Résultats pour le mot-clef «Mali»
29jan 13
Invité de Public Sénat
Mardi 29 janvier 2013, Jean-Luc Mélenchon était l'invité de "Preuves par 3" sur Public Sénat, en partenariat avec Dailymotion et l'AFP. Il était interrogé par Michel Grossiord, Katell Prigent (AFP) et Perrine Tarneaud. Il a notamment demandé le remplacement du PDG de Renault, Carlos Ghosn.
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28jan 13
25jan 13
Le spot de campagne de Rafael Correa
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Dans ce spot de campagne, Rafael Correa parcourt tout l'Equateur à vélo, son mode de transport et son sport de prédilection. Il y croise les principales réalisations de ces six dernières années : routes sans dangers et éclairées partout dans ce pays de volcans où d'autres modes de transport sont difficilement envisageables, développement des énergies alternatives, de l'enseignement et de la santé… Un spot que Rafael Correa termine en levant le poing gauche dans un environnement pur. L'écosocialisme est en marche en Equateur.
Je vais sortir mes chaussures de manifestation pour dimanche pour l’égalité du droit au mariage. De retour du meeting de lancement de notre campagne contre l’austérité, je fais une pause écriture pour renouveler le dialogue que ce blog entretient avec tant d’entre vous. D’ailleurs vous avez été nombreux à suivre en direct sur ce blog le meeting. Nombreux aussi sont ceux qui ont regardé la retransmission sur les sites du PG et du PCF. Ces moyens de diffusion changent profondément notre rapport aux médias dans la mesure où nous n’en sommes plus dépendants pour faire connaître notre travail et nos idées. Le temps où ils avaient le pouvoir de faire comme si les choses n’existaient pas est fini. En cette période de guerre dont « la première victime est toujours la vérité » selon le mot de Kipling, nous pouvons mesurer quelle ouverture cela nous ménage. L’épisode lamentable de la meute se déchaînant contre moi pour nier mon calcul du coût quotidien de la guerre est tellement significatif. Il s’achève dans le ridicule pour mes détracteurs. J’en profite pour faire d’autres révélations que je vous propose de découvrir au premier chapitre de cette publication. Après je viens de nouveau sur l’accord MEDEF-Ayrault et le scandale de l’abandon de poste du gouvernement dans l’affaire Renault. Je conclus cette longue note par un appel d’air sur la campagne électorale de Rafael Correa en Equateur. La révolution citoyenne va sans doute gagner haut la main dans le pays qui l’a nommée le premier. Et sous les couleurs de l’homme qui l’a incarnée.
La presse en treillis se vautre en m'attaquant
Combien coûte la guerre au Mali ? Aucun article de presse ne s'était posé la question avant mon émission sur France Inter dimanche 20 janvier. Bien sûr, le coût ne peut pas être le seul critère pour décider d'une intervention militaire. La légitimité des buts de guerre et la légalité internationale sont décisives. Mais je m’amuse de vous donner à lire comment ceux qui ont essayé de démentir mes déclarations sur ces questions se sont pris les pieds dans le tapis. Et chemin faisant je fais des révélations que n’importe lequel de mes détracteurs aurait pu trouver s’il faisait son métier au lieu que de se croire légitime à me laver à l’eau sale. Mais il est vrai que c’est moins fatiguant. Bien sûr, une fois de plus, le glapissant Jean-Michel Aphatie s’est distingué. Il va sans doute reconnaître son erreur : question d’éthique et d’indépendance politique, bien sûr.
Dans une période où le gouvernement impose une politique d'austérité la question du coût d’une guerre ou « les intérêts fondamentaux de la France ne sont pas impliqués » est légitime. J'ai donc fait mes calculs. J'ai été aidé en cela par mes camarades de la commission Défense du Parti de Gauche. Sur France Inter, j'ai donc pu affirmer que cette guerre coûtait deux millions d'euros par jour à la France. Aussitôt, les grands médias se sont réveillés. Pas dans l'espoir d'informer nos concitoyens : le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian avait estimé sur France 5 qu'« il était un peu trop tôt » pour donner un chiffre. Il s’agissait de montrer comme d’habitude que seuls les journalistes donnent les bonnes informations, même quand ils n’en donnent pas, parce que le ministre leur a dit qu’il n’y en a pas. Je devais être rendu suspect. Comme souvent, c'est le médiacrate Jean-Michel Aphatie qui a sonné l'alerte contre moi. L'émission sur France Inter était encore en cours que, déjà, sur Twitter, il exigeait la "source du chiffrage". De son côté, il ne disait même pas à quel chiffrage ses propres investigations avaient abouti. Bien sûr, il ne s'était pas posé la question. D'ailleurs, personne ne se l'était posée. L'équipe d'"Arrêt sur images" s'est même demandée « pourquoi personne ne parle du coût de la guerre » lors de sa conférence de rédaction de lundi matin, après ma déclaration sur France Inter.
Aussitôt, chacun y alla de son article ou de sa chronique. La radio France Info s'est empressé de se demander : « Jean-Luc Mélenchon dit-il vrai sur le coût de l'opération Serval ? » au Mali. Pour cela, la radio a interrogé le 21 janvier Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l'IRIS. Et surprise ! Celui-ci a déclaré, à propos de mon estimation : « Ça ne paraît pas impossible ». C'était compter sans Sébastien Hughes, journaliste pour le site internet de France Télévision. Il a ainsi écrit que « l'opération Serval devrait être un peu moins "gourmande" et donc revenir un peu moins cher » que l'opération en Libye. Pourquoi ? Parce que le porte-avions Charles de Gaulle n'est pas mobilisé au Mali. La guerre en Libye ayant coûté 1,6 millions d'euros par jour, le journaliste concluait que j'avais tort.
Le blog "décodeurs" du journal "Le Monde" a lui aussi affirmé que j'avais tort après avoir bien entortillé la question. Dans son "désintox" de l'émission de France Inter, il a jugé "hasardeux" l'estimation de deux millions d'euros par jour. Selon Le Monde, « ce chiffre n'est qu'un ordre de grandeur sans doute élevé ». Le journaliste Samuel Laurent s'interrogeait : « Comment fait M. Mélenchon pour déterminer que la France dépense "deux millions d’euros par jour" ? Mystère. Le gouvernement n’a en effet jamais fourni cette information. Mais le chiffre semble quelque peu exagéré au regard des autres opérations militaires extérieures ». Vous avez bien lu. Le gouvernement ne l’a pas dit donc « Le Monde » s’en tient là. Il ne cherche pas. Il répète la parole officielle. Et Le Monde de conclure, affirmatif : « L'opération au Mali ne coûte donc probablement pas plus cher que celle menée en Afghanistan qui ne revenait pas à 2 millions d'euros par jour mais à 1,4 million. […] Affirmer que le coût est de 2 millions d'euros par jour est donc au mieux un ordre de grandeur théorique ».
Deux jours plus tard, patatras ! Le ministre de la Défense en personne m'a donné raison ! Contre « Le Monde » et « France télévision » ! Mercredi 23 janvier, dans l'émission "Politiques" de France24, RFI et L'Express, Jean-Yves Le Drian a ainsi évalué, "de manière un peu grossière", "à peu près à 30 millions d'euros le coût de l'opération à l'heure actuelle". Sachant que l'opération avait commencé douze jours avant, le 11 janvier, on arrive à une moyenne de 2,5 millions d'euros par jour. C'est même plus que ce que j'avais dit ! Le journaliste du Monde a dû corriger sa propre note de blog pour tenir compte des chiffres donnés par le ministre de la Défense en personne. Il a ainsi dû reconnaître que « on ne peut plus dire que l'opération malienne coûte moins que la présence française en Afghanistan l'an dernier » comme il l'écrivait deux jours plus tôt. Ici la cellule "chiffrage" du Parti de Gauche vaut donc mieux que « Le Monde » » ou « France Télévision ». A moins que le ministre de la Défense ne soit pas une "source" suffisamment crédible aux yeux de Jean-Michel Aphatie ! En tous cas, je me suis bien amusé de voir les décrypteurs bouffis de prétention s’entortiller là-dedans. Car le vrai sujet était ailleurs.
En effet dans mon interview j’ai dit que puisque ni la résolution de l’ONU ni sa charte ne pouvaient être invoqués comme base légale de l’intervention, ce ne pouvait être qu’au nom de l’accord de défense qui nous lie au Mali. Et j’avais même ajouté pour exciter la meute : « Comporte-il un volet secret ? », comme il y en a un avec nos chers amis Qataris qui ont donné un « prix de la liberté de la presse » au dessinateur du « Monde » Jean Plantu et financent aussi les milices que nous affrontons au Mali. J’aimais bien cette histoire de « clause secrète » pour exciter la meute. En plus elle courrait comme bruit de couloirs chez les messieurs dames qui savent la vérité et auraient préféré qu’on ne s’y intéresse pas. Pas de danger que les « décrypteurs » qui sont occupés à m’asperger d’eau sale s’intéressent à ce genre de « détail ».
En fait, la France et le Mali ne sont liés que par un « accord de coopération militaire technique ». Il date de 1985. C’est le seul document officiel, il est consultable par tout un chacun. Ce n’est rien d’autre qu’un traité garantissant la formation, en partie, de l’armée malienne par l’armée française (déjà…). En aucun cas cet accord de coopération ne prévoit une aide militaire française concrète, ni en cas d’agression par un Etat tiers, ni en cas de guerre civile. Jusque-là les décrypteurs ont seulement raté une info à donner. Mais il y a bien plus savoureux.
Voyez plutôt : dans son article 2 cet accord stipule que : « Les formateurs militaires français (…) ne peuvent, en aucun cas, prendre part à la préparation et l'exécution d'opérations de guerre, de maintien ou de rétablissement de l'ordre ou de la légalité (…) au Mali ». Voilà ce qu’il faut savoir. L’accord de défense qui lie la France au Mali interdit l’intervention actuelle ! On mesure en lisant cela le niveau d’abaissement de la bande de supplétif des armées en campagne que sont ces soit-disant informateurs du public décrypteurs et autres farceurs. On mesure ce que valent leurs jérémiades habituelles sur leur « devoir d’information » et autres bla ! bla ! qui leur servent de prétexte à raconter la vie privée des gens d’après les ragots de leurs dîners en ville plutôt que d’exercer le minimum de curiosité et de méthode de travail qui devrait aller avec leur métier !
Il est vrai que les mêmes avant cela n’avaient eu aucune curiosité quand on leur a couiné aux oreilles que l’intervention était « légitimée par la résolution de l’ONU ». La 2805 précisait-on même, la bouche avancée comme pour avaler un petit four dans la salle de presse de l’Elysée. Mais aucun n’alla jusqu’à lire ladite résolution, ni la commenter. On nous régala de fins croquis sur l’ambiance et « l’allure de chef de guerre » de François Hollande et les confidences anonymes de ses prétendus conseillers. Pourtant la résolution 2085 du conseil de sécurité n’a pas été appliquée, et elle ne l’est toujours pas. En effet, l’article 11 de la résolution 2085 imposait un retour devant le Conseil de Sécurité. Et alors seulement le Conseil pouvait déclarer une intervention nécessaire. Cette analyse du texte est la seule valable. Elle est d’ailleurs confirmée par Monsieur Araud, ambassadeur de France à l’ONU. Il a reconnu que la France n’agit pas, actuellement, dans le cadre de la résolution 2085 mais dans le cadre d’une « Opération française d’urgence » (sic !). Alors les marioles, vous descendez du char ?
Ce n’est pas fini. La deuxième façon de légitimer l’intervention fut d’invoquer l’article 51 de la Charte des Nations Unies. Or, le recours l’article 51 de la Charte des Nations Unies est conditionné à l’existence préalable d’une agression armée de la part d’un autre État. Ce n’est évidemment pas le cas ici car personne ne songe à mettre en cause le Qatar, je suppose en dépit de ses relations avérées, ai-je lu dans « Le Monde », avec les bandes armées que nous sommes en train de combattre. Dans le même journal j’ai lu que l’ONU avait du mal à légitimer l’intervention française. On comprend pourquoi. En l’espèce, il est légitime de dire que la France « tord le bras » à l’ONU. A la fin des fins l’argument massue ce sont les deux lettres du « Président » malien, président par intérim après que le précédent a été putsché. Avec ce genre d’arguments il aurait donc fallu accepter l’intervention soviétique en Afghanistan puisqu’elle avait été demandée par le président Babrack Karmal. Lui aussi luttait contre des fanatiques qui donnèrent ensuite Al-Qaïda soi-même !
Quoi qu’on en pense et en dépit des doutes jetés par mes « décrypteurs » sur la question, ce putsch a été réalisé par un officier ayant suivi des entraînements dans trois académies militaires des Etats-Unis et soutenu par des troupes elles-mêmes formées par les Etats-Unis dans le cadre de l'opération « Enduring Freedom – Trans Sahara » (OEF-TS), à savoir la formation d’unités spécialisées dans la lutte contre terroriste. Comment « Le Monde » peut-il dire que « cela n’est pas prouvé ». Peut-être compte tenu de l’ambiance très spéciale qui règne au service international de ce journal. La violence politique armée, les coups d’Etat, tout cela est blanc ou noir dans cette rédaction selon au nom de qui les choses sont faites. Le journal a donc publié le 25 octobre dernier une tribune du capitaine putschiste malien Amadou Haya Sanogo, sous la signature acceptée par le journal de « président du comité militaire de suivi des réformes des forces de défense et de sécurité (Mali) ». Il venait juste de renverser le président ! « Le Monde » ne s’arrêta pas à ce détail et publia sans commentaire ni aucune des leçons de morale réservées aux gouvernements de gauche latino-américain, les lignes de cet homme : « En mars 2012, nous avons cru devoir prendre nos responsabilités pour agir et aboutir à ce qu'on appelle un coup d'Etat. Il est à notre sens vertueux car nous n'avions que le seul dessein de sauver ce qui restait de la République. » Aucun décrypteur ne nous fit l’exégèse de ce qu’est un « coup d’état vertueux » ! Rien ne lui fut demandé du moment que l’intéressé faisait sienne les mantras du choc des civilisations : « … la bataille pour libérer le nord du Mali, écrivait-il, s'inscrit dans une guerre mondiale contre le terrorisme. Dans les années 1990, la communauté internationale avait fait preuve de cécité politique en laissant le commandant Massoud seul face aux talibans en Afghanistan. Le nord du Mali est comparable à l'Afghanistan des années 1990 quand Al-Qaida venait de s'y installer pour en faire une base mondiale pour le terrorisme » Aucun décrypteur de la sérénissime rédaction n’alla jusqu’à s’interroger sur la pertinence de la comparaison que faisait cet homme du président de son pays, en le comparant au Maréchal Pétain et en se comparant lui-même au général De Gaulle. Toutes ces pitreries se concluaient par ce noble coup de menton : "La bataille de France doit avant tout être la bataille des Français", disait de Gaulle. Pour nous aussi, la bataille de Tombouctou, de Kidal et de Gao doit avant tout être la bataille de l'armée malienne. C'est pourquoi nous sommes d'accord avec la position du président François Hollande, « l'armée malienne n'a besoin que de soutien logistique pour libérer le nord du pays. » Les décrypteurs du monde devraient maintenant aller lui demander ce qu’il pense de la situation et pourquoi pas publier une nouvelle tribune ?
Le cas Renault.
L'abandon de poste du gouvernement
Vous l’avez tous appris, Carlos Ghosn patron de Renault décide la suppression de 7500 postes en France d’ici à 2016. Je veux faire le point sur ce sujet et vous donner quelques éléments d’analyses à diffuser autour de soi auprès de ceux que cette annonce a rendus attentif au problème posé. N’oubliez jamais en cours de lecture que nous allons parler d’une entreprise dont les profits de groupe ont été de 3,5 milliards d’euros en 2010, de 2,1 milliards en 2011. A la moitié de cette année le groupe était encore bénéficiaire, avec 800 millions de bénéfices !
Pour quelles raisons un tel plan est-il devenu imaginable par Renault ? Il ne fallait pas être un grand économiste pour prévoir que les politiques d’austérité en Europe contracteraient le marché automobile européen. Tous les constructeurs souffrent. Le marché accuse une baisse de 8% en 2012 ! Encore une fois, dans cette affaire, on devine que les classes populaires et moyennes sont en première ligne. Tout se tient. L’acquisition ou le remplacement de la voiture passe après la nécessité de se nourrir et de se chauffer. Les riches n’ont pas ce genre de tracas. Mais ils achètent des voitures allemandes de très haut de gamme, pas de Renault. La stratégie de Renault est donc réputée fautive depuis le début. L’argument est qu’en positionnant Renault sur le segment « moyenne gamme », l’entreprise se serait condamnée elle-même. Cet argument c’est l’argument du marché roi. Seuls les riches peuvent acheter une voiture, donc produisons pour les riches. La vraie question est : pourquoi les autres ne peuvent-ils acheter de véhicule ? Pourquoi ne peuvent-ils en changer pour acquérir des véhicules plus écologiquement responsables. Le problème posé est donc social et économique au départ. Ce n’est pas une question de « segment de marché » et autres gargarismes pédants de perroquet médiatique qu’il faut poser.
Ghosn est une caricature de capitaliste borné. Il a fait de Renault le champion des délocalisations. Afin de réduire les coûts et d’augmenter ses marges, bien sûr ! Il a donc multiplié les délocalisations de production depuis cinq ans. Résultat : les deux tiers des voitures Renault immatriculées en France aujourd’hui sont fabriquées à l’étranger. Absurde démonstration d’un des fondamentaux de la critique du capitalisme que nous faisons depuis les premiers manuels de marxisme. A qui compte-t-il vendre des voitures en France ? Aux chômeurs sans ressources de ses anciennes usines ? Et pourtant il persiste et signe. Le dumping social est un moyen de plus pour obtenir des baisses de salaires par un gros chantage à l’emploi ! La direction tente maintenant d’extorquer un gel des salaires en menaçant de fermer deux sites si l’accord dit « de compétitivité » n’était pas accepté. Au choix donc : ou bien les salariés auront moins d’argent pour acheter leur voiture ou bien ils n’en auront plus du tout. Et vous savez pourquoi ? Parce que le marché se contracte et manque d’acheteurs! Et vous savez pourquoi ? Parce que les salariés perdent leur emploi. Notamment dans l’automobile ! Carlos Ghosn est l’autre nom d’Ubu roi ! Mais c’est le patron le mieux payé de France, avec 13 millions d’euros de salaire annuel.
La vérité est que ce type est un saboteur. La stratégie globale du groupe Renault-Nissan que dirige Carlos Ghosn est donc directement responsable. Depuis l’alliance avec Nissan, Carlos Ghosn a misé prioritairement sur le développement de l’activité du constructeur japonais au détriment de Renault. Depuis 1999, la production de Nissan a augmenté de 60%. Celle de Renault seulement de 10%. Les dégâts prévisibles sont de longue portée: sur les 7500 emplois supprimés qu’annonce Renault, 2000 relèvent de l’activité de recherche !
Que fait le gouvernement devant une telle incompétence ? Rien. Comme d’habitude ! Le Gouvernement ne fait rien, il approuve même le plan et soutient la direction de Renault. Le ministre du redressement productif ajuste des lignes rouges autour de la catastrophe comme le pompier impuissant dessine le contour du corps sur la route après l’accident. « Les lignes rouges que le gouvernement a tracées, dit-il, n’ont pas été franchies : pas de licenciement et pas de fermeture de site ». Mais 8000 emplois que la France n’aura plus en 2016 tout de même ! De la même façon pour le ministre Sapin, une suppression d’emploi est un « outil industriel » qui permet « d’éviter la catastrophe sociale » (sur France info vendredi 18 janvier). Tenant la catastrophe pour inéluctable, le gouvernement félicite donc Renault de prendre les devants. Il se réjouit de la douceur et de l’anticipation de Renault qui ne procède pas comme PSA. Il devrait non seulement refuser ce plan de suppression d’emplois mais il devrait exiger le remplacement de Carlos Ghosn. En tant que principal actionnaire il en a les moyens et le devoir. L’Etat détient 15% du capital de Renault et deux de ses administrateurs siègent pour cela au Conseil d’Administration. Au lieu de cela, il paye mais ne décide rien. Après avoir versé près de 5 milliards d’aides et d’avances à Renault en quatre ans, l’Etat s’accommode d’une influence stratégique quasi nulle, ne contribue d’aucune manière à réorienter la production et félicite un patron incapable quand il supprime 7500 emplois dans notre pays. Il trace « des lignes rouges » mais il les oublie aussitôt une fois démenties, deux jours plus tard, par les menaces et les chantages du patron sur les salariés ! Le gouvernement n’est décidément pas du côté des salariés !
Les députés de gauche ne doivent pas voter l'accord MEDEF-Ayrault
Le MEDEF veut faire la loi. Laurence Parisot, sa présidente, l'a dit très clairement le 15 janvier sur France Info. Elle a exigé « que le Sénat et l'Assemblée nationale respectent, à la lettre, le texte » de l'accord signé le 11 janvier. Ce genre d’injonction, relayée par le gouvernement et les adjudants de chambrée du PS doit faire réfléchir. Je continue ici l’analyse de ce texte dangereux.
Le MEDEF est totalement relayé par le gouvernement. François Hollande a demandé au gouvernement de présenter un projet de loi pour "transcrire fidèlement" l'accord signé par trois syndicats avec le patronat. Le journal Le Monde du 16 janvier parle même de "verrouillage" à propos de l'attitude du nouveau pouvoir envers sa propre majorité parlementaire. L'article nous indique que « le texte devrait être défendu par Jean-Marc Ayrault [lui-même] et que les rapporteurs du texte ont déjà été désignés, plus de trois mois avant l'arrivée du projet de loi en débat ; ce seront les présidents de groupe eux-mêmes, Bruno Le Roux à l'Assemblée et François Rebsamen au Sénat. » Puis Le Monde cite anonymement « un député proche du premier ministre ». On sait que ces anonymes sont des inventions de journalistes. La citation est donc une suggestion du journal de référence selon qui « sur un sujet comme celui-là, le gouvernement pourrait engager sa responsabilité avec le 49-3 », « soit l'alinéa 3 de l'article 49 de la Constitution, qui permet au gouvernement de faire passer un projet de loi sans le soumettre au vote, l'Assemblée ne pouvant s'opposer que par une motion de censure » ! Dans ces conditions le gouvernement assume totalement le contenu du document initié par le MEDEF. Il est juste alors de parler d’un « accord MEDEF-Ayrault » pour aller à l’essentiel !
Le gouvernement et d’une façon générale tout le cercle de ceux qui ont fait tomber les syndicats de salariés dans ce traquenard sont très fébriles. On le comprend. Le projet de loi ne sera présenté en Conseil des Ministres que le 6 ou le 13 mars. Et le vote au Parlement n'interviendrait qu'en avril et mai. Les salariés ont donc plusieurs mois devant eux pour s'informer sur le contenu de l'accord et se mobiliser. Il faut bien se rappeler que ce qui est pompeusement nommé « accord » n’a pas été signé par la CGT et FO, qui représentent déjà la moitié des salariés, avant qu’on y ait ajouté Sud Solidaire et la FSU ! Quoi qu’il en soit, à eux deux, ces deux syndicats sont nettement plus représentatifs que les trois signataires. D'ailleurs, si les nouvelles règles sur la représentativité syndicale votées en 2008 s'appliquaient, « l'accord » ne serait pas valable. Mais elles ne s'appliqueront qu'à partir d'avril prochain. On comprend que le gouvernement ait été pressé que la négociation s'achève ! Sinon son piège ne pouvait pas se refermer sur les salariés. A quelques mois près, il aurait dû assumer seul ce qui lui serait devenu impossible de maquiller en « accord », même avec de bon relai pour signer.
Il devra assumer. Car rien ni personne n'oblige ni le gouvernement ni le Parlement à reprendre l'accord tel quel. En République, le législateur est libre de voter comme il le croit juste. Il n’existe pas de mandat impératif. D’ailleurs le code pénal punit sévèrement les tentatives de faire voter ou d’empêcher de voter un législateur selon ses convictions. Les députés pourront donc reprendre l'accord. Où inscrire dans la loi tout autre chose. Les députés et sénateurs du Front de Gauche déposeront des amendements, cela va de soi. Ils créeront le débat. Il est probable qu’ils ne seront pas seuls. Plusieurs parlementaires du PS ont déjà fait savoir que ce texte est à leurs yeux "déséquilibré" en faveur du patronat et donc "pas acceptable". Ils ont raison. Donc rien n’indique qu’après deux ou trois mois de campagne de sensibilisation à la base, il reste grand-chose de la muraille disciplinaire qui semble se dresser aujourd’hui depuis les sommets.
Si la démocratie représentative républicaine est malmenée par les méthodes de police politique du gouvernement sur sa majorité, il serait faux de croire que ce serait au bénéfice de la démocratie sociale. L’un de ses outils les plus chèrement conquis est mis à mal par l'accord signé le 11 janvier. On y trouve en effet une proposition particulièrement hostile aux droits des Comités d’entreprise. Une proposition de Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen ! Elle implique un dispositif apparemment technique. Mais il a une grande incidence pour la vie de millions de salariés. Il s'agit de ce qu'on appelle les "seuils sociaux". Actuellement, la loi prévoit que les salariés ont le droit d'élire des délégués du personnel dans toutes les entreprises qui emploient 11 salariés et plus. Et que toutes les entreprises qui atteignent ou dépassent le seuil de 50 salariés doivent créer un comité d'entreprise. Les délégués du personnel comme le comité d'entreprise sont une limite à la toute-puissance de l'actionnaire ou du directeur de l'entreprise. Cette limite est parfois bien faible et devrait être renforcée pour donner plus de droits aux salariés. Mais pour le MEDEF, c'est déjà trop. Bien sûr, il ne peut obtenir la suppression pure et simple de ces instances décisives pour que les salariés se défendent. Mais il s'évertue depuis des années à essayer de rendre plus difficile leur création.
Le MEDEF vient de marquer des points. L'accord MEDEF-Ayrault prévoit que les entreprises ne seront plus obligées de créer les instances de délégués du personnel et comité d'entreprise dès que les seuils sont franchis. Elles auront désormais un an pour les mettre en place. C'est une manière de retarder leur création. Pourtant la loi prévoit déjà qu'un comité d'entreprise n'est mis en place que si une entreprise atteint le seuil de 50 salariés pendant douze mois. Avec l'accord du 11 janvier, les salariés devraient donc attendre deux ans entre le passage du seuil et la création effective du Comité d'entreprise. Pendant deux ans, c'est autant de droits qu'ils ne pourront faire valoir.
Cette sorte d’attaque du MEDEF contre les droits des salariés était jusqu'à présent reprise seulement par la droite et l'extrême-droite. Dans son projet pour les élections de 2012, l'UMP affirmait vouloir « supprimer les effets de seuil sociaux ». Quant au FN, dans ses "grandes orientations économiques" présentées en avril 2011, il dénonçait « des effets de seuils pervers ». Il appelait lui aussi à « lisser ces effets de seuil ». Pour quelle raison un parlementaire de gauche devrait-il accepter de valider par son vote un tel recul de la démocratie sociale dont on lui rebat pourtant les oreilles au paradis des discours sur la « social-démocratie » ?
Le MEDEF a voulu camoufler ses prises de guerre pendant toute la négociation. C'est le sens de l'enfumage autour de la taxation des contrats précaires. Le journal Le Figaro a vendu la mèche. Vendredi 11 janvier après-midi, à quelques heures de la fin de la négociation, l'éditorialiste Marc Landré l'écrivait noir sur blanc sur le site internet du journal : « Le Medef a finement joué. En sortant le plus tard possible sur une taxation des contrats courts […], le patronat a centré le débat sur cette question au final secondaire, et pour détourner l'attention de sujets plus fondamentaux qui fâchent, comme un accroissement de la flexibilité pour les entreprises. "Ça nous a permis de tenir la négociation et de maintenir les syndicats à la table des discussions", se félicite un négociateur patronal, pas mécontent de la stratégie arrêtée. En faisant cette ultime proposition, à la dernière minute […] Les patrons tuent toute possibilité d'ouvrir un nouveau front de contestation sur autre chose ». La soi-disant intransigeance du MEDEF sur cette question était donc purement tactique et manipulatoire. Doit-on pour cela voir des députés dument informés avaliser par leurs votes une manœuvre aussi grossière ?
La révolution citoyenne dans son pays
Sans doute ne le savez-vous pas. Rafael Correa a demandé et obtenu de l’Assemblée nationale équatorienne l’autorisation de prendre congé de son mandat présidentiel depuis le 15 janvier dernier. Il l’a fait pour se consacrer exclusivement à la campagne électorale. Comme je l’ai fait à l’occasion de la campagne électorale au Venezuela, je dédie une partie de l’audience de ce blog à la connaissance de ce qui se joue dans cette élection en publiant un bilan de l’action gouvernementale des nôtres. J’en profite pour rappeler l’existence et l’intérêt des referendums révocatoires que prévoit la constitution en Equateur comme au Venezuela.
Vous allez pouvoir trouver un bon document de la commission « Amérique latine » du Parti de Gauche sur le bilan de la « Révolution citoyenne » en Equateur. Il s’agit d’un « kit militant ». Il est donc fait pour militer. Comment ? En le faisant connaître aux équatoriens de France et de Belgique francophone. Mais aussi peut-être autant à tous ceux qui veulent connaitre les réussites de notre politique là où elle s’applique. Cette politique que haïssent les Etats Unis, l’Union européenne, la droite. Sans oublier les sociaux-libéraux comme ce Michel Sapin qui la qualifie de « gauche tonitruante » par opposition à la « gauche qui agit » qu’incarnerait le gouvernement de Jean-Marc Ayrault.
C’est donc désormais le vice-président Lenin Moreno qui remplace Rafael Correa à la tête de l’Equateur jusqu’aux élections législatives et présidentielle du 17 février prochain. Ce n’était pas une obligation constitutionnelle. Mais Rafael Correa veut qu’aucune confusion entre le président et le candidat ne soit possible. Nicolas Sarkozy aurait dû faire de même s’il avait voulu être remboursé… Une décision emblématique pour Correa qui a fait de l’honnêteté l’un de ses slogans de campagnes. « los honestos somos más » : « Nous, les gens honnêtes, nous sommes la majorité » proclame-t-il. A moins d’un mois du scrutin, le mouvement PAIS a bon espoir de voir son champion sortant réélu. Rafael Correa et son candidat à la vice-présidence Jorge Glas, son ancien ministre des Secteurs stratégiques, sont en effet très haut dans les sondages. Dans le pire des cas, les estimations de votes les donnent à 49% ! Il est dans toutes les autres enquêtes d’opinion crédité de plus de 60% des voix. Loin devant le suivant : Guillermo Lasso, candidat du mouvement de droite CREO. Créo ? Traduction : « je crois ». On ne doit pas se demander à quoi ce type croit réellement puisqu’il est l’un des principaux actionnaires d’une des plus grandes banques du pays, le Banco Guayaquil. Dans l’ambiance de la « révolution citoyenne » ce CV n’est pas si bien reçu ! Lasso est donc crédité de 11% des estimations de votes, ce qui est vraiment peu. Les autres candidats sont évalués en-dessous des 5%. Les instituts de sondages ne valent pas mieux là-bas qu’ici mais comme ils sont aussi à droite là-bas qu’ici, on ne peut pas les soupçonner de tendresse pour notre candidat quand les enquêtes le donnent élu au premier tour.
La campagne est un révélateur de la puissante adhésion populaire à la révolution citoyenne. La présence de milliers de sympathisant dans chacun des déplacements et des meetings de campagne que Rafael Correa enchaîne sans relâche sur les places publiques, suivant un style que nous avons en commun dans le monde, prouve que l’enthousiasme citoyen est là. Le 4 janvier dernier, jour du lancement officiel de la campagne, ils étaient plus de 30 000 à s’être réunis dans le Stade « Los Reales Tamarindos » à Porto Viejo, sur la côte équatorienne. Les premiers mots de Rafael Correa à cette occasion auront été à l’image de la révolution citoyenne permanente qu’il mène avec son équipe et les citoyens équatoriens depuis maintenant 6 ans : « Nous avons commencé, avec une grande joie, cette bataille démocratique où les soldats sont les citoyens et les balles sont les votes ». Quant à Jorge Glas, il a dès ce premier rendez-vous de campagne endossé la bataille pour la répartition des richesses. Apparemment celui-là n’est décidément pas comme Cahuzac qui ne « croit pas à la lutte des classes ». « Il est temps de redistribuer la richesse entre les équatoriens, a-t-il dit. Le meilleur est à venir. La lutte pour redistribuer la richesse sera très dure. Nous ne pourrons la mener que si nous disposons de la majorité à l’Assemblée. » Une majorité parlementaire pour aider la lutte de classes ! C’est vrai qu’on ne voit ni Sapin ni Ayrault dans ce rôle ! Pour Correa et son équipe, il est crucial de faire comprendre aux citoyens l’importance du rôle joué par les députés dans le processus démocratique qu’ils animent.
La Révolution citoyenne implique de nombreuses formes d’implication populaire. Pour autant elle ne nie pas l’importance des institutions représentatives. Faire comprendre l’importance du rôle d’instruments des citoyens que peuvent devenir les députés nationaux est essentiel. N’oublions pas que dans ce pays où la révolution a gagné sur le mot d’ordre « qu’ils s’en aillent tous ! ». On part de loin en matière de méfiance et de rejet des élus ! La nouvelle constitution en a tenu compte avec clarté. Rappelons à ce propos qu’en Equateur tout élu peut être révoqué par référendum au bout d’un an de mandat, droit qui est maintenu jusqu’au début de la dernière année de mandat de l’élu. Pour être soumis à un référendum révocatoire il suffit qu’au moins 10% des inscrits sur la circonscription électorale concernée en fassent la demande. Un tel référendum révocatoire est aussi possible à l’encontre du Président de la République si 15% des inscrits le demandent. Dans tous les cas, la révocation demandée est validée si les citoyens concernés l’approuvent à la majorité absolue. Ce référendum révocatoire est une clef essentielle des nouvelles démocraties institutionnelles que nous voulons faire naître de ce côté-ci de l’Atlantique. Et beaucoup du reste du programme mise en œuvre aussi, d’ailleurs. Voyez par vous-même en ouvrant le document. Il est très important pour ce que nous entreprenons en France et en Europe que le plus grand nombre d’entre nous élève son niveau de connaissance et d’analyses raisonnées et informées à l’égard de ce que nous entreprenons dans le monde. Nous ne sommes pas « seuls ».
Lu dans vos commentaires…
195 – Guillaume dit le 28 janvier 2013 à 23h04
Petit exercice. Sachant que le patron de Renault gagne 13 000 000 d'euros par an, combien pourrait-on payer d'ouvriers de chez Renault, s'il ne gagnait plus que 360 000 € annuel (et il en aurait bien assez !), et que le salaire net de chaque ouvrier était 20 fois inférieur ? Réponse : 13 000 000 – 360 000 = 12 640 000 € à répartir. Sachant qu'un ouvrier serait censé gagner au minimum : 360000/20 = 18000 (soit 1500 € net mensuel). Cela permettrait de faire travailler : 12 640 000 / 18000 = 702 ouvriers. A ouais, quand même ! Qu'il s'en aille, et je veux bien prendre sa place pour 360 000 € par an ! Que se vayan todos !
20jan 13
Dimanche 20 janvier 2013, Jean-Luc Mélenchon était l'invité de l'émission Tous Politiques sur France Inter en partenariat avec l'AFP et Le Monde. Il était interrogé sur l'intervention française au Mali, les suppressions de postes chez Renault et la stratégie du Front de Gauche.
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19jan 13
Dans ce post, il est question du « style » en politique, de la manifestation du 27 en faveur du droit au mariage civil pour les homosexuels et bien sûr de la guerre. Quand c’est la guerre la parole politique publique et médiatique vire au noir et blanc. Le premier devoir du temps de guerre est de continuer à réfléchir. Sur tous les sujets. Et aussi sur la guerre. Surtout quand ses buts et sa légitimité ne sont pas assurés. La solidarité patriotique s’obtient au prix de la vérité et non des élans d’un jour dans des engagements aveuglés.
Questions de style
GQ ! Ce soir-là je suis allé au Musée d’Orsay pour la soirée de remise des oscars du magazine GQ. J’y jouais le rôle de « l’homme politique de l’année 2012». Pour le style. Oui parlons de style.
Le « style » c’est le moment où le fond rejoint la forme et donne à voir un tout. J’ai créé un style selon cette rédaction. Entre un mathématicien, un grand cuisinier, et ainsi de suite. Ainsi de suite ? C’est-à-dire, vu de ma place à table et dans la salle des « lauréats », il s’agit surtout de Fabrice Luchini, réactionnaire assumé, qui entretient avec moi un rapport du type qui unit la mangouste et le crotale. On devine la mutuelle attraction, l’assaut du jeu des cabotinages, la joute serrée des mots et des références littéraires. Luchini n’aime pas Robespierre à qui il me compare autant par jeu que pour se situer. Ce fut notre sujet. Il me promit des lectures et j’en fis de même. Il me demanda conseil pour lire sur la Grande Révolution parce que je crois que je la lui ai présentée sous un jour nouveau. J’hésitais. Lui proposer Jaurès, Soboul ou plus directement Hazan me sembla trop anguleux pour lui. Je suggérais Michelet quoique je ne sois pas du même angle que celui-ci, et de très loin. Mais je me suis dit qu’un acteur et un littéraire entrerait plus facilement dans la beauté de ce moment de l’histoire par une évocation fortement teintée de lyrisme comme celle-là. Le tout est de lui mettre l’eau à la bouche, en quelque sorte. Bien sûr on parla à table du revenu maximum annuel à trois cent mille euros. « Avant ou après impôt » me demande Luchini. Je lui explique que la tranche à cent pour cent est inclue dans le barème de l’impôt. Les trois cent mille euros restent acquis ! Peut-être l’ai-je rassuré ! Pourquoi cette somme, comment, et ainsi de suite. Je ne dis pas que j’ai convaincu mais je vois bien que l’idée est alors comprise dans son sens exact : ni une punition ni une aigreur sociale mais un choix de vie en société où il est mis une limite à l’accumulation et aux consommations ostentatoires. A noter : stupeur de la tablée d’apprendre que le revenu maximum fut voté la nuit du 4 aout quand furent abolis les privilèges féodaux. Le maximum à l’époque avait été fixé à 3000 livres de rente. Luchini n’a pas de raison a priori de nous être hostile. Et parmi tous ces gens que je vois là, si certains ne seront jamais de notre bord ni d’aucun appui politique, combien cependant sont venus me dire qu’ils votaient avec nous et comptaient sur nous. Mais oui ! Vous ne le croiriez pas. Moi aussi j’étais scotché. Et je ne parle pas seulement de ceux qui servent à table, ouvrent les portes qui étaient tous, parfois imprudemment selon moi, chaleureusement heureux des salutations que nous nous fîmes contre l’usage qui fait ignorer les « petites mains » dans ces sortes de soirées. Je parle de quelques-uns des beaux messieurs et belles dames avec qui j’ai passé la soirée et partagé le repas. Quant aux autres, quoi ? Ils sont aussi notre pays. Il importe aussi qu’ils comprennent ce que nous allons faire et pourquoi nous voulons le faire. Surtout s’ils ne veulent pas en entendre parler. Et puis je suis rentré chez moi dans un Paris au froid de loup. Ce matin, au métro vers la gare de l’est où j’allais prendre mon train pour retourner à Strasbourg, un homme dormait par terre dans le hall avec son chien. Les Cendrillons d’hier savaient-ils que tous les carrosses redeviennent des citrouilles après minuit dans ce monde ci ?
Ce matin un sms de victoire. Les camarades m’apprennent que les Pilpas ont gagné au tribunal. Peut-être mes lecteurs se souviennent-ils que je m’étais rendu dans l’entreprise en décembre pour soutenir la lutte, juste avant le meeting à Toulouse contre l’austérité ! Donc voilà : le plan social est rejeté. L’employeur est condamné à payer 2500 euros de frais de justice. Ces Pilpas vont sans doute fêter ça. C’est si dur de tenir en lutte ! Tout tient à la capacité du groupe humain à rester soudé. En tenant compte des contraintes qui pèsent sur chacun, et qui ne sont pas toujours dites car la pudeur est là aussi. Une victoire c’est comme un matin de printemps : plein de promesses. La cohésion se renforce, on prend confiance en soi. Mais je suppose qu’il faudra aussitôt penser la suite. Car les décisions de justice favorables aux travailleurs sont méprisées par les puissants. Ils comptent sur l’usure et l’angoisse du lendemain qui ronge les salariés. Ce mépris ne leur coute rien car il est rarement sanctionné. Et le nouveau gouvernement n’aide jamais. On se souvient du sort des Sodimédical et de leurs trente-deux victoires judiciaires. Et on se souvient du « on ne vous oublie pas » que le président Hollande leur avait lancé quand les salariées étaient venues l’interpeller à la foire de Chalons sur Marne. Pour finir, on sait la suite ! Si l’accord avec le MEDEF passe, les courageux qui peuvent bloquer individuellement un « accord d’entreprise » qui diminue les salaires ou allonge la durée du travail seront réduits au silence. D’autant que le texte signé prévoit que les licenciements se feront non plus sur des critères généraux, par exemple l’ancienneté dans l’entreprise, mais sur une évaluation des compétences professionnelles. Vague à souhait, cette disposition est faite pour pousser chacun à penser d’abord à sauver sa peau en compétition avec les autres. On devine le résultat sur l’action collective ! La lutte des classes….
Ambiance lunaire au parlement européen. Un « débat » impromptu a été décidé sur la situation au Mali. Dans cette enceinte subliminalement anti française et assez névrotique ment anglo-saxonne, la guerre du Mali a pourtant valu à notre pays beaucoup de remerciements. Comment aurait-il pu en être autrement ? Ici phosphore la plus grande concentration de bellicistes de la planète, après le parlement nord-américain bien sûr. Certes, Daniel Cohn-Bendit ne put s’empêcher de dire toute arrogance germanique bien bue que cette guerre « dépassait peut-être les moyens des Français ». Mais il jeta pourtant le bon pavé dans la mare. En effet il dit son malaise à entendre toutes les belles déclarations guerrières qui se succédaient mais qui au bout du compte n’empêchait pas que sur le terrain seuls les Français se trouvaient là. Les autres parlent. Et c’est tout. En effet. Comme ce néant ambulant de baronne Ashton, sommet d’une bureaucratie diplomatique dont elle attendait que la fonction créa l’organe et qui se résume à une couteuse nullité. Car il y a tout de même deux ans que tous les signaux d’alerte ont été donné en Europe sur la situation au Mali. Et pas que là ! Les grands esprits et la pauvre baronne en restèrent à la seule chose qui compte à leurs yeux : l’imposition de gré ou de force d’accords commerciaux de libre-échange. Ceux-là même qui disloquent ce qui reste d’Etat après dix années de politique violente d’ajustement structurel sous la houlette du FMI et de la banque mondiale. Un train-train libéral tellement aveuglé qu’il continue pendant que l’effondrement de l’état malien en signifie l’insondable cruelle stupidité. Même l’ONU a déclaré que ces accords étaient de nature à mettre en péril l’économie des Etats concernés. Mais quoi ? L’ONU, pour ces gens-là c’est pour faire la guerre avec bonne conscience. Pas pour donner un avis économique. Le jour même où ce ramassis de bavards sans consistance avait achevé leur « débat » arrivait dans les tuyaux du vote un rapport concernant l’approbation de tout le train d’accords avec les pays d’Afrique qui ont cédé aux injonctions européennes. Les récalcitrants sont en cours d’intimidation et sous le coup de diverses menaces comme celle de se voir fermer le libre accès aux marchés européens ! Une audace protectionniste réservée à quelques-uns donc. Telle est « l’Europe qui nous protège ». Ce matin j’ai appris que l’Europe allait réfléchir aux mesures à prendre pour former l’armée malienne. Scrogneugneu, on va voir ce qu’on va voir ! La baronne peut aller piocher des idées auprès des USA qui ont déjà dépensé des millions de dollars dans cette formation pour ces officiers maliens qui sont maintenant en guerre contre l’armée régulière. Les gringos sont les rantanplans militaires de la planète.
Le jour de la guerre juste, urgente et bienfaisante.
Quand la guerre commence, amis lecteurs, sortons notre barda de combat. Je ne parle ni d’armes ni d’aucune des impédimentas d’une armée en campagne. Je parle de notre modeste cerveau et de nos capacités d’analyse et de mémoire. Et aussi de nos capacités d’empathie.
Mali : ils le savaient avant
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Oui, j’ai bien écrit « empathie ». Les dévastations de la guerre, les ruines et les plaies, les morts et les blessés, sont davantage que des quantités que les nombres résument. Dans la guerre davantage que dans n’importe quelle autre calamité tout est humain. De tout cela, des êtres humains sont responsables, ce sont eux qui commencent la scène, qui la finissent, eux qui sont les causes et vivent les effets. Nous, qui ne sommes pas sur le front, ni sous le feu des combats mortels, nous sommes pourtant pilonnés là où nous sommes disponibles. C’est-à-dire dans notre imaginaire et dans notre capacité à comprendre ce qui se passe. Car c’est bien là que tout se joue pour nous si nous voulons y trouver notre place et notre accomplir nos devoirs de citoyen que tout concerne. Quand la guerre commence les étiquettes volent dans l’air et se collent comme des mouches sur les points de vue qui s’expriment. Le paysage est construit au premier coup de feu. D’un côté les « pour » de l’autre les « contre ». D’un côté les patriotes de l’autre les tireurs dans le dos. Les guerriers et les défaitistes. Et ainsi de suite. Le paysage de l’esprit en temps de guerre semble contraint au noir et blanc.
La première fois j’en fus tout culbuté. Penser de façon autonome exigea un énorme effort de contrôle de soi et une obsession de la documentation qui confinait au bachotage. Ce fut pour la première guerre d’Iraq. Je m’y opposais. J’avais du cran. D’abord parce que le président Mitterrand en était. Ensuite parce que les bienfaits attendus de la guerre était très évidents. Non seulement l’odieux Saddam Hussein allait devoir évacuer le pauvre petit Koweït mais en plus les monarchies du golfe, à commencer par celle du Koweït, allaient ensuite se tourner vers la démocratie et le respect du droits des femmes en particulier. Mais j’y ai pris le goût de penser tout seul et de tenir tête de tous côtés. Ce fut bien utile quand je me suis ensuite opposé à la guerre en Somalie contre « l’ennemi public numéro un » des Etats unis et de l’occident, le général Aïdid, épisode et ennemi dont malheureusement personne ne se souvient. Là encore il fallait de l’audace car il s’agissait de sauver les somaliens de la famine, rétablir l’état et la démocratie. Puis ce fut guerre d’Afghanistan contre le mollah Omar et les odieux talibans de ce temps-là. Mon incroyable refus à cette occasion montre bien que je suis « toujours contre tout », même le meilleur, puisqu’il s’agissait quand même de sauver la démocratie, de rétablir les droits des femmes et je ne sais plus quoi d’autre encore très bon et très juste. Du coup à la deuxième guerre d’Iraq je fus tout surpris de voir que je n’aurais pas à résister tout seul contre le rétablissement de la démocratie, de la paix civile et contre les armes de destruction massive alors que chacune de ces raisons avait paru suffisante, la fois d’avant, pour me faire peindre en munichois avec du goudron et des plumes. Au moment de la guerre de Libye, j’eus droit au goudron et aux plumes de nouveau, mais des deux côtés de la dispute. Après avoir voté au parlement européen un vœu comportant mention d’une zone d’exclusion de l’espace aérien sur décision de l’ONU, je me vis peint en suppôt de l’impérialisme. Mais je fus vite repeint, moins d’une semaine plus tard par le point de vue adverse, en grossier anti-américain et munichois viscéral pour avoir condamné l’entrée en guerre, les bombardements et l’arrivée de l’Otan. Il est vrai qu’il était question de rétablir la démocratie, la paix civile et encore bien d’autres choses excellentes que seul un esprit butté comme moi ne pouvait accepter de soutenir. J’ai dû oublier une guerre où l’autre dans ce petit récit. Il me sert de mise en garde : je suis entraîné, cultivé et sachant. Le son du clairon n’arrive pas à m’empêcher de penser ni à me faire oublier ce que je sais. Et ce n’est pas parce que la guerre est en noir et blanc que l’intelligence doit s’y conformer. Le bilan des précédentes excellentes guerres à mener d’urgence et sans débat possible est disponible aux yeux de tous. Le souvenir est encore frais de la clameur des louanges précédentes pour les stratèges, héros et grands penseurs des glorieux épisodes précédents. Impossible d’oublier ces civils ampoulés que les mots de la guerre virilisaient jusqu’à l’épectase, ces militaires à la retraite se disputant les plateaux de télé, bref de toute cette faune qui nous accablaient de sa suffisance et de ses certitudes et leur refrain de trompettes ! Leurs clones sont de retour. Allons de notre côté. Continuons à penser. Pour tenir bon il faut comme toujours avoir des principes. Quelle est la légitimité de l’action ? Qui agit, et décide, et de quel droit ? Quels sont les buts de guerre ? Ça aide pour commencer.
La guerre du Mali est d’abord une guerre. Ce qui se déroule et ce qui se prépare soulève des problèmes techniques et politiques souvent liés -mais pas toujours- et engendre des situations qui ont leur autonomie. De plus, cela va de soi, ce qui se déroule modifie de fond en comble toutes les données politique et les rapports de force antérieurs. Et chaque étape de son déroulement, la guerre réorganise le futur lointain qui lui restera lié. Dans la vie des êtres humains, la guerre est comme un seuil entre deux moments qui obéissent à des lois différentes. Jamais autant qu’après l’enclenchement d’une guerre il n’y a autant un avant et un après. La guerre génère une illusion d’optique extrêmement dangereuse. Elle fait croire que les problèmes sont assez simples pour se régler par la force. Ici vaincre les bandits peints en islamistes ne doit pas faire perdre de vue que la sécession du nord du pays est antérieure à leur arrivée. Quelle a une base très ancienne et que cette affaire implique plusieurs pays de la zone contenant une population Touareg. Je n’ose écrire berbère pour ne pas compliquer l’analyse. Stopper une colonne de pick-ups est une chose. Reconquérir le nord du pays une tout autre affaire. Le reconquérir contre qui ? Les islamistes ou les Touaregs ? Et pour rendre le terrain repris à qui ? Les putschistes au pouvoir ? Des élus ? Donc nous allons organiser les élections ? La définition des buts de guerre est un commencement indispensable.
Hollande avait à peine fini de parler quand j’ai écrit mon communiqué à propos de l’intervention au Mali. On devine que j’ai pesé mes mots. On comprend aussi après ce que je viens de raconter ce que sont devenues toutes les nuances de ce que j’ai écrit : une transcription en noir et blanc. Qui n’est pas « pour », sans condition, sans réserve, sans question, sans mémoire et sans prédiction défavorable est donc « contre ». C’est-à-dire pour « laisser faire ». Donc pour la prise de Bamako par les terroristes, pour la charia, les supplices publics et l’asservissement des femmes. A moins qu’étant opposé à tout cela, mais sans me mettre au garde à vous, je sois seulement un inconscient des réalités de notre temps « dans-le-monde-qui-change-et-où-il-faut-defendre-les-frontières-de-la-démocratie-et-des-droits-de-l’homme-et-surtout-ceux-des-femmes » devant chaque pick-up rempli de barbus. Amen !
Ceci étant mis en facteur commun contre tout ce que je vais écrire à présent, voyons ce que j’ai osé dire, dix minutes après que Hollande ait parlé. J’ai affirmé que l’intérêt d’une telle intervention pour régler le problème posé au nord de ce pays était discutable. Puis j’ai ajouté que l’intérêt de mener cette opération, alors que les intérêts fondamentaux de la France ne sont pas en cause selon le président lui-même, est très discutable à moins de se proclamer Zorro de la planète. D’autant plus discutable qu’il y a des armées africaines très professionnelles dans le secteur. Puis j’ai conclu en notant que le fait de décider cela tout seul sans saisir le gouvernement ni le parlement est condamnable. Ce sera mon plan pour poser ici quelques arguments qui valent la peine de marquer une pause dans la marche au pas des esprits et des commentaires.
On a vu pourquoi est discutable l’idée de penser régler par la force et comme une seule question l’agression islamiste et la sécession du nord du Mali. Mais la légalité internationale de l’intervention elle-même n’est pas aussi assurée que le gouvernement veut bien le dire. Contrairement à ce qu'affirment nombre de médias sans l'avoir vérifié, cette intervention n'a été ni autorisée a priori, ni validée a posteriori par l'ONU. Les paragraphes 10 et 11 de la résolution 2085 de l’ONU, demandaient d'ailleurs expressément aux parties engagées dans la planification militaire des opérations (CDEAO, Union africaine, pays voisins du Mali, autres pays de la région, partenaires bilatéraux et organisations internationales) de retourner devant le Conseil de sécurité « avant le lancement des offensives ». Or cela n’a pas été fait. C'est même l'ambassadeur de France auprès des Nations Unies, Gérard Arnaud, qui l'a avoué. Il admet lundi 14 janvier que l’intervention est une « opération française d’urgence » et pas encore une mise en œuvre de la Résolution 2085. Et il ajoute que la question de savoir comment passer de l’une à l’autre est « une vraie question ». En effet, c’est problème sérieux de savoir comment mettre en conformité une opération militaire française avec une mission internationale dont le nom même induit un commandement africain. La seule intervention pour laquelle l'ONU a clairement donné un mandat est celle d'une mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine, dite MISMA. Pourtant, de l’aveu même de l’ambassadeur français à l’ONU après la réunion qui s’est tenue à huis clos lundi 14 janvier et qui n’a donné lieu à aucune nouvelle résolution, les contingents africains n’étaient toujours pas arrivés à Bamako trois jours après le début de l’intervention. Notons que, dans les premières heures, l’orchestre médiatique affirma pourtant en boucle que l’intervention se faisait avec la participation de troupes africaines. Notez : en temps de guerre les informations pipeautées circulent vite et beaucoup par le biais des réseaux d’intoxication communicationnels, de la flemme, du panurgisme et de «l’ubris militaris » des médias.
Les inconditionnels de l’opération « Serval » invoquent l’article 51 de la Charte des Nations Unies qui prévoit un droit de défense légitime en cas d’attaque armée d’un pays membre. Or la légitimité de l’appel des autorités provisoires du Mali à une intervention française est aussi discutable : l’actuel gouvernement du pays n’est pas un gouvernement démocratique mais le résultat d’un coup d’état mené en mars 2012 par le capitaine putschiste Sanogo. Ce dernier impose maintenant ses décisions au président par intérim Dioncounda Traoré. Pour l’heure, aucune date n’est fixée pour la tenue des élections qui devaient avoir lieu en 2012. Il nous est donc non seulement permis d’affirmer que la légalité internationale de cette intervention est discutable mais aussi que la légitimité de l’appel à l’aide du gouvernement Malien fait problème. Même si cela n’enlève rien à la nécessité de stopper l’agression vers Bamako, cela montre que de toute façon le problème de départ reste entier. On ne peut commencer sans finir. Et pour finir il faut chasser ceux qui nous ont appelés. Dans son principe même l’intervention contient une logique de substitution de l’autorité au Mali. C’est l’aventure assurée.
Mon communiqué affirmait ensuite que la décision d’intervenir alors que les intérêts fondamentaux de la France ne sont pas en cause est discutable. C’est le Chef de l’Etat lui-même qui l’a dit dans son allocution en affirmant que «la France sera toujours là lorsqu’il s’agit, non pas de ses intérêts fondamentaux, mais des droits d’une population ». J’espère bien que ce n’est pas la nouvelle doctrine diplomatique de notre pays. Et encore moins sa nouvelle doctrine militaire ! Car sinon la France n’a pas fini d’intervenir partout. De plus, de quel droit s’agit-il ? Et de quelle population ? La phrase de Hollande n’a aucun sens concret. Pourquoi l’a-t-il prononcée ?
Pour finir, mon communiqué condamnait une décision prise par le seul Chef de l’Etat sans consultation préalable du Parlement et sans réunion du Gouvernement. Plus qu’ailleurs, ces instances doivent avoir leur mot à dire dans le domaine des interventions des forces armées à l’étranger. Nul besoin de revenir je crois sur la démonstration. Si le chef des armées est le président de la république, c’est aussi d’après l’idée que cela évite que les seuls paramètres des militaires comptent dans la décision de guerre à prendre. Il fut un temps récent où les socialistes le savaient. C’est d’ailleurs la substance d’un amendement (n°292) qu’avaient soumis les membres du groupe socialiste (signés par deux ministres actuels, Montebourg et Valls, et par l’actuel président du groupe Socialiste à l’Assemblée Nationale, Bruno Le Roux) au moment de la révision constitutionnelle de juillet 2008. Ils souhaitaient alors que « le Gouvernement informe le Parlement des interventions des forces armées à l’étranger dans les trois jours qui suivent le début de celles-ci », qu’il «précise les objectifs poursuivis et les effectifs engagés» et enfin qu’il soumette «ses propositions au vote des deux assemblées dans les deux semaines qui suivent leur information ». Ils motivaient cet amendement en expliquant que « dans une logique démocratique avancée, il est nécessaire que le Parlement se prononce par un vote ». Le PS a peut-être changé d’avis, moi pas.
L’égalité est une et indivisible
Je veux revenir sur la manifestation du 27 en soutien au « mariage pour tous ». Mes lignes sont destinées à aider à argumenter pour convaincre de faire l’effort de se mobiliser pour la manifestation du 27.
Je déplore l’inertie du PS qui se contente de parler alors qu’il dispose de tous les moyens lui permettant d’agir pour réussir une mobilisation de masse. Je le déplore d’autant plus qu’il a déclenché la bataille en sachant que le choc serait rude et qu’il y aurait une forte mobilisation des opposants au projet de loi. Rien n’a été pensé ni organisé de façon globale et cohérente. Tout est à la va comme je te pousse. Que ce soit pour la bataille d’influence dans la rue ou pour la bataille parlementaire où les amendements sur la PMA déposés et retirés aggravent l’impression désastreuse de marche à reculons.
Tous les êtres humains sont semblables par des besoins qui fondent des droits universels. De là nous tirons notre adhésion à l’idée de l’égalité absolue en droits des êtres humains. Dès lors nous considérons que la bataille qui se livre dans l’arène sociale à propos des droits des travailleurs est la même que celle qui se mène à propos du mariage et de l’adoption. Dans cette bataille, qui veut l’égalité à un endroit la veut toujours à l’autre. Inversement, qui ne veut pas l’égalité des droits civiques finit toujours par s’opposer aussi à l’égalité des droits sociaux. La bataille pour l’égalité des droits est une et indivisible.
On peut expliquer historiquement cette indivisibilité, en revenant au point nodal que fût la Révolution Française de 1789 : c’est là que s’est noué le rapport nécessaire qui existe aujourd’hui entre la lutte pour l’égalité des droits sociaux et celle pour l’égalité des droits civiques. La Révolution fût la première révolution menée par une nation au nom de principe et d’objectifs universels et pas nationaux. Une opposition brutale s’est alors manifestée entre des républicains libéraux qui se battaient pour l’avènement d’une société civile égalitaire conforme à leur conception universaliste de l’humanité et les conservateurs qui souhaitaient le maintien de l’ordre inégalitaire de l’Ancien Régime au prétexte théorique que l’inégalité naturelle avait permis l’établissement de cet ordre.
C’est cette opposition qui sous-tend aujourd’hui encore la lutte que nous devons mener. La droite et l’extrême-droite considèrent l’inégalité comme l’état de nature et bien sûr, la nature elle-même comme essentiellement inégalitaire. De Maurras qui affirmait que « l’égalité ne peut régner qu’en nivelant les libertés, inégales de leur nature » à Copé qui reproche à la gauche de « travestir la devise de la République » en se méprenant sur le sens de l’Egalité que nous entendrions comme « égalitarisme » (Discours du 31 janvier 2012), la droite et l’extrême droite ont toujours pensé que l’égalité n’était qu’une pondération nécessaire des libertés, non leur condition première. Dès lors, pour elles, toute lutte pour l’égalité des droits est une lutte contre-nature, qu’elle soit sociale ou civique. La conception naturaliste de la famille et la vision figée du couple ont cet arrière-plan philosophique et politique. Les adversaires de la liberté du mariage des homosexuels, tels que la droite et l’extrême droite, sont descendus dans la rue dimanche parce qu’ils pensent qu’un ordre naturel va être violé. Comme chaque fois que l’égalité est établie ils concluent que c’est au prix d’une violence contre nature.
Dans la question de la liberté du mariage homosexuel, il n’est donc pas question pour nous de faire preuve de « tolérance » ni même de bienveillance à l’égard des homosexuels mais bien de reconnaître un fait de la raison : tous les êtres humains sont égaux et doivent par conséquent avoir les mêmes droits. C’est aussi pour cette raison que nous ne saurions nous contenter de nous battre pour une loi qui serait vue comme une simple expérimentation. En tant qu’elle revendique et assume l’égalité absolue en droit des êtres humains, notre tâche est de convaincre la société que la lutte pour l’égalité des droits civiques est la même que la lutte pour l’égalité des droits sociaux. Plus forte sera l’adhésion de la société à cette égalité civile, plus forte sera la pression qui pèsera sur les conservateurs en matière sociale.
Lu dans vos commentaires…
247 - Hucher Alain dit le 22 janvier 2013 à 14h58
Les publications objectives sur Robespierre ne manquent pas. Deux récentes, Robespierre, la probité révoltante de Cécile Obligi et Robespierre Portraits croisés de M. Biard et P. Bourdin (sd). Pas des hagiographies mais des livres qui vont provoquer la réflexion.