu’il pratique mais il ne croit pas. Comme beaucoup de technocrates de la deuxième gauche socialiste, rien de tout cela ne lui parait mériter passion ou systématisation. Ultra-sensible au rôle des « corps intermédiaires », ceux-ci lui paraissent plus proches de l’ordre spontané et durable des réalités humaines, plutôt que l’interminable tension qu’implique notre idéal républicain. La nouvelle doctrine a donc là aussi remplacé l’ancienne sans crier gare, de petit bougé en petit glissé. Comme la politique de l’offre est devenue la nouvelle doctrine à la place de l’ancienne politique de la demande, le « chacun sa vérité » devient vite une sorte de « chacun sa loi », remplace l’universalité du droit et des droits. A présent, c’est à bouche que veux-tu ! Tous les hiérarques socialistes qui courent la campagne pour vendre la troisième étape de la décentralisation se lâchent : expérimentation législative locale, exceptions et exemptions régionales, tout y est. Et cela fait doctrine où de l’intime à l’état tout est relatif et vrai en même temps. Tel est le soubassement idéologique qui fait ensuite du libéralisme économique le prolongement naturel du libéralisme « philosophique » de notre temps. Le blabla sur les « territoires » et leurs « identités » prépare le droit à géométrie variable, le code du travail à la carte et la loi « adaptée aux réalités du vécu ». Le social-libéralisme est un avachissement de la forme républicaine posé sur les cintres de l’ancien régime.   

L'Allemagne, c'est le problème

Dans cette partie je mets au clair mes idées à propos de la politique du gouvernement allemand actuel. Donc de l’Allemagne. C’est un résumé. Dans mon livre « Qu’ils s’en aillent tous ! » je suis déjà venu sur ce point. Très rapidement. Mais je l’ai fait. Je m’oppose à « l’irrealpolitik » qui consiste pour des dirigeants français hors du réel à ne pas être capable de voir la volonté de puissance quand elle se manifeste. Que ce que l’on nomme « la crise » ne cesse jamais d’être le cadre d’action d’une stratégie du capital contre le travail pour l’appropriation de la richesse ne doit pas faire oublier que les événements prennent toujours leur place dans des cadres qui leur préexistent : les nations, entendues comme espaces de normes, de règles et de culture politique, autant que les classes sociales. A la fin de cette partie, je publie une déclaration commune que nous avons rédigée, Oskar Lafontaine et moi, mardi de cette semaine à Sarrebruck où j’ai fait un saut depuis Strasbourg où je siège au Parlement européen cette semaine.

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Il y a une semaine, après une matinée à Hénin-Beaumont, je suis allé à Bruxelles où madame Merkel devait parler devant la conférence des présidents qui avait ouvert ses portes à tous les députés. J’avais été suffoqué par l’arrogance du ton et le caractère dominateur de son propos. Sa façon de parler des Grecs et des Portugais m’avait scandalisé. Cette semaine je suis allé faire le point avec Oskar Lafontaine à Sarrebruck, comme je le fais à intervalle régulier. Nous avons rédigé une déclaration pour conclure notre soirée d’échange dans son bureau au Land de Sarre, puis au restaurant français des lieux. Oskar a une bonne fourchette et le bec fin, croyez moi. Mais surtout il pense vite. Oskar est conscient des dégâts que provoque madame Merkel, pas seulement sur le plan économique mais aussi sur le plan de la perception négative que les autres peuples se font de son pays. Il pense qu’elle n’a pas de culture européenne, qu’elle est très marquée par son origine enfermée dans l’ancienne RDA. Cela me ramène à une réflexion plus générale sur l’Allemagne telle qu’elle est aujourd’hui et le problème qu’elle pose à toute l’Europe et à ce que l’on appelait il y a peu la construction européenne.

L’Allemagne c’est le problème en Europe. C’est sans doute même le problème fondateur. C’est pour contenir une propension allemande à toujours vouloir pousser les murs que les politiques européennes ont été construites. La première union européenne, n’en déplaise à la légende dorée, n’a pas d’autres but que d’empêcher une retour de l’antagonisme franco-allemand inacceptable dans le cadre de la confrontation avec le glacis soviétique dont la point avancée sur l’ouest était… l’autre Allemagne. Quand la réunification s’est faite, on a su immédiatement que l’histoire ne s’était pas effacée autant qu’on le croyait. Comme les Français l’exigeait, le gouvernement allemand mit un mois à reconnaitre la ligne Oder-Neisse comme frontière intangible à l’est. Mais il reconnut. Ce ne fut pas la même musique quand, sans attendre les garanties que les Français avaient demandées sur les droits de minorités, Berlin reconnu l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie en quarante-huit heures, aggravant le sentiment d’impunité des dirigeants Croates d’alors. Ces souvenirs nous font rappel au réel. L’Allemagne est une puissance politique en premier lieu. Souvent les dirigeants français pratiquent un angélisme très bêta à ce sujet. Comme ils sont travaillés à mort par le déclinisme ambiant et très intrusif de la bonne presse des élites françaises, ils commettent deux erreurs. La première est de croire que les dirigeants allemands sont complexés comme eux. La seconde d’oublier que l’esprit de capitulation est une tradition des élites françaises. Comment oublier l’ampleur de la collaboration de celles-ci pendant l’occupation nazie ? Ni combien et quels journaux durent être confisqués à la Libération.

La réunification de l’Allemagne avait donné lieu à une première tension. L’ouest établit une parité de un pour un entre les marks des deux côtés. Une folie que Oskar Lafontaine à l’époque avait été un des rares à dénoncer. La droite douta de son patriotisme ! Cette accusation fonctionnait comme un aveu, en quelque sorte. Car alors on voyait bien qu’un tel taux de change aberrant ne pouvait avoir qu’un but : finir d’un coup la réunification. Dit autrement : empêcher que l’unification ne prenne du temps et de ce fait même soit contrariée ou utilisée par d’autres dans la durée. Un peu de temps, il est vrai, aurait permis à une classe politique de se reformer à l’est, de défendre une identité spécifique collective et ainsi de suite. La volonté de puissance est donc présente dans cette précipitation. Au plan économique, elle engendra une surchauffe liée à la mobilisation de milliards de marks pour remettre l’est aux normes productive de l’ouest. Les taux d’intérêts s’envolèrent pour contenir le risque de l’inflation. Toute l’Europe fut obligée de suivre. Il s’agissait d’éviter de se faire siphonner toute l’épargne par le mark. Et il fallait respecter le système de parité fixe entre monnaies européennes nommée à l’époque « serpent monétaire européen ». Cela fut fait au prix de taux d’intérêts grotesquement élevés. La croissance fut déjà mise en panne partout. Mais l’Allemagne avait le dernier mot. En ce sens nous avons tous payé pour la réunification. Seuls les naïfs jetaient de petits sanglots d’émotion sans tenir aucun compte du géant qui venait de surgir comme première conséquence peu favorable de la fin du bloc de l’Est. On échangea tant de bonne volonté contre la mise en place de l’euro. Je me souviens de l’argument du président Mitterrand aux jeunes sceptique de mon acabit. En substance : « Nous allons clouer la main des allemands sur la table et la finance ne pourra plus spéculer contre la monnaie de nos gouvernements ». Comme on avait connu quatre dévaluations, un contrôle des changes et un emprunt forcé après notre victoire de 1981, ce genre d’arguments ne laissait pas insensible. Je fus convaincu. Je votai donc le traité de Maastricht. On connaît la suite.

Depuis, c’est l’Allemagne qui nous a cloué les mains sur la table et ce sont ses médiacrates, ses hommes de paille type Schroeder et les déclinistes de la cinquième colonne en France qui complotent contre nous comme l’a montré la séquence qui a précédé la parution du torchon anglais « The Economist ». Préparation d’artillerie magnifiquement synchrone avec la dégradation de la note française par une des agences voyous. A présent l’Allemagne s’est installée sans trop d’efforts au poste de commande. Nous vivons l’Europe allemande ! C’est-à-dire une Europe conforme aux intérêts des seuls rentiers allemands, retraités ou en passe de l’être, qui ont choisi la retraite par capitalisation. Il s’agit là de 15% de la population, la plus aisée, installée aux postes de commande et servant de caution aux intérêts parallèles des mêmes rentiers dans toute l’Europe qui aiment l’euro fort et les cours de bourse stables ou en hausse dont dépendent leur revenus présents ou futurs.

Pour l’instant qui est gagnant ? On nous le rabâche assez. L’Allemagne. Toute ses gesticulations austéritaires et sa propagande, dans et hors le pays, payent, au sens littéral. Elles compensent dans l’imaginaire débile des salles de marché et des transactions électroniques automatiques, les faiblesses de sa situation réelle. Car la situation de l’Allemagne n’est pas brillante. Le vieillissement de sa population n’est pas réversible, à court ni moyen terme, et il engendre une dépendance sociale que nous ne faisons que commencer à constater. Le modèle productif est exclusivement fondé sur l’export. Il fonctionne par niches. Il est donc presque exclusivement dépendant de la demande extérieure alors même que sa politique contribue à déprimer sévèrement. Sur le marché intérieur allemand, la consommation est frappée de plein fouet par la pauvreté croissante. Les engagements financiers du pays dans les systèmes de garanties financières européennes sont très lourds. Tout cela doit nous aider à évaluer correctement le rapport de force avec l’Allemagne au lieu de nous traîner à la remorque de la chancelière, des retraités et des trouillards.

Car une partie du tableau se dérobe. L’agitation du moment ne doit pas nous faire perdre de vue le sens général de la tendance. Tout le monde sait que la Grèce ne paiera pas. Tout le monde sait que la contagion de la récession par les politiques d’austérité va frapper à mort le système européen en le plongeant dans le cercle vicieux de la hausse du chômage, de l’aggravation des déficits, et donc de la hausse de la dette. Ne méprisons pas nos adversaires. Ils savent comme nous que le brasier est allumé. Donc ils anticipent. Quoi ? Le tableau du jour d’après. Le tableau conforme à la volonté de puissance des conservateurs allemands et de leurs auxiliaires est le suivant. L’Europe du sud expulsée de l’euro. La France au tapis politique. L’ancienne zone mark rétablie sous appellation d’euro maintenu. Mais, bien sûr, ce n’est qu’un scénario. Rien de plus. Le futur est si profondément probabiliste. En tous cas, je sais que si j’avais à en connaître, je placerais ce scénario comme une des grilles d’explications de comportements sinon inexplicables. Et plutôt que de m’y retrouver conduit par naïveté je me tiendrais à distance de tout ce qui pourrait y conduire, même par mégarde.

Pour éviter le fractionnement et l’explosion de la zone monétaire il faut éteindre la crise de la dette. Pour cela il faut éponger tous les titres de dette d’état qui traînent, quelle qu’en soit la forme, et les jeter au frigo de la BCE. Celle-ci doit être autorisée à assurer le financement direct des Etats par la Banque centrale et accepter une solide et entraînante dévaluation de l’euro qui ré-ouvre le marché mondial aux marchandises européennes. Naturellement ils ne feront rien de tout cela avant que le système craque. C’est-à-dire avant qu’un pays fasse défaut. Ou que l’Allemagne passe, elle aussi, dans la zone rouge. Si un pays fait défaut, soit la contagion disloque tous le système bancaire et donc tous les systèmes politiques, soit l’Allemagne parvient à se tirer de la fournaise et on arrive au scénario évoqué précédemment. Avant cela notre carte peut être jouée sans complexe. En ce qui concerne l’alternative de gauche que nous voulons incarner, le moment est à bien comprendre, bien mobiliser, bien se préparer, bien construire une force cohérente et qui sera notre point d’appui le moment venu. Dans ce registre il n’y a pas de petits progrès ni de petites tâches.

Déclaration Oskar Lafontaine et Jean Luc Mélenchon.
A Sarrebruck, le 20 novembre 2012.

« Nous constatons avec consternation l’usage qui est fait de l’Union Européenne comme outil d’une politique d’austérité généralisée. Elle ne mène nulle part sinon à un désastre auquel aucun pays ne pourra échapper. Cette politique discrédite l’idéal européen en conduisant nos peuples dans l’impasse de la destruction de l’Etat social, la récession économique et l’indifférence écologique. Nous mettons solennellement en garde contre l’incitation aux égoïsmes nationalistes que cette politique cruelle provoque. Nous savons qu’en brutalisant partout les procédures parlementaires pour imposer aux peuples des plans d’ajustement structurels néolibéraux la démocratie elle-même est mise en cause. Imprégnés des leçons de l’histoire de notre vieux continent, nous voulons alerter les consciences en rappelant que la misère sociale, la récession et la compétition généralisée entre les peuples sont toujours des terreaux de guerre et de violence. Cette menace commence en Europe !

Nous déplorons que la social-démocratie européenne n’oppose plus aucune résistance aux injonctions du capital financier, ses agences de notation, et ses marchés. Nous avons vu Georges Papandréou en Grèce, Zapatero et Socrates en Espagne et au Portugal capituler sans condition. Puis nous avons été stupéfaits de voir le nouveau gouvernement français s’aligner purement et simplement sur les directives du traité rédigé par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Dans ces conditions, pour affronter la destruction sociale de l’Europe et garantir la paix, les salariés doivent construire de nouvelles majorités politiques de gauche et augmenter leur capacité d’initiative citoyenne. Nous connaissons bien la difficulté de mobilisation dans un tel contexte ou la peur du lendemain et la pression du chômage et de la misère paralysent tant de forces ! Nous voyons l’extrême droite progresser partout en Europe. Mais nous voyons aussi nos forces émerger avec vigueur jusqu’au seuil du pouvoir comme en Grèce avec SYRISA. Nous affirmons notre certitude que la chaine austéritaire qui enserre les peuples européens va craquer quelque part dans l’un des pays aujourd’hui martyrisé, comme ce fut le cas après la décennie d’ajustement structurel en Amérique du sud. Une révolution citoyenne s’inscrit comme nécessité en Europe. Le peuple doit pouvoir fixer librement la politique qu’il pense bonne pour lui, sans être soumis à des procédures de contrôle préalable non démocratiques et des punitions, comme ceux qu’imposent les nouveaux traités européens. Cette exigence se vérifie dans bien des endroits dans le monde. Elle a donné lieu a des changements profonds en Amérique du sud et au Maghreb. Nulle part ils n’ont pris leur forme définitive. Mais partout ils expriment une puissante aspiration pour la démocratie sociale et politique. C’est pourquoi nous avons décidé d’unir notre action personnelle pour construire, avec les progressistes qui le veulent sur les cinq continents, un cadre commun de rencontre et de propositions, un Forum Mondial de la révolution citoyenne. Nous voyons avec espoir la Confédération Européenne des Syndicats (CES) organiser l’action de résistance des salariés. Nous saluons le travail du Parti de La Gauche européenne pour soutenir la coopération active des partis de la nouvelle gauche européenne dans la lutte des peuples. Nous affirmons notre confiance dans notre capacité, le moment venu à diriger les nouveaux gouvernements progressistes qui sont nécessaires pour changer le cours de l’histoire et éviter la catastrophe ! Nous appelons toutes les consciences progressistes à entrer dans ce combat. »


16nov 12

Merkhollande est né en grande pompe

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Attaque de Moody's :

il faut résister !

La dégradation de la note de la France est une agression sans fondement contre notre pays.

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Bien sûr que cette conférence de presse est davantage un aveu qu’un tournant. Pas en raison de son contenu. Il était dans le programme de la campagne électorale de Hollande. Bien sûr, tout ce social libéralisme était dissimulé derrière les simagrées du discours du Bourget destiné exclusivement à mystifier les nôtres. Mais la mise en scène fonctionnait comme un message solennel. Dorénavant il assume ! Et le faisant, il « proclame ». Après Merkozy voici Merkhollande. Et comme l’a démontré Ayrault qui parle allemand, dans la langue de Merkel, à une lettre près on passe du « fécond » à « l’effroyable » ! En attendant l’odieux est servi : le catéchisme libéral dans la bouche d’un président élu par la gauche, assorti de propos de comptoir sur les dépenses excessives de l’Etat !

La capitulation sans condition est enrobée de bobards

Je vais revenir sur la conférence de presse de François Hollande mardi. J'ai dit dans plusieurs médias ma consternation de voir le Président de la République revendiquer l'austérité avec le sourire. Je veux dire ma gène devant le nombre des bobards qu’il a accumulés pour justifier sa conversion pleine et entière à la doctrine économique et sociale de madame Merkel.

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Sur l'Europe, nous avons eu droit à la répétition des refrains récités depuis le mois de juin dernier. Répétition ne vaut pas démonstration. « La nouvelle orientation » et « la nouvelle donne » dont Hollande nous rebat les oreilles n’est démontrée d’aucune façon et c’est même le contraire qui est prouvé. Toutes les décisions importantes prises par le Conseil européen depuis juin sont dans la continuité parfaite avec les orientations fixées depuis 2010 sous l'égide de Merkel, Sarkozy et Barroso. Cela n'a pas empêché François Hollande de revendiquer à nouveau de soi-disant « victoires ». Il a évoqué son fameux et imaginaire "Pacte de croissance" financé avec des lignes budgétaires déjà existantes. Mais cette fois-ci il a carrément revendiqué de surcroît comme acquis du Conseil européen des 28-29 juin « la mise en place du mécanisme européen de stabilité ». Aucun démenti dans la presse nulle part ! Les désintoxiqueurs professionnels par leur silence complice cirent les pompes en cadence. Car il s’agit d’un pur énorme mensonge. En effet le MES a été décidé et voté plusieurs mois auparavant. La France a ratifié le Traité sur le MES le 21 février à l'Assemblée nationale et le 28 février au Sénat, à l'initiative de Nicolas Sarkozy. Comment Hollande a-t-il pu l’oublier ? Les socialistes s’étaient majoritairement abstenus, contre son avis !

Le bidonnage a ensuite continué de plus belle quand Hollande a affirmé : « J'ai pu faire adopter par onze pays européens la taxe sur les transactions financières ». Comme ce n’est pas la première fois qu’il fait ce numéro sans être démenti par les désintoxiqueurs de presse, il s’est senti autorisé à refaire le numéro dans le cadre solennel du palais de l’Elysée. Pourtant je rappelle que l'accord politique en faveur de cette taxe a été réalisé en février 2012 à l’initiative de Merkel et Sarkozy. Les 9 Etats nécessaires à la mise en place de la taxe avaient alors affirmé leur décision commune d'engager une coopération renforcée en la matière (France, Allemagne, Italie, Belgique, Autriche, Espagne, Finlande, Grèce, Portugal). Ils ont été rejoints depuis par la Slovaquie, l'Estonie et la Slovénie, tandis que la Finlande s'est retirée. François Hollande n'est strictement pour rien dans cette affaire !

Cette tirade sur la réorientation de l'Europe s'est terminée en forme de vœux pieux : « Je me suis fixé l'objectif de régler les questions lancinantes posées à la zone euro, d'ici la fin de l'année. » Avec une chute en forme d'injonction paradoxale : « C'est par la solidarité et non par une austérité sans fin que seront atteints les objectifs impérieux de réduction des déficits. » Paroles verbales, bobard de fin de banquet. Car d’ici la fin de l’année tous les Etats doivent avoir fini de transposer la règle d'or budgétaire qui installe l'austérité dans la durée.

François Hollande a ensuite exposé son « choix du désendettement du pays ». « A marche forcée » selon ses propres termes. Et il a confirmé que « l'équilibre des finances publiques sera principalement atteint par des économies ». Un chapitre de sacrifices conclu par un couplet d’un genre très nouveau à gauche : une diatribe contre l’Etat ! Il a recyclé les plus grossiers poncifs libéraux contre la dépense publique. Et pour appuyer ce reniement, il aura fallu un nouvel enfumage, une entourloupe. François Hollande a ainsi affirmé : « La dépense publique atteint aujourd'hui 57% de notre produit intérieur brut. C'est beaucoup. C'est un record. Elle n'atteignait que 52% il y a seulement 5 ans. Nous devons être capables de faire mieux en dépensant moins. » Voilà une véritable manipulation. Tout d'abord les chiffres sont faux. Ce que ne vous ont pas dit les désintoxiqueurs professionnels. Dans la dernière statistique publiée par l'INSEE, la dépense publique représentait 56% du PIB en 2011. Et elle était de 52,6% du PIB il y a 5 ans.

La comparaison choc de Hollande est donc fausse de 1,6 points de PIB. Soit une erreur de 32 milliards ! C'est ennuyeux pour un texte écrit à l'avance lu par le Président de la République. Il faut donc en conclure que cette présentation était délibérément alarmiste. Mais le plus honteux dans sa soi-disant démonstration c’est qu'elle passe sous silence le fait que c'est la crise financière de 2008 qui a mécaniquement augmenté les dépenses publiques. La charge de la dette s'est accrue à mesure que se creusaient les déficits. Et les dépenses sociales se sont mécaniquement envolées avec la progression de la pauvreté et du chômage. La contraction de l'activité entraîne par exemple mécaniquement le versement d'un plus grand nombre d'indemnités chômage et le basculement d'un nombre croissant de personnes dans le RSA. Cela n'a donc rien d'une hausse incontrôlée ou orgiaque des dépenses de l'Etat dans la gabegie et l’incontinence !

D'ailleurs le ratio qui présente la dépense publique comme un poids par rapport à la richesse créée est absurde. Car la moitié de la dépense publique est destinée à la protection sociale des travailleurs et de leurs familles. Veut-il la supprimer ? Même cela ne voudrait rien dire. Que cette couverture soit socialisée ou pas, elle représenterait de toute façon une dépense dans l'économie du pays. Les gens devraient quand même s’assurer ! Et la preuve est faite que là où cette dépense est publique, comme en France, cela coûte moins cher que là où elle est privée. En voulez-vous un exemple pour vos disputes des repas du dimanche quand votre beau-frère de droite Jean-Geoffroy ou votre cousine social-libérale Marie-Réglisse voudront faire les malins ? Prenons alors l’exemple des dépenses de santé qui sont inclues dans les dépenses excessives montrées du doigt par Hollande. La France, grâce à un système public, y consacre 11% de la richesse nationale. Les USA, grâce à un système privé, y consacrent 17% de la richesse nationale. Cet exemple montre à quel point est malhonnête le procès fait à la dépense publique par François Hollande dans son numéro de petit converti au catéchisme libéral.

Mais les bidonnages ne se sont pas arrêtés là. Le pire est venu à propos de la « compétitivité ». Hollande a alors essayé de maquiller la hausse de la TVA annoncée par Jean-Marc Ayrault comme « une restructuration des taux de TVA ». Il a d'abord prétendu que la hausse de TVA décidée par Sarkozy représentait 12 milliards d'euros. Chiffre faux, à nouveau. Il s’agit de 10,6 milliards, ce qui est déjà bien assez. Mais il s'est bien gardé de dire que la hausse des différents taux décidée par le gouvernement représente 7 milliards d'euros. Donc à peine un tiers de moins que la hausse Sarkozy. Et non pas « moitié moins » comme il l’a prétendu. Cela représentera une perte moyenne de 260 euros par an et par ménage. Pour un smicard ce sera un quart d'un mois de salaire perdu sur l'année. Et cela touchera de manière aveugle les pauvres comme les riches.

Mais la grosse ficelle c’est d’avoir totalement passé sous silence la hausse massive du taux « intermédiaire » de TVA en n'évoquant que la TVA dans la restauration passée à 10 %. Ce taux intermédiaire, est déjà passé de 5,5 % à 7 % sous Sarkozy en 2011 ! Il concerne pourtant des services vitaux pour l'économie : les travaux de construction ou de rénovation des logements, les transports, les loisirs cinéma, théâtre, concerts mais aussi matchs, et enfin les services touristiques comme les hôtels et les locations de vacances. Le plus indigne là-dedans c’est que ça concerne aussi les médicaments non remboursés, qui sont de plus en plus nombreux. En l'espace de 3 ans, tous ces biens et services qui concernent le grand nombre verront donc leur taxation quasiment doubler en passant de 5,5 % à 10 %. Cela va être d'autant plus difficile pour les ménages les plus pauvres que cela représente beaucoup de dépenses absolument obligatoires, comme les abonnements des transports. Telle est la réalité profondément anti-sociale de la hausse de la TVA que François Hollande a « revendiqué au nom de l'efficacité et de la justice ».

A la fin des fins, pourquoi faire tout ce mal aux gens ? Pour financer un nouveau cadeau fiscal aux entreprises. Cela sans aucune garantie qu’elles passent cette nouvelle marge de manœuvre en salaires ou en investissement et pas en dividendes supplémentaires ! Et alors qu’il était question d’aider la compétitivité des entreprises industrielles exposées à la concurrence internationale, Hollande a lui-même vanté son caractère aveugle, non ciblé et surtout sans contrepartie ! « Elle sera simple, sans formalités administratives. Elle sera générale, utilisable par toutes les entreprises ». Et précisons que là où Sarkozy avait prévu de baisser les cotisations sociales patronales de 13 milliards, Hollande accorde un cadeau fiscal aux entreprises de 20 milliards. Cela signifie que les entreprises sont servies de 35% de plus en cadeau fiscal sans contrepartie par Hollande que par Sarkozy. Le tout pour un bénéfice social escompté tout à fait ridicule. En effet, Jean-Marc Ayrault en espère la création de 300 000 emplois en 2017. Cela représenterait une dépense fiscale de 67 000 euros en moyenne par emploi créé. C'est-à-dire beaucoup plus cher par exemple que la création d'un poste d'enseignant dont l’Etat paie le recrutement autour de 40 000 euros par an.

Je veux alerter sur une dernière déclaration de François Hollande qui est passée inaperçue. C'est peut-être la seule véritable annonce nouvelle du Président lors de cette conférence de presse. Après avoir évoqué les réformes institutionnelles issues du rapport Jospin, le Président a ajouté que « le gouvernement présentera une révision constitutionnelle qui comprendra aussi la réforme du Conseil supérieur de la Magistrature et la réaffirmation des principes de la démocratie sociale ». Hollande veut donc réviser la constitution sur le principe de la « démocratie sociale ». Pourquoi faire si ce n'est appliquer sa proposition d'accorder au contrat une autorité supérieure à celle de la loi ? Un projet que Hollande avait mis en sourdine pendant la campagne après que je lui ai répliqué sur le sujet en juin 2011. Pour vous inciter à la vigilance et vous préparer à la bataille sur ce sujet épineux, je vous renvoie à ma tribune sur le sujet publiée sur ce blog.

Peut-on penser en Panurgie ?

Nous venons de subir le passage d’un rouleau compresseur. Le rapport Gallois a été une occasion de bourrage de crâne désormais en croissance permanente dans les grandes transes de panurgisme médiatique. Pourtant il y a eu des voix dissonantes et elles ont contesté les prémices et le raisonnement du rapport. Peine perdue ! Si illustres qu’elles aient été, elles ont été traitées comme d’habitude en pareille circonstance : mépris parfois embarrassé et silence toujours plein de bonne conscience. La « compétitivité » est paraît-il un sujet de débat ? Quel débat ? Le problème est évident, le diagnostic partagé, la solution simple comme le bon sens ! Encore une fois donc, les mêmes qui prétendent ouvrir « débat urgent » l’ont eux-mêmes enterré dans un consensus aussi militant qu’intolérant !

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Dans une période comme celle-ci, le plus grand défi pour notre gauche est de vaincre la résignation. Mais soyons lucides : le moment est plus rude que jamais. Cette déferlante médiatique nous a porté un rude coup ! En répétant sur tous les tons la doxa libérale sur le « coût du travail »,« la compétitivité », la politique de « l’offre » a marqué des points. Son premier objectif est atteint : empêcher de penser, abasourdir. Dans ce contexte la plupart des bobards de la propagande officielle passent pour des faits objectifs. Ils affirment et nous devons démentir. Les médiacrates ont joué leur sale rôle de deuxième peau du système en injectant sans trêve le même discours et la même grille de lecture des événements. Dans la conférence de presse à l’Elysée, ce fut caricatural. Il faut bien l’admettre, le seul qui posa une question impertinente ce fut Laurent Joffrin puisqu’il voulut connaître la réponse du chef de l’Etat à la thèse économique contraire à la sienne. Il précisa même qu’il se référait à l’avis de plusieurs prix Nobel d’économie ce qui était moins provoquant que de mentionner que c’est aussi le point de vue du Front de Gauche. Ce fut la seule et unique ouverture sur un autre ordre de raisonnement que celui mis en circulation par le président et la grande armée des répétiteurs. Si Joffrin n’avait pas été là, c’est comme s'il n’y avait qu’un seul point de vue en économie dans le monde et en France. Tous ses autres confrères posèrent soit des questions intimiste sans intérêt (exemple : « Comment ressentez-vous les critiques ») soit d’accompagnement de sa logique (exemple : « En chantant la vie en rose le soir des résultats est-ce que vous ne regrettez pas d’avoir sous-estimé la gravité de la situation »).

Pour le reste, les commentateurs « indépendants » avaient déjà rivalisé dans la nuance la semaine précédente : est-ce assez, faut-il en faire davantage, ou bien plus vite ou bien plus fort ? Limité à la confrontation entre « L’Humanité » et « les Echos » l’espace du débat est réduit comme jamais. Après le numéro de la conférence de presse dont les trucs de communication étaient des ficelles grosses comme des câbles, ce fut un nouveau concert : a-t-il été « jugé convainquant », s’en est-il bien sorti ? Et ainsi de suite. La bande des prétendus décrypteurs et autres désintoxiqueurs à deux balles a sagement regardé ailleurs pendant que pleuvaient les chiffres faux et les présentations biaisées du nouvel emballage de la soi-disant « restructuration de la TVA », de la part du PIB dépensée par l’Etat et ainsi de suite. Le président manipule les chiffres ? Oui, peut-être, mais il est tellement présidentiel ! Le président tronque les présentations. En fait, pour l’essentiel, le pluralisme médiatique en France n’existe plus. La réforme la plus urgente à faire pour la démocratie française est celle de celle de son système médiatique unilatéral. L’exemple du courage des gouvernements argentin et équatorien en la matière prouve que c’est possible. La libération des médias, en vue de permettre le pluralisme politique doit, bien sûr, trouver son chemin dans chaque pays, selon ses propres conditions, mais tous doivent y pourvoir. En France cette question touche directement à la condition sociale des journalistes et à leur précarisation croissante, au statut et aux pouvoirs des usagers de chaque média. Cette dimension du problème est au moins aussi importante que celle de l’identité du propriétaire du média lui-même qui monopolise d’habitude l’attention des critiques de gauche. Au point où j’en suis parvenu en observant ce qui se passe en France et dans le monde, je considère que c’est une des premières tâches de la révolution citoyenne, avant même la convocation de la Constituante par laquelle nous commencerons notre processus.  

Notre contre-budget : un seuil de crédibilité

Pour vaincre la résignation c’est tout un traitement qui doit être appliqué. Parmi les remèdes figure en bonne place la preuve à donner qu’on peut faire autrement, que d’autres choix sont possibles et qu’ils sont réalistes, c’est-à-dire applicables. C’est ce que nous avons appelé, pendant toute la campagne présidentielle « la radicalité concrète ». Elle permet de franchir le seuil de crédibilité à partir duquel des gens décident de se mettre en mouvement, d’adhérer et de prendre leur part personnelle dans le combat commun. Agir de cette façon c’est aussi se préparer nous-même à faire face si les circonstances l’exigent. C’est dans cet état d’esprit que nous avons demandé à notre « chef économiste », Jacques Généreux et à Guillaume Etiévant, le président de la commission économique du Parti de Gauche, de préparer un « contre-budget ».

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Au moment où le budget de l’Etat se discute au parlement, il nous paraissait essentiel d’aller plus loin que l’opposition ligne à ligne face au budget d’austérité du nouveau gouvernement qui se décidait. C’est la meilleure façon de montrer très concrètement à la fois que l'austérité n'est pas une fatalité et que nous savons comment gouverner autrement. Le budget d'austérité de Hollande et Ayrault pour 2013 n'est donc plus la seule solution qui existe. Une autre proposition budgétaire est désormais sur la table. C'est d'ailleurs la seule à ce jour. Bien sûr, vous n'en avez pas entendu parler sur TF1 et France 2, chez lesquels nous sommes interdits de journaux télévisés depuis l'élection de Hollande. C’est donc entièrement sur nous même que repose l’effort d’information. Je vous invite ainsi à diffuser largement ce contre-budget. Dans la semaine nous avons tenu neuf meetings dans le pays pour présenter ce projet. Les responsables nationaux du parti sont disponibles pour en tenir autant qu’il faudra. L’important est que le texte circule et que le nombre de ceux qui en partagent le contenu de façon consciente et éclairée aille en augmentant autour de nous.

Vous pouvez retrouver l'intégralité des mesures chiffrées de ce contre-budget dans la brochure complète de présentation qui est diffusée.

Mais je vous en dis ici quelques mots de présentation. Ils peuvent d’ailleurs vous servir si vous prévoyez d’organiser une réunion avec des amis sur le sujet. Ce contre-budget décline concrètement notre programme « L'Humain d'abord ». Il s'appuie sur une solide analyse macro-économique que Jacques Généreux a rappelée pour l’occasion. Vous en aviez eu l’essentiel dans l'appel des 120 économistes contre le Traité TSCG et l'austérité. L'austérité mènera à la catastrophe en France comme elle y mène déjà en Grèce, en Espagne et au Portugal. Nous proposons au contraire un budget de relance de l'activité. Il s'appuie sur deux puissants moteurs : l'investissement public et le partage des richesses. Notre budget est robuste et réaliste. D'ailleurs il « rapporte » plus qu'il ne coûte. Il permettrait ainsi de stopper la spirale d’appauvrissement de l’Etat. Nous proposons d’ailleurs d’économiser 20 milliards d’euros dès 2013 sur les intérêts de la dette qui s'élèvent à 47 milliards d’euros au total. C’est possible en faisant acheter des obligations d’Etat à taux très réduits au Pôle financier public dont nous proposons la création. Les banques publiques du Pôle pouvant ensuite se refinancer autant que de besoin auprès de la BCE. Nous pourrions ainsi rompre concrètement et rapidement l’actuel circuit absurde de la dette publique payée au prix fort aux banques privées.

Au total notre budget prévoit 130 milliards de ressources nouvelles. Cela représente une hausse du taux de prélèvement obligatoires de 5 points de la richesse nationale. Ce taux passerait à 49% de la richesse. Comme au Danemark. Nous l'assumons. Cette hausse serait bénéfique à l'économie car elle est concentrée sur les montagnes d'argent qui dort aujourd'hui dans le pays. Alors que les banques sont gorgées d'argent par la BCE et les Etats et que les actionnaires font exploser leurs dividendes, cet argent ne se retrouve nulle part dans l'économie réelle. Ni dans les poches des ménages, via les salaires, ni dans l'investissement productif qui est au point mort. Notre budget prend cet argent qui dort pour le réinjecter utilement dans l'économie. Je vous en donne quelques exemples. Nous proposons de supprimer les niches fiscales sans utilité économique, sociale ou écologique pour 42 milliards sur 62 milliards de niches au total. Seraient également supprimées les exonérations de cotisations sociales qui ont montré leur inefficacité, à hauteur de 20 milliards sur la trentaine de milliards d'exonérations. Nous proposons un véritable impôt sur le revenu à 14 tranches et un revenu maximum avec tranche à 100 % au-delà de 20 fois le revenu médian. Nous considérons qu'au-delà de 20 fois ce que gagnent la moitié des Français, l'accumulation de revenus par une même personne n'a plus d'utilité sociale et économique. Notre impôt sur le revenu taxerait effectivement les revenus du capital comme ceux du travail. Au total, il rapporterait 20 milliards d'euros supplémentaires. Nous proposons aussi une TVA à 33% sur les produis de luxe et une surtaxe des hautes transactions immobilières qui rapporteraient 9 milliards au total. Autre mesure importante, elle concerne la  lutte renforcée contre la fraude et l'évasion fiscale. Cela permettrait de récupérer 7 milliards d'euros dés 2013 sur les 25 milliards de fraude actuellement estimés.

Ces recettes permettraient de financer 100 milliards d’euros de dépenses nouvelles dés 2013 au service du progrès social et écologique. Nous proposons d'augmenter de 20% les investissements publics pour enclencher la planification écologique. Cela serait possible en doublant les dotations d’investissements aux collectivités locales. Car ce moteur principal de l'investissement public est aujourd'hui mis à l'arrêt par le gouvernement. Ces moyens nouveaux permettraient aux collectivités d'agir dans le plan massif d’investissement pour les énergies renouvelables que nous voulons doter de 9 milliards d'euros de moyens nouveaux de l'Etat. Nous voulons également affecter 2,5 milliards pour permettre la mise aux normes énergétiques de 700 000 logements et bâtiments publics. Et investir 1,9 milliards d'euros dans le développement des transports ferroviaires, fluviaux et côtiers. L'autre grand axe de notre plan d'investissement public concerne le logement. Le but est de financer la construction de 200 000 logements sociaux par an, comme dit et répété pendant la campagne électorale.

Notre contre-budget place aussi l'éducation et la culture en tête. 14,9 milliards sont mobilisés au total dès 2013. Nous pourrions ainsi financer la scolarité obligatoire de 3 à 18 ans, la relance de l'enseignement professionnel public et la hausse des bourses. Nous créerions aussi 5 000 postes pour l'enseignement supérieur et la recherche en réalisant la première tranche d'un plan de doublement de ce budget en 5 ans. Nous financerions aussi la mise en place d'un véritable service public de la petite enfance avec la création de 100 000 places en crèches. Enfin nous porterions le budget de la culture à hauteur de 1,5 % du budget de l'Etat, là où il est redescendu aujourd'hui en dessous du fameux seuil de 1 % qu'il avait atteint sous Lionel Jospin.

Comme le but économique de ce contre-budget est la relance de l'activité, il prévoit de soutenir aussi fortement le pouvoir d'achat populaire. Grâce au Pôle financier public, la hausse du SMIC à 1 700 euros bruts ne mettrait pas en péril les entreprises. Notamment les plus petites qui retrouveraient des marges de manœuvre en trésorerie qui leur font aujourd'hui cruellement défaut. Nous augmenterions fortement les minimas sociaux pour les relever au dessus du seuil de pauvreté et les indexer à l'avenir sur le SMIC. Enfin nous revaloriserions le point d’indice des fonctionnaires pour rattraper la perte de pouvoir d'achat accumulée depuis 2000. Et nous titulariserions les 800 000 précaires de la fonction publique. Une mesure qui ne coûte rien la première année. Cela permettrait même d'économiser dans un premier temps les dépenses récurrentes de gestion et recrutement de non titulaires ainsi que la couverture chômage que l'Etat paye quand il se débarrasse périodiquement des précaires.

Ça sent le gaz !

Le lobby du pétrole tourne à plein régime en faveur du gaz de schiste ! Tout le monde est contacté et les amis anciens ou nouveaux se mettent en mouvement. D’où le retour de Rocard déclarant la France « bénie des dieux » du fait des miracles que le schiste fera pour elle ! Ce n’est donc pas une surprise que le bottin du lobby patronal en fasse autant. Voilà pourquoi dans son rapport remis à Jean-Marc Ayrault lundi 5 novembre, Louis Gallois appelle à poursuivre les recherche pour « l'exploitation » du gaz de schiste.
 

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Gallois écrit que « l’exploitation du gaz de schiste soutient l’amorce de réindustrialisation constatée aux États-Unis et réduit la pression sur sa balance commerciale de manière très significative ». Brave soldat Louis Gallois ! Il ajoute la fuite en avant productiviste à la fuite en avant libérale contre le soi-disant "coût" du travail. C’est la ligne du MEDEF et de l'UMP. Mais des socialistes comme Montebourg ne sont pas en reste. J’ai déjà mentionné Michel Rocard. Celui-là a carrément humé un grand coup de gaz avant de déclarer au journal Le Monde : « La France est bénie des dieux. Pour l'Europe, elle serait au gaz de schiste ce que le Qatar est au pétrole ». C’est Plantu, lauréat du prix de la liberté de la presse au Qatar, qui va être content !

Comme vous le savez tous, le Front de Gauche s'oppose à l’exploitation des gaz de schiste. Nos camarades sont très mobilisés sur le sujet à travers tout le pays. Nous partons d’un constat : à ce jour, les techniques d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste sont absolument anti-écologiques. La fracturation hydraulique est la seule méthode connue. Elle consiste à injecter d'immenses quantités d'eau mélangée à des produits chimiques pour fracturer le sous-sol et libérer les gaz ou les pétroles de schistes. C'est un désastre environnemental comme le démontre l'expérience en Amérique du Nord. Cela provoque une pollution des sols et nappes phréatiques absolument inadmissible. Ces dégâts écologiques sont désormais bien compris par la population et les élus locaux. L'opposition est donc très large. Cette mobilisation a permis d'engranger de premier succès. Ainsi, François Hollande a été contraint de s'opposer à la fracturation hydraulique. Il l'a dit lors de la conférence environnementale 14 septembre dernier : « Dans l’état actuel de nos connaissances, personne ne peut affirmer que l’exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et l’environnement ». En conséquence, il a demandé à la ministre de l'écologie de « prononcer sans attendre le rejet des sept demandes de permis déposés auprès de l’Etat ». C'est une première victoire à mettre au crédit de la mobilisation écologiste et citoyenne. Mais elle est insuffisante. Car le rejet des sept demandes de permis ne règle absolument pas la question des dizaines d'autres permis déjà accordés par le gouvernement Fillon. Ceux-là aussi doivent être annulés.

Mais au-delà des problèmes que soulève la technique d'exploration ou d'exploitation, nous rejetons le recours au gaz et pétroles de schiste. Défendre le recours à ces ressources est un archaïsme. Je m'explique. Le gaz et le pétrole, même de schiste, sont des énergies carbonées. Leur utilisation émet des gaz à effet de serre. Or l'impératif écologique est de réduire drastiquement nos émissions de gaz à effet de serre. C'est absolument indispensable pour ne pas aggraver le réchauffement climatique. Bien sûr la France n'y parviendra pas seule. Mais elle doit montrer l'exemple. L'accent doit donc être mis sur les économies d'énergie. Par exemple, le gaz est beaucoup utilisé pour le chauffage. Le meilleur moyen de réduire la facture de gaz n'est pas de recourir au gaz de schiste. C'est de mieux isoler les bâtiments et de développer d'autres systèmes de chauffage, notamment par la géothermie. Ce qui permettrait aussi de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Et donc de joindre la réponse écologique à la réponse sociale. Quant à la production d'électricité, mieux vaut se passer des centrales au gaz, comme de celles au fuel, et se tourner vers d'autres énergies, non émettrices de gaz à effet de serre. Plusieurs sont à notre portée, qu'il s'agisse de l'éolien ou du solaire mais aussi de la géothermie ou de l'utilisation des énergies de la mer. Bref, l’exploitation des gaz de schiste c’est à la fois un crime écologique, un archaïsme énergétique et une paresse intellectuelle et technique. 


07nov 12

Le coup de grâce

On n’attendait rien, mais surtout pas ça !

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Il aura suffi de dix jours à 98 grands patrons pour être entendu et leurs revendications satisfaites. « J’ai été entendue » plastronne madame Parisot, remerciement qu’elle ne fit jamais à Sarkozy ! Sous prétexte de compétitivité, une ponction de vingt milliards supplémentaires est faite sur la dépense publique, moitié en dépenses supprimées, moitié en prélèvements supplémentaires par le biais d’impôts indirects injustes et violents. J’écris sous le choc. J’ai réparti mon travail de cette note en trois thèmes qui me semblent utiles pour comprendre le point de vue que je développe avec non seulement tous mes amis du Front de Gauche mais un bon nombre d’économistes de tous bords que cette absurde saignée permanente alarme au plus haut point. D’abord je reprends mes arguments pour montrer que c’est le coût du capital et pas celui du travail qui est en cause en France. Ensuite je fais le point précis sur la ponction qui vient d’être décidée. Enfin je reviens sur l’absurde mythe du modèle allemand !

Et maintenant voici la consigne : le 14 novembre répliquez aux libéraux et aux sociaux-libéraux en répondant à l’appel de vos syndicats qui dans toute l’Europe appellent à des marches et mobilisations contre l’austérité. Surtout préoccupez-vous d’y rallier le plus grand nombre possible des nôtres. Le soir même, dans dix villes en France, le Parti de Gauche organise un meeting politique de protestation et de propositions. Quant à moi je m’exprimerai le 16 novembre le soir à Paris au gymnase Japy. Auparavant, le 12, Jacques Généreux et les camarades de la commission économique du Parti de Gauche proposeront un contre budget.

Ce qui coûte trop cher, c'est le capital

Si ce plan a un objectif de développement économique, il est bon à jeter intégralement à la poubelle. C’est une collection de préjugés idéologiques matraqués comme des lois de la nature elle-même. Le prétendu coût du travail est réputé excessif. Un point c’est tout. La démonstration n’est jamais faite. Dès lors pas une phrase, pas un argument donné qui ne soit un escamotage, un trucage. Loin de faire leur métier d’information, les médias ont bêlé en cadence tous les refrains libéraux sans aucun esprit critique. Une dépêche de l’AFP a même pu dire que la presse française « salue le plan Gallois et s’inquiète de sa mise en application réelle ». Tel quel. Le système médiatique entier se donne à voir selon le média central, sans se cacher, comme un parti politique qui défend une vision économique.

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Escamotage ? « Le décrochage français » ! Voyez. « Le Monde » du 6 novembre donne cet extrait du rapport Gallois pour situer le problème que celui-ci prétend résoudre. « Trois chiffres illustrent le « décrochage français ». Le recul de la part de l’industrie dans la valeur ajoutée, de 18% en 2000 à 12,5 % en 2011. Les parts de marché des exportations françaises passées de 12,7 en 2000 à 9,3% en 2011. Et le solde de la balance commerciale (hors énergie) de +25 milliards en 2002 à -25 milliards en 2012 » Accablant, non ? Mais c’est un trucage ! Car pas une fois ne sera mentionné le fait que ces trois paramètres peuvent se ramener à un seul : l’impact de la délocalisation de la production et celui-ci comme conséquence du dumping social et fiscal. Pas une fois évoqué ! Que trois Renault sur cinq vendue en France viennent du Maghreb où les ouvriers sont payés au lance-pierre n’est pas seulement vaguement mentionné ! Pourquoi ? Cet exemple illustre pourtant parfaitement bien le mécanisme qui conduit au recul des parts de l’industrie dans la richesse produite en France, le recul des parts de marché par effet de substitution des sites de production et pour finir la dégradation de la balance du commerce extérieur. Non ? Et comment est-il imaginable d’évoquer ces trois « causes » du « décrochage » sans dire non plus un mot, ne serait-ce qu’un, du taux de change de l’euro maintenu si haut contre toute logique économique au moment même où les autres blocs économiques, USA et Chine jouent leur monnaie à la baisse ?

Escamotage : les marges des entreprises seraient trop faibles pour permettre le bon niveau d’investissement. Voyons cela ! « Les marges des entreprises après versement des dividendes représentent 6,8% du PIB contre 11,05% en Allemagne et 9,63 % en zone euro » Nous sommes censés paniquer à cette information tragique. Faute de marges suffisante les malheureuses entreprises ne pourraient donc pas investir suffisamment. Pourtant la lecture attentive de cette phrase contient son démenti. Elle l’efface habilement du fait même qu’elle le mentionne sans s’y arrêter. Les marges des entreprises « après versement des dividendes » sont en baisse. Si vous ne faites pas attention à ce petit bout de phrase vous ne comprenez pas l’arnaque. Car le calcul commence par sortir de l’observation un coût considérable : celui de la « rémunération » du capital, c’est-à-dire ce que l’on donne aux actionnaires, leurs dividendes. Et après ce tour de passe-passe on en vient à poser le problème du « coût excessif du travail » comme si l’évidence du problème était là ! Pourtant le coût du capital augmente deux fois plus vite que celui du travail. De 2007 à 2012, les dividendes ont augmenté de 27%. La masse salariale totale de 12%. Cette progression continue du coût du capital est le fait marquant de la période historique qui vient de s’écouler. La part de la richesse produite prélevée par le capital a triplé depuis trente ans. Elle était de 3,2 % du PIB en 1980, elle était déjà de 5,6 % en 1999, elle est passée à 9,3% du PIB en 2011. Ainsi, le prix du capital a coûté 120 milliards supplémentaires aux entreprises !

L’investissement n’est insuffisant que du fait de la rémunération excessive du capital. Pour le vérifier, cherchons à savoir quelle part de la richesse va à l’investissement productif et quelle part va au versement des dividendes des actionnaires. En 2010, les entreprises ont dépensé plus d'argent en dividendes qu'en investissement productif. C'est la CGT qui avait relevé ces chiffres et les avait publiés il y a un an sans être démentie. Et pour cause, ils viennent des comptes de la Nation. Les dividendes se sont élevés à 210 milliards d'euros. Mais il n’a été consacré que 182 milliards d'euros aux investissements. La marge de financement est large. Nul besoin de s’en prendre aux revenus du travail !

Le discours sur le « coût du travail » concentre les coups sur les « charges sociales ». Le montant de ce qu’il faut appeler des cotisations serait excessif.  Bien sûr, le versement des dividendes serait de son côté aussi « naturel » que n’importe quel autre paramètre autonome comme le prix des matières premières ou celui des machines. En dehors même de la discussion de fond sur l’utilité sociale de la rémunération sans limite du capital de propriétaires oisifs, on peut d’abord demander des comparaisons entre ce que coûte la « rémunération » du capital et la part donnée aux travailleurs pour les fameuses « charges sociales ». Dans les entreprises non financières en 2011, le coût du capital est deux fois plus élevé que les cotisations patronales ! Il en aura coûté 307 milliards d'euros de dividendes et intérêts aux banques pour 154 milliards d'euros de cotisations sociales !

Tout le discours officiel est ainsi farci d’affirmations sans preuve que le moindre examen détricote en quelques instants. Ainsi quand ce cynique de Jean-Marc Ayrault proclame que les 20 milliards d’allégement du « coût du travail » vont permettre de dégager un bénéfice de 0,5% de la richesse totale du pays. En 2017, ce qui est bien loin ! Et reste à prouver que ce bénéfice ne sera pas intégralement récupéré en marges supplémentaires par les mêmes prédateurs qui ne se gênent pas aujourd’hui pour se gaver au détriment de l’investissement. Mais surtout ça ne dit pas que le même résultat s’obtiendrait tout de suite avec une baisse de 10% de la valeur de l’euro ce qui cette fois-ci par contre ne coûterait rien. Et cela ne dit rien de l’ampleur du prélèvement cumulé que va représenter pour la même période l’augmentation de TVA sur les revenus salariaux. Car sur ce point il n’y a pas de doute : ce sera autant de moins sur les salaires.

Jean-Marc Ayrault poursuit une politique qui ne marche pas. Depuis une vingtaine d'années, les entreprises bénéficient d'aides publiques considérables pour "baisser le coût du travail". En 2012, les exonérations de cotisations sociales patronales ont atteint 28 milliards d'euros. C'est vous qui les avez payées par vos impôts puisque l'Etat compense à la Sécurité sociale les cotisations non perçues. En 2002, les exonérations ne représentaient "que" 19 milliards d'euros. La hausse est de 50% en dix ans. Au total, en 10 ans, les exonérations de cotisations patronales ont représenté 215 milliards d'euros cumulés ! Pour quel résultat en matière d'emploi ? Aucun, le chômage ne cesse de grimper.

C'est normal. Le "prix" du travail n'est pas la cause des difficultés de l'économie française. Il n'y a pas de problème de "coût" du travail contrairement à ce que disent les porte-parole des actionnaires patrons. Que disent les chiffres ? Selon une enquête de l'INSEE publié au printemps 2012, une heure de travail industriel en général coûtait 33,37 euros en Allemagne et 33,16 euros en France. L'heure de travail coûte donc un peu moins cher en France qu'en Allemagne. Et la France est aussi moins chère que la Belgique, le Danemark et la Suède. Je le mentionne parce que Jean-Marc Ayrault a vanté les "pays scandinaves" dans son intervention de mardi. L'écart est encore plus frappant si on regarde uniquement l'industrie automobile, qui est souvent utilisée pour comparer la France et l'Allemagne. Toujours selon l'INSEE, « dans l’industrie automobile, le coût horaire allemand est le plus élevé d’Europe. Il est en particulier supérieur de 29% à celui observé en France ». Il est de 43,14 euros en Allemagne contre 33,38 euros en France.

François Hollande et Jean-Marc Ayrault traitent comme une évidence universelle ce qui n’est qu’une hypothèse de travail dans un raisonnement bien particulier. A La conférence sociale de juillet dernier, Hollande avait déjà affirmé qu'après le désendettement, « le second défi auquel nous faisons face est la détérioration de notre compétitivité ». Pourtant la "compétitivité" est un concept qui peut recevoir bien des définitions et des contenus. Parle-t-on de la compétitivité de la valeur d’usage des marchandises, c’est-à-dire de leur utilité, de leur performances techniques, ou bien parle-t-on de la compétitivité de la valeur d’échange d’un produit c’est-à-dire de son prix ? Et si on parle de la compétitivité de la valeur d’échange il est évident que le problème se pose complètement différemment selon que l’on parle du marché intérieur ou du marché mondial. La compétitivité dont il est question depuis les premières préparations d’artillerie médiatique sur le sujet est celle des produits français mis en vente sur le marché mondial. Elle n'a d'importance que dans le but d'exporter nos produits. Or l'essentiel de l'activité économique de la France dépend de la consommation intérieure et non du commerce extérieur. Les exportations représentent moins de 20% de la richesse produite chaque année dans le pays. 80% de la richesse du pays n'est pas exportée. La priorité est donc de ne rien faire pour les 20 % qui nuise aux 80 %. C’est pourtant ce qui est fait dans l’aveuglement le plus total. Aujourd'hui, de nombreux secteurs liés à la consommation intérieure sont en difficulté du fait de l'austérité, du chômage, des salaires trop bas et des impôts indirects qui frappent la consommation populaire. C'est le cas du petit commerce. Mais le bâtiment et les travaux publics souffrent aussi. Les difficultés de ces secteurs n'ont rien à voir avec la compétitivité de leurs productions. Elles sont directement liées à l'austérité budgétaire que défendait Sarkozy et que défend maintenant Hollande. Le problème de ces entreprises est l'abandon de tous les projets d'investissements par les collectivités locales asphyxiées financièrement. Elles sont directement liées aux mesures qui sont prises pourtant au nom de la compétitivité. A quoi bon un allégement de cotisations sociales si le carnet de commande se vide faute de chantier, faute de client solvable, à cause d'une TVA excessive ?

L'erreur de diagnostic de Hollande et Ayrault est aussi un contresens écologique. Ils cherchent à lier encore avantage l'économie française à la mondialisation capitaliste, c’est-à-dire à l’actuel déménagement permanent du monde. Pourtant l'avenir c'est la relocalisation des productions. Relocalisation dans l’espace régional européen dont il faut filtrer les accès. Relocalisation invariante d’échelle au niveau compatible le plus proche. La fuite en avant permanente dans l’exportation condamne à une politique de l’offre dont la seule préoccupation ne peut être que d’atteindre le coût de production le plus bas au détriment de toutes les conquêtes sociales et humaines des producteurs. C’est ce que nous vivons. Mais il faut finir d’en faire le bilan. La logique de l’économie d’exportation pousse à la spécialisation des productions dans certaines niches de production. Cela s’opère donc au détriment d’une activité plus équilibrée et plus auto-suffisante. La suite se décline facilement. Tant qu’à être dans des niches autant être dans celles qui sont les plus profitables. C’est comme ça, par exemple, que commence la fascination pour la production des voitures haut de gamme qui rapportent gros à l’unité. Et ainsi de suite. Ainsi loin d’être consacrée aux besoins du grand nombre, l’activité la plus riche en contenu technique, à la valeur d’usage la plus élevée, se concentre sur les besoins du très petit nombre qui est en état de s’offrir le haut de gamme de tous les domaines. Une économie nationale dont le marché intérieur est étroit et qui a pour objectif sa seule insertion dans le marché mondial se déforme socialement et techniquement en s’éloignant de la souveraineté sur les produits de base dont a besoin sa population.

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Le bilan exact de la facture

Il faut faire un bilan précis de ce qui a été annoncé. Il le faut pour faire le compte exact du coup que vient de recevoir le peuple populaire. Moins de service public et plus d’impôts indirects. Le commun de mortels paiera deux fois pour compenser les 20 milliards offerts sans contrepartie aux actionnaires sous prétexte de compétitivité.

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Jean-Marc Ayrault a accordé une baisse d'impôt de 20 milliards d'euros pour "toutes les entreprises". Elle prendra la forme d'un "crédit d'impôt". Ce crédit d'impôt équivaudra à une baisse des cotisations sociales de 6% sur les salaires compris entre 1 et 2,5 fois le SMIC. C’est d’abord une usine à gaz. Les entreprises payeront leurs cotisations à la Sécurité sociale. Celle-ci ne sera donc pas concernée directement par ces mesures. L'Etat compensera ces cotisations par un crédit d'impôt. Ce crédit d'impôt sera applicable à partir de 2014 sur les impôts au titre de 2013. Le cadeau s’élève à 10 milliards d'euros. Puis il montera en puissance de 5 milliards supplémentaires en 2015 et autant en 2016 où il atteindra un total de 20 milliards. Selon la forme juridique de l'entreprise, il sera appliqué à l'impôt sur les sociétés ou à l'impôt sur le revenu.

Le côté gothique du montage de ce dispositif montre que la "compétitivité" n'est qu'un prétexte pour faire un cadeau aux actionnaires. En effet, le crédit d'impôt Ayrault ne fera pas la distinction entre les secteurs soumis à concurrence internationale et les autres. Il ne fera pas non plus de différence entre les banques et l'industrie ni entre l'industrie et les services. Pas plus qu'il ne distinguera les grandes entreprises des petites. Cette mesure inutile et aveugle va coûter des milliards d'euros. Et les effets d'aubaine pour les trafiquants seront énormes. Les grandes entreprises se tailleront la part du lion puisque le crédit d'impôt dépendra du nombre de salariés. C'est aussi une incitation aux bas salaires puisque le bénéfice de ce dispositif concernera seulement les salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC. Louis Gallois lui-même a vendu la mèche. Il a expliqué que le crédit d'impôt Ayrault était "au moins aussi favorable aux entreprises sinon plus" que sa proposition de transfert de cotisations sociales.

Ce cadeau sera payé par le peuple. Pour compenser les 20 milliards, Ayrault a annoncé deux types de mesures. D’abord une baisse des dépenses publiques et une hausse des impôts frappant tous les ménages. La baisse des dépenses publiques sera de 10 milliards d'euros. Le document du gouvernement précise que « ces économies seront recherchées en n’excluant par principe aucun pan de la dépense publique : dépenses de l’État, de ses agences, des collectivités territoriales et de la protection sociale ». Vous êtes prévenus : ce sera du service public ou de la protection sociale en moins. Cette baisse s'ajoutera à celles déjà prévues par la loi de programmation budgétaire. Heureusement que nos parlementaires ont voté contre ! Le document du gouvernement rappelle sans honte que « le gouvernement s’est d’ores et déjà engagé, dans la loi de programmation des finances publiques en cours d’examen au Parlement, à réduire le poids de la dépense publique de 2,7 points de PIB sur la législature, ce qui représente environ 50 milliards d’euros d’économies ». Avec ces 10 milliards, on sera à 60 milliards au total. Soit 3% de la richesse totale du pays. La saignée ! La saignée !

Quand Ayrault annonce que son plan est une « étape majeure et décisive dans la sortie de crise de notre pays et de son économie », il nous (et se) trompe lourdement. Quand il annonce que son plan créera 300 à 400 000 emplois et 0,5% de croissance supplémentaires d'ici à 2017, il ment effrontément. C'est au contraire un tour de vis de plus dans l'austérité. Donc un pas de plus vers la récession. D'autant que les 10 autres milliards d'euros nécessaires pour financer ce plan viendront directement de votre poche sous la forme d’impôts indirects. Le choc contre la dépense publique va se doubler d'un choc négatif sur la consommation populaire. L'effet sur l'économie sera désastreux.

L'essentiel des recettes nouvelles viendront de la TVA. Sur les 10 milliards d'euros de recettes, Ayrault a prévu 3 milliards par la "fiscalité écologique" mais en renvoyant sa mise en place et ses modalités à 2016. L’écologie réduite au rôle de recettes de poche pour le futur, quel grand bond en avant idéologique ! Bien joué les ministres Verts ! Par contre, dès 2014, les 7 autres milliards viendront de la TVA ! Pour de vrai et tout de suite ! C'est l'essentiel. C'est un coup de poignard contre le pouvoir d'achat populaire. Hollande et Ayrault donnent raison à Sarkozy et sa funeste TVA sociale. Comme Sarkozy, ils décident d'augmenter le taux normal de TVA. Jospin l'avait baissé, Hollande, comme Sarkozy, le remonte. C’est tout un symbole lamentable. Avec Ayrault, la TVA passera de 19,6% à 20%. Et c'est pire pour le taux « intermédiaire ». Sarkozy l'avait relevé de 5,5% à 7%. Hollande et Ayrault vont encore plus loin et le relève à 10% ! Cette hausse concernera la vie quotidienne des citoyens. On entend beaucoup parler de la restauration et des travaux dans l'habitat. Mais elle frappera aussi les médicaments, les livres, le bois de chauffage, les abonnements aux transports en commun. Pour l'affichage compassionnel, le gouvernement annonce une baisse du taux réduit sur les produits de première nécessité de 5,5% à 5%. A supposer que vous puissiez le constater, cela devrait coûter moins d'un milliard d'euros. Mais les hausses sur tout le reste, que les mêmes personnes consomment aussi, leur prendront plus de 7 milliards d'euros !

Ces décisions sont écœurantes. En les faisant, Ayrault y a ajouté des provocations cyniques. Il a essayé de faire croire qu'il s'agissait de « mesures ambitieuses, résolument de gauche ». Le mot « gauche » résistera-t-il à ce traitement ? En réalité, il a validé tous les discours libéraux sur le "coût du travail", le "déclin" et le "décrochage" de l'économie française. Et il a choisi d'augmenter l'impôt le plus injuste : la TVA. La TVA frappe tous les ménages quels que soient leurs revenus. Donc il n’y a pas besoin de beaucoup de calculs pour comprendre que les ménages à bas revenus payent une part de leurs revenus plus importante en TVA que les ménages riches.

La TVA est un classique des plans d'austérité européens. En France, Fillon avait déjà relevé le taux réduit en créant un taux intermédiaire à 7% en novembre 2011. Avant lui, en Allemagne, Angela Merkel avait augmenté le taux principal de trois points. Je le mentionne car le ministre en charge des finances était alors un social-démocrate. C'était en 2007, au temps du gouvernement de grande coalition CDU-SPD. Il s'appelait Peer Steinbrück. Celui-là est à présent le candidat socialiste du SPD au poste de chancelier pour les législatives de l'an prochain. Hollande a des alliés qui lui ressemblent. Le ralliement des sociaux-libéraux à la TVA est un cas généralisé en Europe. En Espagne, Zapatero l'avait augmentée aussi en 2010. Depuis, la droite espagnole l'a encore augmentée. La France n'échappe pas à la règle, les sociaux-libéraux et les libéraux marchent main dans la main pour taxer la consommation populaire.

Sur ce point donc François Hollande s'est rallié à la logique de l'UMP. En campagne, il avait critiqué la TVA sociale Sarkozyste. C'était à Brest, le 30 janvier dernier. Voici ce qu'en disait celui qui était alors le candidat du PS : « Je la considère inopportune, injuste, infondée et improvisée. C'est inopportun d'augmenter la TVA au moment même où la croissance se ralentit, de l'aveu même du premier ministre. C'est infondé : la compétitivité n'est qu'un faux prétexte. Ce n'est pas en baissant les cotisations patronales de quelques points qu'il y aura quelque progrès que ce soit dans notre commerce extérieur. Il y a là un mauvais prétexte pour une mauvaise cause ». Je ne cite ces phrases que pour permettre de mesurer l’ampleur du virage sur l’aile.

Enfin, voici encore un sujet d’écœurement pour moi. Il concerne la formation professionnelle des jeunes de notre pays. Jean-Marc Ayrault a indiqué qu'il reprenait « la quasi-totalité des préconisations » du rapport de Louis Gallois. Il annonce sa volonté de développer l'apprentissage pour porter le nombre d'apprentis à 500 000 en 2017. Ce n’est pas malin ! Le gouvernement Jean-Marc Ayrault reprend un mot d’ordre du début de l’ère Sarkozy. Le chiffre de 500 000 apprentis est d’ailleurs exactement celui annoncé en son temps par Xavier Bertrand alors tout nouveau ministre du travail. Cinq ans après est repris mot pour mot un objectif que nous avions tous combattu à l’époque ! Qu’est-ce qui justifie le changement de bord ? Pourquoi l’objectif du précédent gouvernement n’a pas été atteint ? Quelle réponse fait-on au fait que 25% des contrats d’apprentissage sont rompus au bout de trois mois ? Que fera-t-on des 70 établissements d’enseignement professionnels publics fermés sous Sarkozy. Jean-Marc Ayrault à vrai dire n’en sait rien. Il sait juste, sans doute, que pour la première fois depuis très longtemps il a retiré l’apprentissage des compétences du ministère de l’éducation pour l’agglomérer avec la formation professionnelle et placer le tout au ministère du travail. Le développement du tout apprentissage au détriment de l'enseignement professionnel public était un marqueur de l'action de l'UMP. Sur ce sujet, comme sur la TVA, après six mois de Hollande, c’est le « changement dans la continuité » comme disait l’autre. Le plus consternant est presque passé inaperçu. C’est dans une interview au « Parisien » : Ayrault a dit qu’il voulait que les enfants « dès le CP (cours préparatoire) découvrent  l’entreprise ». Faire découvrir l’entreprise à des enfants de six ans… Misérable !

Hollande et Ayrault préfèrent la ligne Siegfried

Quand il leur faut trouver une référence pour leur politique, Hollande et Ayrault finissent dorénavant par se réclamer du soi-disant "modèle allemand". Un mantra efficace pour se gagner l’affection des médiacrâtes sans imagination qui règnent sur le tout Paris médiatique. Leur jubilation faisait plaisir à voir à l’annonce du plan Gallois dans son emballage communicationnel de « pacte » je ne sais quoi. Pourtant, le modèle allemand, quelle pantalonnade ! Qui va se charger de dire à Hollande et Ayrault que la ligne Maginot et la ligne Siegfried sont deux erreurs parallèles ?

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Fin septembre, dans l'émission « Des paroles et des actes » sur France 2, Jean-Marc Ayrault s'était même vanté d'aller « plus vite que Schröder ». Plus vite dans le mur ? Et François Hollande, dans un lourd clin d’œil de communicant en panne avait parlé de son « agenda 2014 » pour faire écho à « l’agenda 2010 » du cher Gerhard. La plupart des téléspectateurs n’ont pas dû mesurer quelle décadence morale et intellectuelle un tel projet représente dans le mouvement socialiste français. La ligne « Blair-Schröder », du nom des deux grands liquidateurs de la social-démocratie européenne, a été pendant au moins une décennie ce dont le socialisme français se tenait publiquement à distance et dont il voulait incarner la négation positive. Mais j’admets que cet aspect du drame politique que nous sommes en train de vivre ne puisse intéresser que ceux qui connaissent le prix dans l’histoire des grands glissements de terrain idéologique. Ici je vais donc en rester à des considérations concrètes, il en faut pour soutenir un point de vue engagé qui veut faire appel à la raison de ceux qu’il veut convaincre.

Il suffit de faire le bilan social de la situation allemande pour comprendre qu'une politique de gauche n'a rien à voir avec ce qui a été entrepris là-bas quand bien même c’est le chancelier « social-démocrate » Gerhard Schröder qui l’a mise en place. En Allemagne, la situation des travailleurs et des chômeurs est pire qu'en France. Les réformes des sociaux-libéraux, poursuivies par les libéraux de Merkel ont précarisé l'ensemble des classes populaires. C'est ce que dit le Bureau international du travail. Dans ce rapport, le Bureau international du travail explique clairement les données du problème posé : « Le gouvernement Schröder a engagé une série de réformes du marché du travail à compter de 2003. [...] Cependant, la plupart des réformes ont principalement entraîné une déflation salariale dans les secteurs des services, où de nouveaux emplois, pour la plupart à bas salaires, sont apparus.  Ces politiques de déflation salariale ont non seulement eu des conséquences sur la consommation des ménages, qui est restée à la traîne par rapport aux autres pays de la zone euro [...] mais elles ont aussi provoqué une accentuation des inégalités de revenu, à un rythme jamais vu. Au niveau européen, les autres pays membres estiment de plus en plus que seules des politiques de déflation salariale encore plus strictes résoudront leur problème de compétitivité, ce qui est d’autant plus décourageant qu’on voit mal dans quelle mesure ces politiques de déflation salariale en Allemagne ont contribué à une hausse de l’emploi, qui était à peine plus élevé en 2006 qu’en 1991 ».

Tel est, au-delà des mots d’allégresse et des recommandations des médiacrates, la réalité du modèle proposé en exemple et le bilan social de l’Allemagne. Pourquoi n’est-il jamais évoqué ? Si le témoignage du BIT peut être déclaré suspect dans la mesure où son nom pourrait suggérer une tendresse excessive pour les salariés, voyons chez les libéraux eux-mêmes. Il s’agit de la fondation IFRAP. Très libérale. Que dit-elle ? « En mars 2012, près de 7,29 millions de personnes bénéficiaient d’un contrat à salaire modéré (« mini-job »). Parmi eux, seuls 4,76 millions n’avaient pas d’autre salaire que ce mini-job. Près d’un million de jeunes vivent avec ce revenu, qui est généralement majoré de l’allocation « Hartz IV » de 375 euros. En Allemagne, la libéralisation du marché du travail s’est faite au détriment du bas salaire individuel et des parents isolés. En effet, les statistiques de l’Union européenne sur le revenu et le niveau de vie (EU-SILC) le montrent très clairement : le risque de pauvreté des travailleurs seuls allemands est de 14% et de près de 30% pour des parents isolés. Il l’est de 40% si on y inclut les chômeurs. Ces chiffres sont nettement inférieurs en France. » Je précise que sur les 5 millions de mini-jobbers, 3,5 millions sont des femmes. Evidemment.

Au-delà du coût social, cette politique est un désastre économique. Le Bureau international du travail insiste aussi sur le fait que les "réformes" allemandes ne peuvent pas être généralisées à toute l'Europe. Il explique que l'Allemagne est même en grande partie responsable de la crise actuelle dans la zone euro ! « Comme les coûts unitaires de main-d’oeuvre en Allemagne ont baissé par rapport à ceux des concurrents durant la décennie écoulée, il en est résulté des pressions sur la croissance dans ces économies, avec des conséquences néfastes pour la viabilité des finances publiques. Et, surtout, les pays en crise ne pouvaient pas recourir aux exportations pour pallier l’insuffisance de la demande intérieure car leur secteur manufacturier ne pouvait pas bénéficier de la hausse de la demande globale en Allemagne ».

La « stratégie allemande » arrive à sa limite. Ces dernières années, l'Allemagne s'est comportée comme le passager clandestin de l'Union européenne. Elle profitait de la demande de ses voisins pour exporter. Et pour leur faire la leçon. Mais pendant ce temps la contraction des salaires allemands empêchaient les autres pays de faire de même. La farce s’épuise. L’Allemagne s'est prise à son propre piège. A force de vouloir imposer l'austérité salariale et budgétaire à toute l'Europe, elle a scié la branche sur laquelle elle est assise. L'austérité généralisée plonge l'Europe dans la récession. L'austérité française, italienne, grecque, espagnole ou portugaise prive les entreprises allemandes de clients. Et comme les salaires allemands sont trop bas pour compenser, l'Allemagne s'enfonce à son tour dans le marasme économique. Le mois dernier, le chômage a progressé en Allemagne pour le septième mois consécutifs. La hausse du nombre de chômeurs a même été deux fois plus forte que ce qu'attendaient les principaux économistes. Quelqu’un a prévenu Ayrault ? Et Hollande ?

Le mirage du modèle allemand commence à se disperser. Même dans le sacro-saint registre financier où parait-il rien n’est plus sûr et fiable que le coupon allemand ! Mais oui : ces derniers mois, l'Allemagne a aussi rencontré des difficultés sur les marchés financiers. Le 5 septembre dernier, l'Etat allemand a cherché à placer 5 milliards d'euros de titres de dette. A longue échéance : septembre 2022. Il n'a pas trouvé preneur pour la totalité. Il n'a reçu des offres qu'à hauteur de 3,93 milliards d'euros. Ainsi donc à horizon de dix ans, l'Allemagne inquiète les financiers ! C'est normal, elle vieillit et repose sur un modèle archaïque. Quelqu’un prévient Hollande et Ayrault que la ligne Maginot et la ligne Siegfried sont dépassées ?



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