Résultats pour le mot-clef «Hollande»
31mai 13
Je suis rentré d’Espagne pour aller manifester à Toulouse puis à Perpignan dans le cadre de la mobilisation européenne des 1er et 2 juin. J’étais dans la péninsule depuis lundi pour présenter à l’université de Madrid « Le manifeste pour l’écosocialisme » adopté par le congrès du Parti de Gauche. Après Tunis, Alger, Rabat, c’était ma part de la tâche que mène Corinne Morel-Darleux. Elle-même a déjà fait le même travail à Rome et elle se prépare à le faire encore à Bruxelles, Londres et Budapest, en plus des sessions régionales qu’elle anime sur le territoire national.
Puisque j’étais à Madrid, j’ai également tenu une réunion publique avec Izquierda Unida au siège mis à disposition des conférences par le journal « El Pais ». Le lendemain j’étais à Valence. J’y ai tenu une nouvelle réunion publique avec la branche valencienne d’Izquierda Unida. La réunion était modérée par le « Mundo Diplomatico » au siège des Commissions Ouvrières, le très puissant syndicat ouvrier espagnol. Je n’avais pas connu jusqu’à présent le spectacle de l’Espagne ravagée par les politiques austéritaires et la dictature de la troïka. Glaçant. Le hasard a fait que je me trouvais là-bas pendant que François Hollande et Mariano Rajoy, le Président du Conseil espagnol, deux ectoplasmes euro-béats, se rencontraient à Paris. Deux phraseurs sans consistance qui ont pris soin de se donner rendez-vous la veille du jour où la Commission allait humilier nos pays respectifs par de nouveaux diktats austéritaires. Compréhensifs, les « journalistes » n’ont donc pas eu à leur demander si par hasard ils comptaient avoir une réplique coordonnée… en relation avec le style « monsieur muscle » que ce pauvre Hollande a voulu se donner pendant quelques heures le lendemain. De son côté, de retour au pays, Mariano Rajoy imite Hollande, à moins que ce ne soit l’inverse. De retour il explique que l’Europe a commencé « à changer dans le bons sens ». Les nigauds qui voudront le croire devront oublier que la Commission vient d’exiger de lui de nouvelles coupes budgétaires, une nouvelle hausse de la TVA et une nouvelle baisse des retraites. Ils devront sauter la page du journal où l’OCDE annonce 28% de taux de chômage l’an prochain. Ce post est donc consacré pour l’essentiel, de nouveau, à cette question de l’évolution de l’Europe sous domination ultra-libérale allemande. J’y parle de l’Espagne bien sûr et de nous les Français vivant sous l’autorité d’un président qui s’est fait une spécialité de jouer avec les mots et de s’attribuer comme un mérite d’exécuter de son propre chef les décisions de son prédécesseur et celle de la Commission. Un paroxysme vient d’être atteint : il se fâche parce que la Commission annonce comme un ordre ce qu’il se préparait à faire tout seul.
J’écris aussi vite que je peux. J’ai commencé à préparer mes lignes chemin faisant, le soir venu, en Espagne. Il faut que ce post soit installé pour le départ du « Petit courrier du Blog » avant que je parte à Toulouse et de là à Perpignan pour les marches citoyennes des 1er et 2 juin. Samedi dernier j’étais à Figeac, dimanche à Durbans dans le Lot, après quatre jours à Strasbourg. En quinze jours j’aurai dormi quatre jours chez moi. Tel est ma vie de « roi fainéant » comme m’a surnommé un gros parasite embusqué dans son bureau de « journaliste » dans un hebdomadaire national.
24mai 13
Je vous fais ce post pour l’essentiel depuis Strasbourg. Il y est surtout question du démarrage de la grande affaire de ce nouveau siècle en Europe : l’annexion par les USA de nos démocraties déjà fracassées. C’est le commencement des négociations en vue de la constitution d’un marché unique transatlantique libéralisé. Des années d’alerte n’ont servi à rien. L’épais tapis de silence médiatico-politique a étouffé le bruit de botte des trusts yankees. Tout d’un coup, après des années de préparation discrète tout s’emballe.
Sur une simple déclaration d’Obama approuvée par Merkel, après une visite aussi solennelle que formelle des androïdes Van Rompuy et Barroso, la machine s’est lancée. La Commission européenne va se doter d’un mandat de négociation. La négociation commence en juillet. Hollande est aux abonnés absents. Quant à Ayrault… Qui ça ? Et les médias… Les quoi ? Je répartis mes explications en deux chapitres. L’un décrit sommairement l’enjeu du contenu du traité, l’autre analyse le contexte des forces politiques sur le sujet. J’invite fortement mes lecteurs à s’emparer de la question en commençant un apprentissage des faits. Mon post est destiné à y aider. Mais vous avez aussi le livre édité par nous qui vous est proposé dans la colonne de gauche de ce blog. En toute hypothèse cette affaire va surplomber toute notre activité politique pendant des mois et sans doute pendant des années. Nous ne pouvons combattre sans former une opinion éclairée sur le sujet. Il faut donc commencer immédiatement un travail d’éducation populaire de masse pour y parvenir. J’espère que nous arriverons au pouvoir à temps pour faire échouer ce plan. C’est ce qui s’est passé en Amérique du sud. L’arrivée au pouvoir de nos amis a permis que le traité équivalent à celui-ci soit envoyé à la poubelle au dernier moment. Quoiqu’il en soit il faut travailler dès à présent activement.
J’ajoute un petit chapitre que je m’offre comme une récréation pour le seul bonheur d’écrire en souriant. C’est mon point final au palpitant épisode du tweet concernant le désolant accident survenu au sacrum de madame Le Pen. Je l’ai intitulé « Foutre ! ». L’abandon de l’usage de ce mot provoqua récemment la tristesse de Bernard Pivot. Le mot est l’équivalent en langue du dix-huitième siècle de l’interjection « putain, con ! » dans notre midi actuel. Mais si j’avais préféré cette modernité rabelaisienne, les tartuffes qui m’ont accablé auraient trop cruellement souffert. J’ai choisi la modération en quelque sorte.
14mai 13
Cette semaine est celle de toutes les hontes pour le gouvernement solférinien. Mardi il a fait voter l’ANI au Sénat avec la complicité active de la droite qui s’est abstenue et du centre qui a voté favorablement. L’union nationale autour des demandes du MEDEF, en quelque sorte. Pour la première fois dans l’histoire, un gouvernement qui se réclame de la gauche fait reculer les droits fondamentaux des travailleurs. Un jour très triste. Un mardi noir. Il faudra noter et publier la liste des « sénateurs maires » qui ont participé à cette infamie pour leur rendre la monnaie de leur pièce l’an prochain. Même exercice à prévoir à propos de l’amnistie. Jeudi, les solfériniens font voter contre l’amnistie sociale et contre la loi sur les licenciements boursiers. Grosse affaire mal emmanchée que nous allons rendre aussi coûteuse que possible aux solfériniens. Je reviens sur cette affaire d’amnistie sociale. Encore un jour de honte. Mercredi, Hollande va confirmer sa capitulation à Bruxelles devant la Commission. Nous aurions obtenu « un sursis » pour appliquer la politique absurde de l’austérité ! Un « sursis » comme on le dirait d’une peine de prison ! La France dans cette posture ! C’est à pleurer.
Tel est le sort auquel nous condamne le monsieur qui veut être le « bon élève de la classe Europe » comme il a osé le dire pour décrire l’attitude de notre grand pays devant les pitoyables fantoches de la Commission européenne. Il viendra sans doute pérorer ensuite sur cet exploit en se gardant de dire quelle ardoise reste à payer en « échange » de ce « sursis ». Il voudra faire croire que la nouvelle mise à mal des retraites et la nouvelle dévastation du droit du travail déjà baptisée « réforme structurelle sur l’emploi » sont ses propres trouvailles, pour notre bien évidemment. Le lendemain jeudi il mangera sa première poignée de terre si ses amis lui tracent le holà à l’Assemblée nationale sur l’amnistie sociale. Mais aussitôt après un nouveau reniement aura lieu avec le vote négatif des députés solfériniens contre la loi sur l’interdiction des licenciements boursiers. Bref une semaine où, pour faire passer des mesures de droite, François Hollande va encore diviser comme jamais les forces politiques de la gauche et démoraliser comme jamais non plus les forces sociales. Tout en écœurant les citoyens qui croyaient avoir voté utile pour se débarrasser du potage Sarkozy et qui doivent à présent en manger à tous les repas. Et avec le sourire, s’il vous plait !
02avr 13
Alsace : pour la République une et indivisible !
Les comités du Parti de Gauche des départements alsaciens ont adressé un message d’alerte à tous leurs camarades du pays. Il s’agit de l’odieuse question soumise à référendum dimanche prochain. Je me fais un devoir de rendre public ce message sur ce blog.
Cette semaine commence à l’Assemblée nationale la discussion de l’accord "made in MEDEF". C’est un moment honteux de la vie de la gauche où l’on va voir les députés solfériniens (peut-on dire socialistes à ce sujet ?) refuser aux députés du Front de Gauche ce qui a toujours été le minimum des revendications du monde du travail face au capital depuis au moins un siècle. Les solfériniens aux côtés de députés de la droite traditionnelle vont être les caisses enregistreuses du MEDEF. Un tournant dans l’histoire de la gauche. En ce sens, ces jours-ci feront date. Et en fin de semaine, une nouvelle fois unis, droite et solfériniens vont militer pour la dissolution de deux départements et la reconstitution d’une province d’ancien régime nommé « collectivité territoriale unique d’Alsace ». Le projet libéral s’accomplit ainsi, jour après jour, contre l’unité des droits sociaux désormais dépendant d’une entreprise à l’autre, et bientôt d’une portion du territoire à l’autre. Semaine noire pour l’idéal social républicain.
Et qui fait cela ? Un gouvernement dont le chef, à l’Elysée, avouent eux même qu’ils n’ont rien vu venir et qu’ils ne savent désormais où aller.
Hollande et Pujadas : sidération bavarde
L’interview du chef de l’Etat aura été un moment spécialement sidérant. Le journaliste comme le président semblait revenir d’un long week-end sur Mars. Ce qui ne les a pas empêchés de parler ensemble une demi-heure de plus que prévu. Au point qu’en ressentant un ennui qui nous collait bientôt les paupières, on finissait par se demander si nous ne les dérangions pas. Tout ça pour nous annoncer la nouvelle doctrine politico-économique des « modernes » : « Le choc de la simplification administrative ». Dire que pendant ce temps on s’épuisait à mettre au point « le manifeste de l’Ecosocialisme » ! Mince encore une modernisation de retard. Mais il est vrai que le monsieur n’est plus socialiste. Il est « de tous les français » ! C’est si nul que même les enjoués de service au « Monde », au « Nouvel Obs. » et à « Libération » ont jeté l’éponge !
Deux poids, deux mesures, sur France inter
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Patrick Cohen complaisant avec Le Pen, méprisant avec Mélenchon
par Matthieu Lépine
On reproche souvent à Jean-Luc Mélenchon ses propos très critiques concernant les journalistes. Pour certains cette défiance s’apparente davantage à de la paranoïa qu’à de la clairvoyance. Pourtant, l’inégalité de traitement médiatique entre le co-président du Parti de gauche et la plupart des autres personnalités politiques est flagrante. Il suffit de comparer son dernier passage à la matinale de France Inter avec celui de la présidente du Front national, Marine Le Pen, pour s’en convaincre…
D’abord voyons le journaliste. Etrangement il ne pose aucune question à partir de la gauche. Aucun des engagements du candidat Hollande vis-à-vis des salariés n’est interrogé. Aucune préoccupation concrète des salariés n’a la moindre place dans le questionnement. Exemple. La loi sur les licenciements boursiers ? Le droit de préemption des salariés dans l’entreprise ? Rien. Aucune question politique en cours non plus. Par exemple, sur le référendum en Alsace, sur le retour ou non à la circonscription unique aux Européennes, deux questions pourtant directement dans l’actualité au moment de l’entretien : rien. Sur le « modèle allemand », sur Chypre : rien non plus. Même manque complet de curiosité quand le président dit ostensiblement n’importe quoi. Exemple. Hollande affirme que le texte de l’accord "made in MEDEF" doit être voté tel quel, à la lettre. Aucune question sur le droit de veto ainsi donné au MEDEF. Puis il affirme que son résultat devra être évalué par les signataires. Ah bon ? Comment ? Et que se passe-t-il s’ils ne sont pas contents du vote ? On ne le saura pas. Rien ne lui sera demandé.
Voyons ensuite le président. Pourquoi ne nomme-t-il pas une fois son premier ministre ou l’un quelconque de ses ministres. Le journaliste ne s’en rend même pas compte. C’est qu’un fait est devenu évident. Le président est seul. Se sent-il lui-même si seul ? Evidemment oui. Tout le monde le sait, le sent, le devine. Cela veut dire qu’ayant éprouvé cette solitude, il voudra bientôt s’entourer. J’en fais le pronostic. Ses récréations actuelles ne suffiront pas longtemps à le distraire du sentiment que provoque en lui, par instinct, le sentiment du vide qu’il a laissé se creuser autour de lui. Ce vide ne le protège plus de l’habituelle et harcelante voracité des carriéristes et des intrigants. Le vide le menace. Parce que de l’impatience à la débandade il n’y a qu’un pas dans ces milieux d’affamés. Surtout quand il s’agit de partager un naufrage. C’est ce que prouve l’ambiance actuelle dans les cabinets ministériels. Pour des raisons liées à l’extrême droitisation du journal « L’Express », Christophe Barbier a choisi de harceler sur ce thème madame Taubira qui présente la double facilité à ses yeux d’être une femme, une indienne, en charge de la justice, et défenseuse d’un texte de loi sur le mariage des homosexuels. Voilà quatre caractéristiques qui stimulent toujours violemment l’imaginaire de la vieille France rassie. Un rédacteur en chef capable de titrer sur les immigrés voilés qui envahiraient les caisses d’allocations familiales, regarde aussi de haut les allogènes, se méfie du laxisme des juges, et entend que les gens hors normes religieuses ou sexuelles soient « discrets ». Mais la vérité est que le malaise des cabinets ministériels est général. En effet, qui veut tuer sa vie professionnelle et familiale vingt heures par jour pour la gloire d’avoir participé au « choc de compétitivité » qui va échouer ? Et maintenant qui veut le faire avec pour projet le « choc de simplification » de l’administration ! Le pantouflage va connaître une heure de pointe.
Heureusement que le génome conformiste de l’interrogeant a protégé d’une question qui aurait pourtant eu une grande importance. François Hollande a déclaré qu’il n’avait pas prévu que la « crise » durerait et qu’elle s’aggraverait. Aveu majeur. Que croyait-il d’autre ? Quel genre d’idée se faisait-il de l’état du système économique mondial ? Comment a-t-il pu croire qu’il s’agissait d’un « dérèglement » provisoire ? Quelles étaient ses prémisses à ce sujet ? Cette question sur le pronostic qui a guidé ses décisions depuis son élection est fondamentale. Mais pour le journaliste, du moment que le mantra a été récité dans le bon ordre, son attention n’est pas piquée. Il passe au point suivant. Et du coup il oublie encore une question de fond. Quel est dorénavant le diagnostic du président ? Que pense–t-il de cette « crise » et de son extension à des zones de plus en plus large ? On ne le saura pas non plus. Pourtant ce n’est pas la même navigation à prévoir selon que c’est la tempête ou les eaux calmes. La simplification administrative ! Le nouvel horizon du socialisme « réaliste ». Le nouveau projet des « modernes ». Le logiciel de ceux qui ont compris que « quand le monde change, il faut changer » : la simplification administrative. A la préfecture de Corrèze on s’angoisse : « N’est-ce pas un peu déjà la révolution ? »
Alsace : pour la République une et indivisible !
Les comités du Parti de Gauche des départements alsaciens ont adressé un message d’alerte à tous leurs camarades du pays. Il s’agit de l’odieuse question soumise à référendum dimanche prochain. Je me fais un devoir de rendre public ce message sur ce blog.
Message aux comités PG de tous les départements.
Chers voisins dans la République,
Au nom du principe d'expérimentation régionale que la loi permet d'appliquer depuis 2010, les électeurs alsaciens vont devoir se prononcer dans une semaine sur la fusion immédiate des deux départements et de la région en une seule entité : la collectivité territoriale d'Alsace.
Qui ailleurs dans la République a pu débattre de cette question ? Les médias nationaux en ont-ils seulement informé l'ensemble des citoyens français ? Le référendum régional du dimanche 7 avril est pourtant un événement inédit qui devrait faire réagir les citoyens de l'ensemble du territoire de la République. Pour nous, il ne saurait y avoir qu'un seul territoire, un et indivisible, dont les partitions administratives ne remettent jamais en cause l'unité de la loi commune votée à l'Assemblée nationale.
Ici en Alsace, le Front de Gauche a compris à quel point ce projet était risqué non seulement institutionnellement, mais aussi dans ses conséquences sociales. Le choix d'une fusion est le premier pas d'une autonomisation législative qui tôt ou tard permettra une adaptation régionale du code du travail et du droit. Au nom d'une économie de moyens -à la fois contestable dans sa réalité et dans son principe- et d'une efficacité douteuse, la plupart des élus de la région, soutenus par le patronat, s’apprêtent à ouvrir la boîte de pandore de la division.
La mise en concurrence de territoires dans une compétition féroce où les plus riches triompheront, y compris au prix de renoncements sociaux, et où les plus pauvres n'auront d'autres choix que de s'engager dans la même voie, au prix de plus grands renoncements encore, n'est pas l'idée que nous nous faisons d'une communauté politique unie par l'intérêt général et l'égalité, qui pratique la péréquation des moyens à l'échelle nationale.
Si un débat démocratique sur une réorganisation administrative du territoire n'a pas à être pas tabou, c'est à la seule condition qu'il ait lieu de manière transparente à tout niveau des institutions légitimes de la République. Mais ce n'est pas la voie qui a été choisi, puisqu'un droit d'expérimentation conduit aujourd'hui une seule région, sans concertation avec les citoyens des autres régions, à s'engager dans une réforme visant à sa territorialisation.
Si ce projet aventureux devait aboutir, c'est-à-dire si le OUI l'emportait sur le NON le 7 avril en Alsace (avec au moins 25% des inscrits dans chacun des deux départements), alors la voie serait ouverte à d'autres conseils régionaux et généraux qui manifesteront bientôt leur volonté d'un même processus. Ce n'est alors rien de moins que les anciennes provinces qui renaîtraient de leurs cendres dans le cadre du projet néolibéral d'une Europe des régions.
[...]
Congrès, écosocialisme et municipales
Le Congrès du Parti de Gauche ne se résume naturellement pas à la dispute contre la grotesque accusation d’antisémitisme lancée contre moi par Harlem Désir et son plagiaire Jacques Attali. Ni au résumé à un mot, bien adapté, « salopard » dans une intervention de trente minutes et un débat de trois jours ! J’ai commencé à évoquer ce point dans mon précédent post. Notre congrès a été très dense politiquement et idéologiquement. Les difficultés que contenaient nos prises de position sur le fond ont été visibles. Mais elles ont été maîtrisées. Par exemple, l’adoption des thèses sur l’écosocialisme n’était pas une formalité. Rappelons l’opposition qu’avait exprimée à ce sujet Marc Dolez au point d’en faire un des motifs de sa séparation d’avec notre parti. Mais ce n’était pas tout. Ici je parle aussi des municipales.
De toute façon, l’adoption d’un texte prévu aussi pour l’international et immédiatement traduit déjà en dix langues n’est pas un exercice facile. Le débat sur « l’après Chypre » posant de façon nouvelle celle de l’euro n’était pas simple non plus. Ce fut le travail de toute la journée du samedi consacrée au débat sur notre texte d’orientation. Après un très long travail des organisations de base du parti, puis de la « Commission des débats », sur une masse de trois mille amendements, la résolution a pu être adoptée à la quasi-unanimité : 665 voix sur 670 suffrages exprimés ! Ce qui n’est pas rien compte tenu du nombre des thèmes nouveaux que les militants devaient évaluer, discuter et valider ou non. Dans la mesure où cela demandait un effort intellectuel et un minimum de connaissances dans divers domaines, aucun grand média n'a parlé de ce texte. Tant mieux car cela n’aurait été que pour caricaturer et embrouiller. Pour autant nous devons maintenant commencer notre travail de diffusion. Le document est intitulé : Osons. Il est décisif par bien des aspects. Dans la lignée de la campagne présidentielle, il appelle à la "révolution citoyenne" pour "renverser l'oligarchie". Mais il va plus loin.
Le Parti de Gauche a adopté la doctrine de l'écosocialisme. Il l’a fait d’abord dans son texte d’orientation et ensuite en adoptant le Manifeste de l’Ecosocialisme. Ce vote en deux temps a sa raison. L’orientation appartient en propre au PG et à ses militants. Le « Manifeste » est un bien commun dont la rédaction ne nous appartient pas en propre. Car ce « Manifeste » est le texte sur lequel ont débouché les premières assises ouvertes pour l'Ecosocialisme organisées en décembre dernier. Venons au fond. Cette doctrine fait la synthèse entre une écologie radicale et un socialisme débarrassé du productivisme. Voici comment ce point de vue est résumé. "L’Ecosocialisme est une refondation de l’écologie politique qui serait impuissante sans stratégie de dépassement du capitalisme. C’est aussi une refondation du socialisme débarrassé du productivisme. Il part d’une limite du capitalisme que le mouvement socialiste originel n’avait fait qu’entrevoir et dont la prise de conscience constitue aujourd’hui le point d’appui le plus fort pour proposer le dépassement du capitalisme, désormais mondialisé. La logique de l’accumulation capitaliste menace à un horizon de plus en plus proche les conditions propices à la vie humaine sur Terre". Mais l'Ecosocialisme n'est pas une théorie abstraite. Il part des problèmes concrets et cherche à les résoudre par des actes concrets. Pour cela, nous nous sommes accordés sur quelques principes clairs. En voici quelques uns : "L’Ecosocialisme proclame la supériorité de la valeur d’usage sur la valeur d’échange. La transition globale qu’il propose consiste en effet à privilégier les biens répondant aux besoins réels des personnes, utiles et durables, compatibles avec la préservation de l’écosystème, produits par un haut niveau de qualification et dans un processus respectueux du travailleur plutôt que des marchandises inutiles et jetables mais « compétitives » et lucratives."
Cette nouvelle formulation de la doctrine progressiste, et le mot lui-même « Ecosocialisme » est déjà partagée par plusieurs organisations du Front de Gauche. Nous allons poursuivre le débat à ciel ouvert avec l'ensemble des écologistes mais aussi les forces sociales et syndicales qui seraient intéressées. Nous le faisons en France mais aussi à échelle régionale et mondiale. Cette extension du débat avait commencé sur place, avec la réunion du PGE, le parti de la gauche européenne, qui s’est tenue le vendredi matin. Elle s’est confirmée dans les échanges avec les quatre-vingt délégations étrangères présentes au congrès. Et nous nous sommes immédiatement mis au travail au FSM de Tunis en tenant une réunion avec plus de dix partis maghrébins sur la base de ces thèses. J’avais commencé, vous vous en souvenez, par une tournée de conférences dans les trois capitales maghrébine il y a deux mois. Le document commence à circuler dans le monde et déjà les demandes de rencontres et de débats affluent.
Notre Congrès a aussi très largement adopté la référence à un "protectionnisme solidaire". Le débat a porté sur le fond mais aussi sur le mot lui-même. Jusqu'ici, notre programme proposait des mesures contre le libre-échange comme les "visas sociaux et écologiques aux frontières" mais nous n'utilisions pas le mot "protectionnisme". Il fallait que le débat ait lieu pour que chacun s'en empare et qu'il entre dans notre vocabulaire commun. Ce fut fait et bien fait. Le texte précise bien pourquoi "le libre-échange compromet gravement notre souveraineté" en organisant "un nivellement par le bas des normes sociales et environnementales et mettant les peuples en compétition". Notre résolution dit que notre protectionnisme est "le compagnon logique" de la conversion écologique de l'économie, de la relocalisation des productions et de la "souveraineté alimentaire". Il explique bien aussi en quoi il est un outil pour lutter contre le dumping social, les délocalisations et la désindustrialisation de notre pays. Enfin, il indique que pour nous, ce "protectionnisme" est "solidaire" car il s'inscrit dans la voie d'"échanges commerciaux internationaux sur la base de la coopération et de la complémentarité" plutôt que sur la concurrence.
Le Congrès a aussi débattu de notre relation à l'euro. Bien qu'il ait été écrit il y a plusieurs semaines, le passage du texte sur ce sujet et le débat qu'il a suscité ont pris une autre dimension compte-tenu de l'affaire chypriote. Notre congrès a rappelé avec force notre stratégie. Elle est tranchée : il s'agit de mettre en place un rapport de force pour obtenir de changer l'euro. Notre résolution le dit nettement : "Il n'y a aucune raison d'aborder cette confrontation avec frilosité : l'Europe ne peut pas fonctionner sans la France". Elle envisage plusieurs moyens de pression comme la suspension du paiement de la contribution française au budget de l'UE ou le retrait de la garantie de la France au Mécanisme européen de stabilité. Dans les deux cas, la machine européenne se bloquerait.
L'extraordinaire menace de la BCE contre Chypre a bousculé notre congrès. Elle m'a obligé à revenir sur cette question dans mon interview à Sud-Ouest. Voila ce que j'ai déclaré : "L'euro est devenu le garrot avec lequel on étrangle les peuples. Dire que nous voulons sortir de l'euro reviendrait à capituler et à clamer la victoire de Mme Merkel. Mais, s'il faut choisir entre la souveraineté des Français et l'euro allemand, nous n'aurons pas peur de choisir la souveraineté". En disant cela, j'étais parfaitement en accord avec l'amendement voté par le Congrès samedi qui rappelait qu'"un gouvernement du Front de Gauche refuserait d’appliquer l’euro fort de la BCE et qu’il serait prêt à prendre des décisions unilatérales en ce sens, par exemple en mobilisant la Banque de France". Nous espérons ne pas avoir à en arriver là. Mais nous sommes des gens sérieux et décidés à diriger ce pays. Donc nous devons envisager toutes les hypothèses. Car nous ne renoncerons pas à appliquer notre programme une fois au pouvoir.
C'est l'autre aspect de notre congrès. Il a confirmé notre objectif politique : la conquête du pouvoir. Et la stratégie pour y parvenir : celle de l'autonomie conquérante pour rassembler une majorité alternative, populaire et politique. Le texte précise que les élections municipales et surtout européennes s'inscrivent dans cet objectif. Le but est de passer devant le PS pour réorganiser la gauche autour de notre programme, de nos valeurs. A l'occasion de ce congrès, le PG a ainsi annoncé une première liste de 60 villes grandes et moyennes où il présentera des listes autonomes. Ces listes autonomes se feront dans le cadre du Front de Gauche partout où ce sera possible, dans d'autres cadres là où ce sera nécessaire. C'est ce que dit le communiqué diffusé par le Parti de Gauche à la clôture du congrès : "Le 3ème congrès du Parti de Gauche a confirmé la stratégie d’autonomie rassembleuse et conquérante. Elle s’exprimera dans les deux échéances électorales de 2014, municipales et européennes. C’est pourquoi le Parti de gauche travaille dès maintenant à la concrétisation de cette stratégie lors du scrutin municipal partout où c’est possible en France. Dans les semaines à venir, dans toutes les grandes villes pour commencer, le PG va localement prendre contact avec ses partenaires du Front de Gauche et tous ceux qui, à gauche, refusent la politique d’austérité du gouvernement, pour avancer sur ces listes. D’ores et déjà, en comptant sur ses forces et ceux de ses partenaires qui se sont déjà montrés disponibles pour cela, il a établi une première liste de 60 villes qui répondront à cette ambition. Parmi elles les dix plus grandes villes française et déjà 17 des 21 capitales régionales".
Fallait-il ou non rendre publique cette liste à la connaissance des médias ? Nous avons conclu que oui. Pourquoi ? Parce que nous ne voulons pas être assimilés à l’orientation inverse, d’union autour du PS. Nous n’acceptons pas que cette confusion nous soit imposée. Cette publication a été rendue nécessaire par l’ouverture de négociations entre le PCF et le PS à propos des municipales, au niveau national et souvent aussi au niveau local. Les dirigeants solfériniens en ont fait état au niveau national. Au niveau local il en va souvent de même. Dans certaines villes nous avons appris par la presse que des listes seraient en cours de négociations. Dans un département au moins, c’est même le texte d’orientation du Front de Gauche qui a été rejeté par un vote du congrès départemental du PCF en même temps qu’était annoncée une liste commune avec les solfériniens. C’est en Haute-Garonne et dans la ville de Toulouse. Naturellement nous respectons le droit du PCF de faire l’union autour du PS. Ce n’est pas notre analyse de la nécessité du moment. Ni notre lecture du document d’orientation du Front de Gauche. Mais qu’y pouvons-nous ? Nous n’approuvons pas davantage la formulation d’un vocabulaire et d’initiatives avancées sans aucune discussion entre partenaires du Front de gauche comme « coopératives citoyennes », « place au peuple » et ainsi de suite dans le cadre des municipales. Il existe un fort soupçon dans nos rangs que toutes ces formules ne soit pas autre chose qu’une passerelle pour habiller un accord déjà conclu ou à venir avec les solfériniens. Ou bien parfois, à l’inverse, juste un moyen de pression avant accord. Bref nous ne voulons ni être instrumentalisés ni impliqués par une négociation secrète, dont nous supportons les inconvénients. La seule manière de la mettre à sa place relative, et limitée à un partenaire, est de faire savoir que les négociations en cours ne nous engagent d’aucune manière, ni nous, ni le Front de Gauche auquel nous appartenons. Dès lors, la publication d’une série de villes où nous savons qu’il y aura une liste autonome est destinée à éviter le brouillage résultant des tractations en cours. Le choix de notre congrès est l’autonomie. Nous sommes prêts à discuter des exceptions. Nous ne sommes ni buttés, ni sectaires, ni incapables de comprendre une situation locale. Mais nous ne sommes pas d’accord pour nous faire infliger l’union autour du PS comme règle et l’autonomie comme exception. Nous soutenons que c’est l’inverse qui doit être la norme. Cette attitude est-elle contraire à la cohésion du Front de Gauche ? Non, bien sûr. La lecture du texte d’orientation suffit à le savoir. La meilleure preuve est que la liste que nous publions est faite de communes où il est déjà acquis entre tous les membres du Front de Gauche qu’une liste autonome sera constituée et parfois même que sa tête de liste préférée serait communiste.
EADS pillé ! Ayrault et Montebourg regardent ailleurs !
Retour sur le feuilleton EADS. J’ai déjà traité le thème à plusieurs reprises sur ce blog. La nouvelle direction du groupe aéronautique a été installée par l'assemblée générale extraordinaire du 27 mars. Faute d’un gouvernement qui indique une volonté clairement exprimée, la France est en train de laisser franchir une nouvelle étape de la financiarisation du géant européen de l'aéronautique qu’elle a créé.
En septembre 2012 déjà, il était question d’une fusion entre le géant franco-allemand et le britannique BAE, héritier de British Aerospace. On avait craint les conséquences stratégiques désastreuses du tropisme libéral de Thomas Enders, le remplaçant allemand de Louis Gallois. Finalement, cette fusion ne s’est pas faite. C’est l’Allemagne qui a stoppé le processus. Pour un motif que les Français n’avaient même pas imaginé formuler : parce qu’elle redoutait une perte de souveraineté industrielle et stratégique. Mais le pire était à venir. Depuis décembre 2012, avec l’aval du gouvernement Ayrault, la finance n'a cessé de conforter son emprise sur EADS. Cette attaque se matérialise par « un accord de gouvernance ». Il fait suite à la sortie d’actionnaires privés du capital d’EADS. Cet accord entérine un recul des parts des Etats français, allemand et espagnol. Dès lors ceux-ci sont empêchés dorénavant de bloquer les décisions stratégiques qui pourraient leur nuire. De cette façon, EADS est un peu plus mis dans la main de la finance internationale. Cette mascarade à un prix. Elle oblige EADS à racheter une partie de ses propres actions aux actionnaires privés. Ceux-là même qui s’enfuient. Au premier rang desquels on trouve Arnaud Lagardère. Et il lui faut encore vendre le reste au plus offrant sur les marchés financiers. A l’annonce de cet accord absurde, l’action valait 25 euros. A peine 3 mois plus tard, elle vaut 40 euros ! EADS ayant annoncé longtemps à l’avance le rachat des actions, il était évident que le cours monterait et que l’opération de rachat qui était alors estimée à 3,3 milliards d’euros serait largement plus coûteuse. Résultat : le rachat d’actions pourrait coûter deux fois plus cher que prévu. Un gigantesque gaspillage financier au détriment de la stratégie industrielle pour l'aéronautique. Et à la table de ce gaspillage, l’assemblée générale des actionnaires tenue le 27 mars a décidé que Lagardère serait prioritaire sur les autres actionnaires pour accéder au programme de rachat d’actions. Avec la bénédiction du gouvernement français actionnaire, EADS a donc décidé d’accorder un privilège de rachat à l’oligarque Lagardère. Une sorte de prime à ceux qui fuient le navire.
Le changement de « gouvernance » acté en décembre 2012 a donné lieu le 6 février 2013 à la publication par EADS de la liste des personnalités proposées pour le renouvellement de son conseil d’administration. Cette liste a été validée par l'assemblée générale extraordinaire des actionnaires du 27 mars. Elle est extrêmement inacceptable. Côté français, on est sûrs que les intérêts industriels du pays ne seront pas défendus. La direction exécutive a choisi de donner des gages aux marchés financiers en proposant des traitres patentés, des banquiers ignares en matière industrielle et des incompétents notoires pour siéger à son conseil d’administration. Jean-Claude Trichet, qui ne connaît rien à l’aéronautique ni à l’industrie mais qui a le grand mérite de ramper devant Mme Merkel, est confirmé comme administrateur. Rappelons que c’est cet obsédé de l’euro fort qui s’était attiré les foudres de Louis Gallois, alors PDG d’Airbus, quand il était président de la BCE. L’équation était la suivante : à chaque fois que l’euro monte de 10 centimes, Airbus perd 1 milliard. Sans rancune, EADS fait de lui un de ses dirigeants. Le banquier Michel Pébereau est aussi de la partie. Cet homme a participé à toutes les orgies libérales depuis les années 1990. Dirigeant de la BNP dont il avait conduit la privatisation et la fusion avec Paribas, il a produit en 2005 un rapport aux allures de manifeste pour l’austérité dans lequel il dénonçait la « préférence française pour la dépense publique ».
Pour le reste, le nouveau conseil d’administration d’EADS reconduit Lakshmi Mittal, le grand industriel qui ne tient pas ses engagements et qui saigne aux quatre veines l’industrie de notre pays en organisant sciemment la hausse des cours de l'acier, dont pâtit d'ailleurs EADS. Doit aussi être reconduit « Sir » John Parker, dont le groupe minier britannique Anglo American spolie et maltraite les populations des pays dans lesquels il fait ses profits. Doit enfin entrer au conseil d'administration l’allemand Manfred Bischoff qui a caché aux Français les problèmes de production des usines allemandes pour l’A380 quand il était président du conseil d’EADS.
La question de la présidence non-exécutive d’EADS aura donc servi de leurre pour masquer le pillage. Pendant que les propositions de l’Etat et des dirigeants d’EADS se neutralisaient sur la question de la succession d’Arnaud Lagardère, l’abandon de l’influence de la France dans cette entreprise hautement stratégique au profit des marchés financiers était acté par la constitution du nouveau conseil d’administration. C’est finalement Denis Ranque qui fait figure de favori pour présider le conseil d’administration. Comme Lauvergeon, ce membre du Corps des Mines connaît au moins l'industrie. Mais quoi qu’en disent le gouvernement français et les dirigeants d’EADS, cette hypothèse consensuelle pourrait avoir des conséquences fâcheuses sur la stratégie du groupe. PDG de Thalès de 2000 à 2009, Denis Ranque s’est principalement intéressé aux activités de défense et de sécurité, au point qu’il a fermement recentré le groupe sur ces deux activités. Cela a eu pour conséquence la vente, sous sa direction, des filiales Service informatique, Navigation et Positionnement GPS, ingénierie et Conseil, électronique et composants industriels civils. Il a initié chez Thalès la logique de filialisation qu’a poursuivie Luc Vigneron. Cette logique conduit à brader des pépites de l’industrie française sur des secteurs que le monde entier nous envie. J’avais d’ailleurs rencontré fin août dernier à Grenoble les salariés de Trixell, en lutte contre le désengagement de Thalès du secteur de l’imagerie médicale. Il faut espérer que Denis Ranque ne continuera pas chez EADS ce qu’il avait commencé chez Thalès.
Ce gaspillage et cet abandon stratégique aux marchés financiers est un crève-cœur. Il se fait alors même qu’EADS aurait tant à gagner et à offrir s’il engageait les grands projets d'intérêt général dont la charge lui revient naturellement : l’investissement dans la recherche sur les nouveaux carburants, le développement de l’avion du futur, la transition écologique du transport aérien. Mais ça c’est un autre monde. Celui de l’industrie et de l’exploit technique. Rien à voir avec le monde mental des agents de la machine à cash qu’est la bande de financiers qui vient de s’abattre sur l’entreprise. Montebourg, lui, est aux abonnés absents.
20fév 13
De retour. Voilà une quinzaine bien remplie entre un meeting à Rome, une session à Strasbourg, le salon de l’économie de la mer et une semaine au Maghreb avec trois conférences sur l’Eco-socialisme. Mon parcours m’aura scotché deux images en tête ces jours-ci, celle de Besma, la veuve de Chokri Belaïd, en début de parcours, à Tunis, et, en fin de parcours, le spectacle de ma ville natale, Tanger, explosée en une immense métropole de plus d’un million d’habitants, moderne, neuve et contemporaine comme un plat cuisiné congelé. J’étais prévenu. Héraclite disait qu’on ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve. J’ajoute, pour m’aider, que le fleuve ne baigne pas deux fois le même homme. De la sorte j’ai contenu la nostalgie dans la petite cage où elle siffle sa chanson sans assourdir le présent. Je reviens du Maghreb surtout conscient de l’ampleur de la tâche qu’il faudra encore accomplir au service de notre message. Rien d’exotique là-dedans. De l’Euro-Maghreb de fait, à celui qu’il faut construire, il y a aujourd’hui l’apparence d’un si long chemin ! Je vous en parle.
Mais je n’ai pas lâché prise de l’actualité. Je l’ai suivie au fil des événements et de mon déplacement. Pendant cette semaine, le gouvernement PS-EELV a fait commencer au pays sa descente aux enfers de l’austérité sans fin. Il n’atteindra aucun de ses objectifs budgétaires. Comme prévu par nous. Le pays qui a déjà commencé à souffrir si rudement va maintenant s’enfoncer dans le malheur d’un chômage de masse sans précédent. Une violence incroyable se déploie contre les personnes, celle de la situation sociale et celle des conditions du maintien de l’ordre établi. Deux immolés devant Pôle Emploi et un jeune sidérurgiste de vingt-cinq ans qui se fait arracher un œil dans une manifestation, en sont des signaux révélateurs ! Que n’aurait-on dit si cela s’était produit sous Sarkozy ! Le dire me vaudra les foudres des gardes chiourmes de la pensée officielle. Mais quelle importance ? Ce monde de pacotille et de connivences va s’effondrer.
Cette quinzaine se joue, pour notre Front de Gauche, dans le vote de la loi d’amnistie sociale qu’il faut arracher au PS après que François Hollande nous l’ait refusée. Il s’agit de l’amnistie des syndicalistes et des associatifs condamnés sous l’ère Sarkozy. Plus qu’un symbole, un rapport de force. Ceux qui ne voteront pas avec nous seront notés. Le Parti de Gauche pense à une consigne spéciale pour eux dans les prochaines élections. Faites-le leur savoir, ils ne comprennent que ça.
Le budget et la stratégie Hollande sont scratchés !
La stratégie économique de François Hollande est dans le mur. Le fait mettra son temps à se montrer dans toute son ampleur mais il est, hélas, avéré. La nouvelle équipe nous a englués dans les sables mouvants de l’austérité sans fin vers laquelle se dirigeait déjà le précédent gouvernement. Plus elle se débattra plus elle s’enfoncera. En plus de la récession et d’un chômage sans précédent il va falloir subir l’outrageante inquisition de la Commission européenne et des ordres en allemand de la nuée de dogmatiques au pouvoir outre-Rhin. Voilà le cadre d’action des prochains mois et le sens des prochaines rencontres au suffrage universel. Et ce n’est pas le numéro de boniments hypocrites servi aux Grecs cette semaine par François Hollande qui changera cette triste réalité. D’ailleurs eux-mêmes répondent aux problèmes posés par une nouvelle grève générale. Plus vite on remplace le gouvernement de Jean-Marc Ayrault par une gauche de combat, plus courte sera la souffrance. Nous, nous sommes prêts.
La stratégie Hollande, avec la mise en place du gouvernement Ayrault, a misé sur la paix des braves avec la Finance moyennant de gros câlins au patronat et une indifférence paternaliste très ostentatoire envers les souffrances du populaire. Ici le symbole binaire de la meute des ministres aux universités du MEDEF, d’un côté, et du freinage pendant neuf mois de la loi d’amnistie sociale a bien fonctionné. Au plan économique c’est l’installation d’une bonne et grosse politique de l’offre, avec un chèque de vingt milliards aux grandes entreprises. Au plan budgétaire toute leur pensée s’est limitée à un plan comptable désincarné de coupes aveugles. Il achève de désorganiser l’Etat et d’anéantir sa capacité d’intervention économique. Il enfantera une grosse bévue cruelle, on ne sait où, sur rail, hôpital, maternité, école ou autre. Tout cela était condamné d’avance. Nous l’avons dit sur tous les tons, démontré de toutes les façons. Ils nous ont méprisés et accablés de leur petites manœuvres à deux sous. Leur unique réponse a été la tentative de diviser le Front de Gauche et de me flétrir. Le congrès du PCF a fini de mettre à terre toute cette manœuvre. J’ai tenu bon et le Parti de Gauche a résisté aux opérations de déstabilisation. De ce long round, nous sortons plus forts et mieux unis comme l’a montré le texte d’orientation du Front de Gauche. Nous entrons à présent dans une phase de combats de terrain. Le pays va descendre en enfer. La ligne de résistance sera partout une ligne de survie. Ce mouvement prendra des formes multiples, parfois inédites et contradictoires. En lui éclairant les enjeux et les pistes d’action, en déclenchant les initiatives, nous raccourcirons les délais vers la libération et surtout nous aiderons le mouvement à se fortifier. Cela nous impose une vigilance absolue sur les événements. On capte d’autant mieux une vague qu’on la voit naître à temps.
On se souvient du discours historique de François Hollande devant le parlement européen. Non ? Ce n’est pas grave. Il n’a rien dit de particulier. Une enfilade de mots creux. Et, bien sûr, ses bobards habituels sur la grande relance de la croissance en Europe grâce à son plan. La quinzaine a sonné le glas de sa stratégie économique. Bien des persifleurs avaient demandé à Hollande devant le parlement européen où était ce plan dans le prochain budget de l’Europe. Et moi ici, j’avais montré que sur les cent vingt milliards que notre général en chef avait prétendu avoir réussi à faire attribuer au dit plan de croissance, soixante avaient été déplacés de lignes budgétaires déjà existantes. Cela voulait dire que son fameux plan n’était en réalité que de moitié. Puis je m’étais bien moqué de lui en faisant un calcul qu’aucun des fact-checkers qui me pistent n’avait pensé à faire : soixante milliards de plan de croissance moins la réduction du budget européen de soixante-quinze milliards que le même sieur Hollande a proposé, égal : un plan de croissance de moins quinze milliards. Evidemment ça faisait rire. Mais comme entre temps le général en chef a accepté une capitulation souriante avec un budget européen en recul de trois pour cent, c’est l’heure de pleurer. Car, récapitulons : ces merveilleux stratèges ont fait entrer chaque pays d’Europe en décroissance. Et ils ont aussi éteint le moteur collectif qu’est le budget de l’Union Européenne. Le pire est donc à venir. Il est là. Le 14 février, Eurostat a publié les chiffres de la croissance en 2012. La zone euro est en récession depuis mars 2012 : 3 trimestres consécutifs, avec un recul supplémentaire de 0,6% de la richesse produite au dernier trimestre 2012. Même le PIB allemand a reculé au dernier trimestre 2012 de plus d’un demi-point. Et les soi-disant bons élèves de la classe austéritaire s'enfoncent dans la crise. L’Italie baisse de 3,7 point de croissance en 2012 ce qui fait 10% de perdu depuis 2009 ! Et le Portugal baisse de 3,2% en 2012. On se souvient comment furent moqués les projets de décroissance contrôlée et différenciée, celles des « objecteurs de croissance ». Eux, les libéraux, pratiquent la décroissance sauvage. Celle qui combine les reculs de la production globale, le chômage de masse avec l’accroissement de la pollution globale, la mal bouffe et le creusement de la dette écologique.
Mais pendant ce temps François Hollande continue de débiter ses petites phrases sans aucun rapport avec ses actes. Mais il ne reste plus que « Libération », le grand quotidien anti Front de Gauche, pour applaudir en cadence sous le titre « François Hollande refuse l’Europe de l’austérité ». Lisez plutôt le monument d’hypocrisie auquel se réfèrent ces applaudissements : « En Grèce les sacrifices demandés à la population ont été plus douloureux qu'ailleurs. L'assainissement des finances publiques est nécessaire mais ne peut suffire. C'est pourquoi des mesures de soutien à la croissance sont indispensables (…) Je refuse une Europe qui condamnerait les pays à une austérité sans fin. Chaque Etat doit contribuer à la compétitivité et à la croissance, par la gestion rigoureuse de ses comptes publics et par des réformes. Chaque Etat doit également savoir qu'une solidarité existe ». Hollande déclare ces sornettes en Grèce mardi 19 février. Le lendemain, les syndicats appellent à une journée de grève générale contre l'austérité. C’est que Hollande, ils connaissent. Il est déjà venu leur faire le coup des phrases à triple sens pour les inviter à ne pas voter pour Syriza, nos camarades, aux dernières élections législatives afin de « sauver l’euro ». Mais les numéros d’enfumage, qui marchent encore en France, buttent là-bas sur une réalité que les mots ne peuvent effacer. La Grèce a connu une sixième année de récession avec une perte de six points de croissance en 2012. Ainsi depuis 2009, 30% de la richesse du pays sont restés dans les bras et les cerveaux inemployés du pays. Le chômage atteint désormais 27%.
En France, on se demande quelles phrases creuses vont emballer le crash du budget Cahuzac désormais officiellement encastré dans le mur de l'austérité. Récapitulons pour ceux qui n’ont pas suivi. Le 14 février, l'INSEE a annoncé que la croissance ne dépasserait pas 0,1% au 1er semestre 2013. L’objectif déjà corrigé de ces messieurs les génies de l’économie au PS était de 0,8% sur l'année. Ici et en public nous avons dit sur tous les tons qu’il n’en serait rien. En effet nous savons bien qu’étant de gauche nous sommes nuls en économie et eux ne l’étant pas en économie sont donc des génies. Nous demandions : « Vous prévoyez 0,8% de croissance en 2013 ? Et vous comptez là-dessus pour revenir à trois pour cent de déficit en fin d’année ? Mais comment est-ce possible si en même temps vous retirez soixante milliards sur l’économie du pays avec vos plans d’austérité et votre mesure « des cadeaux pour les patrons » dite plan de compétitivité. Vous allez amorcer un cycle vicieux ou l’activité se contractant les recettes seront moindres et donc le déficit s’accroîtra. » Rire des importants et de leurs griots médiatiques. Patatras, les choses se passent comme nous l’avions dit.
Jean-Marc Ayrault lui-même a dû reconnaître que ces prévisions étaient irréalistes sur France 3. « Nous ne serons pas exactement, je pense, aux 3% de déficit en 2013 », a-t-il avoué. Et pourquoi ? « …pour une raison simple, c'est que la croissance en France, en Europe et dans le monde est plus faible que prévue ». Quel aigle ! Mais personne n’a pensé à lui demander si cette situation a un rapport avec le fait que sa politique y a directement et violemment contribué. Puis le gouvernement gagna du temps de commentaires en déclarant « attendre les prévisions de croissance que la Commission européenne pour changer ses prévisions ». Et donner un nouveau tour de vis austéritaire conformément à la logique de cette politique malade de dogmatisme. D’ailleurs les allemands n’ont pas traîné à faire connaitre leur puissante volonté. Jorg Asmussen, le représentant allemand au directoire de la BCE a déjà dit que selon lui « il très important que la France contienne cette année son déficit sous les 3% » car « la France et l'Allemagne ont, en tant que noyau de la zone euro, une responsabilité particulière dans la stabilité de la monnaie comme dans l'application du pacte (européen) de croissance et de stabilité ». Exécution ! Schnell ! Et que ça saute ! Pourtant, selon l’inventeur de cette norme des 3%, le haut fonctionnaire Guy Abeille, « les 3 % ont été inventés sur un coin de table, et ne reposaient sur aucune théorie économique ». Mais la conséquence va être terrible.
Pour l'instant, le gouvernement est muet sur les conséquences de la faible croissance sur le chômage. C’est pourtant là que ça se joue ! Pourtant l'objectif "d'inverser la courbe" fin 2013 semblait déjà inatteignable avec une croissance de 0,8%. En fait le chiffre annoncé de 0,8 % était une manœuvre pour duper les fact-checkers. C’est le chiffre à partir duquel le chômage reste stable dans notre pays. Hollande ne pouvait annoncer moins, et donc plus près de la vérité sans se faire prendre. Mais cela ne faisait guère illusion. L'UNEDIC tablait déjà, de son côté, sur deux cent mille chômeurs de plus. Jacques généreux me conseilla d’annoncer la fourchette basse de l’évaluation de notre commission économique : 300 000 chômeurs supplémentaires. Jacques Sapir en annonçait 500 000. Ce chiffre n’a plus rien d’exagéré si j’en crois ce qu’on me dit. Les amis, il va falloir être forts.
L'éco-socialisme en tournée maghrébine
Comme il existe dorénavant une importante masse de documents, écrits et vidéos, sur la tournée de conférences que je viens de faire au Maghreb, je n’évoque ici que le projet général qui était en jeu. Puis je reviens cependant sur une polémique qui m’a opposé au PS pendant que j’étais sur place, à propos d’une visite que ses dirigeants venus en mission parlementaire ont rendue au chef du parti islamiste tunisien. Je le fais parce que je crois que tout ce qui se passe en Tunisie impacte notre propre expérience politique.
Mon calendrier de déplacements est dorénavant fixé des mois auparavant. Mon voyage au Maghreb a donc été préparé longuement au plan politique par notre équipe du secteur international. Au plan matériel on l'organisa plus récemment mais tout tint bon pour l’essentiel car se déplacer entre trois pays, faire trois conférences, mener trois plans médias, et réaliser deux plans de rencontres avec les partis politiques et la société civile ne peut fonctionner comme une horloge Comtoise. Mais ce fut presque parfait. Nos équipes se sont relayées d’un pays à l’autre, tandis que Alain Billon et moi nous faisions équipe tout du long. Au Maroc, en prévision des échanges à avoir et de la sensibilité connue de nos interlocuteurs pour les questions que nous soulevons, Corinne Morel-Darleux vint prêter main forte en tant qu’organisatrice du forum sur l’éco-socialisme. Les postes diplomatiques ont donné une aide technique professionnelle impeccable, nos hôtes dans les trois pays maîtrisaient parfaitement leur affaire. Sept cent personnes à Tunis, quatre cent à Alger, près de mille à Rabat, ce sont des affluences remarquables. La cause en est bien sûr dans le renouveau de la politisation des trois peuples compte tenu des circonstances révolutionnaires de la région. Je n’ai pas l’intention de faire ici le récit vécu que j’aurai rédigé si j’en avais eu la moindre possibilité en temps. Mes complices Laurent Maffeïs et Corinne Morel-Darleux l’ont fait pour moi et ce blog a bénéficié de leur récit. Je veux plutôt redéfinir le projet qui me portait sur place.
Formellement il s’agissait de présenter en conférence, et non en meeting, les thèses pour l’éco-socialisme afin de mettre en débat dans notre gauche l’horizon d’une référence commune. Mais dans le contexte, la visée était nécessairement plus ample. Je la résume. Il s’agit de faire naître une communauté politique. Le chemin est long. Mais il faut commencer. Il me faut préciser que je ne parle pas ici de toute la Méditerranée. Je n’envisage que celle qui était dans un passé récent rassemblée par la coopération dite cinq plus cinq. Côté européen : la Grèce, l’Italie, la France, l’Espagne, le Portugal. Côté Maghreb : la Mauritanie, le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye. Ces deux rives de la Méditerranée forment une entité avec une forte intrication, sur le plan humain, économique, et écologique. Mais sur le plan politique il en va tout autrement. C’est le déni. Sur les deux rives, des partis d’extrême-droite travaillent sans relâche à opposer au prétexte de la religion les deux mondes pour les rendre étanches et répulsifs aux populations. Sur les deux rives les libéraux travaillent à construire des espaces dérégulés opposant pour finir les salariés les uns aux autres. Sur les deux rives, les stratégies de « vote utile » et de « Front Républicain » des grandes formations asphyxient l’espace politique et expulsent les revendications populaires du centre de la scène. Ajoutons que l’Union Européenne, sous contrôle allemand, fait ce qu’il faut pour diluer cette problématique dans une fumeuse et inconsistante politique de « toute la Méditerranée », celle où patrouille la sixième flotte nord-américaine, en somme. Pour nous, l’objectif est de construire une conscience politique de cette existence commune imbriquée. L’idée est de le faire à partir de tâches conjointes incontournables. Ici il s’agit de la gestion commune de l’espace écologique sensible commun : la Mer Méditerranée et de la façade atlantique des pays de la zone. Nous retrouvons donc l’autre grand dossier que nous proposons d’approprier dans le plan de progrès de notre pays, la maîtrise de l’expansion dans les mers et les océans. C’est le premier aspect de la scène à mettre en place. Le second aspect c’est notre propre proposition, celle de notre gauche. C’est ce que veut commencer la proposition Eco-socialiste. Articuler les deux niveaux de construction n’est pas si difficile que cela. En tous cas, là encore nous sommes en mouvement. Selon moi, l’espace de déclenchement de la révolution citoyenne dans notre partie du monde est en Méditerranée. C’est d’ailleurs dans l’arc du sud de l’Europe que les situations sont les plus mûres. Portugal, Espagne, France, Italie et Grèce sont en ébullition déjà, dans la phase de désagrégation de la société sous les coups du libéralisme. C’est aussi là que se reconstitue le plus fortement notre courant politique. En face, au Maghreb, la Tunisie et le Maroc nous ont donné des interlocuteurs dans notre mouvance unitaire et autonome à l’égard des sociaux libéraux. Peut-être en sera-t-il de même bientôt en Algérie ? Ce serait une formidable avancée qui nous permettrait du coup d’être présents tout autour de l’axe central de notre mer commune.
Ma tournée a été percutée en Tunisie par deux événements. Le premier est la déclaration de Valls contre « les fascistes islamiques » qui a mis à cran les violents et quelques éléments éparpillés filmés en gros plan par ceux qui aimeraient tellement que la révolution tunisienne soit islamiste et sauvage. Puis ce fut le gros faux pas d’une visite officielle de chefs du PS à l’Assemblée nationale française au chef du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, au siège du parti de celui-ci. J'ai dénoncé cette rencontre. Le PS m'a alors accusé de lui faire un mauvais procès : il n’aurait fait que rencontrer toutes les forces parlementaires dans un but d'information. Je veux vous faire connaître mes arguments. Ils tiennent tant à la nature de cette rencontre, qu'au contexte tunisien et à la personnalité de Rached Ghannouchi. Je propose une explication pour un acte aussi incroyable venant de personnalités socialistes dont je ne discute certes pas l’attachement aux principes républicains.
Voyons leur rencontre elle-même. S'il s'agissait bien d'accomplir une simple mission d'information en rencontrant toutes les forces parlementaires, pourquoi la délégation conduite par le PS a-t-elle choisi de rencontrer Rached Ghannouchi, alors qu'il n'est pas parlementaire ? Pourquoi n'a-t-elle pas préféré rencontrer le président du bloc parlementaire d’Ennahda au sein de l’Assemblée Constituante, Sahbi Atig ? Ou le premier ministre Jebali, secrétaire général d'Ennahda ? Ou un de ses ministres, qui sont nombreux dans les rangs d'Ennahda ? Et s'il s'agissait juste de s'informer de manière neutre pourquoi avoir offert officiellement un cadeau à Ghannouchi ? Et pourquoi avoir médiatisé une rencontre tenue dans le bureau de ce dernier, avec prise de photo officielle ? Aucune réponse claire n'a été donnée pour le moment à toutes ces questions. Le choix de rencontrer Ghannouchi dans ces conditions est, à mes yeux, doublement problématique compte tenu de ce qu'il représente personnellement et du positionnement politique très particulier qu'il occupe actuellement sur la scène tunisienne.
Rached Ghannouchi a une histoire qui mérite d'être connue. Co-fondateur d'Ennahda sous l'influence des Frères musulmans, il a passé l'essentiel de sa vie en dehors de la Tunisie. En exil à Londres, mais aussi en Egypte, en Arabie saoudite, au Qatar, au Soudan, où il s'est lié étroitement avec le prédicateur Hassan Al Tourabi et le président Omar El Béchir, au point de disposer d'un passeport diplomatique soudanais. Et en Algérie où il a été conseiller politique du FIS et de son leader Abassi Madani à partir de 1990. VRP international du FIS, il avait organisé notamment les relations de ce mouvement avec l'Arabie Saoudite et le Quatar. Ghannouchi est donc une personnalité internationale de l'islamisme radical autant que tunisienne.
En Tunisie, il est réputé pour son aptitude au double langage. Par exemple dans son rapport à la violence politique. S'il ne prône jamais directement la violence, il se refuse toujours à la condamner quand elle vient de militants de son parti et des groupes salafistes qui gravitent autour de lui. Il se refuse par exemple toujours à condamner l'action des miliciens des "Ligues de protection de la révolution" qui attaquent depuis plusieurs mois des réunions politiques et des manifestations culturelles. Chaque fois il dénonce des provocations extérieures pour transformer les coupables de violences en victimes. Ainsi lors du lynchage mortel de Lotfi Naguedh, responsable régional du parti Nidaa Tounes, il a affirmé que la foule avait été provoquée. Ou lors de l'attaque du siège de l'UGTT le 4 décembre dernier (qui a fait 10 blessés dont des membres du bureau exécutif) en plein Tunis, il a aussi accusé le service d'ordre de l'UGTT de provocations et appelé à des perquisitions au siège de l'UGTT qu'il a accusé de détenir des armes. Pour mieux disculper une nouvelle fois les milices de "protection de la révolution" qu'il a alors présentée comme "les consciences de la révolution" en dénonçant ceux qui en réclament la dissolution, y compris dans son propre parti. Il a tenu la même ligne après l'assassinat de Chokri Belaïd, sa première réaction étant de dire qu’en fait c’était le parti Ennahda qui était victime de l'assassinat. Révoltant ! Ainsi pour beaucoup de démocrates tunisiens, Ghannouchi est ainsi la caution politique et médiatique permanente des violents.
Quant à ses positions de fond, elles sont aussi formulées dans la technique du double langage. Il s'affiche d'un côté en grand défenseur de la révolution tunisienne et prétend vouloir respecter l'acquis moderniste de la Tunisie et notamment le code du statut personnel qui garantit les droits des femmes. Mais il accepte lui-même d’intervenir dans des meetings d'Ennahda où les femmes sont séparées des hommes. Il prône un durcissement des poursuites contre le blasphème et les atteintes au sacré et défend les actions de ceux qui font la chasse aux "mécréants" en attaquant des réunions politiques de l'opposition. Visant les Tunisiens francophones, il qualifie le français de "pollution linguistique". Ces exemples montrent que son projet politique global n’est pas compatible avec une démocratie pluraliste et respectueuse de la liberté de conscience. Il l'a d'ailleurs confirmé dans des vidéos de rencontres privées avec des militants salafistes où il explique qu'il faut extirper les laïques de la Tunisie dans l'armée, la police, les médias et l'économie. Et il y prend l'exemple de l'échec des islamistes en Algérie en 1990-1991, qu'il connait bien puisqu'il était leur conseiller, pour inviter ses interlocuteurs à la vigilance face au camp laïque. Le jour même où je quittais la Tunisie, il déclarait à la télévision que « tous ceux qui s’opposent au gouvernement dirigé par Ennahda sont des ennemis de la révolution et des contre-révolutionnaires ». Il prétend ainsi opérer une captation de l’autorité révolutionnaire d’autant plus insupportable que ni lui, ni Ennahda, n'ont joué le moindre rôle dans la chute de Ben Ali en janvier 2011.
Venons-en maintenant au contexte dans lequel le personnage évolue en Tunisie. La ligne Ghannouchi est fortement discutée au sein même du mouvement Ennahda. Alors même que la délégation parlementaire conduite par le PS rencontrait son leader sulfureux, le numéro 2 de ce parti, Abdelfattah Mourou, fondateur lui aussi du mouvement, appelait au départ de Ghannouchi en des termes particulièrement virulents dans un entretien publié par Marianne : « Rached Ghannouchi doit quitter Ennahda ! il mène le parti et le pays au désastre ! » […] « Les salafistes m’ont agressé et Ennahda ne m’a pas défendu. Je dénonce le laxisme qui a permis toutes ces violences. Je dénonce ce qu’on est en train de faire de la mouvance islamiste. Elle est mon œuvre ! Ce que je demande, depuis le début, c’est l’islam dans son essence. L’islam sans développement civilisationnel et sans croissance, ce n’est pas l’islam. La culture de Rached Ghannouchi et de ses partisans est une monoculture. Or nous sommes multiculturels en Tunisie, nous sommes le produit de 25 civilisations. Quand un prédicateur saoudien est venu avec des petites filles voilées, je lui ai dit : ce que vous faites en Tunisie n’est pas acceptable pour les Tunisiens. Je lui ai dit cela à la télévision » Cette prise de position du numéro 2 d'Ennahda intervient alors que le premier ministre issu du même parti est lui-même entré dans un bras de fer avec Ghannouchi pour imposer un gouvernement de personnalités indépendantes qui remplaceraient notamment les ministres régaliens membres d'Ennahda. Refusant un tel gouvernement, Ghannouchi a appelé à une manifestation nationale samedi à Tunis pour affirmer la légitimité populaire d'Ennahda à diriger le pays. Un manifestation qui fut un échec puisque seulement 15 000 personnes se sont rassemblées à Tunis autour de Ghannouchi, entouré pour l'occasion de responsables salafistes et de députés de l'aile dure de son parti, dont un énergumène qui a réclamé à l'Assemblée l'interdiction de la vente d'alcool en Tunisie.
Selon moi donc dans ces conditions, une délégation parlementaire française avait tout intérêt à ne pas afficher ce qui est une légitimation de fait dans cette situation de crise. Elle devait se contenter de rencontrer des responsables ayant une fonction institutionnelle dans les institutions tunisiennes. Elle devait donc éviter de rencontrer Ghannouchi. Pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Parce que la veille Manuel Valls avait traité les islamistes de fascistes et souhaité la victoire de leurs adversaires aux prochaines élections. Problème : en Tunisie le parti frère du PS gouverne avec les islamistes d’Ennahda ! Ce que tout ce petit monde se garde bien de dire ici en France. La déclaration de Valls tombait en plein dans la période de crise gouvernementale. Elle revenait à dire que les parrains français lâchaient la coalition. D’où le grand numéro pour manifester le grand jeu du respect au chef d’Ennahda. On voit que ce n’est guère avouable. Comme d’habitude, le PS a joué le grand jeu de l’indignation. Rôle attribué comme chaque fois dans ce cas à quelqu’un qui est censé être de mon bord. Pour mieux montrer mon « isolement » et mes « outrances ». C’est en général le rôle principal des hamonistes sur la scène du débat de la gauche en dehors de la bataille contre les lasagnes au cheval. Ici c’est donc Pouria Amirshahi, député hamoniste des français de l’étranger dans cette zone, qui vint me jeter sa pierre. Rien que du banal. On attend juste qu’Amirshahi condamne la participation de ses camarades à un gouvernement avec les islamistes. Ça serait plus courageux, et surtout plus nécessaire.